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03/05/2012 | FRANCE | N°11-11493

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mai 2012, 11-11493


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 novembre 2010), que Mme X... a été engagée, le 2 avril 2001, en qualité de comptable par la société SOGEFI, aux droits de laquelle vient la société IGH ; que la salariée a saisi le 5 mars 2008 la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de frais de déplacements ; qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur, outre le défaut de paiement de ces frais professionnels, le non-respect de son engagement concernant une augm

entation de rémunération ;

Sur le premier moyen :
Attendu que la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 novembre 2010), que Mme X... a été engagée, le 2 avril 2001, en qualité de comptable par la société SOGEFI, aux droits de laquelle vient la société IGH ; que la salariée a saisi le 5 mars 2008 la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de frais de déplacements ; qu'elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur, outre le défaut de paiement de ces frais professionnels, le non-respect de son engagement concernant une augmentation de rémunération ;

Sur le premier moyen :
Attendu que la société IGH fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée certaines sommes au titre des frais de déplacement, alors, selon le moyen, que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que, pour considérer que la salariée n'avait jamais quitté l'établissement de Châteauneuf-de-Gadagne, de sorte que ses frais de déplacement devaient être calculés à partir de cet établissement, la cour d'appel a affirmé que "le changement d'affectation n'a pas été concrétisé" ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la salariée reconnaissait que dès le 10 mai, elle avait donné son accord à sa mutation à Aix-en-Provence et assumé ses nouvelles fonctions et que "l'employeur avait procédé aux formalités de mutation de la salariée en vue de son affectation sur le site aixois", la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait procédé aux formalités en vue de la mutation de la salariée sur le site aixois, sans constater que la mutation à Aix-en-provence avait été effective, ne s'est pas contredite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société IGH fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte notifiée le 30 avril 2008 s'analysait en licenciement nul en raison de l'état de grossesse de la salariée et de la condamner à payer diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui fait obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés par Mme Y... à son employeur, à savoir le défaut de règlement de ses frais professionnels pour la période de juin à septembre 2007 et l'absence d'augmentation à compter du mois de mai 2007, étaient antérieurs de plusieurs mois à sa prise d'acte, en date du 30 avril 2008, et n'avaient pas empêché la poursuite de son contrat de travail pendant sept mois ; qu'en jugeant néanmoins ces faits comme suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat par le salarié, quand il résultait de ses propres constatations que s'il y avait eu manquements de l'employeur, ceux-ci n'étaient pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que ce n'est que si le salarié n'entend pas poursuivre l'exécution de son contrat de travail que l'inexécution par l'employeur de ses obligations entraîne la rupture du contrat de travail ; qu'il est constant qu'après s'être expressément vue refuser l'augmentation sollicitée, en septembre 2007, la salariée a préféré retourner travailler dans les locaux de la société IGH sis à Châteauneuf-de-Gadagne, où elle est restée sept mois, jusqu'à sa prise d'acte en avril 2008 ; qu'en jugeant que ce fait justifiait la prise d'acte aux torts de l'employeur, sans rechercher si la volonté affichée du salarié de poursuivre son contrat à la suite des agissements reprochés à l'employeur ne faisait pas obstacle à la rupture de ce contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
3°/ que la cour d'appel a jugé que les frais de déplacement devaient être calculés en fonction du trajet effectué entre l'établissement où est affecté le salarié et son lieu de travail effectif, comme le soutenait l'employeur, et non entre le domicile du salarié et son lieu de travail, comme le revendiquait la salariée ; qu'elle a ainsi reconnu que le refus de l'employeur de payer les frais de déplacement réclamés par la salariée selon des modalités erronées était en partie justifié ; qu'en jugeant néanmoins l'employeur comme fautif pour n'avoir pas payé les frais de déplacement réclamés par la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
