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03/05/2012 | FRANCE | N°11-10913;11-11038

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 mai 2012, 11-10913 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Q 11-10.913 et A 11-11.038 ;

Sur le pourvoi n° A 11-11.038 :

Attendu qu'une même personne en la même qualité ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ;

Attendu que par déclaration du 24 janvier 2011, la société ADE publicité a formé contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble rendu le 22 novembre 2010, n° RG 10/00365, un pourvoi en cassation enregistré sous le numéro A 11-11.038 ;

Attendu que la sociÃ

©té qui, en la même qualité avait déjà formé
contre la même décision le 20 janvier 2011 un pour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Q 11-10.913 et A 11-11.038 ;

Sur le pourvoi n° A 11-11.038 :

Attendu qu'une même personne en la même qualité ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision ;

Attendu que par déclaration du 24 janvier 2011, la société ADE publicité a formé contre un arrêt de la cour d'appel de Grenoble rendu le 22 novembre 2010, n° RG 10/00365, un pourvoi en cassation enregistré sous le numéro A 11-11.038 ;

Attendu que la société qui, en la même qualité avait déjà formé
contre la même décision le 20 janvier 2011 un pourvoi enregistré sous le numéro Q 11-10.913 n'est pas recevable à former un nouveau pourvoi ;

Sur le pourvoi n° Q 11-10.913 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 22 novembre 2010), que M. X... a été engagé par la société ADE (la société) le 22 août 2005 en qualité d'agent de maîtrise, chef d'atelier AM3 ; que le 7 mars 2008, il a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique qui s'est tenu le 17 mars 2008 et a été licencié pour ce motif par courrier du 2 avril 2008 ; qu'il a demandé le 26 mars 2008 le paiement de 559 heures supplémentaires, la société lui opposant par courrier du 29 mars suivant un refus et accusant le salarié d'avoir volé des documents importants pour l'entreprise en le menaçant d'intenter une action civile pour faute grave ou lourde ; qu'un accord transactionnel a été signé le 18 avril 2008 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale en demandant que la transaction soit jugée nulle en raison d'un harcèlement moral et de l'absence de concessions réciproques, et que la société ADE soit condamnée à lui payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'annuler la transaction et de le condamner en conséquence à verser à M. X... diverses indemnités et rappels de salaires, alors, selon le moyen :

1°/ que pour vérifier la validité d'une transaction, le juge ne peut sans heurter l'autorité de la chose jugée qui y est attachée, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore, en vérifiant la réalité des reproches faits par le salarié à son employeur et réciproquement, qui sont rappelés dans l'acte ; qu'en recherchant en l'espèce, pour vérifier la validité de la transaction, si étaient établis l'exécution d'heures supplémentaires par le salarié et le refus de l'employeur de les régler invoqués par M. X..., ainsi que la réalité des fautes qui étaient reprochées au salarié par la société ADE qui envisageait de l'attraire devant les juridictions civile et pénale, litiges que la transaction avait pour objet de clore, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil ;

2°/ que le bénéfice du statut de cadre n'est pas en lui-même exclusif du paiement d' heures supplémentaires ; qu'en déduisant la volonté de la société ADE de se dispenser du règlement d'heures supplémentaires effectuées par le salarié, de la promotion de ce dernier au statut de cadre, la cour d'appel, qui n'a pas autrement caractérisé une telle volonté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que M. X... avait commis les fautes qui lui étaient reprochées pour lesquelles elle envisageait d'engager sa responsabilité devant les juridictions civile et pénale, la société ADE versait aux débats non seulement des attestations de salariés témoignant de ce qu'ils avaient vu M. X... emporter avec lui des documents appartenant à l'entreprise mais également deux courriers de M. X... en date des 2 et 14 avril 2008, dans lesquels il reconnaissait au moins partiellement avoir dissimulé certains documents et en avoir détruit d'autres ; qu'en se bornant à écarter les attestations produites pour en déduire que les fautes reprochées au salarié ne procédaient que d'affirmations péremptoires de la société ADE destinées à faire pression sur le salarié pour le contraindre à signer la transaction, sans examiner ces courriers, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que pour engager la responsabilité d'un salarié devant les juridictions civile et pénale à raison des fautes commises par celui-ci au préjudice de l'entreprise, l'employeur n'est pas tenu d'avoir préalablement exercé son pouvoir disciplinaire pour les mêmes faits ; qu'en jugeant "contradictoire" le fait pour la société ADE d'avoir mené jusqu'à son terme la procédure de licenciement économique qui était en cours lorsqu'elle avait découvert la disparition de documents de l'entreprise imputée au salarié, tout en menaçant ce dernier de poursuites devant les juridictions civile et pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1222-1 du code du travail ;

