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21/02/2012 | FRANCE | N°11-80738

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 février 2012, 11-80738


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Yann X..., prévenu,
- La société Colombia Pictures Industries inc,
- La société Disney Entreprises Inc,
- La société Paramount Pictures Corporation,
- La société Tristar Pictures Inc,
- La société Twentieth Century Fox Film corporation,
- La société Universal City Studios LLLP,
- La société Warner Bros Inc,
- La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
Musique,
- La société civile des p

roducteurs phonographiques, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en dat...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Yann X..., prévenu,
- La société Colombia Pictures Industries inc,
- La société Disney Entreprises Inc,
- La société Paramount Pictures Corporation,
- La société Tristar Pictures Inc,
- La société Twentieth Century Fox Film corporation,
- La société Universal City Studios LLLP,
- La société Warner Bros Inc,
- La société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
Musique,
- La société civile des producteurs phonographiques, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 16 décembre 2010, qui, pour délits de contrefaçon, a condamné le premier, à deux mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné des mesures de confiscation, de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sur plainte de l'association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, des enquêteurs de la gendarmerie ont constaté l'existence d'un site donnant accès à des liens pointant vers des fichiers contenant des oeuvres musicales et cinématographiques, lesquels pouvaient être aisément téléchargés à la seule condition de disposer d'un logiciel de pair à pair disponible gratuitement sur la toile ; que M X..., titulaire du nom de domaine se rapportant à l'adresse du site, qui a, en outre, reconnu qu'il avait reproduit, en violation des droits de leurs auteurs, des oeuvres de l'esprit en téléchargeant et en gravant 25 cederoms de jeux vidéo, a été poursuivi pour l'ensemble de ces faits sous les qualifications de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, contrefaçon par diffusion ou représentation d'oeuvres de l'esprit au mépris des droits de l'auteur et reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme ; que le tribunal qui a requalifié une partie des faits en complicité de contrefaçon, est entré en voie de condamnation et a prononcé sur les intérêts civils ; que toutes les parties ont relevé appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 121-7 du code pénal, des articles préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable comme auteur principal des faits de contrefaçon par reproduction, représentation et mise à disposition d'oeuvres de l'esprit ;

"aux motifs que le seul objet du site créé par M. X... a été de favoriser l'accès et l'usage de sites de téléchargement permettant de visualiser, d'entendre, et éventuellement de reproduire des oeuvres de l'esprit, au mépris des droits de leurs auteurs et de leurs ayant droit ; qu'il n'est pas contesté, que le succès de ce site a tenu à la facilité d'accès qu'il a permis à ces oeuvres ainsi qu'à la qualité de la reproduction de celles-ci qu'il permettait ; qu'ainsi il est incontestable qu'il a lui-même commis le délit de contrefaçon, par représentation et mise à disposition des oeuvres en cause ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il l'a déclaré complice des infractions visées par la prévention, alors qu'il en est l'auteur principal ; qu'il sera donc déclaré coupable, comme auteur principal au titre de l'ensemble de la prévention initiale, au delà, des faits relativement modestes de contrefaçon de 25 jeux vidéos, qu'il a expressément reconnus ;

"1/ alors que la personne poursuivie a le droit d'être informée non seulement de la cause de l'accusation, c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits, et ce d'une manière détaillée, une telle règle devant s'apprécier à la lumière du droit plus général à un procès équitable ; que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; qu'en se contentant d'écarter la qualification de complicité de contrefaçon retenue par les premiers juges, au profit de celle, initialement retenue par la prévention, de contrefaçon sans statuer sur l'exception de nullité du jugement soulevée par le demandeur dans ses conclusions d'appel pour violation des principes du contradictoire et des droits de la défense par les premiers juges, suite à la requalification des faits opérée par ceux-ci, sans que le demandeur ait pu présenter d'observations sur la nouvelle qualification, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif ;