4°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que l'employeur exposait dans ses écritures que l'attestation d'emploi du 15 mai 2007, censée prouver que l'employeur lui avait proposé une augmentation de 500 euros, était en contradiction avec les propres affirmations de la salariée ; qu'en effet, celle-ci prétendait avoir obtenu une augmentation de 500 euros bruts alors que la somme figurant sur l'attestation litigieuse correspondait à une augmentation de 500 euros net puisqu'elle fait état d'un salaire net mensuel de 3 067,29 euros alors que le salaire net de Mme Y... était de 2 561,37 euros ; qu'en omettant de répondre à ce chef des conclusions de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5 °/ que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en affirmant qu'"il semble en effet peu probable que l'époux de l'appelante ait démissionné de son emploi et que l'immeuble du couple ait été mis en vente en l'absence d'assurance de la part de l'employeur de Mme Y... sur ses projets professionnels immédiats", la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'alors que la salariée était en droit de prendre ses nouvelles fonctions dans les conditions convenues, l'employeur était revenu sur ses engagements en ne lui proposant que de la maintenir dans son emploi précédent et aux conditions antérieures, la cour d'appel, non tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement décidé que le manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles était suffisamment grave pour justifier la prise d'acte ; que le moyen, qui critique un motif surabondant dans sa cinquième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société IGH à payer les dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société IGH à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société IGH
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SARL IGH à payer à madame Y... les sommes de 2.872,39 euros au titre des frais de déplacements ;
AUX MOTIFS QUE l'existence d'un accord aux termes duquel l'employeur s'engageait à prendre en charge les frais de déplacement exposés par Madame Y... pendant une certaine durée n'est pas contestée ; l'employeur soutenant qu'il s'agissait de prendre en compte les distances parcourues entre le siège de la société à Châteauneuf de Gadagne et les filiales situées à Saint Cannat et Aix en Provence durant trois mois le temps qu'elle s'installe sur Aix. Ainsi, la salariée a été défrayée, au moins pour partie, pour la période du 12 mars au 4 juillet 2007. Le litige porte sur la période postérieure 25 juin 2007. Madame Y... considère que le trajet à prendre en compte était celui au départ de son domicile soit Carpentras. Or, si Madame Y... a pu faire prendre en charge des notes de frais au départ de son domicile, le remboursement des frais ne devait intervenir qu'au départ du siège de l'entreprise dans laquelle elle était affectée. En effet, d'une part si l'employeur est tenu de rembourser au salarié les frais engagés pour l'exécution de son travail, il ne lui incombe nullement d'assurer la prise en charge des trajets entre le domicile du salarié et le lieu de travail habituel, d'autre part il est établi par la production des états de frais concernant d'autres salariés, que la pratique dans la société était bien de ne rembourser les frais de déplacement qu'au départ du lieu de travail. La SARL IGH a réglé la somme de 3.706,86 euros au titre des frais de déplacements pour l'année 2007 correspondant aux 6359 KM effectués alors que 14066 km étaient facturés par Madame Y.... En réalité, au regard des termes du courrier adressé par l'employeur le 15 novembre 2007, il apparaît que Madame Y... a été réaffectée dans l'établissement de Châteauneuf de Gadagne après le 28 septembre 2007, établissement qu'elle n'avait en pratique jamais quitté. Elle était invitée à présenter ses frais de déplacements pour la période du 25 juin au 28 septembre 2007. L'employeur a, dans un premier temps, considéré qu'il n'avait plus à régler les frais au départ de Châteauneuf de Gadagne dans la mesure où Madame Y... n'était plus basée sur ce site. Or, en réalité, le changement d'affectation n'a pas été concrétisé pour les raisons expliquées ci-après en sorte que Madame Y... est censée n'avoir jamais quitté cet établissement. Elle a toutefois continué à travailler au sein des établissements d'Aix en Provence et de Saint Cannat. La SARL I.G.H. était donc tenue de lui régler ses frais. Au vu des décomptes produits par Madame Y... d'une part et de l'employeur d'autre part, la cour est en mesure de calculer l'indemnité revenant à la salariée à ce titre:- nombre de kilomètres parcourus sur l'année 2007 : 5000 et 20000, barème 2007 : (d x 0,293) = 1 140 ;- nombre de kilomètres effectués (25/06/2007 à 11110/2007) : 6 263,6- nombre de kilomètres payés: 1708- solde ( 6 263,6 - 1 708 x: 0,293) + 1.140 = 2.474,79 euros- frais d'autoroute: 397,6 eurosTotal: 2.872,39 euros En dépit des demandes réitérées de la salariée notamment par courriers des 1er octobre, 22 novembre 2007, 13 janvier et 19 février 2008, restés sans réponse, la SARL.I.G.H. n'a proposé aucun paiement. Il sera fait droit à la demande à concurrence de ce qui précède ;

