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21/02/2012 | FRANCE | N°09-15438

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 février 2012, 09-15438


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 juin 1999, la société Aria, qui distribuait déjà les résines de la société Mc Worther, a conclu avec cette société un contrat de représentation pour la commercialisation de résines poudres produites en Europe ; qu'à la suite du rachat des titres de la société Mc Worther par la société Eastman chemical (société Eastman), cette dernière a mis fin au contrat de représentation à effet au 31 décembre 2001 ; que le 1er janvier 2002 un nouveau contrat de repr

ésentation non exclusive a été conclu, pour la France et pour une durée indéte...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 juin 1999, la société Aria, qui distribuait déjà les résines de la société Mc Worther, a conclu avec cette société un contrat de représentation pour la commercialisation de résines poudres produites en Europe ; qu'à la suite du rachat des titres de la société Mc Worther par la société Eastman chemical (société Eastman), cette dernière a mis fin au contrat de représentation à effet au 31 décembre 2001 ; que le 1er janvier 2002 un nouveau contrat de représentation non exclusive a été conclu, pour la France et pour une durée indéterminée, entre les sociétés Eastman et Aria ; que, parallèlement, cette dernière est restée le distributeur de la société Eastman ; que le 25 octobre 2002, la société Eastman a notifié à la société Aria la cessation du contrat de représentation à effet au 31 décembre 2002 et a également mis fin à la relation de distribution ; que la société Aria ayant demandé le paiement d'indemnités pour rupture du contrat de représentation et du contrat de distribution, la société Eastman, à titre reconventionnel, a réclamé le paiement de factures ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Aria fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de distribution, alors, selon le moyen :

1°/ que seule une inexécution suffisamment grave de ses obligations par une partie, caractérisant l'impossibilité de poursuivre une relation commerciale établie, est susceptible de justifier sa rupture brutale et unilatérale par son cocontractant ; que cette rupture ne saurait s'expliquer par la simple existence de relations devenues conflictuelles entre les parties ; que pour dénier purement et simplement à la société Aria tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, la cour d'appel s'est cependant bornée à relever l'existence d'un désaccord entre les parties sur le montant de l'indemnité due au titre de « la rupture du contrat de représentation », justifiant selon elle l'arrêt des livraisons par la société Eastman faute de règlement d'un arriéré de factures par la société Aria ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'inexécution du contrat de distribution ainsi imputée à la société Aria revêtait une gravité suffisante, caractérisant l'impossibilité de le poursuivre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce et de l'article 1184 du code civil ;

2°/ qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait d'avoir rompu brutalement et unilatéralement toute relation commerciale établie sans que la victime de ladite rupture n'ait à établir qu'elle bénéficiait d'une exclusivité ; qu'en déboutant, dès lors, la société Aria de son droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, motifs pris de ce que « la société Aria ne démontre pas qu'elle bénéficiait d'une clause d'exclusivité pour la distribution des produits », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce ;