"2/ alors qu'un même agissement ne peut caractériser à la fois un acte de complicité au sens de l'article 121-7 du code pénal et le comportement constitutif de l'infraction principale ; que les premiers juges comme la cour ont reproché à l'exposant un même acte matériel, à savoir avoir, au moyen du site qu'il administrait, facilité l'accès et l'usage de sites de téléchargement illégal, les premiers sous la qualification de complicité de contrefaçon, la seconde sous la qualification de contrefaçon ; que néanmoins, la cour ne pouvait infirmer le raisonnement des premiers juges et retenir la qualification de contrefaçon sans expliciter en quoi le fait de faciliter l'accès et l'utilisation des sites de téléchargement illégal constituait un acte de reproduction ou de représentation d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits d'auteur et non la complicité d'un tel acte ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;

"3/ alors que le délit de contrefaçon suppose la reproduction ou la représentation d'une oeuvre en violation des droits de ses auteurs ou ayant-droits ; que la représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque tandis que la reproduction résulte de la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte ; que ne saurait opérer ni la moindre reproduction ni la moindre représentation, faute de fixation matérielle comme de communication d'une oeuvre, le site internet qui, ne contenant lui même aucun fichier, se contente de répertorier des liens hypertextes préexistants ne permettant pas même l'accès direct à des sites de téléchargement d'oeuvres, celui-ci étant conditionné par l'adhésion à un réseau et l'installation d'un logiciel ; qu'en déclarant néanmoins l'exposant coupable de contrefaçon, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4/ alors qu'en vertu du principe de la présomption d'innocence, c'est à l'accusation qu'incombe la preuve des éléments constitutifs de l'infraction ; qu'à titre exceptionnel, si une présomption de responsabilité peut être légalement instaurée, c'est à la condition qu'elle ne revête pas de caractère irréfragable, que soit assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ; qu'en retenant, sans s'appuyer sur le moindre élément de preuve objectif ou sur la moindre donnée vérifiable, la nécessaire réalisation de téléchargements illégaux à partir du site administré par l'exposant, la cour d'appel a instauré à la charge de celui-ci une présomption irréfragable de responsabilité et a violé le principe de la présomption d'innocence" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas excédé ses pouvoirs, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles L. 335-2, L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, des articles 2, 418, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les parties civiles en leur constitution du chef de contrefaçon des 25 jeux vidéo ;

"aux motifs que l'ensemble des parties civiles constituées ont des titres incontestables, tant légaux que contractuels, à représenter les auteurs, éditeurs ou producteurs dont les droits ont pu être lésés par le prévenu; que le jugement déféré sera donc confirmé sur la recevabilité de leurs actions ;

"alors que l'action civile en réparation du dommage créé par une infraction appartient exclusivement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'est irrecevable l'action civile du chef du délit de contrefaçon ayant consisté à télécharger et graver 25 CD de jeux vidéo exercée par des personnes morales qui, représentant des producteurs et éditeurs de phonogrammes et vidéogrammes ou des auteurs d'oeuvres musicales, ne sont titulaires d'aucun droit sur ces jeux vidéo ; qu'en confirmant néanmoins la recevabilité des actions des parties civiles, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que les demandes présentées par les parties civiles ne concernent pas la réparation du dommage causé par la contrefaçon des jeux vidéos ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour la Société Civile des producteurs phonographiques (SCPP) pris de la violation des articles 4 et 1382 du code civil, L. 213-1 et L. 335-4, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la Société civile des producteurs phonographiques, dite SCPP, de son action civile en indemnisation de son préjudice matériel ;

"aux motifs que le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi, il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés de production constituées, tout en rabattant leurs demandes sur des critères plus ou moins flous ; que, cependant, il faisait dans le même temps droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles, qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits, les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont, sans doute, largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre ;

"1) alors qu'en refusant d'indemniser un préjudice matériel qu'elle constatait comme résultant de la commission d'une contrefaçon par représentation et mise à disposition des oeuvres, pour cette raison qu'il était difficilement évaluable, alors qu'il lui appartenait, au besoin en prescrivant toute mesure d'instruction utile, de l'évaluer afin de l'indemniser, la cour d'appel commet un déni de justice et viole les textes susvisés ;