ET AUX MOTIFS QUE Madame Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 30 avril 2008 rédigé en ces termes: « Naïvement j'avais espéré obtenir lors de l'audience de conciliation du 9 avril 2008, sinon un dédommagement pour l'attitude que vous avez adoptée à mon égard ces derniers mois, tout au moins le remboursement de mes frais de déplacement. Il n'en n'a rien été, ce qui à mes yeux ne fait que confirmer le mépris que vous avez non seulement des engagements souscrits mais également de ma personne et de mon sort ; le 9 mai vous m'avez proposé d'assumer à temps complet la gestion de la comptabilité des sociétés AGELOS et LA JAUBERTE à SAINT CANNAT et Aix EN PROVENCE, ce qui impliquait mon déménagement. Afin de m'y inciter, vous m'avez promis une augmentation de salaire de 500 € brut, une évolution de carrière et une prise en charge de mes frais de déplacement durant trois mois, le temps nécessaire à ce que je vende ma maison et retrouve un logement à proximité de mon nouveau lieu de travail. Dès le 10 mai j'ai donné mon accord et j'ai assumé mes nouvelles fonctions. Mon époux a démissionné, nous avons mis la maison en vente et engagé un projet de construction. Or, mes frais n'ont été remboursés que jusqu'au 21 juin et aucune augmentation de salaire n'est intervenue. De vive voix vous m'avez indiqué que ces retards involontaires seraient rapidement corrigés. Néanmoins le 21/09/07 vous m'avez finalement annoncé qu'il n'y aurait pas augmentation de traitement et que si je n'en étais pas satisfaite je n'avais qu'à revenir travailler à CHATEAUNEUF DE GADAGNE. Ce que j'ai fait puisque vous reveniez sur vos engagements. En novembre 2007 vous avez promis de payer les déplacements effectués mais rien n'est venu. Après trois courriers et une audience devant le conseil des prud'hommes la situation n'a pas évolué. Votre attitude m'a profondément affectée et bien que j'attende un second enfant, je considère qu'elle rend impossible la poursuite de la relation de travail. Je prends donc acte de la rupture de mon contrat et vous demande de m'adresser sans délai mon certificat de travail, mon attestation ASSEDIC, mon dernier bulletin de salaire ». La prise d'acte ne sanctionne que le manquement de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. En l'espèce, il résulte d'une attestation d'emploi signée le 15 mai 2007 par le gérant de la SARL I.G.H., Monsieur A..., que le salaire de Madame Y... s'élevait à 3.067,29 euros Le calcul opéré par l'appelante confirme que le montant de ce salaire correspond à celui qu'elle percevait auparavant augmenté de la somme brute de 500,00 euros ce qui démontre la réalité de sa propre relation des faits. L'intimée ne saurait contester l'authenticité de ce document aux seuls motifs qu'il aurait été établi par la salariée elle même et qu'il aurait été signé par inadvertance par le gérant de la société. De tels arguments sont dénués de sérieux. Les déclarations de l'intimée sont corroborées par ailleurs par Madame B... à laquelle Madame Y... a rapporté les termes de l'entretien qu'elle venait d'avoir le 9 mai 2007 avec Messieurs A... et C..., directeur financier de la société. Ce dernier ne conteste au demeurant pas la réalité de cette discussion mais en limite la portée en déclarant par voie d'attestation qu'aucune date et aucun montant exact n'avaient été prévus concernant cette évolution de carrière. Il semble en effet peu probable que l'époux de l'appelante ait démissionné de son emploi et que l'immeuble du couple ait été mis en vente en l'absence d'assurance de la part de l'employeur de Madame Y... sur ses projets professionnels immédiats. L'employeur avait procédé aux formalités de mutation de la salariée en vue de son affectation sur le site aixois. Madame Y... était donc en droit d'attendre de prendre ses fonctions dans les conditions ainsi convenues. Dès lors en revenant sur ses engagements alors qu'il savait sa salariée en difficulté après avoir pris ses dispositions afin d'intégrer dans les meilleures conditions son futur poste dans la région aixoise, et en lui proposant pour seule alternative de réintégrer son emploi sur Châteauneuf de Gadagne, l'employeur a commis un manquement suffisamment caractérisé à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail qui, ajouté au non paiement des frais de déplacements, justifiait la prise d'acte de rupture par Madame Y... de son contrat de travail. Cette dernière étant au surplus enceinte lors de cette prise d'acte, celle-ci produit donc les effets d'un licenciement nul ;
ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que, pour considérer que la salariée n'avait jamais quitté l'établissement de Châteauneuf-de-Gadagne, de sorte que ses frais de déplacement devaient être calculés à partir de cet établissement, la Cour d'appel a affirmé que « le changement d'affectation n'a pas été concrétisé » (arrêt p.7 § 4) ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que la salariée reconnaissait que dès le 10 mai, elle avait donné son accord à sa mutation à Aix-en-Provence et assumé ses nouvelles fonctions (p. 8 § 2) et que « l'employeur avait procédé aux formalités de mutation de la salariée en vue de son affectation sur le site aixois » (p. 9 § 2), la Cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture notifiée le 30 avril 2008 par madame Y... s'analysait en un licenciement nul en raison de l'état de grossesse de la salariée et d'AVOIR condamné, en conséquence, la SARL IGH à payer à madame Y... les sommes de 2.872,39 euros au titre des frais de déplacements, euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 6.500 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 650 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 4.436,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, dit que ces sommes produiront intérêts à compter du 24 septembre 2008 et ordonné la capitalisation des intérêts à compter de cette date ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 30 avril 2008 rédigé en ces termes: « Naïvement j'avais espéré obtenir lors de l'audience de conciliation du 9 avril 2008, sinon un dédommagement pour l'attitude que vous avez adoptée à mon égard ces derniers mois, tout au moins le remboursement de mes frais de déplacement. Il n'en n'a rien été, ce qui à mes yeux ne fait que confirmer le mépris que vous avez non seulement des engagements souscrits mais également de ma personne et de mon sort ; le 9 mai vous m'avez proposé d'assumer à temps complet la gestion de la comptabilité des sociétés AGELOS et LA JAUBERTE à SAINT CANNAT et Aix EN PROVENCE, ce qui impliquait mon déménagement. Afin de m'y inciter, vous m'avez promis une augmentation de salaire de 500 € brut, une évolution de carrière et une prise en charge de mes frais de déplacement durant trois mois, le temps nécessaire à ce que je vende ma maison et retrouve un logement à proximité de mon nouveau lieu de travail. Dès le 10 mai j'ai donné mon accord et j'ai assumé mes nouvelles fonctions. Mon époux a démissionné, nous avons mis la maison en vente et engagé un projet de construction. Or, mes frais n'ont été remboursés que jusqu'au 21 juin et aucune augmentation de salaire n'est intervenue. De vive voix vous m'avez indiqué que ces retards involontaires seraient rapidement corrigés. Néanmoins le 21/09/07 vous m'avez finalement annoncé qu'il n'y aurait pas augmentation de traitement et que si je n'en étais pas satisfaite je n'avais qu'à revenir travailler à CHATEAUNEUF DE GADAGNE. Ce que j'ai fait puisque vous reveniez sur vos engagements. En novembre 2007 vous avez promis de payer les déplacements effectués mais rien n'est venu. Après trois courriers et une audience devant le conseil des prud'hommes la situation n'a pas évolué. Votre attitude m'a profondément affectée et bien que j'attende un second enfant, je considère qu'elle rend impossible la poursuite de la relation de travail. Je prends donc acte de la rupture de mon contrat et vous demande de m'adresser sans délai mon certificat de travail, mon attestation ASSEDIC, mon dernier bulletin de salaire ». La prise d'acte ne sanctionne que le manquement de l'employeur de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. En l'espèce, il résulte d'une attestation d'emploi signée le 15 mai 2007 par le gérant de la SARL I.G.H., Monsieur A..., que le salaire de Madame Y... s'élevait à 3.067,29 euros Le calcul opéré par l'appelante confirme que le montant de ce salaire correspond à celui qu'elle percevait auparavant augmenté de la somme brute de 500,00 euros ce qui démontre la réalité de sa propre relation des faits. L'intimée ne saurait contester l'authenticité de ce document aux seuls motifs qu'il aurait été établi par la salariée elle même et qu'il aurait été signé par inadvertance par le gérant de la société. De tels arguments sont dénués de sérieux. Les déclarations de l'intimée sont corroborées par ailleurs par Madame B... à laquelle Madame Y... a rapporté les termes de l'entretien qu'elle venait d'avoir le 9 mai 2007 avec Messieurs A... et C..., directeur financier de la société. Ce dernier ne conteste au demeurant pas la réalité de cette discussion mais en limite la portée en déclarant par voie d'attestation qu'aucune date et aucun montant exact n'avaient été prévus concernant cette évolution de carrière. Il semble en effet peu probable que l'époux de l'appelante ait démissionné de son emploi et que l'immeuble du couple ait été mis en vente en l'absence d'assurance de la part de l'employeur de Madame Y... sur ses projets professionnels immédiats. L'employeur avait procédé aux formalités de mutation de la salariée en vue de son affectation sur le site aixois. Madame Y... était donc en droit d'attendre de prendre ses fonctions dans les conditions ainsi convenues. Dès lors en revenant sur ses engagements alors qu'il savait sa salariée en difficulté après avoir pris ses dispositions afin d'intégrer dans les meilleures conditions son futur poste dans la