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03/05/2012 | FRANCE | N°11-15154

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 2012, 11-15154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 janvier 2011), que la société Mény automobiles (la société Mény), distributeur agréé du réseau Alfa Roméo, a vendu à M. X... un véhicule neuf de cette marque, que ce dernier a fait assurer par la société Les Assurances du Crédit mutuel (son assureur) ; que plusieurs campagnes de rappel ont été mises en oeuvre par le constructeur, par circulaires adressées aux concessionnaires, s'agissant du réchauffeur de ce type de véhicule

, et par l'envoi d'un courrier adressé aux acquéreurs, concernant la modification ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 6 janvier 2011), que la société Mény automobiles (la société Mény), distributeur agréé du réseau Alfa Roméo, a vendu à M. X... un véhicule neuf de cette marque, que ce dernier a fait assurer par la société Les Assurances du Crédit mutuel (son assureur) ; que plusieurs campagnes de rappel ont été mises en oeuvre par le constructeur, par circulaires adressées aux concessionnaires, s'agissant du réchauffeur de ce type de véhicule, et par l'envoi d'un courrier adressé aux acquéreurs, concernant la modification de l'organe de verrouillage du capot ; qu'à la suite de ce courrier, M. X... a confié son véhicule à la société Mény, laquelle est intervenue sur le seul système de verrouillage du capot ; que le véhicule a ultérieurement pris feu alors qu'il était conduit par son propriétaire ; que M. X... et son assureur, se prévalant d'un rapport d'expertise judiciaire imputant ce sinistre à l'existence d'un vice caché, ont fait assigner la société Mény en réparation des préjudices subis, laquelle a appelé en garantie la société Fiat France (le constructeur) ; que cette dernière a reconventionnellement sollicité la réparation du préjudice occasionné par le manquement de la société Mény à ses obligations contractuelles ;

Attendu que la société Mény fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son action en garantie contre le constructeur, en suite de sa propre condamnation sur le fondement de la garantie des vices cachés prononcée au profit de M. X... et de son assureur et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts au constructeur, ainsi qu'aux dépens et aux frais irrépétibles, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en cas de vente d'un bien par un concessionnaire, le concédant est tenu à la garantie des vices cachés à l'égard de son concessionnaire dès lors que celle-ci a été mise en jeu à propos d'un vice de construction ou de fabrication ; qu'en l'espèce, en ayant écarté la garantie des vices cachés de la société Fiat France, fabriquant concédant, à l'égard de la société Mény automobiles, distributeur concessionnaire, au seul motif, inopérant, que la société Mény automobiles n'avait pas respecté ses engagements contractuels envers la société Fiat France, tandis qu'il était expressément constaté que les vices litigieux étaient des vices de construction ou de fabrication et qu'à travers le rappel n° 4778 qu'il avait adressé à ses concessionnaires, le distributeur concédant avait, du reste, établi qu'il en avait connaissance, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;

2°/ qu' en ne recherchant pas si les clauses 16.1 et 16.2 du contrat de distribution, sur lesquelles elle s'est fondée pour exonérer la société Fiat France de sa garantie des vices cachés, ne se bornaient pas uniquement à rappeler les obligations qui pesaient sur le concessionnaire en termes de respect des directives et des instructions que, dans le cadre de son propre devoir d'assistance matériel, technique et commercial, le concédant pouvait être amené à lui adresser ou si, au contraire, elles pouvaient s'analyser comme des clauses exonératoires de garantie, licites et efficaces, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil, ensemble l'article 1134 du même code ;

3°/ qu'enfin, l'exception d'inexécution ne saurait faire échec à l'action en garantie des vices cachés ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour exonérer le fabriquant de sa garantie des vices cachés, à se fonder sur les manquements aux articles 16.1 et 16.2 du contrat de distribution que la société Mény automobiles aurait commis sans rechercher si lesdits manquements revêtaient, le cas échéant, les caractéristiques de la force majeure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir retenu l'existence d'un vice caché de fabrication affectant le réchauffeur du véhicule vendu à M. X... et l'implication de cette pièce dans le sinistre dont il a été victime, l'arrêt relève que la société Mény, qui était tenue d'exécuter scrupuleusement les campagnes de rappel du constructeur conformément aux articles 16.1 et 16.2 de son contrat de distributeur agréé, a eu connaissance de celle qui était relative au réchauffeur avant que le véhicule ne lui soit confié et constate qu'elle n'y a pas procédé ; qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que le défaut d'exécution des travaux impérativement prescrits par le fabricant constituait une faute de la société Mény et relevé que ces travaux auraient permis de remédier au vice de fabrication en cause, la cour d'appel, a pu en déduire, sans avoir à procéder à d'autres recherches, que la faute commise par la société Mény constituait, à son égard, une cause d'exonération de la garantie du constructeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mény automobiles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... et à la société Assurances du Crédit mutuel IARD la somme globale de 1 200 euros et à la société Fiat la somme de 2 500 euros, et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Meny Automobiles.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MENY AUTOMOBILES, distributeur concessionnaire « Alfa Romeo », de son action en garantie contre la société FIAT FRANCE, vendeur fabriquant, ensuite de sa propre condamnation sur le fondement de la garantie des vices cachés prononcée au profit de M. Fabrice X..., acquéreur du véhicule, et de son assureur, la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD, et de l'avoir condamnée au paiement de 2.000,00 € de dommages-intérêts à la société FIAT FRANCE, ainsi qu'aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Aux motifs propres que « par la pièce portant le n° 3 de son bordereau, la société Fiat France rapporte la preuve que par le contrat de distribution conclu avec la société Mény Automobiles, cette dernière s'est engagée, dans les termes suivants, à exécuter scrupuleusement les travaux imposés dans le cadre des campagnes de rappel :