5°/ qu'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que la transaction signée par les parties mentionne dans le cadre de l'exposé du litige que "le licenciement avait pour cause réelle et sérieuse un licenciement économique pour lequel M. X... avait accepté une convention CRP en date du 21 mars 2008", puis rappelle dans le cadre des clauses de l'accord que "la société ADE met un terme anticipé à la collaboration de M. X... à la date du 31 mars 2008 pour motif économique" ; qu'en affirmant que la transaction était nulle pour absence de cause, l'employeur s'étant placé dans le cadre d'une transaction après licenciement disciplinaire alors que le licenciement a été prononcé pour motif non personnel, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'accord transactionnel, en violation du principe susvisé ;

6°/ que la transaction peut régler tout type de différend opposant les parties, tant relatifs à la rupture du contrat de travail qu'à son exécution ; que le prononcé d'un licenciement pour motif économique n'interdit pas aux parties de transiger sur un litige de nature disciplinaire qui les oppose parallèlement ; qu'en l'espèce, la transaction conclue par les parties portait non seulement sur le licenciement pour motif économique de M. X... mais également sur les fautes commises par le salarié au cours du contrat de travail susceptibles d'engager sa responsabilité civile et/ou pénale ; qu'en affirmant que la transaction était nulle pour absence de cause, l'employeur s'étant placé dans le cadre d'une transaction après licenciement disciplinaire alors que le licenciement a été prononcé pour motif non personnel, lorsque la transaction pouvait mettre fin conjointement à tous les litiges opposant les parties, qu'il s'agisse du licenciement pour motif non personnel et des fautes commises par le salarié que l'employeur envisageait de voir sanctionner par les juridictions civile et pénale, la cour d'appel a violé l'article 2044 du code civil ;

7°/ que l'existence de concessions réciproques et appréciables doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; qu'il résultait de la transaction que "M. X... demande à ADE de le libérer de son préavis au 31 mars 2008", de sorte que le salarié ayant été à sa demande dispensé de l'exécution de son préavis, ne pouvait prétendre à aucune indemnité de préavis ; qu'en affirmant que les simples droits du salarié au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement étaient supérieurs à la somme de 8 000 euros que l'employeur lui avait versée en exécution de la transaction pour en déduire l'absence de toute concession de l'employeur, lorsque l'indemnité de préavis n'avait pas à être prise en compte dans les droits auxquels le salarié prétendait au moment de la signature de la transaction, la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil ;

Mais attendu que le licenciement ayant été prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié, qui pouvait ainsi prétendre, au moment de la signature de la transaction, à l'indemnité de préavis à laquelle il n'a déclaré renoncer que dans le cadre de cet acte juridique, la cour d'appel, qui a justement pris en compte la privation de ladite indemnité pour conclure à l'absence de concessions réciproques, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'il n' y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi n° A 11-11.038 ;

REJETTE le pourvoi n° Q 11-10.913 ;

Condamne la société ADE publicité aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Gérard X... la somme de 2 500 euros et rejette sa propre demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société ADE publicité, demanderesse au pourvoi n° Q 11-10.913