"2) alors que le gain manqué constituant un préjudice matériel indemnisable pour la victime de la contrefaçon, la cour d'appel qui refuse de l'indemniser, pour cette raison que l'absence d'un gain n'est pas une perte, viole derechef les textes visés au moyen" ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la SCPP, pris de la violation des articles 459, alinéa 3, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la Société civile des producteurs phonographiques, dite SCPP, de son action civile en indemnisation de son préjudice matériel ;

"aux motifs que le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi, il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés de production constituées, tout en rabattant leurs demandes sur des critères plus ou moins flous ; que, cependant, il faisait dans le même temps droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles, qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits, les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont, sans doute, largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre ;

"alors que dans ses conclusions, la SCPP faisait valoir que son préjudice matériel n'était pas constitué par la reproduction des oeuvres de l'esprit, mais par la mise à disposition d'enregistrements comportant des interprétations de ces artistes et, qu'ainsi, le préjudice subi dépendait du nombre d'artistes dont les enregistrements ont été mis à la disposition du public, de sorte que le calcul du préjudice n'avait rien d'approximatif ; qu'en n'apportant aucune réponse à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la SCPP, pris de la violation des articles 1382 du code civil, L. 213-1 et L. 335-4, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle :

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la Société civile des producteurs phonographiques, dite SCPP, de son action civile en indemnisation de son préjudice matériel ;

"aux motifs que le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi, il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés de production constituées, tout en rabattant leurs demandes sur des critères plus ou moins flous ; que, cependant, il faisait dans le même temps droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles, qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits, les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont, sans doute, largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre ;

"alors que le délit de reproduction ou diffusion non autorisé de phonogrammes engendre nécessairement un préjudice qui n'a pas besoin d'être spécialement démontré ; qu'ayant retenu M. X... dans les termes de la prévention et coupable des délits de contrefaçon par représentation et mise à disposition des oeuvres, il en résultait nécessairement un préjudice matériel subi par la SCPP, producteur de phonogrammes, de sorte qu'en refusant toute indemnisation la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), pris de la violation des articles L. 122-1, L. 122-2, L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil et 2, 3, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement de première instance, a débouté la SACEM de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice matériel ;

"aux motifs que le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi, il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant, celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés de production constituées, tout en rabattant leurs demandes sur des critères plus ou moins flous, que cependant, il faisait dans le même temps droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles ; qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits, les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont, sans doute, largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre ;

"alors que l'auteur dispose du droit d'exploitation exclusif de représentation de ses oeuvres ; que tout acte de représentation effectué sans l'accord de l'auteur ou de ses ayants droit constitue un acte de contrefaçon ; que l'exploitation d'une oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit et, en conséquence, sans que ceux-ci ne soient rémunérés pour cette exploitation, leur cause nécessairement un préjudice matériel ; qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que M. X... s'était rendu coupable de contrefaçon par représentation et mise à disposition d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation de leurs auteurs ou ayants droit ; qu'il résultait de ces constatations que des oeuvres de l'esprit avaient été exploitées par M. X... sans rémunération de leurs auteurs ou ayants droit ; qu'en déboutant néanmoins la SACEM de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel résultant pour elle de ces actes de contrefaçon aux motifs que « l'absence d'un gain n'est pas une perte » et qu'il serait « impossib le de déterminer un préjudice matériel certain », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés" ;

Sur le second moyen du cassation proposé par la SACEM, pris de la violation des articles l. 122-1, l. 122-2, l. 122-4, l. 335-2 et l. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil et 2, 3, 485 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement de première instance, a débouté la SACEM de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice matériel ;

"aux motifs que le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi, il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant, celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés de production constituées, tout en rabattant leurs demandes sur des critères plus ou moins flous, que cependant, il faisait dans le même temps droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles ; qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits, les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont, sans doute, largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de leurs demandes à ce titre ;

