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29/02/2012 | FRANCE | N°10-26275

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 février 2012, 10-26275


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 septembre 2010), que Mme X..., engagée en 1991 par la société Ipec exploitant un cinéma, d'abord à temps partiel en qualité d'hôtesse puis à temps complet à compter de 1995 en qualité d'assistante de direction, a fait l'objet d'un avertissement le 13 décembre 2007 ; qu'à l'issue d'un arrêt pour maladie du 26 mars au 15 mai 2008, elle a adressé à son employeur une lettre de démission puis, arguant du harcèlement moral dont elle aurait été victime, a saisi la

juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la rupture du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 septembre 2010), que Mme X..., engagée en 1991 par la société Ipec exploitant un cinéma, d'abord à temps partiel en qualité d'hôtesse puis à temps complet à compter de 1995 en qualité d'assistante de direction, a fait l'objet d'un avertissement le 13 décembre 2007 ; qu'à l'issue d'un arrêt pour maladie du 26 mars au 15 mai 2008, elle a adressé à son employeur une lettre de démission puis, arguant du harcèlement moral dont elle aurait été victime, a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'annulation de l'avertissement alors, selon le moyen, que sauf abus, le salarié jouit, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportée ; qu'en ayant estimé que la salariée avait commis une faute en répondant à une journaliste, nonobstant le fait que celle-ci avait pu « interpréter » ses propos, « quelques soient ces propos », sans constater s'ils étaient mensongers ou excessifs, la cour d'appel n'a pas caractérisé d'abus de la salariée dans l'exercice de sa liberté d'expression et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et L. 1333-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de travail imposait à la salariée une obligation de discrétion, la cour d'appel, qui a retenu qu'elle avait manqué à cette obligation en répondant à l'interview d'un journaliste sur la fréquentation du cinéma sans en aviser préalablement son employeur, a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral alors, selon le moyen :

1°/ qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait de ne pas communiquer à Mme X... les nouvelles instructions de travail données en son absence, et ce dans les conditions la discréditant, n'était pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que les juges du fond sont tenus d'indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent et d'analyser les pièces soumises à leur examen ; qu'après avoir constaté que Mme X... produisait des attestations indiquant que M. et Mme Y... parlaient d'elle en termes irrespectueux tels que « pondeuse, celle qui raisonne avec ses hormones et pas avec sa tête, qui ne sait faire que des enfants gélatine » (Mme Z..., Mme A..., Mme B...), la cour d'appel, qui a retenu que ces faits étaient « contredits par les attestations adverses » qui n'ont été ni analysées ni même identifiées, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés ou associés ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que les attestations produites par la salariée faisaient état d'insultes proférées non par la gérante mais par son mari associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;

4°/ qu'en ayant retenu que les certificats médicaux produits n'étaient pas suffisants à établir que l'état de santé de Mme X... serait consécutif à des agissements de harcèlement moral (arrêt p. 9, antépénultième §), cependant que la salariée était seulement tenue d'apporter des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que la salariée n'établissait aucun fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande d'annulation de l'avertissement du 13 décembre 2007 ;

Aux motifs que l'avertissement lui reprochait d'avoir répondu à l'interview d'une journaliste sur l'impact du tramway en sa qualité d'assistante de direction du cinéma et tenu des propos négatifs pour l'image de celui-ci, soit la baisse de fréquentation du cinéma, et à l'égard de la ville concernant les problèmes de stationnement, malgré les consignes données par l'employeur ; que la Sarl Ipec produisait l'article de journal Sud-Ouest en cause et trois attestations de responsables de production ou distribution l'ayant alertée au lendemain de la parution du journal sur l'image de l'entreprise et l'impact négatif de l'article ; que Mme X... le contestait et produisait une attestation et un courrier de la journaliste ayant rédigé l'article en cause et une documentation sur l'activité des cinémas en général ; que le contrat de travail prévoyant une obligation de discrétion, il n'appartenait pas à la salariée, même si la journalise avait pu « interpréter » ses propos, et quelques soient ces propos, de répondre à celle-ci au temps et sur son lieu de travail, sans en référer antérieurement à l'employeur ; que l'avertissement était justifié et non disproportionné ;

