LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. F... a été engagé en mars 1996 par la société MAT
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en qualité de chauffeur routier ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail avant de faire l'objet d'un licenciement en cours de procédure ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article 1184 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt retient qu'à supposer que l'employeur n'ait pas respecté les dispositions conventionnelles et réglementaires sur la durée du travail, l'intéressé ne justifie pas s'en être plaint auprès de son employeur, de l'inspection du travail ou de toute autre autorité qualifiée pour y donner suite et avoir constaté une persistance des manquements allégués ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'employeur avait effectivement méconnu les dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence de la partie du dispositif critiqué par le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société MAT
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aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société MAT
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à payer à la SCP Ortscheidt la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. F...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. F..., salarié, tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à la SARL MAT X..., employeur, aux torts de cette dernière et, en conséquence, de l'avoir débouté de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'à la date de la saisine du conseil de prud'hommes il n'était justifié que d'un incident qui s'est produit le 24 mai 2006 ayant donné lieu à une plainte de l'appelant auprès de la gendarmerie, prétendant avoir été agressé verbalement et physiquement et avoir subi des insultes racistes ; que dans un courrier adressé le 30 mai 2006 à son salarié M. X..., gérant de l'entreprise, lui a présenté ses excuses, reconnaissant s'être emporté, 1ui rappelant toutefois qu'il devait respecter la réglementation sur le temps de travail et les consignes et ne pas allonger les itinéraires pour convenances personnelles ; que certains salariés font état de mesures de rétorsion à l'égard de l'appelant, prétendant que celui-ci se voyait imposer par l'employeur de partir au milieu de la nuit, ce qui l'obligeait à faire l'aller et retour d'une traite alors qu'eux-mêmes pouvaient partir l'après-midi et ne chargeaient qu'en fin de nuit pour revenir le lendemain matin, notamment le 2 avril 2008 ; qu'en ce qui concerne la dernière date M. Y... a attesté que le salarié venait de faire une scène particulièrement violente et que, vu son état d'énervement, l'employeur s'est opposé à ce qu'il prenne le camion ; qu'en toute hypothèse, les explications relativement confuses des auteurs des attestations n'établissent pas que les chauffeurs étaient dans une situation identique et que l'appelant ait fait l'objet d'une discrimination caractérisée ; que M. Z... atteste que l'appelant avait un tracteur non équipé d'un chauffage alors que l'employeur se serait engagé à équiper tous les camions avant l'état 2006 ; que cette affirmation apparaît peu crédible dans la mesure où le salarié a eu à sa disposition un tracteur immatriculé 4671 NK 23 rais en circulation le 10 avril 2002, avec lequel il a eu un accident le 14 juin 2006, mettant hors d'usage ledit véhicule et ou il ressort des pièces versées aux débats qu'il conduisait d'autres véhicules notamment un tracteur IVECO immatriculé 2780 MV 23 le 9 janvier 2007 et un véhicule identifié dans l'entreprise sous le C 2856 le 5 novembre 2007 ; que M. A... se borne à des considérations sur le comportement du chef d'entreprise sans rendre compte de faits précis ; qu'il en est de même pour MM. B... et C... ont quitté l'entreprise respectivement le 30 octobre 2004 et le 6 octobre 2004 ; que M. D... se borne à des considérations sur l'absence d'hygiène et les manquements à la réglementation sur la sécurité qui paraissent incompatibles avec les nombreux contrôles dont l'intimée justifie avoir fait l'objet, allègue une collusion entre celle-ci et les gendarmes mais ne rend pas compte d'agissements dont aurait pu être victime le demandeur ; qu'à supposer que l'employeur n'ait pas respecté la réglementation sur le temps de travail et les heures supplémentaires et les dispositions conventionnelles, le salarié ne justifie pas s'en être plaint auprès de son employeur, de l'inspection du travail ou de toute autre autorité qualifiée pour y donner suite et avoir constaté une persistance des manquements allégués ;
AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE pour justifier sa demande, outre deux arrêts de travail, M. F... produit le procès-verbal de la réunion du 9 février 2006 dans lequel M. X... reconnaîtrait son impulsivité, une lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 mai 2006 dans laquelle il adresse divers reproches à son employeur, des attestations d'anciens salariés (X... Stéphane, C..., B..., A..., G..., D...) et l'attestation de M. Z..., salarié actuellement, se plaignant de l'attitude et des propos de l'employeur ; qu'il fait valoir que malgré son ancienneté, il n'a bénéficié qu'en juin 2006, d'un camion d'occasion en bon état avec la climatisation ; qu'il doit être rappelé que l'entreprise dont M. X... est le gérant, a pour activité le transport de matières dangereuses (carburant-bitume), ayant un agrément spécifique pour lequel il subit régulièrement des audits de la part de ces dernières, le dernier du 12 septembre 2006 démontrant que l'entreprise est bien gérée, le personnel formé et sensibilisé aux normes de qualité et aux consignes de sécurité ; que dans la cadre de son activité de chauffeur qu'il exerce du lundi au vendredi sur tout le territoire français depuis 1996, M. F... ne s'est jamais plaint de quoi que ce soit, pas même à l'occasion des visites médicale passées annuellement devant le Médecin du travail qui l'a déclaré apte à tenir son emploi ni n'a émis de doléance jusqu'en mai 2006, époque à partir de laquelle le salarié va entrer en conflit avec son employeur, saisir le conseil de prud'hommes tout en continuant à travailler ; qu'il a lui-même fait l'objet de reproches dans l'exercice de son travail, matérialisés par l'émission de fiches de non-conformité, son propre caractère obligeant un client à se plaindre auprès de la Société
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de ce qu'il ne respectait pas les consignes de sécurité sur les sites de livraison ; que la lettre de M. F... du 25 mai 2006 faisant divers reproches à son employeur à la suite des incidents des 15 et 24 mai 2006, est établie en des termes vagues et généraux qui ne permettent pas d'apprécier la nature des incidents à l'origine de ce courrier et leur caractère exagéré qui auraient rendu la poursuite des relations contractuelles difficiles, voire impossibles ; qu'en réponse audit courrier, l'employeur a adressé une lettre à son salarié en date du 30 mai 2006 où il s'excuse de son emportement et procède au rappel d'un certain nombre de consignes, émettant le souhait qu'il n'y ait plus « d'incident de ce genre entre nous » et qu'ils continuent à travailler en bonne intelligence ; que les attestations produites par le salarié pour justifier d'une ambiance déplorable due à l'attitude et aux propos de M. X..., émanent d'anciens salariés, voire du neveu de l'employeur, licencié, lesquels font état de considérations générales ou émettent un jugement de valeur, sans référence à des faits précis pouvant permettre d'apprécier si les écarts de langage et ou de comportement étaient de nature à rendre intolérable la poursuite des relations contractuelles en raison de leur caractère non fondé, excessif ou si, comme l'employeur l'a démontré, les salariés se sont rendus eux-mêmes responsables d'accidents ou d'incidents pouvant compromettre l'activité économique de l'entreprise nécessitant des rappels à l'ordre vigoureux eu égard aux exigences de la clientèle et la nature des matières transportées ; qu'il n'est pas rapporté que le demandeur ait été soumis sans répit a des attaques incessantes, réitérées et injustifiées permettant de reconnaître un quelconque harcèlement moral, d'en déduire que le contrat doit être rompu judiciairement et la rupture imputée à l'employeur ;
1) ALORS QUE caractérise l'inexécution de l'une des obligations essentielles du contrat de travail et constitue manquement grave de l'employeur à ses obligations, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ce dernier, le fait d'agresser physiquement et verbalement un salarié ; qu'après avoir relevé, d'une part, que le 24 mai 2006, M. X..., le gérant de la société MAT
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avait giflé M. F... et que ce fait avait donné lieu au dépôt d'une plainte par le salarié, au motif qu'il avait été agressé verbalement et physiquement par l'employeur, et, d'autre part, que ce dernier, par courrier du 30 mai 2006, lui avait présenté des excuses en reconnaissant qu'il s'était emporté, ce dont il résultait l'inexécution par l'employeur d'une obligation essentielle du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constations et a violé l'article L. 1243-1 du code du travail ;
