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28/03/2012 | FRANCE | N°11-13344

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 mars 2012, 11-13344


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 juillet 2010), que M. X..., engagé en qualité de chauffeur le 1er août 1989 par la société Armani transports et dont le contrat a été transféré à la société Transter, a été licencié pour faute grave par lettre du 19 mars 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la société Transte

r a invoqué contre M. X... six griefs en le licenciant pour faute grave ; que la cour...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 juillet 2010), que M. X..., engagé en qualité de chauffeur le 1er août 1989 par la société Armani transports et dont le contrat a été transféré à la société Transter, a été licencié pour faute grave par lettre du 19 mars 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la société Transter a invoqué contre M. X... six griefs en le licenciant pour faute grave ; que la cour d'appel n'a retenu que l'un d'entre eux ; que cette élimination de la quasi-totalité des reproches entraînait nécessairement la perte de la gravité de la faute ; qu'en maintenant cette gravité, la cour de Bastia n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qu'elles impliquaient et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ qu'en tout état de cause, il appartenait à l'employeur de fournir du travail à M. X... toujours présent sur les lieux et de lui donner des explications sur l'état du matériel qu'il conduisait ; que la cour d'appel s'est abstenue de se prononcer sur le comportement de la société Transter excluant les fautes du salarié, à tout le moins leur gravité ; qu'elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié refusait de se rendre au lieu fixé par l'employeur pour y recevoir les consignes de celui-ci pour le travail de la journée et qu'il avait refusé un jour déterminé de conduire un camion au motif inexact que ce dernier était en mauvais état, la cour d'appel a pu décider que ces actes d'insubordination rendaient impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise et constituaient une faute grave, justifiant ainsi légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave et de l'AVOIR débouté de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE
« Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
L'article L 1235-1 précise qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ;
En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée le 19 mars 2008 par l'employeur à M. Patrick X... fait part au salarié des motifs suivants qui ont conduit à la rupture du contrat de travail :- absences répétées sur tout le mois de février avec refus de travailler au motif que le matériel de conduite n'était pas fiable,- non respect des conditions de travail,- non respect du code de la route et excès de vitesse,- injures envers la direction et harcèlements envers les salariés-prise de documents sans avoir référé à la direction, fait assimilé à un vol,- paroles menaçantes et dangereuses pour l'entreprise prononcées auprès de collègues de travail.

