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03/04/2012 | FRANCE | N°11-17990

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 avril 2012, 11-17990


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Laura (la SCI) a fait l'objet d'un redressement fiscal pour avoir déduit de ses revenus fonciers des travaux changeant la destination d'un immeuble lui appartenant ; que la SCI a recherché la responsabilité de la société Hoche et associés Clermont-Ferrand, expert-comptable chargé d'établir les déclarations fiscales, à l'origine de l'i

mputation contestée ; que M. X..., associé et gérant de la SCI est intervenu ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Laura (la SCI) a fait l'objet d'un redressement fiscal pour avoir déduit de ses revenus fonciers des travaux changeant la destination d'un immeuble lui appartenant ; que la SCI a recherché la responsabilité de la société Hoche et associés Clermont-Ferrand, expert-comptable chargé d'établir les déclarations fiscales, à l'origine de l'imputation contestée ; que M. X..., associé et gérant de la SCI est intervenu volontairement à l'instance ;
Attendu que pour caractériser le préjudice causé à la SCI par la faute retenue à l'encontre de la société Hoche et associés Clermont-Ferrand et en limiter la réparation, l'arrêt retient que l'indemnisation doit s'apprécier en fonction d'une perte de chance d'effectuer une déclaration fiscale conforme à la législation en vigueur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en fondant sa décision sur un tel moyen qu'aucune des parties n'avait invoqué, sans inviter au préalable celles-ci à présenter leurs observations à cet égard, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Hoche et associés Clermont-Ferrand à payer à la SCI Laura la somme de 750 euros à titre de dommages-intérêts du chef des intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale au titre de la déclaration 2004, l'arrêt rendu le 9 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Hoche et associés Clermont-Ferrand aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... et à la SCI Laura la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du trois avril deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. X... et la SCI Laura.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a limité à 750 € la somme accordée à la SCI LAURA à l'encontre de la société HOCHE et ASSOCIÉS CLERMONTFERRAND ;
AUX MOTIFS QU' « il appartient à l '.expert comptable, en exécution de la mission impartie dans le cadre du contrat souscrit par son client, de tout mettre en oeuvre pour tenir les comptes et établir les déclarations fiscales conformes en tous points aux lois et règlements en vigueur ; que les premiers juges ont restreint cette obligation en considérant que l'intervention de la société HOCHE et ASSOCIES devait être appréciée en fonction des éléments en sa possession ; que selon une jurisprudence constante, l'expert comptable est tenu plus généralement d'une obligation de conseil et de renseignement, inhérente à sa mission, ayant une acception très large, tout spécialement en matière fiscale; qu'elle lui impose de recourir à toutes vérifications utiles, sans s'en tenir aux seuls éléments remis, afin d'éclairer son client et de lui permettre de disposer des informations nécessaires à l'exercice en toute connaissance de cause de l'option fiscale, en fonction de ses avantages et inconvénients ; qu'en l'espèce il n'est produit aux débats aucun contrat, aucune lettre de mission, aucun document écrit qui définisse la mission confiée par la SCI LAURA à la société HOCHE ET ASSOCIES; qu'il est néanmoins établi au vu des conclusions échangées entre les parties qu'elles étaient liées par un contrat donnant mission à la société HOCHE ET ASSOCIES d'établir les déclarations fiscales de la SCI LAURA pour les années 2004 et 2005 au titre des exercices 2003 et 2004, mission dont il est acquis qu'elle a pris fin dès le dépôt de la déclaration fiscale 2005 ; que la société HOCHE ET ASSOCIES n'est donc pas concernée par la déclaration faite en 2006 relative à l'exercice 2005 ; qu'il y a tout lieu de penser que l'expert comptable était informé des conditions d'acquisition de l'immeuble SAINTE ANNE et des transformations entreprises en vue du changement de destination ; que dans la négative, il lui appartenant à titre de précaution élémentaire pour l'exercice de sa mission de se renseigner dès l'établissement de la première déclaration en 2004 sur les modalités d'acquisition de l'immeuble et de la qualification qu'il convenait de donner aux travaux entrepris; que compte tenu du risque de non déductibilité des travaux de rénovation dont le coût était déclaré, cette vérification s'imposait pour s'assurer de la conformité de la déclaration avec la législation en vigueur, laquelle n'avait pas connu de modification récente; qu'en méconnaissant cette exigence et en n'informant pas la cliente des options et risques encourus ni suscité un choix éclairé, la société HOCHE et ASSOCIES a commis une faute ; qu'il ressort du dossier que c'est seulement lors de la deuxième déclaration effectuée en 2005 au titre de l'exercice 2004 que la société HOCHE ET ASSOCIES quelques jours avant la date ultime de