"alors que l'auteur dispose du droit d'exploitation exclusif de représentation de ses oeuvres ; que tout acte de représentation effectué sans l'accord de l'auteur ou de ses ayants droit constitue un acte de contrefaçon ; que l'exploitation d'une oeuvre faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit et, en conséquence, sans que ceux-ci ne soient rémunérés pour cette exploitation, leur cause nécessairement un préjudice matériel ; qu'il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que M. X... s'était rendu coupable de contrefaçon par représentation et mise à disposition d'oeuvres de l'esprit sans l'autorisation de leurs auteurs ou ayants droit ; qu'il résultait de ces constatations que des oeuvres de l'esprit avaient été exploitées par M. X... sans rémunération de leurs auteurs ou ayants droit ; qu'en déboutant néanmoins la SACEM de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel résultant pour elle de ces actes de contrefaçon aux motifs que « l'absence d'un gain n'est pas une perte » et qu'il serait « impossible de déterminer un préjudice matériel certain », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés" ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour les sociétés Universal City Studios LLLP, Warner Bros INC, Disney Entreprises Inc, Colombia Pictures Corporation, Tristar Picture Inc., Twentieth Century Fox Film, pris de la violation des articles L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, 2, 3, 464, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté les sociétés de productions, parties civiles, de l'ensemble de leurs demandes au titre de leur préjudice matériel ;

"aux motifs que l'ensemble des parties civiles constituées ont des titres incontestables, tant légaux que contractuels, à représenter les auteurs, éditeurs ou producteurs dont les droits ont pu être lésés par le prévenu ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur la recevabilité de leurs actions ; que sur le fond, le jugement du 26 février 2009, comme les écritures des parties civiles contiennent différents paradoxes et contradictions ; qu'ainsi il est étonnant que les producteurs victimes des agissements de M. X..., après avoir entendu faire la démonstration d'un énorme préjudice, aient ramené leurs prétentions à des sommes qui, pour n'être pas négligeables en valeur absolue, sont néanmoins dérisoires par rapport aux droits qu'ils prétendent pouvoir revendiquer ; que l'impécuniosité relative du prévenu n'est pas au centre de leurs préoccupations ; qu'au demeurant celle-ci ne pose problème qu'en terme d'exécution et non en terme de principe ; que le premier juge a admis les modes de calcul proposés par les différentes sociétés constituées, tout en rabattant leur demandes sur des critères plus ou moins flous ; que cependant, il faisait, dans le même temps, droit à une demande forfaitaire de la SACEM en réparation de son préjudice matériel ; que ces approximations et contradictions reflètent la difficulté de quantifier celui-ci pour les différentes parties civiles ; qu'il faut rappeler que l'absence d'un gain n'est pas une perte ; qu'à l'époque des faits les fournisseurs d'accès internet considéraient le téléchargement gratuit d'oeuvres de l'esprit comme un produit d'appel ; que leurs encouragements ont sans doute largement incité les internautes à user de cette possibilité, mais qu'il est difficile d'apprécier, comme l'a souligné le tribunal, quelle part d'entre eux aurait effectué les mêmes opérations à titre onéreux ; que les observations qui précèdent établissent l'impossibilité de déterminer un préjudice matériel certain ; que les parties civiles seront donc déboutées de ce chef ;

"1) alors que la reproduction d'une oeuvre de l'esprit, en violation des droits de l'auteur, porte nécessairement un préjudice matériel au titulaire des droits d'exploitation de cette oeuvre ; qu'ayant déclaré établie la culpabilité de Yann X... du chef de contrefaçon pour avoir créé un site facilitant l'accès et l'usage à des sites de téléchargement permettant de visualiser et de reproduire des oeuvres de l'esprit en violation des droits d'auteur et retenu que les sociétés de production parties civiles justifiaient de titres légaux ou contractuels leur conférant la qualité de titulaires de droit, la cour d'appel ne pouvait, sans entacher sa décision de contradiction, écarter l'existence d'un préjudice matériel certain subi par les parties civiles du fait de ces atteintes aux droits de représentation et de reproduction dont elles sont titulaires ;

"2) alors que l'absence de caractère certain d'un préjudice causé par une infraction ne saurait se déduire des difficultés à quantifier ledit préjudice ; qu'en se fondant ainsi sur les difficultés d'appréciation de l'étendue du préjudice matériel subi par les sociétés de productions, parties civiles, pour en déduire l'absence de certitude de ce préjudice et par voie de conséquence les débouter de leurs demandes en réparation à raison des faits de représentation et de reproduction d'oeuvres cinématographiques effectués en violation de leurs droits, la cour d'appel a, en confondant ainsi la question de l'existence du préjudice avec celle de son évaluation, privé sa décision de toute base légale ;

