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21/03/2012 | FRANCE | N°11-11932

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 mars 2012, 11-11932


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 septembre 2010), que M. X... a été engagé le 1er juin 2001 en qualité de membre d'équipage qualifié Falcon 20 par la société Aviation défense service (Avdef) ; que par avenant du 20 janvier 2006, le salarié a été promu commandant de bord Falcon 20, devant occuper en complément des remplacements de copilote sur Falcon 10 ; qu'une clause de dédit-formation prévoyait qu'en contrepartie de l'investissement effectué par l'employeur le salarié s'engageait à rester q

uatre ans au service de la société, soit jusqu'au 30 juin 2010 et qu'en cas...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 septembre 2010), que M. X... a été engagé le 1er juin 2001 en qualité de membre d'équipage qualifié Falcon 20 par la société Aviation défense service (Avdef) ; que par avenant du 20 janvier 2006, le salarié a été promu commandant de bord Falcon 20, devant occuper en complément des remplacements de copilote sur Falcon 10 ; qu'une clause de dédit-formation prévoyait qu'en contrepartie de l'investissement effectué par l'employeur le salarié s'engageait à rester quatre ans au service de la société, soit jusqu'au 30 juin 2010 et qu'en cas de démission ou de licenciement pour faute, il s'engageait à rembourser le coût de la formation de manière dégressive ; qu'à la suite de la démission du salarié, l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement au titre du dédit-formation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à l'employeur une certaine somme au titre du dédit-formation et de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice de carrière et préjudice moral, alors, selon le moyen, que l'employeur a l'obligation de fournir au salarié le travail contractuellement convenu ; qu'à défaut, la rupture consécutive à ce manquement contractuel lui est imputable et le salarié n'est plus tenu au respect de la clause de dédit-formation qui le liait, quand bien même ce manquement pourrait s'expliquer par une cause économique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été, selon les termes mêmes de son avenant du 20 janvier 2006, «promu» aux fonctions de «commandant de bord Falcon 20», et que ce n'est que pour «renforcer les équipages» que «l'employeur lui a proposé d'occuper en complément les fonctions de copilote sur Falcon 10» ; qu'elle a également constaté que l'employeur ne lui avait pas permis d'exercer ses nouvelles fonctions de commandant de bord ; que dès lors, peu importait que ce soit pour des raisons économiques que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, il ne pouvait être imposé au salarié de respecter les siennes ; qu'en décidant au contraire que le salarié demeurait lié par la clause figurant à son avenant, même si l'employeur n'avait pas été en mesure de respecter les termes de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1222-1 du code du travail , 1134 et 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'interprétant l'avenant au contrat de travail, la cour d'appel a estimé que les fonctions confiées au salarié portaient tant sur celles de commandant de Falcon 20 que sur celles de copilote sur Falcon 10 ; qu'ayant constaté que le salarié avait exercé uniquement ces dernières fonctions du fait de l'insuffisance du nombre de Falcon 20, elle a pu décider que l'employeur n'avait commis aucune faute, et que la rupture ne lui était pas imputable ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à l'employeur une certaine somme au titre du dédit-formation, alors, selon le moyen :
1°/ qu'au vu des éléments apportés par le salarié laissant supposer qu'il avait fait l'objet d'une discrimination, il appartenait à l'employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs non discriminatoires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Y... avait effectivement suivi une formation identique à celle de M. X... et qu'il avait été, contrairement à lui, exempté de la clause de dédit-formation ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de démontrer que cette inégalité de traitement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déboutant M. X... de sa demande au motif qu'il ne démontrait pas avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article L. 1134-1 du code du travail ;