« Article 16.1 : le distributeur prendra toutes les mesures nécessaires pouvant être exigées par Alfa Romeo, et s'engage ainsi à effectuer avec toute la diligence nécessaire sur tous les véhicules de la marque Alfa Romeo circulant dans l'EEE, les opérations requises par Alfa Romeo dans le cadre de campagnes de rappel ou de service décidées par Alfa Romeo ou par une entité désignée.

Article 16.2 : le distributeur s'engage à exécuter scrupuleusement, sur tous les véhicules Alfa Romeo, les opérations demandées par Alfa Romeo ou par l'entité désignée en vue de la mise en oeuvre des campagnes de service spécial, de rappel ou de rectification notifiées par Alfa Romeo et de coopérer avec Alfa Romeo à cette fin. »

Par une exacte analyse des productions, les premiers juges ont retenu que la société Mény Automobiles avait eu connaissance de la circulaire papier du 23 novembre 2004, relative à la campagne de rappel n° 4778, avant que M. X... ne lui remette le véhicule, le 21 avril 2005, dans le cadre de la campagne de rappel n° 4770. En effet, avant cette date, la société Mény Auutomobiles était déjà intervenue sur d'autres véhicules pour exécuter les travaux prescrits par la circulaire du 23 novembre 2004, qui permettait sans ambiguïté de déterminer les véhicules concernés, et qui précisait que certains d'entre eux étaient également concernés par la campagne de rappel n° 4770, au sujet de laquelle les clients avaient déjà été informés par lettre recommandée, comme c'était le cas de M. X....

Le défaut d'exécution par la société Mény Automobiles des travaux impérativement prescrits par le fabriquant, par l'intermédiaire de la société Fiat France, pour remédier au vice de fabrication qui entachait la résistance du réchauffeur constitue donc pour le constructeur une cause exonératoire de garantie, si bien que le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées par la société Mény Automobiles à l'encontre de la société Fiat France » ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « la société MENY AUTOMOBILES sollicite la garantie de la société FIAT FRANCE, en sa qualité de constructeur du véhicule de Monsieur X... ;

… que le vice caché établi en l'espèce, qui affecte le réchauffeur additionnel, constitue en effet un défaut de construction du véhicule ;

… qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le véhicule de Monsieur X... était visé par la campagne de rappel n° 4778 diligentée par la société FIAT FRANCE le 23 novembre 2004, ayant précisément pour objet d'intervenir sur le réchauffement additionnel afin d'éviter les problèmes de sur-échauffement ;

… que pour rejeter sa responsabilité sur celle du constructeur, la société MENY AUTOMOBILES fait valoir qu'au mois d'avril 2005, lorsqu'elle a effectué sur le véhicule de Monsieur X... l'intervention stipulée par la campagne de rappel n° 4770 relative au verrouillage du capot, elle n'était aucunement informée de la nécessité de procéder également sur ce véhicule à l'intervention sur le réchauffeur additionnel prévue par la campagne n° 4778 ;

… plus précisément que la société MENY AUTOMOBILES reconnaît expressément qu'à cette période, elle connaissait l'existence de la campagne de rappel n° 4778, mais qu'elle ignorait combien de véhicules et quels véhicules étaient concernés par celleci ;

Qu'elle fait valoir notamment à ce titre qu'elle ne disposait pas au mois d'avril 2005 du système informatique lui permettant de taper le numéro de série du véhicule afin de visualiser les campagnes en cours et celles non réalisées à cette date ;

Qu'elle précise en outre que Monsieur X... n'avait pas non plus été informé par courrier recommandé de cette campagne, alors qu'il l'avait été s'agissant de la campagne n° 4770 ;

… que s'agissant de la société FIAT FRANCE, celle-ci reconnaît qu'au mois d'avril 2005, la campagne de rappel n° 4778 n'avait pas été notifiée directement aux propriétaires des véhicules concernés, mais qu'en revanche, les distributeurs avaient été informés d'une part par le biais d'une circulaire interne envoyée le 23 novembre 2004, et d'autre part par la voie électronique, au moyen de la base de données mise à la disposition du réseau FIAT permettant de sélectionner et de consulter l'historique électronique de chaque châssis, lequel comprend une mention des campagnes de rappel à effectuer ;

