LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 15 avril 2002 par le Cabinet Petrel et associés en qualité de responsable informatique, a été licencié pour motif économique par lettre du 20 avril 2006 ;
Attendu que pour juger que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner le cabinet à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que rien ne s'opposait à ce que l'employeur, dont les besoins en matière de gestion informatique subsistaient, propose au salarié d'occuper un poste à temps partiel dans la limite de ce que la gestion du réseau nécessitait et qu'en s'abstenant de présenter une telle proposition il avait méconnu son obligation de reclassement ;
Attendu, cependant, que s'il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par un motif inopérant, et sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si l'employeur avait recherché toutes les possibilités de reclassement qui existaient dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour le Cabinet Petrel et associés
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur Jean-Marie X... est dénué de cause réelle et sérieuse et, en conséquence, condamné la SELARL PETREL et Associés à verser à Monsieur X... la somme de 15.000 € à titre de dommages intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement ne peut être opéré dans l'entreprise; Attendu que la Selarl Pétrel et associés expose que l'externalisation de la gestion de son parc informatique lui coûtait 3.000 euros par mois, alors que le salaire de Jean-Marie X... lui revenait à 4.500 euros ; Attendu que rien ne s'opposait à ce que la Selarl Pétrel et associés, dont les besoins en matière de gestion informatique subsistaient, propose à Jean-Marie X... d'occuper un poste à temps partiel dans la limite de ce que la gestion du réseau nécessitait ; Attendu qu'elle a manifestement écarté une telle solution puisque la convention avec la société OPSI a été signée le 24 mars 2006, soit le lendemain de la convocation à l'entretien préalable et qu'à compter de cette date, Jean-Marie X... n'a plus eu les droits d'accès en tant qu'administrateur du site (cf courrier du 24 mars 2006) ; Attendu que la Selarl PETREL et Associés ne pouvait présupposer le refus de Jean-Marie X... pour justifier son choix de ne pas lui proposer un emploi à temps partiel ; qu'en agissant comme elle l'a fait, elle a méconnu son obligation de reclassement, ce qui prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ainsi que l'ajustement retenu le conseil de Prud'hommes ;
1°) ALORS QUE le cabinet PETREL et Associés faisait valoir dans ses conclusions d'appel reprises à l'audience (Concl.app, p.18 et 19), qu'il était une petite structure qui comptait seulement 4 salariés et 6 collaborateurs au moment du licenciement et qu'il n'appartenait à aucun groupe de sociétés ; qu'il soulignait qu'aucun poste de catégorie équivalente ou même de catégorie inférieure ne pouvait être proposé à Monsieur X..., lequel disposait d'une qualification d'informaticien, qu'aucun poste administratif n'était vacant, que le nombre d'emploi de cette nature est passé de 7 à 3 entre 2004 et 2006 et que la décision d'externalisation de la prestation informatique, qui était légitime par rapport à un parc informatique ramené à 10 postes informatiques, justifiait l'impossibilité de reclassement de Monsieur X... ; qu'en tout état de cause, il exposait que le salarié ne pouvait prétendre à un poste d'assistant, d'avocat ou de juriste dès lors qu'il n'en avait nullement les qualifications et que le cabinet n'était pas été en mesure de lui proposer un poste de cette nature puisqu'il avait précisément mis en oeuvre une politique de rationalisation des dépenses en diminuant fortement ses effectifs, tant administratifs que techniques ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si l'absence de tout poste disponible en rapport avec les compétences du salarié ne rendait pas son reclassement impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2°) ALORS QUE l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur est une obligation de moyens dont l'exécution s'apprécie au regard des capacités de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient et des possibilités d'emploi qui y sont offertes ; que le cabinet PETREL et Associés faisait valoir dans ses conclusions d'appel reprises à l'audience (Concl.app, p.18 et 19), qu'il était une petite structure qui comptait seulement salariés et 6 collaborateurs au moment du licenciement et qu'il n'appartenait à aucun groupe de sociétés ; qu'il soulignait qu'aucun poste de catégorie équivalente ou même de catégorie inférieure ne pouvait être proposé à Monsieur