La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2012 | FRANCE | N°10-19906

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 mars 2012, 10-19906


Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 avril 2010), que M. X... a été engagé le 4 mars 1998 par la société civile professionnelle (SCP) d'huissiers de justice Gilbert Y... et Laurent Y..., devenue la SCP Y...-A..., en qualité de clerc significateur assermenté ; qu'après avoir été placé en arrêt de travail du 19 octobre 2005 au 2 mai 2007, le salarié a repris son travail à la suite de l'avis d'aptitude du médecin du travail ; que s'estimant affecté à des tâches différentes de son précédent emploi, il a refusé ces modifications qualifiées d

e rétrogradation ; qu'il a été licencié le 30 mai 2007 ;
Attendu que le sa...

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 avril 2010), que M. X... a été engagé le 4 mars 1998 par la société civile professionnelle (SCP) d'huissiers de justice Gilbert Y... et Laurent Y..., devenue la SCP Y...-A..., en qualité de clerc significateur assermenté ; qu'après avoir été placé en arrêt de travail du 19 octobre 2005 au 2 mai 2007, le salarié a repris son travail à la suite de l'avis d'aptitude du médecin du travail ; que s'estimant affecté à des tâches différentes de son précédent emploi, il a refusé ces modifications qualifiées de rétrogradation ; qu'il a été licencié le 30 mai 2007 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement, alors selon le moyen, que dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'ainsi, après avoir constaté que « le surmenage du salarié est incontestable » et que les pièces versées aux débats « démontrent un état de stress du salarié en relation avec son travail », ce dont il résultait que le salarié établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel, en déboutant le salarié de sa demande au motif qu'il lui appartenait « d'établir que cet état est imputable à des actes positifs ou négatifs » de l'employeur, ce qu'il ne faisait pas, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 du code du travail et 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'appréciant la valeur des éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas justifié au regard des pièces produites aux débats de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que le moyen, qui ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, ne peut être accueilli ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaque d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE
« Deux faits sont invoqués par le salarié : son état de surmenage dû à une modification imposée en 2005 et l'exigence, formulée à son retour de congé maladie, de le voir exécuter des tâches de signification ;
Pour qualifier le comportement de l'employeur de harcèlement, le salarié doit établir des faits répétés qui ont pour objet ou pour effet d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, dans les conditions prévues par l'article L 1152-1 du Code du Travail. Quant au premier grief, le surmenage du salarié est incontestable : il est attesté en particulier par le médecin du travail qui l'a décrit comme étant « au bout du rouleau » (lettre du médecin du travail du 18 octobre 2005) et par deux avis d'arrêt de travail mentionnant un état dépressif réactionnel (avis du 19 octobre 2006 et du 12 avril 2007). Ces pièces démontrent un état de stress du salarié en relation avec son travail ;
Mais pour être reproché à l'employeur comme faits de harcèlement, il appartient au salarié d'établir que cet état est imputable à des actes positifs ou négatifs de celui-ci, ce qu'il ne fait pas : le caractère professionnel de l'arrêt maladie du salarié n'a pas été retenu ; les horaires de travail tels qu'ils figurent sur les bulletins de paie ne mentionnent pas un nombre d'heures supplémentaires élevé ; ni le conseiller du salarié ni d'autres témoins ne relatent un comportement anormal de l'employeur dans les conditions d'exercice de son travail ; enfin le salarié n'établit pas qu'il ait fait part de ses difficultés ou des menaces sur son état de santé avant d'être en arrêt de travail ;
Le stress subi ou ressenti par lui ne suffit pas à caractériser un comportement pouvant être qualifié de harcèlement sans élément de fait complémentaire ;
Quant au second grief ; la modification apportée en 2007 aux conditions d'exercice de son travail apparaît comme le résultat d'une décision de l'employeur qui se rattache à son pouvoir de direction, et son affectation, deux jours par semaine à des tâches de signification, ne caractérise pas un fait susceptible de faire présumer un harcèlement, même si le salarié le présente ainsi » ;
ALORS QUE,
Dés lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'ainsi, après avoir constaté que « le surmenage du salarié est incontestable » et que les pièces versées aux débats « démontrent un état de stress du salarié en relation avec son travail », ce dont il résultait que le salarié établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la Cour d'Appel, en déboutant le salarié de sa demande au motif qu'il lui appartenait « d'établir que cet état est imputable à des actes positifs ou négatifs » de l'employeur, ce qu'il ne faisait pas, la Cour d'Appel a violé les articles L. 1152-1, L. 1154-1 du Code du Travail et 1315 du Code Civil ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE
« il résulte toutefois de cette attestation que Monsieur X... s'est imposé une modification de certaines de ses formations par rapport à celles qu'il occupait avant son arrêt maladie puisque, selon le conseiller du salarié, ses deux employeurs, Me Y... et Me A..., ont refusé qu'il reprenne le poste occupé et qu'il soit à nouveau en contact avec la clientèle malgré que cela fut son activité principale. il y a là incontestablement une modification des attributions du salarié. Si cela ne suffit pas d'établir qu'il exerçait auparavant les fonctions de principal clerc comme il le soutient, compte tenu des tâches et de l'habilitation spécifique attachée à ces fonctions, il n'en demeure pas moiins que l'employeur a modifié les conditions d'exercice de son activité professionnelle, et procédé à une nouvelle répartition des tâches ;
Mais ce seul fait n'est pas de nature à caractériser une modification du contrat de travail de Monsieur X... ;
Tout d'abord il n'est pas contestable que ces tâches se situent toujours dans les limites liées au poste de clerc significateur assermenté ;
Une telle modification relevait du pouvoir de direction de l'employeur, sauf à caractériser un comportement discriminatoire ou une modification du contrat de travail lui-même ;
De plus, Monsieur X... a seulement été chargé de procéder à des significations deux jours par semaine selon les déclarations convergentes des parties, ce qui ne portait qu'à une modification limitée de son activité ;
En outre, cette modification s'est insérée dans une démarche de réorganisation d'ensemble de l'activité de l'étude ;
En conséquence, cette nouvelle répartition des tâches et la modification des conditions d'exercice du travail de Monsieur X... n'a pas entraîné une modification du contrat de travail lui-même et n'est pas contraire au droit du salarié au maintien des conditions antérieurement fixées ;
Dans ces conditions, ni la demande de reclassification formulée par le salarié ni son allégation d'une modification du contrat de travail que son employeur lui aurait imposée ne sont fondées ;
Le refus réitéré d'exécuter les tâches qui ont été confiées au salarié présentait en conséquence un caractère fautif qui autorisait l'employeur à mettre fin à son contrat » ;
ALORS QUE
La Cour d'Appel, qui constatait que I'employeur avait refusé que le salarié « reprenne le poste occupé et qu'il soit à nouveau en contact avec la clientèle malgré que cela fût son activité principale », ne pouvait, sans méconnaître les conséquences de ses constatations, énoncer que « la modification des conditions d'exercice du travail de Monsieur X... n'a pas entraîné une modification du contrat de travail lui-même » et qu'ainsi le refus réitéré du salarié d'exécuter les tâches qui lui avaient été confiées présentait un caractère fautif qui autorisait l'employeur à mettre fin à son contrat ; que la Cour d'Appel a donc violé les articles 1232-1 et 1235-3 du Code du Travail ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... a été recruté par un contrat du 4 mars 1998 à compter du 1er avril 1998 comme clerc significateur au coefficient 235. Selon la grille actuelle des salaires de la Convention collective du Personnel des Huissiers de Justice, cette fonction est rémunérée en catégorie 4 au coefficient 282. Seul le principal clerc est classé en catégorie « cadre », catégorie 9 ou 10, avec un coefficient respectivement de 540 et de 640 pour les principaux clercs ayant plus de 10 ans d'expérience dans ces fonctions, la convention collective y ajoutant le salarié cadre exerçant la fonction de « chef de bureau » ;
Le principal clerc, fonction que revendique Monsieur X..., y est décrit comme un « juriste qualifié, remplissant les conditions pour être habilité aux constats, collaborateur direct du titulaire, maîtrisant parfaitement la procédure civile, la comptabilité des dossiers ainsi que la gestion comptable, administrative, sociale et humaine de l'étude » ;
Aux termes de la convention collective, la fonction de principal clerc implique que son titulaire ait autorité sur le personnel de l'étude (Cass. Soc., 16 janv. 2002), ce qui n'était pas le cas de Monsieur X... ;
Selon les diverses attestations produites par l'employeur, Monsieur X... n'a jamais occupé le poste ni exercé les fonctions de principal clerc ou de chef de bureau ;
Ainsi, il procédait très rarement à la rédaction d'actes, il devait accueillir les clients ou les appels téléphoniques de clients et suivre les dossiers (attestations de Mesdames B...et C..., secrétaires, attestations de Madame D...et de Monsieur E..., clerc chargé des constats) ; il devait parfois déjà sortir faire des significations comme clerc significateur (attestation de Monsieur C...; en revanche, il n'était pas habilité à établir des constats (attestation de Monsieur F...) ; il devait aussi de temps en temps représenter l'huissier aux audiences de saisie de rémunérations au Tribunal d'instance (attestation de Monsieur E...) ;
il n'a pas non plus assuré la maintenance informatique qui était assurée par Maître Laurent Y... selon les employés de l'entreprise de maintenance (attestations de Messieurs G...et H...et de Madame I...), ces préposés n'ayant eu aucun contact avec lui (attestation d'une autre salariée de l'entreprise de maintenance, Madame J...) ;
II n'a pas non plus exécuté de tâches en comptabilité selon le témoignage de l'aide-comptable (attestations de Madame K...) ;
Enfin, il ne justifie pas avoir suivi des formations spécifiquement destinées à l'activité de clerc principal avant 2005 ;