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé la transaction conclue par les parties le 18 avril 2008 et d'avoir en conséquence condamné la société ADE à verser à Monsieur X... diverses indemnités et rappels de salaires, outre 1600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « M. X... explique qu'il n'y a pas eu de problème avec son employeur tant qu'il n'a pas demandé le paiement des heures supplémentaires qu'il effectuait; que la preuve de cette demande est établie par le fait qu'en octobre 2007, l'employeur lui a remis un bulletin de salaire «essai» dans lequel ont été prises en compte 16 heures supplémentaires, ce qui se serait traduit par une augmentation de 113,20 euros de son salaire qui serait passé à 2298,93 euros nets;
Que pour éviter d'avoir à payer les heures supplémentaires l'employeur lui a alors proposé de devenir cadre avec un forfait mais avec un salaire de 2735,67 euros bruts soit 2229,50 euros nets, donc inférieur au salaire précédent avec paiement des heures supplémentaires effectuées ;
Attendu que M. X... a refusé cette «promotion» qui lui a cependant été imposée par l'employeur, sans signature d'un avenant, afin qu'il ne puisse plus réclamer d'heures supplémentaires;
Attendu que c'est dans ce contexte, le salarié persistant à réclamer le paiement des heures supplémentaires qu'il effectuait, que l'employeur va adresser le 8 février 2008 un avertissement à M. X... dans lequel lui est reprochée son attitude (mécontentement dans l'atelier, renvois des personnes de l'atelier au dirigeant sur des problèmes qui sont ceux du chef d'atelier, perturbant la bonne marche de l'atelier, les salariés qui ne comprennent pas le changement d'attitude, le travail du dirigeant) des derniers mois; qu'il est cependant noté dans l'avertissement que « cet état de fait est aussi, pour beaucoup, lié à ta fatigue» ; que M. X... a répondu le 15 février 2008 pour expliquer que sa fonction de chef d'atelier ne lui permettant pas de répondre à toutes les questions, que la baisse d'activité depuis 4-5 mois (il y a eu du chômage technique) créé une certaine tension nerveuse dans l'entreprise et beaucoup de questions posées restent sans réponse ; que cette pression importante le perturbe et qu'il souhaite des réunions de travail régulières pendant les heures de travail, car il souhaiterait ne pas avoir les multiples informations nécessaires uniquement par oral;
Attendu que le 17 mars 2008 se déroule un entretien préalable en vue d'un licenciement pour cause économique; que M. X... n'a pas été assisté à l'entretien préalable;
Attendu que M. X... a été licencié par courrier en date du 2 avril 2008 en raison de graves difficultés économiques et de la suppression de l'emploi de chef d'atelier; qu'il a été relevé de la clause de non concurrence ;
Attendu que c'est donc avec une parfaite mauvaise foi que l'employeur prétend découvrir le 29 mars la question des heures supplémentaires réclamées par M. X... ; que tant la tentative de chiffrage du mois de novembre 2007 sur une fiche de paie d'essai que le passage forcé de M. X... au statut de cadre pour écarter la réclamation relative aux heures supplémentaires démontrent qu'il existait bien un litige à ce sujet depuis au moins le mois de novembre 2007 ;
Que c'est dans ce contexte que le licenciement de M. X... doit s'apprécier; que c'est également dans ce contexte que doivent s'apprécier les attestations produites par l'employeur, celle de M. Y... confirmant implicitement (« la seule chose qui préoccupait M. X... c'est qu'on lui paye ces heures supplémentaires ») que depuis plusieurs mois la question était débattue avec l'employeur ; Attendu que le caractère excessif des attestations du couple Y... et le lien de subordination maintenu conduit à apprécier ces deux attestations avec prudence ; que les autres attestations délivrées dans les mêmes conditions n'apportent pas plus d'éléments crédibles car si elles étaient exactes, il ne fait aucun doute que M. X... aurait été licencié pour faute sans délai; Attendu que la preuve que M. X... effectuait bien des heures supplémentaires est rapportée ; que son employeur luimême avait estimé le nombre de ces heures supplémentaires à 16 heures mensuelles, soit un salaire de 113,20 euros nets par mois; que le passage forcé au statut cadre dans le seul but d'échapper au paiement de ces heures supplémentaires démontre non seulement que l'employeur avait une parfaite connaissance de leur effectuation mais qu'il les acceptait en tant que telles;