X..., lequel disposait d'une qualification d'informaticien, qu'aucun poste administratif n'était vacant, que le nombre d'emploi de cette nature est passé de 7 à 3 entre 2004 et 2006 et que la décision d'externalisation de la prestation informatique, qui était légitime par rapport à un parc informatique ramené à 10 postes informatiques, justifiait l'impossibilité de reclassement de Monsieur X... ; qu'en tout état de cause, il exposait que le salarié ne pouvait prétendre à un poste d'assistant, d'avocat ou de juriste dès lors qu'il n'en avait nullement les qualifications et que le cabinet n'était pas été en mesure de lui proposer un poste de cette nature puisqu'il avait précisément mis en oeuvre une politique de rationalisation des dépenses en diminuant fortement ses effectifs, tant administratifs que techniques , ce dont il résultait inéluctablement qu'elle ne disposait d'aucun moyen pour reclasser le salarié ; qu'en jugeant que le cabinet PETREL et Associés n'a pas respecté son obligation de reclassement, sans procéder à aucune recherche relative aux moyens dont disposait l'entreprise pour reclasser le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3°) ALORS QUE pour décider que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel s'est fondée sur le constat que rien ne s'opposait à ce que le cabinet PETREL et Associés, dont les besoins en matière de gestion informatique subsistaient, propose à Monsieur X... d'occuper un poste à temps partiel dans la limite de ce que la gestion du réseau nécessitait, reprochant ainsi à l'employeur de ne pas avoir envisagé un aménagement d'horaire du poste de Monsieur X... ; qu'en statuant ainsi, alors que l'employeur était seulement tenu de rechercher s'il existait dans l'entreprise un emploi disponible relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié ou, à défaut, un emploi de catégorie inférieure, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4°) ALORS QUE l'employeur est tenu d'exécuter loyalement son obligation de reclassement ; que le cabinet PETREL et Associés faisait valoir, dans ses conclusions d'appel reprises oralement (Concl.app, p.18 et 19), que ramener le temps de travail de Monsieur X... à hauteur du nombre de postes informatiques restant à gérer aurait conduit le cabinet à proposer un emploi à temps partiel de 7 heures par semaine, correspondant à une rémunération de seulement 660 € bruts environ ; qu'il ajoutait que si le cabinet avait proposé un poste à temps partiel, Monsieur X... n'aurait pas manqué de lui reprocher d'avoir manqué à son obligation de loyauté en lui proposant un poste de reclassement dont la rémunération était quatre fois inférieure à son indemnisation au titre du chômage, laquelle s'est élevée à 2150 € brut par mois sur le second semestre de l'année 2007 ; qu'en tout état de cause, l'employeur faisait observer qu'il était mal venu de la part du salarié de prétendre qu'une proposition à temps partiel aurait pu lui être présentée dans la mesure où le coût de la prestation informatique, telle qu'elle a été mise en oeuvre en 2006 pour les besoins réduits de prestations informatiques de l'époque, n'aurait jamais pu conduire à lui proposer un salaire décent ; qu'en jugeant que l'employeur a méconnu son obligation de reclassement sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si le fait de ne pas avoir proposé au salarié un emploi à temps partiel impliquant nécessairement une baisse substantielle de ses revenus ne procédait pas d'une exécution loyale de son obligation de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE si l'employeur doit exécuter loyalement son obligation de reclassement, il reste, en vertu de son pouvoir de direction et de gestion, le seul juge de l'organisation à mettre en place pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; qu'il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les diverses solutions possibles, ni même d'apprécier l'opportunité d'une décision de gestion ; qu'en retenant que rien ne s'opposait à ce que le cabinet PETREL et Associés, dont les besoins en matière de gestion informatique subsistaient, propose au salarié d'occuper un poste à temps partiel dans la limite de ce que la gestion du réseau nécessitait, pour en déduire que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel, qui ne pouvait apprécier les besoins de l'entreprise en matière informatique, ni juger de l'opportunité de maintenir un poste à temps partiel, lesquelles appréciations relevaient du seul pouvoir de gestion de l'employeur, a statué par la voie d'un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-4 du code du travail, ensemble le principe de la liberté d'entreprendre.