Rien n'indique en conséquence que le salarié ait eu avant son arrêt maladie des fonctions de clerc principal ;
A son retour de la période d'arrêt maladie, il est constant que Monsieur X... s'est vu attribuer les fonctions suivantes : « préparation et rédaction d'actes civils et pénaux, signification d'actes civils et pénaux, création de dossiers, mise en place des premières mesures d'exécution, passage des actes au répertoire (et) toutes autres tâches de bureau compatibles avec son poste au sein de la société ». Ces tâches, ainsi énumérées dans une lettre remise en mains propres au salarié le 3 mai, puis envoyée en lettre recommandée le 30 mai en raison de son refus de la signer, recouvrent les tâches d'un clerc significateur, et il n'est pas établi que ces tâches ne correspondaient pas à celles qu'il exerçait antérieurement ;
Pour soutenir néanmoins qu'il avait des fonctions de principal clerc avant son arrêt maladie en 2005 et avant de se voir en 2007 imposer une rétrogradation dans ses fonctions, le salarié invoque des éléments de fait qui ne résistent pas à l'examen ;
Il se prévaut d'abord d'un certificat de spécialisation en procédure judiciaire délivré par I'Ecole Nationale de Procédure le 17 septembre 2001. Ce diplôme ne saurait suffire à entraîner sa reclassification en principal clerc d'autant qu'il n'a jamais été habilité dans ces fonctions ;
Il invoque aussi une rémunération supérieure à celle des clercs significateurs. Or, selon ses bulletins de paie, il était rémunéré selon le coefficient applicable aux taux suivants : 242 de 1999 à 2003, 260 de 2003 à 2004, 268 de 2004 à 2008 et 296 à compter de 2007. Ce coefficient n'implique pas une qualification différente de la rémunération d'un clerc significateur au vu de la grille des salaires versés aux débats : un clerc significateur avait ainsi une rémunération calculée sur un coefficient de 282 en 2007 alors qu'un principal clerc avait un coefficient de 540 ou 640 ;
Il s'est également appuyé sur l'attestation du conseiller du salarié, Madame L..., qui l'a assisté lors de l'entretien préalable à son licenciement. Ce conseiller a relaté en effet qu'à son retour Monsieur X... s'est vu notifier qu'il prendrait le poste de clerc significateur. Ce témoin atteste que Maître Y... lui avait alors dit : « Ne sachant pas à quelle date sera votre reprise, le poste de clerc principal a été attribué à Monsieur M...». Ces propos peuvent en effet faire présumer que l'absence prolongée de Monsieur X... avait nécessité l'attribution des fonctions de clerc principal à Monsieur M...et donc qu'il en assurait les fonctions auparavant. Cependant une telle démarche s'inscrivait selon ce même témoin, dans la réorganisation de l'étude, intervenue après plusieurs circonstances : le départ de Maître Y..., l'arrivée de Maître A..., le départ de Madame Y..., le décès de Monsieur O...et la propre maladie de Monsieur X.... Ces événements justifient incontestablement une réorganisation des tâches, qui ne peut suffire à démontrer que Monsieur X... exerçait bien les fonctions de clerc principal avant son arrêt maladie, alors que les attestations concordantes produites par l'employeur excluent une telle qualification ;
La qualification revendiquée de clerc principal ne peut donc être retenue » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE
La réorganisation prétendue de l'étude n'était pas abordée dans la lettre de licenciement ; qu'ainsi, en se fondant sur cette prétendue réorganisation, la Cour d'Appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du Travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
En retenant la fois que Monsieur X... effectuait des significations (activité non sédentaire) et s'occupait également de la clientèle (activité sédentaire), ce qui est matériellement impossible, la Cour d'Appel s'est contredite et a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE
Aucun texte ne subordonne à une habilitation l'exercice des responsabilités de clerc principal ; qu'ainsi, en retenant que si Monsieur X... se prévaut d'un certificat de spécialisation en procédure judiciaire délivré par l'Ecole Nationale de Procédure le 17 septembre 2001- en réalité, Monsieur X... produisait le diplôme final de l'Ecole Nationale de Procédure ainsi que deux certificats de spécialisation établis par le département formation des stagiaires- « ce diplôme ne saurait suffire à entraîner sa reclassification en principal clerc d'autant qu'il n'a jamais été habilité dans ces fonctions », la Cour d'Appel a statué par des motifs inopérants violant ainsi l'article 455 du Code Civil ;
ALORS, ENFIN QUE
La Cour d'Appel, qui relevait que Monsieur X... était rémunéré en 2007 au coefficient 296, et qu'un clerc significateur avait une rémunération calculée sur un coefficient de 282 en 2007, ne pouvait, sans méconnaître les conséquences de ses propres constatations, décider que son affectation à des tâches de signification n'était pas constitutive d'une modification de son contrat de travail de sorte que le refus du salarié d'exécuter les tâches qui lui avaient été confiées présentait un caractère fautif autorisant l'employeur à mettre fin à son contrat ; que la Cour d'Appel a ainsi violé les articles 1232-1 et 1235-3 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-19906
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 29 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 mar. 2012, pourvoi n°10-19906


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.19906
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award