La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2012 | FRANCE | N°10-26669

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mars 2012, 10-26669


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 mars 2000 par Mme Y... en qualité de vendeuse par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à partir du 8 avril 2000 ; qu'après avoir été placée en arrêt de travail le 10 juin 2005, elle a été déclarée inapte à son poste de travail le 1er décembre 2005 par le médecin du travail et a été licenciée le 29 décembre 2005 en raison de son inaptitude physique et de l'impossibilité de procéder à son reclassement ;


Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 9 mars 2000 par Mme Y... en qualité de vendeuse par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à partir du 8 avril 2000 ; qu'après avoir été placée en arrêt de travail le 10 juin 2005, elle a été déclarée inapte à son poste de travail le 1er décembre 2005 par le médecin du travail et a été licenciée le 29 décembre 2005 en raison de son inaptitude physique et de l'impossibilité de procéder à son reclassement ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que quatre salariées dont Mme X... invoquent une dégradation importante de leurs conditions de travail caractérisée par les critiques dont elles ont fait l'objet, les propos déplacés et vexants tenus à leur encontre, l'intervention inopinée de l'employeur devant les clients, des mises à l'écart, le retrait de certaines tâches, des ordres contradictoires, des actes de violence, que la concomitance des dates et l'attitude de Mmes Z... et A... mettent en évidence le fait que les quatre salariées ont agi de façon concertée, que les courriers écrits par les salariées elles-mêmes et les notes produites ne peuvent avoir de caractère probant, que par ailleurs les salariées se fondent essentiellement pour établir les agissements dont elles font état sur les attestations qu'elles se sont délivrées les unes aux autres et que ces témoignages croisés peuvent difficilement être retenus en l'espèce, que le seul incident qui est véritablement établi est celui qui a trait à l'intervention de Mme Y... lors d'un essayage d'une cliente supervisé par Mme D..., que ce seul fait ne peut caractériser des agissements répétés susceptibles de constituer un harcèlement moral ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte les certificats médicaux ni vérifier si les éléments produits pris dans leur ensemble ne laissaient pas présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif ayant débouté la salariée de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 14 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts liés l'existence d'un harcèlement moral.
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 1152-1 du Code du Travail (ancien article L 122-49 alinéa 1) aucun salarié ne doit subir les agissements rejetés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ; Qu'il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que dès lors que ces faits sont établis il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements, ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; que les quatre salariées invoquent une dégradation importante de leurs conditions de travail caractérisée par les critiques dont elles ont fait l'objet, les propos déplacés et vexants tenus à leur encontre, l'intervention inopinée de l'employeur devant les clients, des mises à l'écart, le retrait de certaines tâches, des ordres contradictoires, des actes de violence ; que en premier lieu qu'il convient d'observer-que Mesdames X... et D... ont été toutes les deux mises en arrêt de maladie en même temps (9 et 10 juin 2005) jusqu'à la même date et ont fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 1er décembre 2005 par le médecin du travail ;- que Madame Z... a également été en arrêt de travail à la même période (24/ 6 au 4/ 7 et 13/ 12/ 2005 au 26/ 01/ 2006) et déclarée inapte à son poste le 9 décembre 2006 par le médecin du travail qui a relevé qu'un aménagement de poste n'était possible ;- que dans un courrier du mois de mars 2006 cette dernière n'a à aucun moment fait état de harcèlement mais sollicitait la reprise du versement de son salaire et se plaignait de ne pas avoir ! été embauchée à plein temps ce qui est pour le moins antinomique ;- que de la même