"3) alors qu'en application des dispositions de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, les juges du fond se doivent de prendre en considération dans la fixation des dommages et intérêts les conséquences économiques négatives dont le manque à gagner subies par le titulaire de droits à raison d'actes de contrefaçon ou, à titre alternatif et sur demande de la partie lésée, lui allouer une somme forfaitaire qui ne saurait être inférieure ; que, dès lors, en écartant l'existence d'un préjudice matériel certain subi par les parties civiles aux motifs qu'une absence de gain ne constituait pas une perte et qu'il serait contradictoire qu'il puisse être alloué à certaines parties civiles une réparation forfaitaire tandis que, pour d'autres, l'évaluation de leur préjudice serait fondée sur une méthode de calcul intégrant divers paramètres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"4) alors que la cour d'appel qui prétend ainsi se fonder sur le caractère approximatif de la méthode d'évaluation suivie par les parties civiles pour procéder à l'évaluation de leur préjudice matériel et sur l'impossibilité de toute certitude quant au nombre d'internautes qui, ayant pu procédé à des téléchargements illicites, auraient été susceptibles d'effectuer la même opération à titre onéreux, n'a pas, en l'état de ces motifs entachés d'insuffisance justifié de sa décision refusant aux parties civiles toute réparation de leur préjudice matériel ;

"5) alors, enfin, que les juges du fond se doivent d'assurer la réparation intégrale de l'ensemble des préjudices découlant des faits de la poursuite dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en se déclarant dans l'impossibilité de déterminer le préjudice subi par les parties civiles à raison du caractère approximatif de leur méthode d'évaluation de leur préjudice sans davantage s'en expliquer au regard des conclusions dont elle était saisie, exposant ladite méthode d'évaluation, la cour d'appel qui a méconnu son office, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, selon ces textes, il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe ;

Attendu que l'arrêt, après avoir déclaré le prévenu coupable des faits de contrefaçon qui lui étaient reprochés, énonce, pour débouter les parties civiles de leurs demandes présentées au titre de la réparation du préjudice matériel, que leurs écritures contiennent "différents paradoxes et contradictions" qui reflètent la difficulté qui a été la leur de le quantifier ;

Mais attendu qu'en se déterminant par ces motifs, fondés sur le caractère hypothétique du mode de calcul proposé par les parties civiles pour procéder à l'évaluation du préjudice matériel dont l'affirmation de l'existence résultait de la constatation des contrefaçons, la cour d'appel, à qui il appartenait, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, d'en rechercher l'étendue pour le réparer dans son intégralité, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 16 décembre 2010, mais en ses seules dispositions relatives au préjudice matériel subi par les parties civiles demanderesses au présent pourvoi, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet, dans les mêmes limites, à l'égard de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France qui ne s'est pas pourvue ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

CONDAMNE M. X... à payer à la SACEM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, pour son mémoire en défense ;

CONDAMNE M. X... à payer à la SPPF la somme de 2 000 euros au titre de l'application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

CONDAMNE M. X... à payer aux Sociétés Colombia Pictures Industries inc, Disney Entreprises Inc, Paramount Pictures Corporation, Tristar Pictures Inc, Twentieth Century Fox Film corporation, Universal City Studios LLLP, Warner Bros Inc, la somme 2 000 euros au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale pour leur mémoire en défense ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. X... de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la SACEM de l'article 618-1 du code de procédure pénale pour son mémoire en demande ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit des sociétés Colombia Pictures Industries inc, Disney Entreprises Inc, Paramount Pictures Corporation, Tristar Pictures Inc, Twentieth Century Fox Film corporation, Universal City Studios LLLP, Warner Bros Inc, de l'article 618-1 du code de procédure pénale pour leur mémoire en demande ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Leprey ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-80738
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 16 décembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 21 fév. 2012, pourvoi n°11-80738


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Baraduc et Duhamel, SCP Boutet, SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.80738
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