région aixoise, et en lui proposant pour seule alternative de réintégrer son emploi sur Châteauneuf de Gadagne, l'employeur a commis un manquement suffisamment caractérisé à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail qui, ajouté au non paiement des frais de déplacements, justifiait la prise d'acte de rupture par Madame Y... de son contrat de travail. Cette dernière étant au surplus enceinte lors de cette prise d'acte, celle-ci produit donc les effets d'un licenciement nul. Madame Y... est en droit de prétendre au paiement des sommes suivantes :- 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul- 6.500.00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis- 650,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis- 4.436,25 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciementMadame Y... ne démontre aucun préjudice moral distinct de la perte de son emploi au soutien de sa demande en paiement de dommages et intérêts. L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et d'allouer à Madame Y... la somme de 1.000,00 euros à ce titre ;

1. – ALORS QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui fait obstacle à la poursuite du contrat de travail ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les faits reprochés par madame Y... à son employeur, à savoir le défaut de règlement de ses frais professionnels pour la période de juin à septembre 2007 et l'absence d'augmentation à compter du mois de mai 2007, étaient antérieurs de plusieurs mois à sa prise d'acte, en date du 30 avril 2008, et n'avaient pas empêché la poursuite de son contrat de travail pendant sept mois ; qu'en jugeant néanmoins ces faits comme suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat par le salarié, quand il résultait de ses propres constatations que s'il y avait eu manquements de l'employeur, ceux-ci n'étaient pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, la Cour d'appel a violé les articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail ;
2. – ALORS QUE ce n'est que si le salarié n'entend pas poursuivre l'exécution de son contrat de travail que l'inexécution par l'employeur de ses obligations entraîne la rupture du contrat de travail ; qu'il est constant qu'après s'être expressément vue refuser l'augmentation sollicitée, en septembre 2007, la salariée a préféré retourner travailler dans les locaux de la société IGH sis à Châteauneuf-de-Gadagne, où elle est restée sept mois, jusqu'à sa prise d'acte en avril 2008 ; qu'en jugeant que ce fait justifiait la prise d'acte aux torts de l'employeur, sans rechercher si la volonté affichée du salarié de poursuivre son contrat à la suite des agissements reprochés à l'employeur ne faisait pas obstacle à la rupture de ce contrat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail ;
3. - ALORS QUE la Cour d'appel a jugé que les frais de déplacement devaient être calculés en fonction du trajet effectué entre l'établissement où est affecté le salarié et son lieu de travail effectif, comme le soutenait l'employeur, et non entre le domicile du salarié et son lieu de travail, comme le revendiquait la salariée ; qu'elle a ainsi reconnu que le refus de l'employeur de payer les frais de déplacement réclamés par la salariée selon des modalités erronées était en partie justifié ; qu'en jugeant néanmoins l'employeur comme fautif pour n'avoir pas payé les frais de déplacement réclamés par la salariée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail ;
4. – ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; que l'employeur exposait dans ses écritures que l'attestation d'emploi du 15 mai 2007, censée prouver que l'employeur lui avait proposé une augmentation de 500 euros, était en contradiction avec les propres affirmations de la salariée ; qu'en effet, celle-ci prétendait avoir obtenu une augmentation de 500 euros bruts alors que la somme figurant sur l'attestation litigieuse correspondait à une augmentation de 500 euros net puisqu'elle fait état d'un salaire net mensuel de 3.067,29 euros alors que le salaire net de madame Y... était de 2.561,37 euros (concl. p. 13 § 5) ; qu'en omettant de répondre à ce chef des conclusions de l'employeur, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5. – ALORS QUE le motif hypothétique équivaut à un défaut de motif ; qu'en affirmant qu'« il semble en effet peu probable que l'époux de l'appelante ait démissionné de son emploi et que l'immeuble du couple ait été mis en vente en l'absence d'assurance de la part de l'employeur de madame Y... sur ses projets professionnels immédiats », la Cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et violé l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11493
Date de la décision : 03/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 30 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mai. 2012, pourvoi n°11-11493


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11493
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