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04/04/2012 | FRANCE | N°11-83402

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 avril 2012, 11-83402


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Pierre X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 11 mars 2011, qui, pour faux, usage et recel, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de

base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de faux...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Pierre X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 11 mars 2011, qui, pour faux, usage et recel, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de faux et usages de faux et l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, avant de se prononcer sur l'action civile ;
"aux motifs qu'en sa qualité de gérant de fait, M. X... a organisé la cession des parts sociales aux époux Y... ; qu'il est constant que, le jour même où l'acte de cession est intervenu, le 3 janvier 2008, M. X... a émis quatre chèques d'un montant total de 108 253,97 euros qui ont eu pour effet de rendre la trésorerie de la société Ateliers LFB déficitaire ; que, pourtant, les comptes arrêtés au 31 octobre 2007 faisaient apparaître officiellement une situation financière équilibrée et prospère, avec un bénéfice avant impôt de 191 345 euros ; que, s'agissant de ces chèques, celui d'un montant de 8 369,62 euros, à l'ordre de la SCI Chevelles, société dont M. X... était le gérant et auprès de qui la société Ateliers LFB louait ses locaux suivant bail commercial conclu courant 2003, correspond au paiement du loyer courant ; qu'un second chèque, d'un montant de 1 200 euros, à l'ordre de M. X..., correspondrait, selon ce dernier, au remboursement de frais ; que les deux autres chèques, signés par M. X..., ont été émis à l'ordre de la société Codebat pour des montants de 32 411,60 euros et 66 272,75 euros ; que si le chèque de 32 411,60 euros correspondait au règlement de la situation n° 1 d'un chantier effectivement réalisé par cette société en qualité de soustraitant de la société Ateliers LFB au carrefour Pleyel à Saint-Denis, le second, d'un montant de 66 272,75 euros, a servi au paiement de plusieurs factures établies par la société Codebat, dont une du 9 novembre 2007, de 38 642,76 euros, venant en prolongement d'un devis du 20 septembre 2007 ; qu'au sujet de cette facture, le gérant de la société Codebat, M. Z... a révélé qu'il s'agissait d'une fausse facture faite à la demande de M. X... désireux de « diminuer un peu ses résultats de l'année » ; que, pour confectionner ce document, M. Z... avait reçu de la main de M. X... un «modèle» établi à entête de la société Ateliers LFB adressé à la société Europe Conseils pour des travaux à accomplir sur l'ancien site industriel Blédina de Ris-Orangis ; que, loin de contester le caractère fictif et non causé de cette facture, M. Z... a remboursé cette somme au mandataire judiciaire de la société Ateliers LFB, alors en redressement judiciaire ; que cette facture était pourtant supposée venir en paiement de travaux effectués par la société Codebat, en qualité de sous-traitant de la société Ateliers LFB, consistant dans le démontage et en la création et fabrication de socles pour la réalisation de nouveaux escaliers mécaniques sur l'ancien site industriel de Blédina de Ris-Orangis racheté par la société Europe Conseils ; que l'enquête a permis de vérifier que la société Codebat n'avait accompli aucun de ces travaux, ce que, devant la cour, M. X... a reconnu ; que, même si aucune constatation n'a été effectuée sur place, les auditions de M. A..., gérant de la société Europe Conseils et de M. B..., chef d'atelier de la société Ateliers LFB, ont démontré que ce site industriel n'avait fait l'objet d'aucune intervention ni travaux ; que, même s'il peut être observé que le parquet n'a pas décidé d'engager des poursuites contre M. Z... pour l'établissement de cette facture, la déclaration de culpabilité à l'encontre de M. X... pour ces faits constitutifs du délit d'usage de faux ne peut qu'être confirmée ; que, durant l'instruction, le prévenu avait affirmé que le chantier précité était bien réel et correspondait à une commande conclue avec la société Europe Conseils, nouveau propriétaire du site ; que les investigations ont permis de découvrir que ce supposé chantier avait seulement servi à justifier l'établissement de la facture n° E 2926 datée du 25 octobre 2007 ; qu'en effet, M. C..., associée au