LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 décembre 2010), que M. X..., qui avait été l'expert-comptable de la société Groupe Rault, soutenant que celle-ci restait redevable à son égard d'un solde d'honoraires, a obtenu qu'il lui soit fait injonction de lui payer une certaine somme ; que la société Groupe Rault a fait opposition à cette injonction ;
Attendu que la société Groupe Rault fait grief à l'arrêt de la condamner à payer une certaine somme à M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations si bien qu'en relevant d'office, pour accueillir la demande de M. X... en paiement par la société Groupe Rault de factures d'un montant de 71 726,86 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007, le moyen tiré du défaut de prescription de l'action en paiement de cet expert-comptable, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et si, entre commerçants, la preuve est libre, celle-ci ne peut toutefois, en vertu du principe que nul ne peut se créer une preuve à soi-même, résulter uniquement de la production de factures ; qu'en accueillant dès lors la demande de M. X... paiement par la société Groupe Rault des factures litigieuses sur la seule présentation par cet expert-comptable de ses factures, la cour d'appel a violé l'article 1315 alinéa premier du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ;
3°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties de sorte qu'en accueillant la demande de M. X... en paiement par la société Groupe Rault des factures litigieuses, motif pris qu'en l'absence de facturation par cet expert comptable avant 2004 des prestations réalisées à partir de l'exercice comptable 2001/2002, la société Groupe Rault était mal fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable, sans répondre au moyen déterminant des conclusions d'appel de ladite société faisant valoir qu'en application du code des devoirs professionnels et du manuel de référence des normes de comportement professionnel établies par l'ordre des experts comptables en 1993, le client de l'expert-comptable était seul habilité à décider de l'étendue et de la nature des interventions de son expert-comptable, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver de sorte qu'en accueillant la demande de M. X... en paiement par la société Groupe Rault des factures litigieuses, motifs pris qu'en l'absence de facturation par cet expert-comptable avant novembre 2004 des prestations réalisées à partir de l'exercice comptable 2001/2002, la société Groupe Rault était mal fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable, que la matérialité des prestations n'était pas contestée, non plus que la qualité du service rendu, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, alinéa premier, du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient, sans relever d'office le moyen pris de l'absence de prescription, qu'il ne peut être valablement fait grief à M. X... d'avoir tardé à agir en recouvrement dès lors que la prescription de son action en paiement n'est pas acquise ;
Et, attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé qu'il n'apparaît pas que M. X... ait, antérieurement aux factures litigieuses, dressé des factures pour les prestations dont il réclame paiement et qu'il apparaît seulement que la société Groupe Rault a fait divers versements, lesquels sont déduits de la réclamation de M. X..., l'arrêt retient que la matérialité des prestations invoquées n'est pas contestée, non plus que la qualité du service rendu, et que la facturation discutée est conforme à celle qui était pratiquée entre les parties dans le passé ; que de ces constatations et appréciations souveraines faisant ressortir que M. X... faisait la preuve qui lui incombait, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée exclusivement sur les factures produites par M. X... et qui n'avait pas à répondre au moyen visé par la troisième branche, que ces constatations rendaient inopérant, a pu déduire, sans inverser la charge de la preuve, qu'en l'absence de facturation par M. X... des prestations réalisées à partir de l'exercice 2001-2002, la société Groupe Rault n'était pas fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Rault aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du vingt mars deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour la société Groupe Rault
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société GROUPE RAULT à payer à Monsieur X... la somme de 71.726,86 € avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007,
AUX MOTIFS QUE "Monsieur X..., qui a été l'expert-comptable de la société GROUPE RAULT jusqu'au 30 septembre 2004 doit être rémunéré pour le travail qu'il a fourni avant la rupture des relations contractuelles, ainsi que pour l'établissement des bulletins de paie qu'il a dressé postérieurement à la rupture conformément aux termes de la lettre du 29 septembre 2004 ;
Qu'il ne peut lui être valablement fait grief d'avoir tardé à agir en recouvrement dès lors que la prescription de son action en paiement n'est pas acquise ;
Qu'en l'absence de lettre de mission, en sa qualité de demandeur, en application du premier alinéa de l'article 1315 du Code civil, il lui appartient de rapporter la preuve de la créance d'honoraires dont il se prévaut ;