2°/ que la différence de traitement n'est admise que si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime ; que l'employeur ne saurait justifier la différence de traitement entre ses salariés par le fait qu'il n'a pas rempli la totalité de ses obligations légales envers celui qu'il a favorisé ; que dès lors en considérant que l'exemption de clause de dédit-formation avait pu être consentie au seul M. Y... en raison du surcroît de travail accompli par celui-ci sans compensation financière, la cour d'appel a violé le principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans et les articles L. 1132-1 et suivants du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur établissait que douze autres pilotes étaient soumis à la même clause contractuelle alors qu'un seul en avait été dispensé, la cour d'appel en a déduit, sans inverser la charge de la preuve, que le salarié n'avait pas fait l'objet d'une différence de traitement ; que le moyen, qui en sa deuxième branche critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le salarié n'ayant pas précisé la nature de la discrimination invoquée, la cour d'appel a exactement décidé que la demande devait être écartée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à verser à la société AVDEF la somme de 28.000 € correspondant au dédit formation et de l'avoir débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de carrière et préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE sont versés aux débats : un courrier du 11 mai 2005 adressé par la société au salarié lui confirmant «votre promotion à la fonction de commandant de bord sur Falcon 20 le premier jour du mois suivant le mois de la mise en service opérationnelle de l'avion Falcon 20 Arpège, votre formation à cette fonction devant être terminée à cette date» ; un document de suivi du marché Arpège démontrant que la mise en oeuvre de ce marché pour la première année de missions est effectuée par une première série de facturations fixées pour les mois de septembre, octobre et novembre 2006 ; les prévisions de vol de l'entreprise entre le 23 janvier et le 10 novembre 2006 qui établissent le caractère minoritaire des vols Falcon 20 ne représentant que 165 vols sur les 900 vols recensés et les vols Falcon 20 Arpège n'étant concernés que par 14 vols ; le récapitulatif d'activité 2006 des 15 pilotes de la société qui établit que Monsieur X..., qui bénéficie, parmi les cinq commandants de bord sur Falcon 20, de la quatrième plus longue ancienneté dans l'entreprise, se classe au cinquième rang du nombre d'heures de vol totalisées ; qu'il en ressort que le salarié ne peut reprocher à la société de ne pas avoir respecté ses obligations en ne lui faisant pas effectuer des heures de vol sur Falcon 20, alors que l'avenant du 20 janvier 2006 formalisant sa promotion et augmentant sa rémunération incluait dans le même temps la fonction complémentaire de copilote sur Falcon 10 et qu'il a continué d'être rémunéré pour cette double activité en n'en exerçant qu'une, du fait du temps nécessité par la mise en place du marché qui conditionnait sa promotion et ne pouvait dans ces conditions accomplir des heures de vol en tant que commandant de bord sur Falcon 20 qu'au détriment des salariés de même grade bénéficiant d'une ancienneté plus grande dans l'entreprise ; que la rupture du contrat de travail est intervenue à l'initiative du salarié et ne peut être imputable à l'employeur à l'encontre duquel ne peut être relevé aucun manquement à ces obligations contractuelles ; qu'il convient, pour les motifs susvisés, de débouter Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudice de carrière ;
ALORS QUE l'employeur a l'obligation de fournir au salarié le travail contractuellement convenu ; qu'à défaut, la rupture consécutive à ce manquement contractuel lui est imputable et le salarié n'est plus tenu au respect de la clause de dédit-formation qui le liait, quand bien même ce manquement pourrait s'expliquer par une cause économique ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait été, selon les termes mêmes de son avenant du 20 janvier 2006, «promu» aux fonctions de «Commandant de bord Falcon 20», et que ce n'est que pour «renforcer les équipages» que «l'employeur lui a proposé d'occuper en complément les fonctions de copilote sur Falcon 10» ; qu'elle a également constaté que l'employeur ne lui avait pas permis d'exercer ses nouvelles fonctions de commandant de bord ; que dès lors, peu importait que ce soit pour des raisons économiques que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles, il ne pouvait être imposé au salarié de respecter les siennes ; qu'en décidant au contraire que le salarié demeurait lié par la clause figurant à son avenant, même si l'employeur n'avait pas été en mesure de respecter les termes de celui-ci, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L.1222-1 du Code du travail , 1134 et 1184 du Code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à verser à la société AVDEF la somme de 28.000 € correspondant au dédit formation ;