sein de la société Europe Conseils, par ailleurs propriétaire d'un appartement à Paris, avait commandé auprès de la société Ateliers LFB la conception et la fabrication de la couverture de sa piscine intérieure ; que, pour la réalisation de ces travaux, après un premier devis d'un montant de 223 350 euros HT, la société Ateliers LFB a établi, quelques jours plus tard, pour le même projet, un second devis de 142 500 euros HT, soit une différence de 80 850 euros ; qu'au moyen de la facture précitée du 25 octobre 2007, d'un montant de 96 696 euros TTC, soit 80 850 euros HT, réglée le 21 novembre suivant par la société Europe Conseils, sans voir été précédée d'un devis ou d'un bon de commande, alors qu'elle devait justifier l'accomplissement de travaux susvisés sur le chantier de Ris-Orangis, jamais réalisés, M. C... a fait supporter par la société Europe Conseils une partie du coût de la construction de sa piscine intérieure ; que cette facture a également eu pour effet de gonfler artificiellement la trésorerie de la société Ateliers LFB avant la cession au couple Y... ; qu'à ce sujet, Mme D..., secrétaire-comptable de la société Ateliers LFB, a rapporté qu'à la fin de l'année 2007, elle avait prévenu M. X... «qu'il n'y avait pas suffisamment d'argent en banque pour payer les loyers à la SCI Chevelles et des factures de la société Codebat» ; que ces difficultés de trésorerie et l'objet de ce règlement sont par ailleurs établis par les courriers signés de M. C... dans lesquels celui-ci se plaint de ce que les travaux commandés à son domicile ne sont pas commencés malgré le versement de « l'acompte » de 96 696 euros ; que cette facture était non causée et fictive ; que, sur ce point, Mme Y... et son père, M. E... ont indiqué dans quelles circonstances, le 24 janvier 2008, ils avaient reçu les confidences de M. X... sur ce montage élaboré entre lui et M. C... ; qu'à l'appui de ses explications, le prévenu leur avait écrit sur une feuille le partage entre le paiement, à titre d'acompte, de la somme de 80 850 euros HT (96 696 euros TTC) par Europe Conseils et le solde de 142 500 euros ; que c'est cette fausse facture qui a servi de modèle pour la confection de la fausse facture, évoquée plus haut, établie par M. Z... ; que, de ces éléments, il ressort que, même s'il peut, également, être relevé qu'aucune poursuite n'a été décidée par le parquet à l'encontre de M. C..., c'est à bon droit que le tribunal a estimé que ces faits étaient constitutifs de la part de M. X... des délits de faux et d'usage de faux ;
"1°) alors qu'une facture peut constituer un faux lorsqu'elle est émise en connaissance en l'absence de toute contrepartie ; que tel n'est pas le cas cependant de la facture émise pour solliciter un acompte pour une prestation à réaliser ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir, dans ses écritures, que les deux factures litigieuses, à l'occasion desquelles il était poursuivi pour faux et usage de faux, correspondaient à des acomptes pour des travaux à réaliser sur un chantier qui avait, par la suite, été annulé ; qu'ainsi, en se bornant à le déclarer coupable des faits reprochés au seul motif que les travaux en question n'ont finalement pas été accomplis, sans rechercher si les factures ne correspondaient pas effectivement à un acompte et, partant, si elles n'étaient pas causées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 441-1 du code pénal ;
"2°) alors que l'altération de la vérité dans le faux n'est punissable que si elle est de nature à causer un préjudice ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir, dans ses écritures, que les faux qui lui étaient reprochés, à supposer l'altération de la vérité avérée, n'avaient causé aucun préjudice ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de faux et usage dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de recel d'abus de biens sociaux et l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, avant de se prononcer sur l'action civile ;