… que s'il n'apparaît pas possible de savoir avec certitude si, au mois d'avril 2005, la société MENY AUTOMOBILES disposait, ou non, du système informatique sus visé, il n'en demeure pas moins qu'à cette date, la société MENY connaissait effectivement l'existence de la campagne n° 4778, ainsi qu'elle le reconnaît expressément dans ses écritures ;

… par ailleurs qu'il est établi par les pièces versées aux débats par la société FIAT FRANCE que, durant la période litigieuse, la société MENY AUTOMOBILES a réalisé la campagne n° 4778 sur plusieurs véhicules distribués par le réseau ALFA ROMEO et que les demandes en garantie formées en remboursement de ses interventions auprès de la société FIAT FRANCE portaient toutes sur les pièces et le temps de main d'oeuvre forfaitaire mentionnés dans la circulaire du 23 novembre 2004, à savoir les pièces portant les références 71739525 et 14560187, avec un temps de main d'oeuvre « du type A : 0, 20h » ;

… que ces demandes de garantie, qui portent exclusivement sur les pièces nécessaires à l'intervention spécifiée par la circulaire de FIAT FRANCE du 23 novembre 2004 et qui font toutes état de l'unique temps de main d'oeuvre spécifié par ladite circulaire, demandes de garantie dont il convient de préciser que plusieurs sont relatives à des interventions réalisées avant le 21 avril 2005, démontrent qu'à cette date du 21 avril 2005, la société MENY AUTOMOBILES, contrairement à ce qu'elle prétend, avait nécessairement eu connaissance de ladite circulaire du 23 novembre 2004 ;

… que la circulaire en question mentionne les châssis concernés par la campagne, et notamment les châssis allant du numéro 05041468 au n° 05097241, parmi lesquels se trouve le véhicule de Monsieur X..., dont le numéro de châssis est 05082677 ;

… qu'il est ainsi établi qu'à la date du 21 avril 2005, la société MENY AUTOMOBILES était informée de l'obligation pour elle de procéder à la réalisation de la campagne de rappel n° 4778 sur le véhicule de Monsieur X... ;

… qu'en omettant d'effectuer cette campagne de rappel, la société MENY AUTOMOBILES a commis une faute professionnelle qui engage sa responsabilité civile à l'égard de la société FIAT FRANCE ;

… que cette faute constitue la cause exclusive du sinistre incendie survenu au véhicule de Monsieur X... le 03 janvier 2007 ;

… que ladite faute prive ainsi totalement la société MENY AUTOMOBILES du droit d'exercer un recours en garantie contre la société FIAT France, la société MENY AUTOMOBILES étant au final l'unique responsable du sinistre ;

… qu'il y a lieu dès lors de débouter la société MENY AUTOMOBILES de sa demande de garantie formée à l'encontre de la société FIAT FRANCE » ;

1. Alors que, d'une part et à titre principal, en cas de vente d'un bien par un concessionnaire, le concédant est tenu à la garantie des vices cachés à l'égard de son concessionnaire dès lors que celle-ci a été mise en jeu à propos d'un vice de construction ou de fabrication ; qu'en l'espèce, en ayant écarté la garantie des vices cachés de la société FIAT FRANCE, fabriquant concédant, à l'égard de la société MENY AUTOMOBILES, distributeur concessionnaire, au seul motif, inopérant, que la société MENY AUTOMOBILES n'avait pas respecté ses engagements contractuels envers la société FIAT FRANCE, tandis qu'il était expressément constaté que les vices litigieux étaient des vices de construction ou de fabrication et qu'à travers le rappel n° 4778 qu'il avait adressé à ses concessionnaires, le distributeur concédant avait, du reste, établi qu'il en avait connaissance, la Cour d'appel a violé l'article 1641 du Code civil ;

2. Alors que, d'autre part et à titre subsidiaire, en ne recherchant pas si les clauses 16.1 et 16.2 du contrat de distribution, sur lesquelles elle s'est fondée pour exonérer la société FIAT FRANCE de sa garantie des vices cachés, ne se bornaient pas uniquement à rappeler les obligations qui pesaient sur le concessionnaire en termes de respect des directives et des instructions que, dans le cadre de son propre devoir d'assistance matériel, technique et commercial, le concédant pouvait être amené à lui adresser ou si, au contraire, elles pouvaient s'analyser comme des clauses exonératoires de garantie, licites et efficaces, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code ;

3. Alors qu'enfin et toujours à titre subsidiaire, l'exception d'inexécution ne saurait faire échec à l'action en garantie des vices cachés ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour exonérer le fabriquant de sa garantie des vices cachés, à se fonder sur les manquements aux articles 16.1 et 16.2 du contrat de distribution que la société MENY AUTOMOBILES aurait commis sans rechercher si lesdits manquements revêtaient, le cas échéant, les caractéristiques de la force majeure, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-15154
Date de la décision : 03/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 06 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 2012, pourvoi n°11-15154


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Bénabent, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.15154
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