Attendu que le licenciement pour motif économique est intervenu alors que le dirigeant de la société A.D.E. avait adressé le 29 mars 2008 un courrier recommandé à M. X... dans lequel tout d'abord il contestait l'existence d'heures supplémentaires accomplies par M. X... et affirmait ne lui avoir jamais demandé d'en effectuer, puis il lui reprochait d'avoir fait disparaître des documents relatifs au travail sur la chaîne argenture et des répertoires de contacts et de fournisseurs, qualifiant un tel acte de faute grave ou lourde et affirmant qu'en outre que si des documents avaient pu être volés, la situation deviendrait plus préoccupante;
Attendu qu'il existe donc une contradiction évidente entre le motif économique du licenciement prononcé le 2 avril 2008 et les accusations de faute grave ou lourde formulées le 29 mars 2008 plusieurs jours avant l'envoi de la lettre de licenciement par le dirigeant de la société A.D.E. ;
Que le texte de la transaction comporte une contrevérité manifeste puisque le courrier du 2 avril 2008 adressé par M. X... en réponse à la lettre de l'employeur du 29 mars 2008 ne pouvait contester une décision qui ne lui avait pas encore été notifiée puisqu'il ne la recevra que le 3 avril suivant;
Qu'en réalité l'ensemble du comportement de l'employeur a visé à exercer une pression sur M. X... d'une telle intensité qu'il accepte de renoncer à ses droits élémentaires, notamment en l'accusant de faits dont la démonstration ne résultait que de la propre affirmation péremptoire de l'employeur, alors qu'en parallèle cet employeur continuait à mener le licenciement sur un motif non personnel et se gardait de déposer les plaintes qu'auraient nécessité les faits qu'il évoquait s'ils étaient réels;
Qu'en renonçant à modifier le motif du licenciement la société A.D.E. est contrainte par le motif économique qu'elle a choisi en toute connaissance de cause, purgeant ainsi tout autre motif en notamment tout motif disciplinaire dont il est établi qu'elle avait bien connaissance auparavant ;
Que c'est donc à la lumière de cette contradiction que l'accord transactionnel doit être examiné;
Attendu tout d'abord que la transaction est nulle comme dépourvue de cause juridique en ce que l'employeur s'est placé dans le cadre d'une transaction après licenciement disciplinaire alors que le licenciement a été prononcé pour motif non personnel;
Attendu ensuite que l'office du juge consiste non pas à trancher le litige qui a donné lieu à la transaction, mais, à partir notamment de la lettre de licenciement, à contrôler que les droits légitimes du salarié n'ont pas été bafoués;
Attendu que l'employeur, en invoquant, pour justifier l'absence de concession de sa part et faire renoncer M. X... à la plupart de ses droits, dont ses heures supplémentaires, son préavis, ses congés payés et la CRP, des faits de nature fautive, et en menaçant M. X... qui ne bénéficiait d'aucune assistance juridique ni lors de l'entretien préalable en vue d'un licenciement ni lors de la négociation transactionnelle, de poursuites civiles ou pénales, l'employeur a commis une violence dolosive qui a vicié le consentement extorqué au salarié;
Qu'en outre en proposant une contrepartie de 8000 euros alors que les simples droits du salarié au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement étaient supérieurs à cette somme de 2600 euros, l'employeur n'a fait aucune concession au salarié;
Que la transaction est dès lors nulle »

