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21/02/2012 | FRANCE | N°11-83590

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2012, 11-83590


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Janick X...,

contre l'arrêt de cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2011, qui, pour homicide involontaire et infraction au code de la route, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende et à une amende contraventionnelle de 400 euros, a ordonné la suspension du permis de conduire pour une durée de douze mois et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et

en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Janick X...,

contre l'arrêt de cour d'appel d'ORLÉANS, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2011, qui, pour homicide involontaire et infraction au code de la route, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 8 000 euros d'amende et à une amende contraventionnelle de 400 euros, a ordonné la suspension du permis de conduire pour une durée de douze mois et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 221-6, 221-8 et 121-3 du code pénal, des articles préliminaires et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'homicide involontaire et, en répression, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 8 000 euros d'amende, ainsi qu'à un an de suspension du permis de conduire à titre de peine complémentaire, puis l'a condamné à indemniser les parties civiles ;

"aux motifs propres que le fait pénalement imputé à M. X... ne relève pas des dispositions de l'article 121-3, alinéa du code pénal, qui vise seulement le cas des personnes qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter ; qu'il lui est, en effet, reproché d'avoir directement causé la mort de la victime, par son imprudence, sa négligence ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; que la chronologie des faits n'a pas pu être exactement reconstituée, en raison des insuffisances de l'enquête de gendarmerie et de l'absence de témoins directs de l'accident ; que la seule version disponible est donc celle de M. X..., selon laquelle il a agi précautionneusement, en disposant son ensemble sur le bas-côté de la route, pour ne pas empiéter de l'autre côté de la ligne médiane et ne pas gêner le passage du motocycliste qu'il avait repéré de loin ; qu'un certain nombre d'éléments sont compatibles avec une thèse qui ne lui est nullement favorable et selon laquelle l'accident s'est produit dans la voie de circulation du cyclomotoriste, après quoi il aurait déplacé son ensemble pour le garer sur le bas-côté ; que ceci est d'autant plus plausible qu'il est assez peu vraisemblable que M. X... ait programmé son voyage, d'une longueur de 25 km, ponctué d'arrêts plus ou moins longs sur le bas-côté de la route pour laisser passer les véhicules venant en face ; que l'expert a relevé à ce sujet, page 13 de son rapport : « nous notons que M. X... s'engageait dans de très mauvaises conditions de visibilité sur un trajet de plus de 25 km sur des routes dont la largeur dépassait à peine la largeur de sa herse » ; qu'ainsi, en marche normale, M. X... ne pouvait pas maintenir son ensemble agricole sur sa voie de circulation, puisque la herse attelée transversalement mesurait 4,17 m de large, tandis que la route était d'une largeur totale de 4,60 m ; que de plus, la photographie numéro cinq, analysée par l'expert, montre des traces de terre sur la chaussée, en particulier dans la voie de circulation du cyclomoteur, qui sont parfaitement compatibles avec les conséquences d'un choc survenu à cet endroit même et le corps de la victime ainsi que les débris de son cyclomoteur ont été retrouvés dans la voie de circulation de ce dernier ; que dans cette logique, M. X... aurait immédiatement déplacé son véhicule après l'accident et l'aurait manoeuvré adroitement, pour le disposer le plus à droite possible ; que c'est ce que suggère l'expert judiciaire dans son rapport, page 9 : « les roues du tracteur ne peuvent laisser au sol une trace de 0,60 à 1 m de large telle que notée par les gendarmes, sauf à effectuer une manoeuvre » ; qu'enfin, les déclarations de M. X... sont d'autant moins convaincantes qu'il a varié dans celles-ci, comme cela est relevé par la partie civile, notamment quant à la distance le séparant du phare du cyclomoteur qu'il a vu arriver de loin ; que l'expert judiciaire a lui-même noté qu'il existait des différences entre les déclarations faites par l'intéressé à la gendarmerie le 25 septembre 2006 et devant lui-même le 22 juillet 2010 (page 27 du rapport) ; que certes, à l'issue de ses travaux, l'expert a considéré qu'il n'existait pas d'élément permettant de « valider l'hypothèse que le choc se produit avant que le tracteur ne s'immobilise dans la position où il a été trouvé par la gendarmerie », tout en déplorant les insuffisances de l'enquête ; que même dans l'hypothèse où le choc s'est produit dans les circonstances indiquées par M. X..., la mort du cyclomotoriste est exclusivement due aux fautes commises par le prévenu, puisque la déviation de trajectoire du cyclomotoriste, qui n'est, à l'évidence, nullement volontaire, comme le serait une manoeuvre suicidaire, est seulement due à l'accumulation de circonstances extérieures à lui ; que cette déviation de trajectoire n'est pas due davantage à un défaut de maîtrise, M. X... ayant déclaré que le cyclomotoriste roulait à environ 40 km à l'heure, ce qui a été validé par l'expertise ; que la cour est donc convaincue du bien-fondé des conclusions de l'expert qui estime que la visibilité du cyclomotoriste ayant été gênée par la nuit, le brouillard et l'humidité se formant sur son casque, il a, en l'absence de ligne de rive sur la droite de la route, voulu se rapprocher de la ligne médiane pour se guider, mais que la difficulté est devenue un piège mortel au moment du croisement du tracteur, dont les feux ont créé un éblouissement sur la surface mouillée de la visière du casque ; qu'en effet, il était inévitable que, trompé par une signalisation incomplète, le jeune cyclomotoriste ne voie pas l'extrémité de la herse dépassant du tracteur, puisqu'elle n'était pas signalée ; qu'il l'a donc percutée violemment, après avoir été désorienté par les feux qui ne signalaient qu'une partie de l'obstacle et qui l'éblouissaient ; que c'est donc bien par la seule faute de M. X... que le jeune cyclomotoriste est décédé, celui-ci ayant, en effet, commis la grave imprudence de circuler de nuit avec un engin barrant une partie de la route, sans signalisation de l'extrémité gauche de la herse qui était ainsi invisible et sans véhicule pilote, signalant le danger ; que les fautes commises par M. X... sont d'une incontestable gravité ; que des mesures de prudence élémentaire auraient épargné la vie de M. Y... ; que la peine d'emprisonnement avec sursis est parfaitement justifiée ; qu'elle sera confirmée ; que la peine d'amende délictuelle sera portée à la somme de 8 000 euros ;