Il importe donc d'analyser chacun des faits susvisés au regard des explications et pièces produites par les parties.
1- absences répétées sur tout le mois de février avec refus de travailler au motif que le matériel de conduite n'était pas fiable :
ll résulte des documents produits aux débats par l'employeur que selon une note d'information non contestée par le salarié, les horaires journaliers de travail pour l'extraction de la carrière de Peri étaient à partir du 2 janvier 2008 les suivants : 7 H à 1 1 H 30 et 13 H 30 à 16 H.
De plus, l'examen du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 21 février 2008 par Me Y..., huissier de justice, à la requête de la SARL TRANSTER permet de constater que, dans la salle des vestiaires, un document apposé sur un panneau réservé à cet effet et signé par la direction mentionne que tous les chauffeurs doivent se présenter tous les matins à sept heures dans la salle des vestiaires, information que l'intimé ne prétend pas avoir méconnu.
Or, ce même procès-verbal précise que même jour à 7 heures, l'ensemble des chauffeurs partent dans différentes directions en fonction du travail qui leur est confié, et que sur le parking, le gérant de la société TRANSTER a indiqué à l'huissier que M. Patrick X... était dans son véhicule et qu'à la question de Me Y... lui demandant ce qu'il y faisait avant sa prise de poste, celui-ci n'a apporté aucune réponse. Ledit procès-verbal mentionne qu'à la question posée sur le fait de savoir pour quelle raison le salarié ne se présentait pas aux vestiaires, celui-ci a répondu " je ne suis pas tenu de la faire ". A celle qui suivait pour savoir comment M. Patrick X... connaissait les tâches indiquées par l'employeur pour la journée, il n'a apporté aucune réponse, ni à celle lui demandant depuis combien de temps il agissait ainsi.
Au vu des explications et pièces produites, il ne peut être contesté que ces constatations faites par l'huissier instrumentaire attestent à tout le moins de l'absence du salarié aux vestiaires pour prendre connaissance auprès de son employeur des déplacements à effectuer pour la journée, et l'opposition du salarié de suivre les instructions de son employeur, lequel n'était pas en mesure de l'informer des déplacements à effectuer dans le cadre de l'emploi de chauffeur exercé par le salarié.
De plus, selon ce même procès-verbal, au vu de la question posée par l'huissier " depuis combien de temps agissez-vous de la sorte " et de l'absence de réponse du salarié, il ne peut être exclu que ce comportement n'était que la réitération de faits identiques précédents qui confirme la répétition invoquée par l'employeur.
Le fait que par attestation du 15 avril 2008, Melle Coralie A... ait déclaré qu'elle a déposé à plusieurs reprises M. X... à son travail au cours du mois de février, et notamment pendant la semaine du 18 au 24 février, n'est nullement contradictoire avec ce procès-verbal quant à l'absence du salarié dans les locaux des vestiaires à 7 heures au moment où en principe les chauffeurs prennent connaissance des déplacements à effectuer dans la journée.
Par contre, en l'absence d'éléments probants, il n'est pas démontré que M. X... était réellement absent de l'entreprise les autres jours de février 2008, alors que l'employeur a transmis deux courriers au salarié les 5 et 7 février 2008 pour d'autres motifs que des problèmes d'absences (demande de documents pour l'établissement de la carte conducteur et avertissement pour détention hors de l'entreprise de disques chronotachygraphes), sans nullement évoquer un problème d'absentéisme.
En ce qui concerne un refus de travailler en raison de la mise à disposition d'un matériel roulant en mauvais état, M. X... ne conteste pas ce fait qui se serait produit au mois de janvier 2008. Or, contrairement aux motifs retenus par les premiers juges, il n'est nullement établi que l'un des véhicules qui lui étaient affectés présentait un danger pouvant justifier un tel refus. En effet, les documents du contrôle technique effectué le 7 décembre 2007 tels que produit par l'employeur pour le camion immatriculé... de marque Iveco, dont l'utilisation par l'intimé n'est pas contestée, font ressortir une validité du visa jusqu'au 7 décembre 2008, et le nouveau contrôle effectué le 2 février 2009 a été validé jusqu'au 2 février 2010. Le fait que ces documents fassent mention de diverses observations sur l'état de ce véhicule est insuffisant pour justifier une opposition du chauffeur quant à son utilisation, et les photographies produites ne sont pas de nature à remettre en cause ce qui précède.
Il résulte de ce qui précède qu'une partie des fautes reprochées à M. X... pour ces motifs est donc fondée.
2- non respect des conditions de travail
Par lettre en date du 29 janvier 2008, la SARL TRANSTER a fait part au salarié qu'une rencontre était prévue le 30 novembre 2007 qui n'a pas été possible au motif que M. X... ne se présentait pas dans les vestiaires, et repartait le soir " à toute vitesse " après avoir garé le camion.
Toutefois, il n'est produit aucun justificatif sur la nécessité pour les chauffeurs de se présenter dans les vestiaires le soir avant de quitter l'entreprise de telle sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée au salarié sur ce point. En outre, le fait reproché est trop imprécis à la fois dans le contenu ou la fréquence pour être invoqué comme un comportement fautif imputable à l'intimé.
Par ailleurs, au vu des renseignements produits, la seule réclamation formalisée par lettre du 5 février 2008 au salarié pour lui demander de produire divers documents nécessaires afin de permettre l'établissement de la carte de conducteur ne démontre pas la carence de M. X..., et encore moins une faute de nature à motiver une rupture du contrat de travail, eu égard au fait que ce dernier était employé par l'entreprise depuis plusieurs années.
Il n'est donc établi aucun grief à l'encontre du salarié sur ce point.
3- non respect du code de la route et excès de vitesse
