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29/02/2012 | FRANCE | N°09-72766

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 février 2012, 09-72766


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 octobre 2009), rendu sur renvoi après cassation (Cass. soc. 19 mars 2008, pourvoi n° 06-42.284), qu'engagée le 16 décembre 1990 en qualité de monitrice, Mme X..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de veilleuse de nuit pour le compte de l'association Accueil et réinsertion sociale (ARS), a été licenciée pour faute grave le 20 février 2003 en raison de son refus d'utiliser le système de contrôle des rondes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salar

iée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à écarter du débat t...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 21 octobre 2009), rendu sur renvoi après cassation (Cass. soc. 19 mars 2008, pourvoi n° 06-42.284), qu'engagée le 16 décembre 1990 en qualité de monitrice, Mme X..., qui exerçait en dernier lieu les fonctions de veilleuse de nuit pour le compte de l'association Accueil et réinsertion sociale (ARS), a été licenciée pour faute grave le 20 février 2003 en raison de son refus d'utiliser le système de contrôle des rondes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à écarter du débat trois pièces produites par l'employeur, alors, selon le moyen, que le juge doit, en tenant compte des circonstances procédurales propres à chaque litige, faire respecter les règles du procès équitable, qui imposent un débat contradictoire, loyal et à armes égales ; que, lorsque, comme en l'espèce, il est constant que le seul point restant en litige après cassation porte sur la justification par l'employeur du respect de la procédure de consultation et d'information du comité d'entreprise lors de la mise en place six ans plus tôt dans l'entreprise du système de contrôle des rondes de nuit, agit avec déloyauté l'employeur qui, après avoir saisi la cour de renvoi le 18 juillet 2008, produit seulement le 29 juin 2009, soit la veille de l'audience des débats, trois nouvelles pièces, dont deux procès-verbaux du comité d'entreprise portant sur cette question ; qu'en refusant d'écarter cette production nouvelle tardive au prétexte que la salariée était en mesure d'en prendre connaissance avant l'audience et d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile et 6§ 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt qui constate que la salariée a été en mesure de s'expliquer utilement sur les trois pièces communiquées la veille de l'audience par l'employeur lesquelles ne faisaient que corroborer celles déjà produites, n'encourt pas le grief du moyen ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause; qu'en l'espèce, le procès-verbal de réunion du 12 novembre 2002 du comité d'entreprise mentionne que "des contrôleurs de rondes ont été installés dans l'ensemble des structures de l'association pour les veilleurs de nuit … En fonction de la structure 5 à 7 rondes sont prévues. Le CHSCT fera le tour des structures prochainement" ; qu'en affirmant que le comité d'entreprise a été informé de l'installation des contrôleurs de rondes et consulté à ce sujet préalablement à la mise en place du système en décembre 2002, la cour d'appel a dénaturé ledit procès-verbal en violation du principe sus-énoncé ;
2°/ que le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le procès-verbal du 19 novembre 2002 de la réunion du comité d'entreprise ne mentionnait aucune information préalable ni aucune consultation du comité d'entreprise avant la mise en place du système en décembre 2002, la cour d'appel a violé l'article L. 432-2-1 du code du travail, devenu L.2323-32 du code du travail ;
3°/ que la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ne peut être imposée unilatéralement par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en l'espèce, Mme X..., qui occupait la fonction de veilleuse de nuit, produisait aux débats les fiches de poste détaillant les tâches variées et les responsabilités qui lui incombaient pour l'accueil et l'accompagnement des personnes admises en urgence, ainsi que la fiche d'organisation des rondes de nuit qui s'effectuaient, seule, sur une surface de 1900 m², ce qui démontrait le profond bouleversement de l'exercice de sa mission contractuelle et la transformation de la fonction de monitrice veilleuse de nuit en simple gardienne ; qu'en se bornant . énoncer que l'application de ce système, qui ne remettait nullement en cause les fonctions de veilleuse de nuit, relevait du pouvoir de direction de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si au regard des pièces susvisées les fonctions et responsabilités contractuelles de la salariée se trouvaient en fait bouleversées sans son accord, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L.120-4, L.122-6 et L.122-8 devenus L.1222-1 et L.1234-1, L.1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;
