La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2012 | FRANCE | N°10-19762

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 mars 2012, 10-19762


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé en qualité d'électricien par la société Y... et ses enfants, placée en redressement judiciaire du 6 avril 2007 au 25 juin 2009, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires correspondant au temps de trajet effectué pour se rendre sur les chantiers de la société ; qu'ayant été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle, il a également formé une demande tendant à faire juger le

licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé en qualité d'électricien par la société Y... et ses enfants, placée en redressement judiciaire du 6 avril 2007 au 25 juin 2009, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires correspondant au temps de trajet effectué pour se rendre sur les chantiers de la société ; qu'ayant été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle, il a également formé une demande tendant à faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir le paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires alors, selon le moyen que :
1°/ en privilégiant de la sorte les attestations de certains salariés de la société Daniel Y... et ses enfants produites à l'appui de la demande, sans expliquer en quoi ces attestations devaient être préférées aux attestations d'autres salariés de la même société produites par l'employeur faisant état de ce que le passage au siège de l'entreprise en début et en fin de service ne revêtait aucun caractère obligatoire, et avait pour seul but de permettre aux salariés de bénéficier des moyens de transport mis à leur disposition gratuitement par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-4 du code du travail ;
2°/ qu'aucune attestation citée par la cour d'appel ne faisant état de la situation particulière de M. X..., celle-ci ne pouvait en déduire la preuve que celui-ci avait l'obligation de se présenter au siège de l'entreprise pour ensuite se rendre avec les véhicules de l'entreprise sur les différents chantiers sans en dénaturer les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que ces mêmes attestations se bornant à faire état de ce que les salariés se rendaient à l'entreprise pour bénéficier du transport par les moyens de l'entreprise vers les chantiers, sans expliciter s'il s'agissait là d'une condition au bénéfice de ces transports ou d'une obligation inhérente à l'exécution du contrat de travail, la cour d'appel ne pouvait en déduire une telle obligation sans dénaturer de plus fort les termes clairs et précis de celle-ci en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ qu'il résulte des termes clairs et précis du règlement intérieur auquel se réfère la cour d'appel que la prise de service des salariés affectés à un chantier s'effectue sur le chantier lui-même et qu'ils doivent tenir compte s'ils se rendent préalablement au siège de l'entreprise, du temps de trajet requis, ce dont il résultait que ce temps de trajet ne pouvait être inclus dans le temps de travail et dont il ne résultait nullement qu'ils auraient l'obligation de se rendre préalablement au siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a également dénaturé les termes clairs et précis de ce document et violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la cour d'appel ne pouvait prétendre établir l'obligation qui pesait sur M. X...de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers où il était affecté d'un rappel à l'ordre adressé à un autre salarié par un autre employeur ; qu'en se référant à un tel document inopérant à établir le contenu des obligations contractuelles pesant sur M. X..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-4 du code du travail ;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, dénuée de toute dénaturation, par la cour d'appel, des éléments de fait et de preuve fournis par les deux parties ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié de versement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle, la cour d'appel relève que l'employeur a fait deux propositions de reclassement refusées par le salarié ; qu'il doit être considéré comme ayant satisfait à son obligation de reclassement ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si les refus opposés par le salarié aux propositions de reclassement de l'employeur étaient abusifs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. X...relative au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 27 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;
Condamne la société Daniel Y... et ses enfants aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Daniel Y... et ses enfants ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour les sociétés Daniel Y... et ses enfants, Berkowicz-Henneau et Grave-Wallyn-Randoux.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé la créance de Monsieur X...dans la procédure collective de la SAS Daniel Y... et ses Enfants aux sommes de 10. 050, 70 et 1005, 07 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, et à celle de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'information du droit à repos compensateur et d'avoir condamné la société Daniel Y... et ses Enfants et les organes de sa procédure collective à lui payer la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs qu'il ressort des pièces versées aux débats, notamment des attestations concordantes émanant de Messieurs Christian Z..., Joël A..., Henri B..., Lenny C..., Jacky D..., salariés de l'entreprise Daniel Y..., de Monsieur E..., salarié de la société CIBO également gérée par Monsieur Daniel Y..., que les salariés, dont Monsieur X..., avaient l'obligation de se présenter au siège de l'entreprise pour ensuite se rendre avec les véhicules de l'entreprise sur les différents chantiers, Monsieur E...ayant d'ailleurs été rappelé à l'ordre par lettre recommandée le 22 novembre 2001 par Monsieur Y... sur l'existence de cette obligation ; que les dispositions du règlement intérieur (article 3. 