Pour reprocher à M. X... un non respect du code de la route, la SARL TRANSTER a produit une correspondance de la société SGA l'informant que des chauffeurs qui transportent des matériaux bruts de la carrière de Peri sur ses installations de traitement de Baléone empruntent avec des camions de la société appelante une voie à contre sens.
Or, outre le fait que l'intimé a écrit à son employeur par lettre du 27 février 2008 en réponse à la lettre du 19 janvier 2008, en indiquant qu'il respectait le code de la route, il n'est produit aucune preuve que de tels faits ont été commis par M. X.... Les photos produites par l'employeur montrant un camion de marque Iveco à un carrefour en train d'emprunter une voie dans le sens contraire de circulation ne saurait établir que l'intimé en est responsable, aucune preuve n'étant apportée sur l'immatriculation du camion, ou sur le nom du conducteur.
Quant aux excès de vitesse imputés à M. X..., les disques chronotachygraphes produits (pièces 14 et 17) ne sont pas suffisamment démonstratifs pour reprocher au salarié la commission d'infractions au code de la route de nature à justifier une mesure de licenciement, dans la mesure il n'est pas démontré que les vitesses enregistrées s'appliquent à un lieu précis où la vitesse est limitée par rapport à celle autorisée pour le type de véhicule. La production par l'employeur d'un extrait de carte routière pouvant correspondre au trajet habituel du camion de l'entreprise, et de plusieurs clichés photographiques montrant les limitations de vitesse à 50 ou 70 km/ h à l'entrée de communes ou sur des emplacements précis mais non indéterminés est trop sommaire pour caractériser de telles infractions.
Par conséquent, il n'existe sur ce point aucun grief suffisant à l'encontre du salarié permettant d'établir le caractère réel et sérieux de la mesure de licenciement.
4- injures envers la direction et harcèlements envers les salariés
A ce titre, la seule mention figurant au procès-verbal de constat susvisé selon laquelle M. X... a déclaré à M. Toussait Z..., directeur de la SARL TRANSTER : " à vous, je ne vous parle pas, si je dois répondre, c'est au gérant ", aussi direct que soit ce propos ne peut être caractérisé comme une injure envers la direction, alors que le salarié a ajouté qu'il ne s'opposait pas de s'entretenir avec le gérant, représentant légal de la société.
Quant aux faits de harcèlement envers les salariés, l'employeur n'en a établi la réalité par aucun élément probant.
Par conséquent, aucun fait de cette nature ne peut être reproché à M. X....
5- prise de documents sans avoir référé à la direction, fait assimilé à un vol
Il est constant que le fait d'avoir utilisé en dehors de l'entreprise des disques chronotachygraphes tel que reproché au salarié a donné lieu à un avertissement par lettre du 7 février 2008.
Dans la mesure où la récidive de tels faits n'est pas évoquée, c'est donc à tort que l'employeur a entendu en faire état au titre de la mesure de licenciement.
6- paroles menaçantes et dangereuses pour l'entreprise prononcées auprès de collègues de travail
Il ne saurait être contesté que la SARL TRANSTER n'a produit aucun élément justificatif de ce grief et n'a apporté aucune explication sur ce point dans ses observations devant la Cour de telle sorte que le licenciement ne peut être fondé pour ce motif.
7- synthèse des griefs reprochés eu égard à la mesure de licenciement
Au visa des dispositions de l'article L 1232-1 du code du travail susvisé, il doit être considéré que les fautes retenues ci-dessus à l'encontre de M. X... (absence au travail du fait de la non présentation au vestiaire, et refus injustifié de conduire un camion) sont suffisantes pour établir le caractère réel et sérieux du licenciement prononcé contre lui par l'employeur dans la mesure où ce comportement équivaut à une insubordination dans l'exécution du travail dont le salarié était chargé.
En conséquence, le jugement doit sur ce point être infirmé ;
En outre, au vu de ce qui précède, la nature des fautes retenues contre le salarié, eu égard aux obligations qui pèsent sur ce dernier dans l'exécution de son contrat de travail, justifie le caractère de gravité notifié à M. X... lors du licenciement, dans la mesure où ce comportement rendait impossible son maintien dans l'entreprise ;
Sur les demandes en paiement
-indemnité de préavis et de licenciement
Au visa notamment des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail, en raison à la fois du caractère réel et sérieux et de gravité retenu pour le licenciement de Monsieur X..., les demandes présentées par ce dernier ne sont pas fondées et le jugement doit, par conséquent être infirmé à ce titre » (arrêt attaqué p. 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9).
ALORS QUE la Société TRANSTER a invoqué contre Monsieur X... six griefs en le licenciant pour faute grave ; que la Cour d'appel n'a retenu que l'un d'entre eux ; que cette élimination de la quasi-totalité des reproches entraînait nécessairement la perte de la gravité de la faute ; qu'en maintenant cette gravité, la Cour de BASTIA n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qu'elles impliquaient et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L 1234-1 du Code du travail.
ET QU'en tout état de cause, il appartenait à l'employeur de fournir du travail à Monsieur X... toujours présent sur les lieux et de lui donner des explications sur l'état du matériel qu'il conduisait ; que la Cour d'appel s'est abstenue de se prononcer sur le comportement de la Société TRANSTER excluant les fautes du salarié, à tout le moins leur gravité ; qu'elle n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 1232-1 et L 1234-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-13344
Date de la décision : 28/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 28 juillet 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 mar. 2012, pourvoi n°11-13344


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.13344
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