dépôt de la déclaration a avisé de façon très laconique la SCI LAURA du risque fiscal encouru ; que quand bien même la société HOCHE ET ASSOCIES n'aurait pas été avisée par M. X... de la demande présentée par l'administration fiscale en avril 2004 de communication des factures de travaux établies sur la base d'une TVA au taux de 5,5 %, réservée aux seuls travaux de rénovation, cela ne serait pas de nature à exonérer la société d'expertise comptable de ses obligations ; que la société HOCHE ET ASSOCIES a disposé durant deux exercices fiscaux d'un temps suffisant pour prévenir la SCI LAURA des risques encourus, des options offertes et le cas échéant l'inviter à prendre contact avec l'administration fiscale en vue d'éviter, les incidences pécuniaires d'un redressement s'ajoutant aux droits nécessairement dus ; que la lettre du 25 mars 2005 qui indique simplement ceci : « déduction des travaux réalisés en 2004, selon le principe retenu en 2003, bien que le risque de non déductibilité fiscale existe" ne suffit pas à décharger la société HOCHE et ASSOCIES de toute; responsabilité ; que la société HOCHE ET ASSOCIES qui n'a pas correctement rempli ses obligations à l'égard de sa cliente doit réparer le préjudice en résultant ; que l'indemnisation doit s'apprécier en fonction d'une perte de chance de ne pas avoir effectué une déclaration conforme à la législation en vigueur; qu'en l'espèce, alors que la SCI LAURA, alertée en 2005, a maintenu en 2006, avec l'assistance d'un nouvel expert comptable qu'elle n'a pas appelé en cause, le principe déclaratif adopté depuis 2004, il est peu probable qu'informée dès 2004, elle n'aurait pas opté pour la déductibilité du coût des travaux en acceptant de supporter le risque d'un redressement ; qu'en conséquence, la perte de chance n'excède pas 30 % ; que le préjudice concerne uniquement les intérêts de retard réclamés par l'administration fiscale au titre de la déclaration 2004, les autres sommes visées dans le redressement au titre des déclarations 2004 et 2005 correspondant exclusivement à des droits nécessairement dus ; qu'il s'élève en définitive à la somme suivante: 2.417 € x 30 % = 725,10 € arrondis à 750 € ; que la SCI LAURA prétend avoir été contrainte de revendre dans des conditions qui lui ont été défavorables l'immeuble d'ORCINES en raison du redressement fiscal dont elle a fait l'objet ; que cette allégation, vivement combattue par la société HOCHE ET ASSOCIES, n'est nullement justifiée ; qu'il ressort du dossier que l'immeuble a été revendu avec plus-value pour un prix de 650 000 €, bien supérieur à l'investissement, initial comprenant le prix d'achat et les travaux; que la SCI LAURA disposait de diverses solutions pour s'acquitter du redressement fiscal, le cas échéant après négociation d'un échéancier avec l'administration, qu'elle ne semble pas avoir tenté de mettre en oeuvre ; que pour sa part M. X... revendique la réparation d'un préjudice moral qui n'est manifestement pas établi en l'espèce, le litige limité à des intérêts financier d'une importance relative au regard de l'ampleur des investissements qu'il avait l'habitude de réaliser n'a pas pu avoir les répercussions alléguées; qu'en définitive, il convient de condamner la société HOCHE et ASSOCIES à payer à la SCI LAURA la somme de 750 € à titre de dommages intérêts » (arrêt, p. 3-4) ;
ALORS QUE, premièrement, ni la société HOCHE et ASSOCIÉS CLERMONT-FERRAND, ni à plus forte raison la SCI LAURA, n'avaient soutenu dans leurs conclusions que le préjudice subi par la SCI n'était constitutif que d'une perte de chance ; qu'en relevant d'office que le préjudice subi par la SCI LAURA était une perte de chance arbitrée à 30 %, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, les juges du second degré ont violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Et ALORS QUE, deuxièmement, en excluant que la SCI LAURA ait subi d'autres préjudices qu'une perte de chance d'éviter le paiement des pénalités de retard réclamées par l'administration fiscale, motif pris de ce qu'il n'était pas justifié que la SCI eût été contrainte de revendre l'immeuble situé à ORCINES en raison du redressement fiscal, qu'elle l'avait revendu en réalisant une plus-value et qu'elle disposait de diverses solutions pour s'acquitter du redressement fiscal notamment en négociant un échéancier avec l'administration, sans se prononcer sur les éléments mis en avant par la SCI et M. X... dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 5 janvier 2011 et déposées le 6 janvier 2011, p. 8) tenant à la délivrance très rapide par l'administration fiscale d'avis à tiers détenteur pour obtenir paiement de la dette ainsi qu'à la maladie de M. X... à l'époque, qui était atteint d'un cancer lui interdisant de pouvoir emprunter de l'argent auprès d'une banque aux fins de payer l'administration, les juges du second degré n'ont pas donné de base légale à leur décision au regard de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-17990
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 09 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 avr. 2012, pourvoi n°11-17990


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17990
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