"aux motifs que, s'agissant de la cession d'immobilisations conclue, par acte du 9 août 2007, entre la société Ateliers LFB et la SCI Chevelles et portant sur du matériel cédé pour un montant de 16 630 euros HT, soit 19 889,48 euros TTC, le chèque de règlement de cette cession a été rédigé à l'ordre de M. X... et non de la SCI ; que M. X... a soutenu que ce contrat était erroné et avait été rectifié par un autre conclu entre la société Ateliers LFB et lui-même ; que, pourtant l'original de ce contrat était erroné et avait été rectifié par un autre conclu entre la société Ateliers LFB et lui-même ; que, pourtant, l'original de ce contrat n'a jamais été produit ; qu'entendue sur ce point, Mme D..., secrétaire comptable de la société Ateliers LFB et de la SCI Chevelles, ne se souvenait pas avoir saisi d'immobilisations pour le compte de celle-ci et ne comprenait pas pourquoi le chèque a été établi à l'ordre de M. X... ; que les salariés de la société, dont M. F... et M. G..., ont tous indiqué que les matériels, visés dans le contrat, avaient toujours fait partie de la société Ateliers LFB ; que, pour expliquer ce chèque, M. E..., beau-père de M. Y..., a fait observer qu'en exécution du contrat de consultant conclu le 3 janvier 2008 entre les acquéreurs, les époux Y... et M. X..., aux termes duquel celui-ci devait accompagner la cession et apporter aide et assistance, le prévenu avait exigé, à titre d'honoraires, 10 % sur le montant du devis C... ; que ce contrat, conclu le 3 janvier 2008, prévoyait le versement de commissions sur le chiffre d'affaires au profit de M. X... ; qu'entendu sur cette cession d'immobilisations, M. H..., expert-comptable de la société Ateliers LFB et de la SCI Chevelles, a déclaré que ces matériaux n'apparaissaient dans aucun des comptes des deux sociétés ; que cette précision est confirmée par M. Bordas, commissaire aux comptes, dans son courrier daté du 24 décembre 2008 adressé au parquet de Pontoise sur le fondement de l'article L. 823-12 du code de commerce, qui ajoute que le chèque du 7 décembre 2007, en règlement de ces immobilisations à l'ordre de M. X..., est de 16 630 euros, soit le montant hors taxe et non celui toutes taxes comprises ; qu'il est donc établi que la cession d'immobilisations conclue entre la société Ateliers LFB et la SCI Chevelles ne constituait qu'un habillage pour justifier le versement de la somme au profit personnel de M. X... ; que celui-ci n'ignorait pas que la perception de cette somme à son profit, puisée dans la trésorerie de la société dont il venait d'organiser la cession, était parfaitement infondée ; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que ces faits constituaient le délit de recel d'abus de biens sociaux ;
"1°) alors que le délit de recel d'abus de biens sociaux suppose l'existence d'un abus de biens sociaux caractérisé et punissable ; qu'en l'espèce, M. X... était prévenu de recel de l'abus de biens sociaux prétendument commis par son fils, Olivier X... ; que les premiers juges ont relaxé Olivier X... du chef d'abus de biens sociaux, estimant qu'il ne pouvait être caractérisé à son encontre une participation à la commission de ces faits, ce dont il résultait qu'il n'y avait plus d'infraction principale ; qu'en retenant néanmoins M. X... dans les liens de la prévention, la cour d'appel a violé l'article 321-1 du code pénal ;
"2°) alors qu'il appartient à la partie poursuivante de prouver la culpabilité du prévenu ; qu'en l'espèce, M. X... était prévenu de recel d'abus de biens sociaux pour avoir encaissé sur son compte bancaire personnel le produit de la vente d'immobilisations par la SCI Chevelles auprès de la société Ateliers LFB ; que, pour sa défense, il faisait valoir que c'est à lui qu'appartenaient les immobilisations cédées, que le contrat avait été conclu, par erreur, entre la société Ateliers LFB et la SCI Chevelles et qu'un contrat rectifié avait été conclu entre la société Ateliers LFB et lui-même ; que la cour d'appel qui s'est fondée, pour le déclarer coupable des faits reprochés, sur l'absence de production de l'original du contrat rectifié, a, par ce renversement de la charge de la preuve, méconnu le principe de la présomption d'innocence" ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de recel, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les fonds dont le prévenu a bénéficié proviennent d'un délit d'abus de biens sociaux caractérisé en tous ses éléments, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. X... devra payer à M. I..., mandataire liquidateur de la société Ateliers LFB, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Nocquet conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-83402
Date de la décision : 04/04/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 11 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 avr. 2012, pourvoi n°11-83402


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.83402
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