4°/ subsidiairement, que, pour apprécier la gravité de la faute invoquée, le juge doit tenir compte du contexte dans lequel intervient le congédiement ainsi que l'ancienneté du salarié ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Mme X... justifié par une faute grave, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'elle s'était refusée à deux reprises à utiliser le nouveau dispositif mis en place des contrôleurs de rondes, sans vérifier si le système avait donné lieu à une concertation minimale, ni tenir compte de l'ancienneté de plus de douze ans de la salariée et de l'absence de tout reproche, de sorte que ce refus, à le supposer fautif et même réitéré une fois, ne pouvait être qualifié de faute grave ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L.122-6 et L.122-8 devenus L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, que le comité d'entreprise avait été informé et consulté préalablement à la mise en oeuvre du système de contrôle de rondes conformément aux dispositions de l'article L.432-2-1 devenu L.2323-32 du code du travail, la cour d'appel qui, effectuant la recherche prétendument omise, a relevé que ce système ne comportait aucune modification des missions de la salariée et que, bien que mise en demeure à deux reprises d'utiliser ce dispositif, celle-ci s'y était catégoriquement opposée, a pu décider que cette attitude d'insubordination réitérée rendait impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes et, notamment de celle tendant au rejet de la production, la veille de l'audience, de trois nouvelles pièces ;
AUX MOTIFS QUE "Fatima X... sollicite le rejet de trois pièces n° 35, 36 et 37 communiquées la veille de l'audience ; que les deux premières pièces sont des procès-verbaux de réunion du comité d'entreprise en date des 14 janvier 2003 et 12 mai 2003, dont la seule mention intéressant le présent litige est celle indiquant que le comité approuve le procès-verbal précédent ; que la troisième pièce est une série de factures d'achat de matériel, visant à démontrer l'achat des contrôleurs de rondes, élément qui n'a jamais été contesté dans le présent litige ; que la salariée était ainsi en mesure de prendre connaissance de ces éléments avant l'audience et d'y répondre utilement ; que le principe du contradictoire étant respecté, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande" ;
ALORS QUE le juge doit, en tenant compte des circonstances procédurales propres à chaque litige, faire respecter les règles du procès équitable, qui imposent un débat contradictoire, loyal et à armes égales ; que, lorsque, comme en l'espèce, il est constant que le seul point restant en litige après cassation porte sur la justification par l'employeur du respect de la procédure de consultation et d'information du comité d'entreprise lors de la mise en place six ans plus tôt dans l'entreprise du système de contrôle des rondes de nuit, agit avec déloyauté l'employeur qui, après avoir saisi la cour de renvoi le 18 juillet 2008, produit seulement le 29 juin 2009, soit la veille de l'audience des débats, trois nouvelles pièces, dont deux procès-verbaux du comité d'entreprise portant sur cette question ; qu'en refusant d'écarter cette production nouvelle tardive au prétexte que la salariée était en mesure d'en prendre connaissance avant l'audience et d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile et 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE "qu'il ressort de l'intitulé même du système mis en place et des termes de la lettre de licenciement que, contrairement à ce que tente de soutenir l'employeur, ce dispositif constituait bien un moyen de contrôle de l'activité des surveillants de nuit, même s'il s'inscrivait dans une démarche de recherche d'une meilleure sécurité des résidents ; que l'article L 432-2-1 du code du travail dispose que "le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés" ; qu'en l'espèce, l'association ARS justifie, par la production d'un compte rendu de réunion du comité d'entreprise du 12 novembre 2002, approuvé par un procès-verbal du 14 janvier 2003, que le comité d'entreprise a été informé de l'installation des contrôleurs de rondes et consulté à ce sujet, et ce préalablement à la mise en place de ce système qui n'a été effective qu'en décembre 2002 ; que l'employeur, sans être contredit par la salariée, décrit le contrôleur de rondes comme un système manuel où chaque point de contrôle est muni d'une clef, où le veilleur est chargé de tourner chaque clef dans un boitier qu'il emmène lors de sa ronde et où une bande de papier sur laquelle figure les heures de passage peut être consultée uniquement par le responsable ; que selon la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique et aux libertés, doivent faire l'objet d'une déclaration à la CNL, les traitements automatisés de données à caractère personnel ainsi que les traitements non automatisés de données à caractère personnel obtenues ou appelées à