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29/02/2012 | FRANCE | N°11-10720

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 février 2012, 11-10720


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Colmar, 22 octobre 2010), que le 3 novembre 1998, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Colmar a été saisi de deux informations contre personne non dénommée des chefs de favoritisme, faux et usage à la suite d'anomalies dénoncées par la chambre régionale des comptes dans la gestion du Syndicat mixte pour l'aménagement du site du Hohlandsbourg (SMASH) institué pour la restauration du château situé

sur ce site ; que postérieurement aux premières investigations, M. X......

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Colmar, 22 octobre 2010), que le 3 novembre 1998, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Colmar a été saisi de deux informations contre personne non dénommée des chefs de favoritisme, faux et usage à la suite d'anomalies dénoncées par la chambre régionale des comptes dans la gestion du Syndicat mixte pour l'aménagement du site du Hohlandsbourg (SMASH) institué pour la restauration du château situé sur ce site ; que postérieurement aux premières investigations, M. X..., président du conseil général du Haut-Rhin, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, le 23 juin 1999, en sa qualité de président du SMASH, du chef du délit de favoritisme ; qu'il a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu, le 6 octobre 2006 ; que par acte du 9 juillet 2007, M. X..., estimant qu'il avait été victime de poursuites pénales abusives pendant plus de sept ans, ayant entraîné un préjudice moral d'une gravité exceptionnelle, a assigné l'agent judiciaire du Trésor afin d'obtenir la condamnation de l'Etat à lui payer un million d'euros à titre de dommages-intérêts ; que, par jugement du 11 juillet 2008, le tribunal de Colmar a débouté M. X... de sa demande ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de condamnation de l'agent judiciaire du Trésor au titre du fonctionnement défectueux du service public de la justice alors, selon le moyen :
1°/ que l'Etat doit organiser son système judiciaire de telle sorte que les cours et tribunaux puissent trancher les causes dans des délais raisonnables ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que la durée de l'instruction sur les faits de favoritisme initialement reprochés à M. X... avait été exceptionnelle, s'est fondée, pour écarter l'existence d'un déni de justice, sur la circonstance inopérante que le changement de magistrat instructeur avait nécessité un temps de prise de connaissance de l'ensemble des dossiers affectés à son cabinet ainsi que de la présente procédure, particulièrement volumineuse et compliquée, a violé les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie notamment au regard de l'enjeu du litige pour l'intéressé ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité de l'Etat, l'absence d'inactivité fautive des magistrats instructeurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard de son âge et des répercussions de la mise en examen sur sa carrière politique, l'enjeu de la procédure pour M. X... ne justifiait pas une célérité accrue dans la conduite de l'instruction, de sorte que sa durée excessive caractérisait un déni de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que seule la réalisation d'actes d'instruction utiles peut justifier la durée de la procédure ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le caractère déraisonnable de la durée de l'information visant M. X..., que des actes avaient été régulièrement diligentés par le juge d'instruction qui a répondu à l'ensemble des requêtes et a instruit le dossier de façon complète, minutieuse et avec sérénité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, eu égard à la spécificité des contraintes pesant sur le chantier de restructuration d'un château du moyen-âge, les marchés passés n'étaient pas insusceptibles d'être régis par les dispositions régulant les marchés publics, de sorte que les actes d'instruction réalisés à cet égard pendant plus de sept années étaient inutiles et ne pouvaient justifier la très longue durée de l'instruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'après avoir constaté, d'abord, que des actes avaient été régulièrement diligentés par le juge d'instruction depuis la mise en examen de M. X..., qui n'était pas la seule personne mise en cause dans cette affaire, ensuite, que la durée de l'instruction, s'agissant de délits de favoritisme relatifs à une opération de réhabilitation d'un château, projet d'une envergure exceptionnelle, ne résultait aucunement de l'inactivité du juge chargé de l'instruction mais exclusivement de son caractère complexe et de la multiplicité des investigations, rendues nécessaires par la participation de nombreux intervenants sur le chantier et la passation de multiples marchés et relevant, en raison de leur spécificité, de services d'enquêteurs spécialisés, la cour d'appel a énoncé que le magistrat instructeur avait répondu à l'ensemble des requêtes lui ayant été adressées et avait instruit le dossier de façon complète et minutieuse, justifiant ainsi légalement sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. X...