façon le conseil qu'elle a été consulté après son licenciement a interpellé l'employeur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein mais n'a nullement mentionné l'existence d'un quelconque harcèlement ; que Madame A... qui avait été licenciée le 19 novembre 2004 n'a adressé un courrier à. son employeur en se plaignant du comportement de celle-ci que le 1 er décembre 2006, soit plus de 2 ans après :) la rupture de son contrat de travail et à la même date que les déclarations d'inaptitude de ses collègues, Mesdames D... et X... ;- que trois d'entre elles ont saisi le Conseil de Prud'hommes à la même date et que Mesdames D... et X... ont ouvert chacune un commerce peu après leur licenciement ; que la concomitance des dates et l'attitude de Mesdames Z... et A... mettent en évidence le fait que les quatre salariées ont agi de façon concertée ; que en second lieu que les courriers écrits par les salariées elles-mêmes et les notes produites ne peuvent avoir de caractère probant ; que par ailleurs les salariées se fondent essentiellement pour établir les agissements dont elles font état sur les attestations qu'elles se sont délivrées les unes aux autres et que ces témoignages croisés peuvent difficilement être retenus en l'espèce ; que en troisième lieu que les autres attestations émanent soit de personnes qui n'ont pu constater les faits qu'elles relatent (Mme B... qui indique n'avoir jamais été salariée de Mme Y... et qui parallèlement arrive à décrire les journées complètes des vendeuses ou Mme I... qui n'a travaillé comme stagiaire que quelques jours à Noël 2002), soit de parents ou proches des salariées ou soit ne font état d'aucun fait précis et circonstancié en rapport avec le présent litige et se bornent à des considérations générales ; que quatrième lieu que la production des bons de caisse démontre que Mesdames D... et X... ne se sont pas vu retirer leurs attributions de même que l'attestation du Directeur de l'ADIEPH témoigne des démarches effectuées par Mme Y... pour que Mme A... puisse bénéficier d'un siège adapté, ce qui n'a pas abouti en raison de l'arrêt de travail puis du licenciement de cette dernière ; que en dernier lieu le seul incident qui est véritablement établi est celui qui a trait à l'intervention de Mme Y... lors d'un essayage d'une cliente supervisé par Mme D... ; que ce seul fait ne peut caractériser des agissements répétés susceptibles de constituer un harcèlement moral ; que les salariées n'établissent pas de faits susceptibles de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que par ailleurs Mesdames Z..., X... et D... ne remettent pas en cause le bien fondé de leur licenciement ; qu'elles ne peuvent dès lors prétendre ni à des dommages-intérêts ni à une indemnité de préavis.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE dans sa plaidoirie, Madame X... fait état d'un harcèlement moral de la part de Mademoiselle Y... ; que Madame X... soutient que le réel motif de la rupture du contrat de travail provient de ce harcèlement moral ; que le Code du Travail définit le harcèlement moral dans ses articles L. 149 et suivants du Code du Travail : " aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ", que Madame X... n'apporte pas les éléments de preuve qui puissent étayer un harcèlement moral ; que les témoignages apportés à l'appui de sa demande concernent des salariés ou ex salariés de l'entreprise ; que plusieurs de ces mêmes salariés ont un contentieux prud'homal en cours ; que le témoignage d'une cliente apporté par Madame X... fait état d'une " atmosphère désagréable et même électrique " sans préciser les faits qui puissent justifier cette impression ; que Mademoiselle Y... apporte de nombreux témoignages qui contredisent ceux de Madame X... ; que l'avis d'inaptitude indique que " Madame X... est inapte à son poste dans son entreprise actuelle en raison de l'ambiance délétère qui y règne " ; que la Cour de Cassation dans un arrêt du 18 septembre 2007 précise que la seule « mauvaise ambiance " dans une entreprise ne caractérise pas une faute imputable à. l'employeur constitutive d'un harcèlement moral ; que Madame X... n'a pas nié avoir ouvert, à son nom, un magasin dans le semestre qui suivait la rupture de son contrat de travail ; que le Conseil de Prud'hommes dit et juge que le harcèlement moral n'est pas ici caractérisé.