figurer dans des fichiers ; qu'est dénommé traitement automatisé de données à caractère personnel, tout ensemble d'opérations réalisées par des moyens automatiques, relatives à la collecte ou à l'enregistrement d'informations nominatives ; que la loi précise que sont nominatives les informations qui permettent, sous quelques formes que ce soit, directement ou indirectement, l'identification des personnes physiques auxquelles elles s'appliquent ; qu'en l'espèce, s'il est indéniable que le contrôleur de rondes permettait l'identification physique de l'utilisateur, puisqu'une seule surveillante était présente la nuit, il ne constituait ni un système de traitement automatisé de données nominatives puisque la clef, manoeuvrée manuellement, se bornait à indiquer l'heure de passage sans être reliée à un quelconque dispositif d'enregistrement ou de traitement automatique des informations recueillies, ni un dispositif de traitement non automatisé puisque ces informations n'étaient pas destinées à figurer dans un fichier ; que la mise en place des contrôleurs de ronde était ainsi opposable à la salariée ; que l'application de ce système, qui ne remettait nullement en cause les fonctions de veilleuse de nuit, relevait du pouvoir de direction de l'employeur ; Qu'il est constant que Fatima X... a été mise en demeure à deux reprises, les 22 janvier et 7 février 2003, d'utiliser ce dispositif et s'y est opposée catégoriquement ; que dès lors, cette insubordination caractérisée justifiait son licenciement pour faute grave" ;
1°/ ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de réunion du 12 novembre 2002 du comité d'entreprise mentionne que "des contrôleurs de rondes ont été installés dans l'ensemble des structures de l'association pour les veilleurs de nuit... En fonction de la structure 5 à 7 rondes sont prévues. Le CHSCT fera le tour des structures prochainement" ; qu'en affirmant que le comité d'entreprise a été informé de l'installation des contrôleurs de rondes et consulté à ce sujet préalablement à la mise en place du système en décembre 2002, la cour d'appel a dénaturé ledit procès-verbal en violation du principe sus-énoncé ;
2°/ ALORS QUE le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le procès-verbal du 19 novembre 2002 de la réunion du comité d'entreprise ne mentionnait aucune information préalable ni aucune consultation du comité d'entreprise avant la mise en place du système en décembre 2002, la cour d'appel a violé l'article L 432-2-1 du code du travail, devenu L 2323-32 du code du travail ;
3°/ ALORS QUE la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ne peut être imposé unilatéralement par l'employeur sans l'accord du salarié ; qu'en l'espèce, Mme X..., qui occupait la fonction de veilleuse de nuit, produisait aux débats les fiches de poste détaillant les tâches variées et les responsabilités qui lui incombaient pour l'accueil et l'accompagnement des personnes admises en urgence, ainsi que la fiche d'organisation des rondes de nuit qui s'effectuaient, seule, sur une surface de 1 900 mètres carrés, ce qui démontrait le profond bouleversement de l'exercice de sa mission contractuelle et la transformation de la fonction de monitrice veilleuse de nuit en simple gardienne ; qu'en se bornant à énoncer que l'application de ce système, qui ne remettait nullement en cause les fonctions de veilleuse de nuit, relevait du pouvoir de direction de l'employeur, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si au regard des pièces susvisées les fonctions et responsabilités contractuelles de la salariée se trouvaient en fait bouleversées sans son accord, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1134 du code civil, L 120-4, L 122-6 et L 122-8 devenus L 1222-1 et L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9 du code du travail ;
4°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE, pour apprécier la gravité de la faute invoquée, le juge doit tenir compte du contexte dans lequel intervient le congédiement ainsi que l'ancienneté du salarié ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Mme X... justifié par une faute grave, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'elle était refusée à deux reprises à utiliser le nouveau dispositif mis en place des contrôleurs de rondes, sans vérifier si le système avait donné lieu à une concertation minimale, ni tenir compte de l'ancienneté de plus de douze ans de la salariée et de l'absence de tout reproche, de sorte que ce refus, à le supposer fautif et même réitéré une fois, ne pouvait être qualifié de faute grave ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L 122-6 et L 122-8 devenus L. 1234-1, L 1234-5, L 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-72766
Date de la décision : 29/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 fév. 2012, pourvoi n°09-72766


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.72766
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