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13/03/2012 | FRANCE | N°10-27708

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2012, 10-27708


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de manoeuvre par la société Méditerranée constructions suivant des contrats à durée déterminée ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande indemnitaire pour licenciement abusif ; qu'ensuite d'une lettre du 27 novembre 2007 qu'il a adressée au président du conseil de prud'hommes, la radiation de l'affair

e a été prononcée le 6 mars 2008 ; que le 11 mars suivant, il a saisi le conseil de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de manoeuvre par la société Méditerranée constructions suivant des contrats à durée déterminée ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande indemnitaire pour licenciement abusif ; qu'ensuite d'une lettre du 27 novembre 2007 qu'il a adressée au président du conseil de prud'hommes, la radiation de l'affaire a été prononcée le 6 mars 2008 ; que le 11 mars suivant, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de rétablissement de l'affaire ;

Attendu que pour constater le désistement d'instance et d'action du salarié et déclarer irrecevables toutes ses demandes, la cour d'appel a relevé que la lettre qu'il a envoyée fait état d'un accord intervenu avec l'employeur et comporte l'indication que " toute intervention, assignation prud'homale et judiciaire seront sans recours à ce jour ", ce qui constitue une manifestation claire et non équivoque de sa volonté de se désister ;

Qu'en statuant ainsi alors que dans sa lettre, qu'elle a dénaturée, le salarié demandait seulement la radiation de l'affaire, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité des demandes de M. X... ;

Déclare les demandes de M. X... recevables ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée pour qu'il soit statué sur les autres points en litige ;

Condamne la société Méditerranée constructions aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Méditerranée constructions à payer à Me Balat la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté à la date du 27 novembre 2007 le désistement d'instance et d'action de M. X... et d'avoir déclaré irrecevables toutes les demandes de celui-ci ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 394 du code de procédure civile, « le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance » et de l'article 397 du même code, « le désistement est exprès ou implicite ; il en est de même de l'acceptation », de sorte qu'il convient de procéder à l'examen du courrier adressé au président du conseil de prud'hommes de Cannes le 29 novembre 2007 par M. X..., courrier signé par lui et accompagné de la photocopie de sa carte de séjour, pour dire si ce courrier constitue ou non un désistement ; que ledit courrier est rédigé en ces termes : « X... Salem,..., Monsieur le président des prud'hommes de Cannes, Le Cannet le 27/ 11/ 2007, Je soussigné X... Salem demeurant..., Carte de séjour numéro ..., Un accord est intervenu avec la SARL Méditerranée Constructions, Je vous demande donc de faire la radiation de cette affaire X.../ Méditerranée Constructions. Réf. RC 07/ 00396. Section industrie, audience du 6 décembre 2007 à 14 heures, Toute intervention, assignation prud'homale et judiciaire seront sans recours à ce jour. Fait pour valoir ce que de droit. Lu et approuvé : X... Salem le 28 novembre 2007, témoin Z...Mostefa, adresse :..., 06110 Le Cannet, ci-joint copie carte de séjour, Monsieur X... Salem » ; que ce courrier fait état d'un « accord »
intervenu avec la société Méditerranée Constructions et de ce que toute intervention, assignation prud'homale et judiciaire « seront sans recours » ce qui contrairement à ce qu'a indiqué le conseil de prud'hommes constitue la manifestation claire et non équivoque de se désister ; qu'en effet, le terme de désistement n'a pas à figurer nécessairement dans un tel courrier à partir du moment où la volonté de se désister s'évince des termes employés, ce qui est le cas en l'espèce, et ce d'autant que ce courrier a été établi et signé par M. Z..., « témoin », lequel a produit une photocopie de sa carte d'identité et qui a dans une attestation ultérieure indiqué que le courrier en question a bien été « signé » par M. X... qui était « tout à fait d'accord » et a « lu par lui-même », M. Z...allant même jusqu'à préciser qu'ils étaient allés chez le conseil de M. X... à Mougins aux fins de « l'aviser de cette radiation du prud'hommes » ; que Mme B...a quant à elle témoigné avoir été présente lors de la signature du document, précisant : « M. X... a relu plusieurs fois cette attestation. M. Z...a servi de médiateur et de traducteur. Il a même signé cette attestation en ma présence », de sorte que quand bien même M. X... soutiendrait-il au travers des attestations de Mme C...et de M. D..., qu'il ne sait « ni lire, ni écrire le français », il apparaît néanmoins qu'il a pris la peine de se faire accompagner d'un traducteur, qu'il a pris la peine d'envoyer ce courrier au président du conseil de prud'hommes et d'y joindre la photocopie de sa carte de séjour, qu'il ne s'est pas présenté à l'audience du 6 décembre 2007 à laquelle l'affaire avait été fixée et qu'il a clairement fait état d'un « accord » et de l'absence de tout « recours », manifestant ainsi sans contestation possible qu'il a très bien compris le but de ce courrier ; que M. X... ne justifie d'ailleurs aucune violence ou contrainte et ce d'autant que les pièces communiquées démontrent que M. Z...l'assistait habituellement puisqu'il apparaît que cette personne est également intervenue dans le cadre d'une autre procédure en référé devant le tribunal d'instance de Cannes, où la « radiation » du référé avait également été sollicitée au motif qu'un « accord » était intervenu, autant d'éléments démontrant que M. X... entendait se désister de son instance et de son action à l'encontre de son employeur, le fait qu'il ne sache ni lire ni écrire le français, à le supposer établi, n'étant en toute hypothèse pas de nature à le priver de son consentement éclairé en présence d'un témoin choisi par lui et alors même qu'il avait travaillé en France depuis plus de cinq ans, sa première embauche remontant au 19 février 2002 ; que le revirement ou le changement d'avis ou un conflit ultérieur ne saurait être une cause valable au regard de la loi permettant à une partie de revenir sur sa décision de se désister de l'action qu'elle a introduite ; qu'il y a donc lieu de constater qu'en application de l'article R. 1452-6 du code du travail, l'action s'étant éteinte par l'effet du désistement de M. X..., cet article fait obstacle à la recevabilité d'une nouvelle demande fondée sur des causes connues du demandeur avant sa forme primitive ; que les demandes formées par M. X... étaient donc irrecevables ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la radiation constitue une simple mesure d'administration judiciaire laissant subsister l'instance ; qu'en estimant que la lettre de M. X... du 27 novembre 2007 constituait un acte de désistement, cependant que dans cette lettre, dont les termes sont fidèlement reproduits par l'arrêt attaqué, le salarié sollicite « la radiation » de l'affaire et non un désistement, la cour d'appel en a dénaturé le sens clair et précis et méconnu ce faisant le principe de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le désistement doit être annulé s'il est établi qu'à la date de la signature de celui-ci, la partie qui s'est désistée était intellectuellement incapable de prendre une décision en connaissance de cause ; qu'en considérant que, dans sa lettre du 27 novembre 2007, M. X... avait manifesté une volonté claire de se désister de l'action qu'il avait engagée devant le conseil de prud'hommes, tout en relevant que l'intéressé, qui exerce la profession de maçon, maîtrisait mal le français (arrêt attaqué, p. 5 § 2), ce dont il résultait qu'il ne pouvait avoir une claire conscience de la portée de son acte, dès lors qu'il n'était pas en mesure, pas plus que les témoins qui l'ont prétendument assisté, de connaître la différence de nature entre une demande de radiation et un désistement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 381 et 394 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-27708
Date de la décision : 13/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2012, pourvoi n°10-27708


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.27708
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