Alors que sauf abus, le salarié jouit, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportée ; qu'en ayant estimé que la salariée avait commis une faute en répondant à une journaliste, nonobstant le fait que celle-ci avait pu « interpréter » ses propos, « quelques soient ces propos », sans constater s'ils étaient mensongers ou excessifs, la cour d'appel n'a pas caractérisé d'abus de la salariée dans l'exercice de sa liberté d'expression et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1331-1 et L. 1333-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Aux motifs que Mme X... soutenait qu'à son retour de congés de maternité, la direction l'avait contrainte psychologiquement à reprendre un poste à mi-temps, qu'elle perdait toute crédibilité auprès de ses collègues de travail puisque M. et Mme Y... parlaient d'elle en termes irrespectueux tels que « pondeuse, celle qui raisonne avec ses hormones et pas avec sa tête, qui ne sait faire que des enfants gélatine » (attestations de Mme Z..., Mme A..., Mme B...), que la direction lui avait retiré des responsabilités, l'avait isolée des partenaires de l'entreprise (attestations de Mme C..., Mme D..., Mme Z..., article de presse ou son nom ne figure pas) ; que sur les insultes, outre le fait que Mme Y..., la gérante, n'était pas visée dans les attestations produites, mais seulement M. Y..., associé exerçant des fonctions extérieures de délégué de distributeurs de films notamment, il apparaissait que les faits allégués, non datés, contredits par les attestations adverses, auraient été commis en 1999 et 2004 au retour de congés de maternité de la salariée ; que Mme X... produisait trois certificats médicaux, le premier du 24 juin 2008 du Docteur E..., psychiatre, mentionnant qu'elle bénéficiait d'une prise en charge psychiatrique depuis le 15 mai 2008 sans autre précision, le deuxième du 16 octobre 2008 du Docteur F... déclarant que « l'état de santé de Mme X... a nécessité son arrêt de travail à compter du 26 mars 2008 au 15 mai 2008. Celui en rapport avec un état anxio-dépressif réactionnel à ses conditions de travail », le troisième du 10 décembre 2009 de M. G..., cadre de santé, établissant qu'elle s'était présentée au CMP de Pessac le 17 janvier 2008 pour entretien avec une infirmière du centre ; que le premier certificat ne donnait aucun renseignement sur la cause de la prise en charge psychiatrique, que le troisième n'était pas plus explicite, que le deuxième n'était pas circonstancié et ne faisait que reprendre les doléances sur la cause de sa pathologie ; que ces documents étaient insuffisants à établir que l'état de santé de Mme X... serait consécutif à des agissements de harcèlement moral ; que dans ces conditions, aucun fait n'était établi permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Alors 1°) qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait de ne pas communiquer à Mme X... les nouvelles instructions de travail données en son absence, et ce dans les conditions la discréditant, n'était pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Alors 2°) que les juges du fond sont tenus d'indiquer les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent et d'analyser les pièces soumises à leur examen ; qu'après avoir constaté que Mme X... produisait des attestations indiquant que M. et Mme Y... parlaient d'elle en termes irrespectueux tels que « pondeuse, celle qui raisonne avec ses hormones et pas avec sa tête, qui ne sait faire que des enfants gélatine » (Mme Z..., Mme A..., Mme B...), la cour d'appel, qui a retenu que ces faits étaient « contredits par les attestations adverses » qui n'ont été ni analysées ni même identifiées, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 3°) que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l'un ou l'autre de ses salariés ou associés ; qu'en s'étant fondée sur la circonstance que les attestations produites par la salariée faisaient état d'insultes proférées non par la gérante mais par son mari associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail ;

Alors 4°) qu'en ayant retenu que les certificats médicaux produits n'étaient pas suffisants à établir que l'état de santé de Mme X... serait consécutif à des agissements de harcèlement moral (arrêt p. 9, antépénultième §), cependant que la salariée était seulement tenue d'apporter des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-26275
Date de la décision : 29/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 07 septembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 fév. 2012, pourvoi n°10-26275


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.26275
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