1. ALORS QUE pour vérifier la validité d'une transaction, le juge ne peut sans heurter l'autorité de la chose jugée qui y est attachée, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore, en vérifiant la réalité des reproches faits par le salarié à son employeur et réciproquement, qui sont rappelés dans l'acte; qu'en recherchant en l'espèce, pour vérifier la validité de la transaction, si étaient établis l'exécution d'heures supplémentaires par le salarié et le refus de l'employeur de les régler invoqués par Monsieur X..., ainsi que la réalité des fautes qui étaient reprochées au salarié par la société ADE qui envisageait de l'attraire devant les juridictions civile et pénale, litiges que la transaction avait pour objet de clore, la Cour d'appel a violé les articles 1134, 2044 et 2052 du code civil ;

2. ALORS QUE le bénéfice du statut de cadre n'est pas en lui-même exclusif du paiement d' heures supplémentaires ; qu'en déduisant la volonté de la société ADE de se dispenser du règlement d'heures supplémentaires effectuées par le salarié, de la promotion de ce dernier au statut de cadre, la Cour d'appel, qui n'a pas autrement caractérisé une telle volonté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1222-1 du Code du travail ;

3. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ni rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir que Monsieur X... avait commis les fautes qui lui étaient reprochées pour lesquelles elle envisageait d'engager sa responsabilité devant les juridictions civile et pénale, la société ADE versait aux débats non seulement des attestations de salariés témoignant de ce qu'ils avaient vu Monsieur X... emporter avec lui des documents appartenant à l'entreprise mais également deux courriers de Monsieur X... en date des 2 et 14 avril 2008, dans lesquels il reconnaissait au moins partiellement avoir dissimulé certains documents et en avoir détruit d'autres; qu'en se bornant à écarter les attestations produites pour en déduire que les fautes reprochées au salarié ne procédaient que d'affirmations péremptoires de la société ADE destinées à faire pression sur le salarié pour le contraindre à signer la transaction, sans examiner ces courriers, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4 . ALORS QUE pour engager la responsabilité d'un salarié devant les juridictions civile et pénale à raison des fautes commises par celui-ci au préjudice de l'entreprise, l'employeur n'est pas tenu d'avoir préalablement exercé son pouvoir disciplinaire pour les mêmes faits ; qu'en jugeant « contradictoire » le fait pour la société ADE d'avoir mené jusqu'à son terme la procédure de licenciement économique qui était en cours lorsqu'elle avait découvert la disparition de documents de l'entreprise imputée au salarié, tout en menaçant ce dernier de poursuites devant les juridictions civile et pénale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1222-1 du Code du travail ;

5. ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les écrits ; que la transaction signée par les parties mentionne dans le cadre de l'exposé du litige que « le licenciement avait pour cause réelle et sérieuse un licenciement économique pour lequel Monsieur X... avait accepté une convention CRP en date du 21 mars 2008 », puis rappelle dans le cadre des clauses de l'accord que « la société ADE met un terme anticipé à la collaboration de Monsieur X... à la date du 31 mars 2008 pour motif économique » ; qu'en affirmant que la transaction était nulle pour absence de cause, l'employeur s'étant placé dans le cadre d'une transaction après licenciement disciplinaire alors que le licenciement a été prononcé pour motif non personnel, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'accord transactionnel, en violation du principe susvisé ;

6. ALORS QUE la transaction peut régler tout type de différend opposant les parties, tant relatifs à la rupture du contrat de travail qu'à son exécution ; que le prononcé d'un licenciement pour motif économique n'interdit pas aux parties de transiger sur un litige de nature disciplinaire qui les oppose parallèlement ; qu'en l'espèce, la transaction conclue par les parties portait non seulement sur le licenciement pour motif économique de Monsieur X... mais également sur les fautes commises par le salarié au cours du contrat de travail susceptibles d'engager sa responsabilité civile et/ou pénale; qu'en affirmant que la transaction était nulle pour absence de cause, l'employeur s'étant placé dans le cadre d'une transaction après licenciement disciplinaire alors que le licenciement a été prononcé pour motif non personnel, lorsque la transaction pouvait mettre fin conjointement à tous les litiges opposant les parties, qu'il s'agisse du licenciement pour motif non personnel et des fautes commises par le salarié que l'employeur envisageait de voir sanctionner par les juridictions civile et pénale, la Cour d'appel a violé l'article 2044 du Code civil ;