2) ALORS QUE les excuses présentées au salarié agressé physiquement et verbalement par l'employeur ne sont pas de nature à ôter à ce manquement tout caractère fautif ; qu'en écartant la demande de résiliation du contrat de travail de M. F... aux torts de la SARL MAT X..., au motif inopérant que l'employeur s'était excusé du comportement irrespectueux qu'il avait eu envers le salarié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1243-1 du code du travail ;
3) ALORS QUE l'inexécution par l'employeur d'une seule des obligations essentielles du contrat de travail justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ce dernier ; qu'il n'incombe pas au salarié de prouver qu'il a effectué des démarches préalables à la demande de résiliation du contrat de travail pour faire cesser le manquement allégué ni que ce dernier aurait perduré ; qu'en écartant la demande tendant à la résiliation du contrat de travail de M. F... aux torts de la SARL MAT X..., fondée sur le défaut d'attribution des repos compensateurs aux motifs inopérants « qu'à supposer que l'employeur n'ait pas respecté la réglementation sur le temps de travail et les heures supplémentaires et les dispositions conventionnelles, le salarié ne justifie pas s'en être plaint auprès de son employeur, de l'inspection du travail ou de toute autre autorité qualifiée pour y donner suite et avoir constaté une persistance des manquements allégués », la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1243-1 du code du travail ;
4) ALORS QUE constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ce dernier, la méconnaissance de la réglementation du temps de travail ; qu'en rejetant la demande du salarié tendant à la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur au motif inopérant « qu'à supposer que l'employeur n'ait pas respecté la réglementation sur le temps de travail et les heures supplémentaires et les dispositions conventionnelles, le salarié ne justifie pas s'en être plaint auprès de son employeur, de l'inspection du travail ou de toute autre autorité qualifiée pour y donner suite et avoir constaté une persistance des manquements allégués », sans rechercher si, comme l'y invitaient les conclusions de M. F..., l'employeur avait effectivement méconnu les dispositions relatives au temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1243-1 du code du travail ;
5) ALORS QUE dès lors que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ; qu'en rejetant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à raison de faits de harcèlement moral imputés à M. X..., gérant de la société MAT
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, au motif que le salarié ne rapportait pas la preuve de faits de cette nature, sans rechercher si l'ensemble des éléments invoqués par lui étaient établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de M. F... tendant à voir dire et juger que le licenciement intervenu le 28 juin 2008 était dépourvu de cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes ;
AUX MOTIFS QU'il appartient au salarié d'établir que cette inaptitude est imputable à l'employeur ; que les seuls éléments produits à cet effet sont la mention " Intolérance à des conflits du travail " portée sur deux avis d'arrêt de travail du 1er et du 15 décembre 2006 et un certificat médical d'un psychiatre faisant état d'un syndrome anxio-dépressif moyen d'intensité sévère en partie réactionnel à un conflit avec son employeur qui perdure depuis plusieurs années ; qu'à supposer établi que l'inaptitude résulte, ne serait ce qu'en partie, d'un conflit avec l'employeur, il n'est nullement il lui appartient d'établir que cette inaptitude est imputable à l'employeur ; que les seuls éléments produits à cet effet sont la mention " Intolérance à des conflits du travail " portée sur deux avis d'arrêt de travail du l et du 15 décembre 2006 et un certificat médical d'un psychiatre faisant état d'un syndrome anxio-dépressif moyen d'intensité sévère en partie réactionnel à un conflit avec son employeur qui perdure depuis plusieurs années ; qu'à supposer établi que l'inaptitude résulte, ne serait ce qu'en partie, d'un conflit avec l'employeur, il n'est nullement au vu des documents précités que cette situation de conflit soit imputable à des fautes de l'employeur ou des manquements à ses obligations ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande de M. F... tendant à voir dire et juger que le licenciement intervenu le 28 juin 2008 était dépourvu de cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes, par application des dispositions 625 du code de procédure civile ;