Que la somme de 71.726,86 € dont Monsieur X... réclame paiement correspond au solde sur des factures portant sur les prestations qu'il a réalisées au cours des exercices 2001/2002 (60.636,11 €), 2002/2003 (41.312,54 €), 2003/2004 (52.671,84 €), outre celles qu'il a fournies pour régulariser la situation de la société au regard de la loi dite NRE (3.590,39 €), pour assister la société dans le cadre d'un contrôle fiscal (6.213,22 €) et pour élaborer des fiches de paie en octobre et novembre 2004 (46,64 € x 2), après déduction des sommes versées par la société GROUPE RAULT à hauteur de 92.790,52 € en tout ;
Que la société GROUPE RAULT soutient qu'elle pensait avoir payé en leur temps les prestations fournies par Monsieur X..., n'ayant aucune facture en attente ;
Considérant d'abord qu'il n'apparaît pas que Monsieur X... ait dressé des factures pour les prestations pour lesquelles il réclame paiement antérieurement aux factures incriminées ;
Qu'il apparaît seulement que la société GROUPE RAULT a fait des versements de 36.843,88 € pour l'exercice 2001/2002, 33.200 € pour l'exercice 2002/2003 et 22.700 € pour l'exercice 2003/2004, 110036/EP/DG outre un paiement de 46,64 € en décembre 2004 en règlement d'une facture d'établissement de fiches de paie, paiements déduits de la réclamation de Monsieur X... ;
Qu'en l'absence de facturation par Monsieur X... avant novembre 2004 des prestations réalisées à partir de 2001/2002, la société GROUPE RAULT est mal fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable ;
Que contrairement à ce qu'elle prétend, ces factures ne sont pas en hausse spectaculaire par rapport aux factures antérieures puisque les prestations de l'exercice 1996/1997 avaient été facturées 44.268,08 € (290.379,59 F), celles de l'exercice 1997/1998 45.075,95 € (295.678,88 F), l'exercice 1999/2000 48.003,60 € (314.883 F), celles de l'exercice clôturé le 30 septembre 2000 à 50.298,49 € (329.936,45 €) et celles de l'exercice clôturé le 30 septembre 2001 51.657,85 € ;
Qu'en effet, les prestations de vérification de comptabilité et d'établissement des comptes de l'exercice 2001/2002 sont facturées 60.636,11 €, celles de l'exercice 2002/2003 41.312,54 € et celles de l'exercice 2003/2004 52.671,84 € ;
Que la matérialité des prestations n'est pas contestée par la société GROUPE RAULT non plus que la mise en conformité de la société aux exigences de la loi NRE, facturée 3.590,39 € et l'assistance à un contrôle fiscal facturée 6.213,22 € ainsi que l'établissement de feuilles de paie en octobre et novembre 2004 ;
Que la qualité du service rendu n'est pas davantage critiqué ;
Qu'il apparaît que la facturation discutée est conforme à la facturation qui était pratiquée entre les parties dans le passé ;
Qu'il convient, infirmant le jugement entrepris, de condamner la société GROUPE RAULT à payer à Monsieur X... 71.726,86 € en principal ;
Que les intérêts sur cette somme courent au taux légal à compter de la mise en demeure",
ALORS, D'UNE PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations si bien qu'en relevant d'office, pour accueillir la demande de Monsieur X... en paiement par la société GROUPE RAULT de factures d'un montant de 71.726,86 €, avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2007, le moyen tiré du défaut de prescription de l'action en paiement de cet expert-comptable, sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et si, entre commerçants, la preuve est libre, celle-ci ne peut toutefois, en vertu du principe que nul ne peut se créer une preuve à soi-même, résulter uniquement de la production de factures ; qu'en accueillant dès lors la demande de Monsieur X... en paiement par la société GROUPE RAULT des factures litigieuses sur la seule présentation par cet expert-comptable de ses factures, la Cour d'appel a violé l'article 1315 alinéa premier du Code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soimême,
ALORS, DE PLUS, QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties de sorte qu'en accueillant la demande de Monsieur X... en paiement par la société GROUPE RAULT des factures litigieuses, motif pris qu'en l'absence de facturation par cet expertcomptable avant 2004 des prestations réalisées à partir de l'exercice comptable 2001/2002, la société GROUPE RAULT était mal fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable, sans répondre au moyen déterminant des conclusions d'appel de ladite société faisant valoir qu'en application du Code des devoirs professionnels et du manuel de référence des normes de comportement professionnel établies par l'Ordre des experts comptables en 1993, le client de l'expert-comptable était seul habilité à décider de l'étendue et de la nature des interventions de son expert-comptable, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs et ainsi violé l'article 455 du Code de procédure civile,
ALORS, ENFIN, QUE c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver de sorte qu'en accueillant la demande de Monsieur X... en paiement par la société GROUPE RAULT des factures litigieuses, motifs pris qu'en l'absence de facturation par cet expert-comptable avant novembre 2004 des prestations réalisées à partir de l'exercice comptable 2001/2002, la société GROUPE RAULT était mal fondée à soutenir avoir entièrement réglé son expert-comptable, que la matérialité des prestations n'était pas contestée, non plus que la qualité du service rendu, la Cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, alinéa premier, du Code civil.