LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 19 septembre 1989, M. X... (la caution), s'est rendu caution solidaire envers la BNP Paribas (la banque) de l'ouverture de crédit en compte courant consentie à la société ST promotion (la société) ; que cet acte stipule que la procédure à l'encontre de la caution doit être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivent la clôture du compte ; que le compte de la société a été clos le 16 juin 1995 ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 4 janvier 1996, la banque a déclaré sa créance et a, le 28 novembre 2007, fait pratiquer une saisie sur les rémunérations de la caution, qui l'a assignée en invoquant la forclusion de l'action en mainlevée de la saisie ;
Attendu que pour autoriser la saisie des rémunérations de la caution, l'arrêt, après avoir relevé qu'aux termes de l'acte authentique la procédure contre la caution devra être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivront la clôture du compte et qu'il n'est pas contesté que la clôture soit intervenue le 16 juin 1995, retient que cette disposition, qui ne comporte pas de sanction, ne saurait faire échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire d'une durée de dix ans ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la clause limitant le droit d'agir du créancier à une durée déterminée à compter de la clôture du compte, qu'elle figure dans un acte authentique ou sous seing privé, a pour effet qu'à son terme le recours du créancier est atteint par la forclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit la BNP Paribas forclose en son action aux fins de saisie-arrêt sur les rémunérations de M. X... ;
Condamne la BNP Paribas aux dépens ;
Met en outre à sa charge les dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt-sept mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur Léonard X... à hauteur de 59.864,56 € arrêtés au 5 juin 2009 et d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la procédure de saisie des rémunérations est précédée d'une procédure de conciliation ; que l'article R.3252-19 du Code du travail prévoit que, si le débiteur ne comparaît pas, il est procédé à la saisie à moins que le juge n'estime nécessaire une nouvelle convocation et que, si les parties ne sont pas conciliées, il est procédé à la saisie après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s'il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur ; qu'au jour du procès-verbal de non-conciliation, le greffier procède à la saisie dans les huit jours ; qu'en l'espèce, la convocation adressée par le greffe du Tribunal d'instance du 10ème arrondissement de Paris le 4 avril 2008 qui porte la mention « non réclamée » est certes régulière mais ne permet pas d'affirmer que Monsieur Léonard X... en ait eu connaissance ; qu'en outre, il n'a pas été procédé à une nouvelle convocation non plus qu'à une assignation de l'intéressé ; que dès lors, c'est à bon droit que le premier juge a considéré la demande de Monsieur Léonard X... recevable ; qu'il résulte de l'article R.3252-11 du Code du travail que le juge d'instance, lorsqu'il connaît d'une saisie des sommes dues à titre de rémunération, exerce les pouvoirs du juge de l'exécution conformément à l'article L.221-8 du Code du travail ; que lorsque, comme en l'espèce, les poursuites sont fondées sur un acte authentique constituant un titre exécutoire, le juge ne peut pas à l'occasion d'une procédure de saisie des rémunérations remettre en cause le titre exécutoire qui sert de base aux poursuites, la seule contestation recevable étant celle de l'existence du titre constatant une créance liquide et exigible, le juge devant en outre vérifier si le titre permet l'évaluation de la créance et si le débiteur justifie de causes d'extinction de ses obligations ; qu'en l'espèce, Monsieur Léonard X... a fait valoir qu'aux termes de l'acte authentique « la procédure contre la caution devra être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivront la clôture du compte» ; qu'il n'est pas contesté que la clôture du compte ait intervenu le 16 juin 1995 ; que cependant, cette disposition qui ne comporte pas de sanction ne saurait faire échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire d'une durée de dix ans ; qu'en outre, ce délai de prescription peut être interrompu par divers actes de procédure, tel le procès-verbal de saisie-attribution du 23 avril 1998 et le procès-verbal de saisie-vente du 15 mai 1998 ; qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit la SA PARIBAS forclose en son action ;
ALORS D'UNE PART QUE le contrat de cautionnement stipule que «la procédure contre la caution devra être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivront la clôture du compte », le délai imparti étant un délai de forclusion et non pas un délai de prescription ainsi que le faisait valoir l'exposant et que l'avait jugé le tribunal ; qu'en retenant qu'il n'est pas contesté que la clôture du compte est intervenue le 16 juin 1995, pour ensuite affirmer que cette stipulation qui ne comporte pas de sanction ne saurait fait échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire d'une durée de dix ans, quand l'action en paiement contre la caution devait être impérativement exercée dans les cinq ans depuis la clôture du compte, et qu'à l'expiration de ce délai aucune action ne pouvait plus être exercée contre la caution, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART QUE les parties peuvent valablement réduire les délais offerts par la loi au créancier pour agir en recouvrement de lors que cette réduction conventionnelle lui laisse le temps d'agir ; qu'ayant relevé que le contrat de cautionnement stipule que « la procédure contre la caution devra être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivront la clôture du compte », qu'il n'est pas contesté que la clôture du compte est intervenue le 16 juin 1995, puis considéré que cette stipulation qui ne comporte pas de sanction ne saurait fait échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire d'une durée de dix ans, quand les parties peuvent librement réduire ce délai légal, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE l'exposant faisait valoir que la clause selon laquelle «la procédure contre la caution devra être engagée au plus tard dans les cinq années qui suivront la clôture du compte », a pour objet de sanctionner le nonrespect par le créancier de l'obligation qu'il a d'agir en temps utile à l'encontre de la caution ; qu'en retenant qu'il n'est pas contesté que la clôture du compte est intervenue le 16 juin 1995, pour ensuite affirmer que cette stipulation qui ne comporte pas de sanction ne saurait fait échec au délai de prescription en matière d'exécution d'un titre exécutoire d'une durée de dix ans, sans rechercher si comme il était soutenu cette clause de forclusion n'avait pour effet de sanctionner le créancier pour ne pas avoir agi en temps utile la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUÉ D'AVOIR autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur Léonard X... à hauteur de 59.864,56 € arrêtés au 5 juin 2009 et d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes,