AUX MOTIFS QUE le montant de l'indemnité de remboursement prévue par la clause est exactement proportionné aux dépenses puisque identique à leur montant ; qu'il n'est pas non plus excessif, ses modalités étant prévues sous une forme dégressive sur une période de quatre ans courant à compter de la formation dispensée entre le 30 janvier et le 2 mars 2006 ; que Monsieur X... ne peut arguer ni de la disproportion de l'indemnité réclamée par l'employeur, alors qu'il a lui-même choisi librement de démissionner, après la date d'obtention de sa qualification en suite de la formation réalisée, à une date effective venant deux mois avant l'échéance du remboursement à taux plein des dépenses de formation, ni de la durée excessive de l'engagement, la durée de quatre ans convenue entre les parties correspondant raisonnablement à l'importance des sommes engagées par I'employeur ;
ALORS QU' est illicite la clause qui a pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner, quand bien même elle serait proportionnée au frais de formation engagés ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la clause de dédit-formation représentait 8 mois de son salaire moyen et que s'il avait su qu'elle s'imposerait à lui, il n'aurait jamais démissionné ; qu'en se bornant à dire, pour écarter ce moyen, que le montant de l'indemnité était proportionné aux dépenses et que le fait que Monsieur X... ait choisi de démissionner, démontrait que la clause n'était pas excessive, alors même que le litige porte précisément sur le fait que le salarié conteste devoir cette somme, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L.1221-1 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X... à verser à la société AVDEF la somme de 28.000 € correspondant au dédit formation ;
AUX MOTIFS QU'il ne peut enfin être retenu aucun caractère discriminatoire de la clause, affectant sa validité, du fait de l'exemption d'une telle clause dont aurait bénéficié le salarié Monsieur Y... ayant suivi une formation identique, alors qu'aucune démonstration n'est faite par le salarié de ce qu'il a pu faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de formation "en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.", ainsi qu'énoncé par l'article L.122-45 devenu l'article L.1132 du Code du travail ; et que la Société AVDEF verse aux débats les clauses de dédit formation signées par 12 autres salariés de l'entreprise, en contrepartie de formations de type devant leur être dispensées, notamment, pour deux d'entre eux dont le successeur du salarié, des formations sur Falcon 10, pour un coût identique ou supérieur et un engagement à rester dans I'entreprise pendant une durée minimum de 2 à 4 ans, en fonction du montant des dépenses engagées, correspondant à la proportionnalité inscrite dans la clause de Monsieur X..., à l'exception d'un salarié pour lequel est requis un engagement minimum de 18 mois du fait de sa non rémunération pendant une période de six mois de formation ; que la société démontre par la production d'une attestation de son directeur général délégué Monsieur Z..., le caractère exceptionnel de l'exemption de clause de dédit formation consentie au seul salarié Monsieur Y... en raison du surcroît de travail accompli par celui-ci sans compensation financière en remplacement d'un salarié licencié, cette exemption consentie par I'attestataire, alors Responsable Désigné des Opérations Aériennes, ayant été régulièrement validée par le Directeur Général de l'époque de la société ;
ALORS QU'au vu des éléments apportés par le salarié laissant supposer qu'il avait fait l'objet d'une discrimination, il appartenait à l'employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs non discriminatoires ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur Y... avait effectivement suivi une formation identique à celle de Monsieur X... et qu'il avait été, contrairement à lui, exempté de la clause de dédit formation ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de démontrer que cette inégalité de traitement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande au motif qu'il ne démontrait pas avoir fait l'objet d'une mesure discriminatoire, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article L.1134-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la différence de traitement n'est admise que si elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime ; que l'employeur ne saurait justifier la différence de traitement entre ses salariés par le fait qu'il n'a pas rempli la totalité de ses obligations légales envers celui qu'il a favorisé ; que dès lors en considérant que l'exemption de clause de dédit formation avait pu être consentie au seul Monsieur Y... en raison du surcroît de travail accompli par celui-ci sans compensation financière, la Cour d'appel a violé le principe Nemo auditur propriam turpitudinem allegans et les articles L.1132-1 et suivants du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-11932
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 07 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 mar. 2012, pourvoi n°11-11932


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11932
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