7. ALORS QUE l'existence de concessions réciproques et appréciables doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; qu' il résultait de la transaction que « Monsieur X... demande à ADE de le libérer de son préavis au 31 mars 2008 », de sorte que le salarié ayant été à sa demande dispensé de l'exécution de son préavis, ne pouvait prétendre à aucune indemnité de préavis ; qu'en affirmant que les simples droits du salarié au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement étaient supérieurs à la somme de 8000 euros que l'employeur lui avait versée en exécution de la transaction pour en déduire l'absence de toute concession de l'employeur, lorsque l'indemnité de préavis n'avait pas à être prise en compte dans les droits auxquels le salarié prétendait au moment de la signature de la transaction, la Cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société ADE à verser à Monsieur X... 10598, 18 euros au titre des heures supplémentaires et 1059, euros à titre de congés payés afférents, 2615, 37 euros à titre de congés payés, 16 414, 02 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé et 1600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « tant la remise d'un bulletin de paie prenant en compte 16 heures supplémentaires mensuelles que le passage contre son gré de M. X... au statut de cadre pour éviter le paiement d'heures supplémentaires démontrent la réalité de l'accomplissement d'heures supplémentaires par M. X... ;
Attendu qu'il résulte de l'article L 3171-4 du Code du travail que « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable » ;
Attendu que pour évaluer les heures supplémentaires qu'il prétend avoir fournies M. X... rappelle tout d'abord que ses fonctions l'obligeaient à accomplir au minimum 39h45 (attestation Parpette, attestation Marie-Pierre Y... qui s'adresse à M. X... un soir après le travail pour lui demander si elle venait le lendemain) alors qu'il était rémunéré pour 35 heures; qu'il rappelle que pendant les journées de chômage technique, il n'a simplement plus effectué d'heures supplémentaires mais un horaire normal de 35 heures; qu'en temps normal M. X... devait être présent de l'ouverture à la fermeture de l'atelier ; Attendu qu'en l'absence de décompte précis par l'employeur, il doit être fait droit aux demandes de M. X... de ce chef; que la somme de 10598,18 euros outre les congés payés afférents ;
Sur le travail dissimulé:
Attendu que la société A.D.E. était parfaitement informée que M. X... effectuait des heures supplémentaires; qu'elle a décidé pour échapper à leur paiement d'imposer à M. X... un changement de statut sans lui faire signer d'avenant dans le but unique d'échapper au paiement de ces heures supplémentaires; qu'il est donc établi la volonté de l'employeur de dissimuler ces heures supplémentaires; qu'il sera donc fait droit à la demande de M. X... au titre du travail dissimulé, soit l'allocation de la somme de 16414,02 euros »

1. ALORS QU‘au soutien de sa demande de rappel de salaires qu'il lui appartenait d'étayer, Monsieur X... soutenait avoir effectué 559 heures supplémentaires ; qu'en déduisant que la preuve de l'exécution de celles-ci résultait de la seule remise d'un bulletin de paie au mois d'octobre 2007 qualifié « d'essai » sur lequel figurait 16 heures supplémentaires, et de la promotion du salarié au statut de cadre au mois de décembre 2007, la Cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser l'exécution de la moindre heure supplémentaire par Monsieur X..., privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 3171-4 du Code du travail ;

2. ALORS QU'il appartient au juge saisi d'une demande de rappel d'heures supplémentaires, d'examiner non seulement les éléments versés par le salarié pour étayer sa demande, mais également ceux versés aux débats par l'employeur pour justifier de l'horaire réellement effectué par le salarié ; qu'en l'espèce, la société ADE versait aux débats les tableaux des heures effectuées par tout le personnel de l'entreprise, élaborés mensuellement par Monsieur X... dans le cadre de ses fonctions de chef d'atelier, qui ne faisaient apparaître aucune heure supplémentaire effectuée par ce dernier ; qu'en affirmant que la société ADE ne produisait aucun décompte précis pour faire droit à la demande du salarié, sans cependant examiner le décompte des heures du personnel de la société ADE qu'il avait lui-même établi chaque mois, la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3171-4 du Code du travail ;

3. ALORS QUE l'indemnité forfaitaire instituée par l'article L. 8223-1 du Code du travail n'est due que si le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié est établi ; que le bénéfice du statut de cadre n'est pas en lui-même exclusif du paiement d'heures supplémentaires ; qu'en déduisant la volonté de la société ADE de dissimuler les heures supplémentaires effectuées par le salarié de la décision unilatérale de cette dernière de le promouvoir au statut de cadre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-10913;11-11038
Date de la décision : 03/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 22 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 mai. 2012, pourvoi n°11-10913;11-11038


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10913
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