AUX MOTIFS QUE Monsieur Léonard X... demande que la SA BNP PARIBAS soit déchue du droit aux intérêts en application de l'article L.313-22 du Code monétaire et financier qui prévoit que : «les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette » ; que cette disposition, entrée en vigueur le 1er juillet 1999, ne peut recevoir application dans l'hypothèse de règlements du débiteur principal antérieurs à cette date ; que le texte applicable dans son ancienne rédaction issue de la loi du 1er mars 1985 ( 1984) prévoit : «Le défaut d'accomplissement des formalités prévues à l'alinéa précédent (information annuelle de la caution) emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information » ; que cette disposition s'applique aux intérêts dont le paiement est demandé à la caution et non à ceux réclamés au débiteur principal ; qu'en l'espèce, la saisie a été réclamée à hauteur de 140.507,81 € correspondant seulement au capital restant dû ; que, dès lors, la référence à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier est sans objet ; que Monsieur Léonard X... fait encore valoir qu'il y a lieu de déduire les versements opérés par la seconde caution ; que cependant, il est établi que le décompte de la somme réclamée comprend le règlement effectué par Monsieur Y... ; qu'une action en responsabilité contractuelle de la banque ne saurait paralyser un titre exécutoire, le juge de l'exécution ne pouvant, en application de l'article 8 du décret du 30 juillet 1992, suspendre l'exécution de la décision qui sert de base aux poursuites ; qu'il n'y a pas lieu dès lors de surseoir à statuer jusqu'à décision au fond de ce chef ; que les intérêts courent au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 juin 1995 ; qu'il y a lieu en conséquence, infirmant la décision déférée, compte tenu du décompte du 25 septembre 2008, d'ordonner la saisie des rémunérations de Monsieur Léonard X... à hauteur de 59.864,56 € ;
ALORS, D'UNE PART, QUE sous l'empire de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, codifié à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier, le créancier qui n'a pas informé annuellement la caution encourt la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date à laquelle a été faite la communication de la nouvelle information ; qu'en affirmant que ces dispositions s'appliquent aux intérêts dont le paiement est demandé à la caution et non à ceux réclamés au débiteur principal, qu'en l'espèce, la saisie a été réclamée à hauteur de 140.507,81 € correspondant seulement au capital restant dû, que, dès lors, la référence à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier est sans objet sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si ce montant représentant le solde débiteur du compte courant arrêté au 16 juin 1995 n'intégrait pas les intérêts au taux conventionnel de 9, 90 %, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes sus visés ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE sous l'empire de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, codifié à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier lorsque la déchéance porte sur des intérêts inscrits en compte courant, ou les agios afférents à la période pendant laquelle l'information a fait défaut, ces intérêts doivent être imputés sur le solde débiteur réclamé à la caution ; que l'exposant faisait valoir que s'agissant d'un compte courant, la jurisprudence a considéré avant même la loi du 25 juin 1999 qu'il convenait d'imputer sur le solde débiteur réclamé à la caution tous les agios afférents à la période pendant laquelle l'information a fait défaut (p. 8) ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L.313-22 dans leur rédaction applicable en l'espèce s'appliquent aux intérêts dont le paiement est demandé à la caution et non à ceux réclamés au débiteur principal, qu'en l'espèce la saisie a été réclamée à hauteur de 140.507,81 € correspondant seulement au capital restant dû, que dès lors la référence à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier est sans objet, sans relever que la banque établissait que ce solde débiteur du compte courant de 140.507,81 € à la date de la clôture du compte le 16 juin 1995, sur la base duquel elle demandait la saisie des rémunérations de l'exposant à hauteur de 59.864,56 € , montant de sa créance actualisé au 25 septembre 2008 correspondait au seul capital et ne comprenait pas les intérêts conventionnels au taux de 9, 90 %, pour lesquels la déchéance s'appliquait, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
ALORS ENFIN QUE sous l'empire de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, codifié à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier lorsque la déchéance porte sur des intérêts inscrits en compte courant, ou les agios afférents à la période pendant laquelle l'information a fait défaut, ces intérêts doivent être imputés sur le solde débiteur réclamé à la caution, la caution restant tenue de payer l'intérêt légal sur les sommes dues par le débiteur principal depuis qu'elle a été mise en demeure puisqu'il s'agit d'une dette qui lui est personnelle ; qu'en retenant que les dispositions de l'article L.313-22 dans leur rédaction applicable en l'espèce s'appliquent aux intérêts dont le paiement est demandé à la caution et non à ceux réclamés au débiteur principal, qu'en l'espèce la saisie a été réclamée à hauteur de 140.507,81 € correspondant seulement au capital restant dû, que dès lors la référence à l'article L.313-22 du Code monétaire et financier est sans objet, que les intérêts courent au taux légal à compter de la mise en demeure du 16 juin 1995, pour décider qu'il y a lieu en conséquence, infirmant la décision déférée, compte tenu du décompte du 25 septembre 2008, d'ordonner la saisie des rémunérations de Monsieur Léonard X... à hauteur de 59.864,56 €, sans préciser si la mise en demeure du 16 juin 1995 était celle faite au débiteur principal ou si elle a été faite à la caution, seule cette dernière faisant courir l'intérêt légal du personnellement par la caution, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;