ALORS QUE, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que, lorsque survient un litige relatif à un harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que constituent les indices de faits répétés laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral les certificats médicaux qui attestent l'existence d'un lien entre la dégradation de l'état de santé des salariés et leur conditions de travail ; qu'en refusant de faire droit aux demandes des salariées, aux motifs que les attestations produites par elles pouvaient difficilement être retenues en l'espèce, que le seul fait établi était un incident ayant eu lieu lors d'un essayage et que les attestations produites par les salariées étaient combattues par celles de l'employeur, alors que les salariées se prévalaient également d'un ensemble de certificats médicaux attestant l'existence d'un lien entre la dégradation de leur état de santé et leur condition de travail, la Cour, qui était tenue d'examiner l'ensemble des éléments produits par les salariées, n'a pas justifié sa décision au regard des articles L. 1152-1, L. 1154-1 et L. 4121-1 et s. du Code du travail.
ALORS ENSUITE QUE, l'absence de protestation d'un salarié n'équivaut pas à une renonciation de se prévaloir de son droit ; qu'en opposant à la salarié le fait de ne s'être pas plainte auprès de l'employeur du harcèlement moral dont elle était victime, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune renonciation de la salariée au droit de demander la réparation de son préjudice pour harcèlement moral devant la juridiction prud'homale, a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement ou à tout le moins de voir constater qu'il était sans cause réelle et sérieuse de celui-ci, et de se voir allouer des dommages et intérêts ainsi que les indemnités de préavis et congés payés sur préavis.
AUX MOTIFS CRITIQUES AU PREMIER MOYEN ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le Code du Travail donne au Conseil de Prud'hommes le pouvoir de contrôler les motifs du licenciement et à ce titre se doit de vérifier si la cause de la rupture est réelle et ensuite vérifier si le motif est suffisamment sérieux ; que l'article L. 122-45 du même Code rappelle qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé sauf inaptitude constatée dans le cadre du titre IV, du livre II, du Code du Travail ; que la procédure d'inaptitude médicale ne peut être remise en cause uniquement si :- l'inaptitude n'est pas régulièrement constatée par le Médecin du Travail,- l'obligation de reclassement suivant l'avis du Médecin du Travail n'a pas été respecté ; que, conformément à l'article R. 241-51-1 du Code du Travail, la fiche d'aptitude médicale porte la mention : " Madame X... est inapte à son poste dans son entreprise actuelle en raison de J'ambiance délétère qui y règne. " ; que la lettre de licenciement du 29 décembre 2005 mentionne clairement le motif de la rupture à se voir l'inaptitude médicale ; que cette même lettre fait état de recherche de reclassement suite à l'avis sollicité auprès de la Médecine du Travail ; que Mademoiselle Y... exploite un seul magasin et qu'elle n'emploie que du personnel de vente ; qu'il ne peut être fait grief à Mademoiselle Y... ni sur la procédure de rupture du contrat ni sur le défaut de recherche de reclassement ; que le licenciement pour inaptitude est de fait une rupture imputable à l'employeur ; que le Conseil de Prud'hommes rejette les demandes formulées par Madame X... au titre de la rupture abusive du contrat à savoir les demandes de préavis et de dommages et intérêts.
ALORS QUE, la nullité du licenciement pour inaptitude doit être prononcée dès lors que cette inaptitude résulte d'un harcèlement moral ; que la cassation à intervenir sur les dispositions du premier moyen, ayant dit que les faits laissant présager l'existence d'un harcèlement moral n'étaient pas établis, par application de l'article 624 du Code de procédure Civile, entraînera celle des dispositions ayant refusé de prononcer la nullité du licenciement.
ET ALORS en tout cas QUE, les juges ne peuvent dénaturer l'objet du litige qui leur est soumis ; Qu'en considérant que « par ailleurs Mesdames Z..., X... et D... ne remettent pas en cause le bien fondé de leur licenciement », quand les salariées soutenaient à titre principal que leur licenciement devait être frappé de nullité, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26669
Date de la décision : 15/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mar. 2012, pourvoi n°10-26669


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26669
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award