1) de l'entreprise prévoient également que les salariés doivent respecter l'horaire de début de prise de service et, pour le personnel affecté aux chantiers, tenir compte des temps de trajet en ajoutant ces temps ; qu'ainsi, au vu de l'ensemble de ces éléments, les temps de trajet pour se rendre de l'entreprise sur les chantiers et pour en revenir doivent être considérés comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel, le salarié étant contraint par son employeur à se présenter avant le début de son horaire de travail au siège de l'entreprise pour être acheminé sur les lieux des différents chantiers ; que le salarié produit des documents (comptes rendus de chantier, tableaux récapitulatifs) faisant apparaître une créance de 13. 973, 05 euros au titre des heures supplémentaires majorées accomplies pour la période non prescrite allant de juin 2002 à juin 2007 ; que bien que légalement tenu de justifier des horaires de travail effectivement accomplis par ses salariés, l'employeur ou son représentant ne produit aucun élément de nature à contredire les documents versés aux débats par le salarié pour étayer ses demandes au titre des heures supplémentaires accomplies audelà de celles ayant donné lieu à rémunération, les attestations produites en ce sens par l'entreprise (Murgia, Tanneur, Licette, Briquet et Potier) étant par trop imprécises et insuffisamment circonstanciées ; que l'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà d'un contingent conventionnel s'il existe ou à défaut de celui fixé par décret, ouvre droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de ces heures supplémentaires ; que le salarié, dont le droit au paiement d'heures supplémentaires a été reconnu, est donc également en droit de prétendre aux repos compensateurs correspondants ; que les bulletins de paie produits aux débats ne font pas mention d'une quelconque ouverture à droit à repos compensateurs ; que cette carence n'a ainsi pas permis au salarié d'apprécier l'étendue de ses droits et de pouvoir en bénéficier ; que devant la Cour l'employeur ne produit d'élément de nature à remettre en cause la demande formée à ce titre par le salarié ; qu'il sera ainsi alloué à Monsieur X...des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par lui à raison de la carence de l'employeur, dommages et intérêts dont le montant sera précisé au dispositif ci-après ;
Alors, de première part, qu'en privilégiant de la sorte les attestations de certains salariés de la société Daniel Y... et ses enfants produites à l'appui de la demande, sans expliquer en quoi ces attestations devaient être préférées aux attestations d'autres salariés de la même société produites par l'employeur faisant état de ce que le passage au siège de l'entreprise en début et en fin de service ne revêtait aucun caractère obligatoire, et avait pour seul but de permettre aux salariés de bénéficier des moyens de transport mis à leur disposition gratuitement par l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-4 du Code du travail ;
Alors, de deuxième part, qu'aucune attestation citée par la Cour d'appel ne faisant état de la situation particulière de Monsieur X..., celle-ci ne pouvait en déduire la preuve que celui-ci avait l'obligation de se présenter au siège de l'entreprise pour ensuite se rendre avec les véhicules de l'entreprise sur les différents chantiers sans en dénaturer les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de troisième part, que ces mêmes attestations se bornant à faire état de ce que les salariés se rendaient à l'entreprise pour bénéficier du transport par les moyens de l'entreprise vers les chantiers, sans expliciter s'il s'agissait là d'une condition au bénéfice de ces transports ou d'une obligation inhérente à l'exécution du contrat de travail, la Cour d'appel ne pouvait en déduire une telle obligation sans dénaturer de plus fort les termes clairs et précis de celle-ci en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de quatrième part, qu'il résulte des termes clairs et précis du règlement intérieur auquel se réfère la Cour d'appel que la prise de service des salariés affectés à un chantier s'effectue sur le chantier luimême et qu'ils doivent tenir compte s'ils se rendent préalablement au siège de l'entreprise, du temps de trajet requis, ce dont il résultait que ce temps de trajet ne pouvait être inclus dans le temps de travail et dont il ne résultait nullement qu'ils auraient l'obligation de se rendre préalablement au siège de l'entreprise avant de se rendre sur le chantier ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a également dénaturé les termes clairs et précis de ce document et violé l'article 1134 du Code civil ;
Et alors, de cinquième part, que la Cour d'appel ne pouvait prétendre établir l'obligation qui pesait sur Monsieur X...de se rendre au siège de l'entreprise avant de se rendre sur les chantiers où il était affecté d'un rappel à l'ordre adressé à un autre salarié par un autre employeur ; qu'en se référant à un tel document inopérant à établir le contenu des obligations contractuelles pesant sur Monsieur X..., la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 3121-4 du Code du travail ;
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour M. X....
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X..., licencié à raison de son inaptitude d'origine professionnelle, de toutes ses demandes, y compris de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement ;
1°) ALORS QUE faute d'avoir donné à cette décision le moindre motif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'indemnité spéciale de licenciement est due en vertu de l'article L. 1226-14 du Code du travail, au salarié licencié pour inaptitude, sauf refus abusif de sa part des propositions de reclassement qui lui ont été faites ; que faute de constater le moindre abus dans les refus opposés par Monsieur X...aux postes de reclassement offerts, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1226-14 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-19762
Date de la décision : 08/03/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 27 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 mar. 2012, pourvoi n°10-19762


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Roger et Sevaux, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.19762
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award