"et aux motifs adoptés qu'en conduisant son tracteur alors qu'il faisait encore sombre, partant de nuit pour une distance de plusieurs dizaines de kilomètres sur des routes inadaptées et par temps de brouillard intense, avec la herse en place, sans éclairage réglementaire équipant celle-ci, M. X... avait déjà fait preuve d'une grande négligence, d'une imprudence inacceptable et d'une prise de risque déraisonnable comparée au gain de temps et d'accompagnement qu'il espérait retirer sans démonter sa herse ni solliciter un conducteur pilote ; que si le tracteur était équipé d'un gyrophare avec ses phares allumés, réduisant vis-à-vis des tiers l'espace de prévention utile de cet obstacle hors du commun, la herse qui dépassait de chaque côté du tracteur ne l'était pas et c'était justement celle-ci que M. Y... a percutée en son extrémité invisible et non signalée ;

"1°) alors que la charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante et que le doute profite à l'accusé ; qu'en décidant néanmoins que M. X... avait commis une faute engageant sa responsabilité pénale, en empiétant sur la voie de circulation du cyclomotoriste, après avoir pourtant constaté que les insuffisances de l'enquête de gendarmerie et l'absence de témoins directs ne permettaient pas de déterminer si la herse attelée au tracteur aux commandes duquel se trouvait M. X... empiétait sur la voie où circulait M. Y... lors de l'accident, de sorte que le doute en résultant devait lui profiter, la cour d'appel a violé le principe de la présomption d'innocence ;

"2°) alors qu'en énonçant, pour déclarer M. X... coupable d'homicide involontaire, que dans l'hypothèse où la herse qui était attelée au tracteur n'empiétait pas sur la voie où circulait M. Y... lors de l'accident, la déviation de trajectoire du cyclomoteur de ce dernier était en tout état de cause due à une accumulation de circonstances extérieures à la victime, bien qu'un tel motif, tenant à l'absence de faute de la victime, ait été impuissant à établir que M. X... avait nécessairement commis une faute à l'origine de l'accident, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3°) alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le décès d'autrui, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du décès ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en décidant que M. X... avait commis le délit d'homicide involontaire en circulant avec son tracteur de nuit et par temps de brouillard intense sur des routes inadaptées en l'absence d'éclairage réglementaire, ce qui avait contribué au décès de M. Y..., qui avait percuté le véhicule, ce dont il résultait que le lien de causalité entre la faute et le décès était indirect, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que M. X... aurait ainsi commis une faute caractérisée, n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments le délit et la contravention dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et des circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme que M. Janik X... devra payer à la société civile professionnelle Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux conseils, au titre des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale et 37 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique modifié par l'article 2 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pers conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-83590
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 14 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-83590


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.83590
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