M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande de condamnation de l'Agent judiciaire du Trésor à lui verser la somme de 1.000.000 euros de dommages et intérêts au titre du fonctionnement défectueux du service de la justice dont il a été victime ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QU'il est acquis que la procédure le concernant s'est étalée sur une période couvrant sept années et trois mois ; qu'il n'est pas sérieusement contestable que, s'agissant de délits de favoritisme dans le cadre d'une opération de réhabilitation d'un château, projet d'une envergure exceptionnelle supposant nécessairement la participation de nombreux intervenants sur le chantier et la passation de multiples marchés, des investigations très minutieuses, complexes, de par leur nature et leur étendue ont été rendues nécessaires et n'ont pu être confiées, du fait de leur spécificité, qu'à des services d'enquêteurs spécialisés ; qu'il résulte de la lecture de la chronologie des actes de procédure que des actes ont été régulièrement diligentés par le juge d'instruction depuis la mise en examen de M. X... ; que la durée de l'instruction ne résulte ainsi aucunement de l'inactivité du ou des juges chargés de l'instruction mais exclusivement de son caractère complexe et de la multiplicité des investigations à mener ; qu'il est également important de prendre en considération le changement de magistrat instructeur consécutif à une mutation intervenue en septembre 2001 qui a nécessité, pour le nouveau juge d'instruction, un temps de prise de connaissance de l'ensemble des dossiers affectés à son cabinet ainsi que de la présente procédure, particulièrement volumineuse et compliquée ; ainsi qu'il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que la longueur de la procédure, certes exceptionnelle, résulterait d'une inactivité fautive des magistrats en charge du dossier ; que dès lors, le déni de justice dénoncé n'est pas constitué ; que bien au contraire, le magistrat instructeur a répondu à l'ensemble des requêtes qui lui ont été adressées, a instruit le dossier de façon complète, minutieuse et avec sérénité ; que M. X... a profité de la protection juridictionnelle de l'Etat puisqu'il a acquis des droits en étant mis en examen, qu'il a bénéficié d'une instruction, certes longue, mais menée avec objectivité, sans faille, dans le détail le plus infime pour finalement bénéficier au terme de l'ensemble des investigations d'un non lieu particulièrement motivé ; qu'en ce qui concerne le prétendu déni de justice en raison de la durée exceptionnelle de la procédure d'instruction, laquelle mettait en cause non seulement M. X... mais également plusieurs autres personnes mises en examen pour escroquerie, faux et usage de faux, le tribunal a souligné à bon droit l'importance, la complexité et la spécificité des investigations rendues nécessaires par la multiplicité des marchés conclus dans le cadre de la réhabilitation du château de Hohlandsbourg, mais surtout a relevé, au vu de la chronologie des principaux actes de la procédure d'instruction, que cette longue durée ne résultait pas d'une inactivité fautive ni du juge d'instruction, ni des services d'enquête ; qu'en conséquence les conditions d'application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire n'étant pas réunies, il y a lieu de confirmer le jugement déboutant M. X... de ses prétentions ;
ALORS QUE l'Etat doit organiser son système judiciaire de telle sorte que les cours et tribunaux puissent trancher les causes dans des délais raisonnables ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que la durée de l'instruction sur les faits de favoritisme initialement reprochés à M. X... avait été exceptionnelle, s'est fondée, pour écarter l'existence d'un déni de justice, sur la circonstance inopérante que le changement de magistrat instructeur avait nécessité un temps de prise de connaissance de l'ensemble des dossiers affectés à son cabinet ainsi que de la présente procédure, particulièrement volumineuse et compliquée, a violé les articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS QUE le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie notamment au regard de l'enjeu du litige pour l'intéressé ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité de l'Etat, l'absence d'inactivité fautive des magistrats instructeurs, sans rechercher, comme elle y était invitée, si au regard de son âge et des répercussions de la mise en examen sur sa carrière politique, l'enjeu de la procédure pour M. X... ne justifiait pas une célérité accrue dans la conduite de l'instruction, de sorte que sa durée excessive caractérisait un déni de justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS QUE seule la réalisation d'actes d'instruction utiles peut justifier la durée de la procédure ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le caractère déraisonnable de la durée de l'information visant M. X..., que des actes avaient été régulièrement diligentés par le juge d'instruction qui a répondu à l'ensemble des requêtes et a instruit le dossier de façon complète, minutieuse et avec sérénité, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, eu égard à la spécificité des contraintes pesant sur le chantier de restructuration d'un château du moyen-âge, les marchés passés n'étaient pas insusceptibles d'être régis par les dispositions régulant les marchés publics, de sorte que les actes d'instruction réalisés à cet égard pendant plus de sept années étaient inutiles et ne pouvaient justifier la très longue durée de l'instruction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 11-10720
Date de la décision : 29/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 22 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 fév. 2012, pourvoi n°11-10720


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.10720
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