3°/ que la société Aria faisait valoir, aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appel que pendant leurs relations contractuelles, la société Eastman avait, à son insu, pris contact avec l'une de ses clientes, la société Borio pour lui proposer de lui vendre directement ses produits ; qu'à l'appui de ses conclusions, la société Aria avait produit une lettre adressée par la société Eastman à Akzo Boiro du 18 novembre 2002 aux termes de laquelle la société Eastman vous « propose d'établir une relation directe sans intermédiaire, pour tous les produits de la marque Eastman (…) » ; que la cour d'appel a cependant débouté la société Aria de tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution motifs pris de ce qu'elle n'établirait pas que la société Eastman aurait tenté de prendre directement contact avec l'une de ses clientes, la société Boiro ; qu'en statuant ainsi aux seuls motifs que la société Aria ne verse aux débats qu'un mail de protestation de sa part adressé à « la société Eastman le 27 mars 2003 », sans avoir nul égard à la lettre parfaitement explicite adressée par la société Eastman à la société Boiro du 18 novembre 2002 telle que régulièrement produite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt relève que si la société Eastman, après avoir accepté de poursuivre les relations commerciales avec la société Aria pour la distribution de ses produits jusqu'au 30 juin 2004, a cessé ses livraisons fin avril 2003, c'est après lui avoir demandé, par lettre du 25 mars 2003, de régler le montant de ses factures impayées qui s'élevait à 130 000 euros ; qu'il constate qu'alors que la société Eastman admettait lui devoir une somme de 54 357,86 euros, au titre de l'indemnité de rupture du contrat de représentation, la société Aria, en dépit d'une mise en demeure de régler, après compensation, la somme de 75 779,94 euros, s'est abstenue sans motif légitime ; qu'il relève enfin que la société Aria, qui ne bénéficiait d'aucune exclusivité de distribution, ne démontrait pas que la société Eastman eût cherché à contacter l'un de ses clients pour lui vendre des produits à un prix inférieur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui ne s'est pas fondée sur la seule absence de clause d'exclusivité et qui a caractérisé un manquement grave de la société Aria à ses obligations envers la société Eastman a pu, sans avoir à s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait des débats, statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen, pris en sa première branche, ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour fixer à 54 357,86 euros, la somme due par la société Eastman à la société Aria au titre de l'indemnité de rupture du contrat de représentation et, après compensation partielle des dettes réciproques, condamner la seconde à payer à la première la somme de 157 307,76 euros, l'arrêt retient que, selon les modalités de l'article 19 du contrat du 7 juin 1999, cette indemnité doit être calculée sur la base des commissions de l'année 2001 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions des parties que la somme retenue correspond aux commissions pour la période du 1er janvier au 25 octobre 2002, la cour d'appel, qui n'a pas recherché quelles étaient les commissions pour l'année 2001, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Eastman chemical bv aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour la société Aria

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à la seule somme de 54.357,86 € l'indemnité de rupture du contrat de représentation et, partant, d'AVOIR, après compensation, condamné la Société ARIA à payer à la Société EASTMAN la somme de 157.307,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2003 sur la somme de 75.779,94 € et à compter du 11 septembre 2003 pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE la Société ARIA qui distribuait déjà les résines liquides de la Société Mc WORTHER, a conclu avec cette société, le 7 juin 1999, un contrat de représentation pour la commercialisation des résines poudres produites en Europe ;

« (…) la société EASTMAN CHEMICAL BV, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits chimiques, a repris l'activité de la société Mc WORTHER en mai 2000 ; que par lettre du 22 juin 2001, la Société EASTMAN CHEMICAL BV a mis fin au contrat de représentation avec effet au 31 décembre 2001 ; que le 1er janvier 2002, un nouveau contrat a été signé par lequel la Société EASTMAN CHEMICAL a désigné la société ARIA comme son représentant commercial non exclusif en France ; que ce contrat, conclu pour une durée indéterminée, était résiliable par l'une ou l'autre des parties à tout moment sous réserve de respecter un préavis de 60 jours ; que parallèlement les relations d'achat/vente ont été maintenues, la Société ARIA étant le distributeur de la Société EASTMAN CHEMICAL BV sur le territoire français ;

« (…) le 25 octobre 2002, la Société EASTMAN CHEMICAL BV a notifié à la Société ARIA la cessation du contrat de représentation à effet au 31 décembre 2002 ; qu'elle a également mis fin à la relation de distribution ;

« (…) que c'est dans ces circonstances que la Société ARIA a assigné la Société EASTMAN CHEMICAL BV afin d'obtenir paiement de diverses sommes ainsi que d'indemnités pour rupture du contrat de représentation et rupture du contrat de distribution ;

« (…) que le Tribunal de commerce de PARIS, par le jugement déféré, a dit que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, devait payer à la Société ARIA la somme de 73.138,70 € pour indemnité due au titre du contrat de représentation, la somme de 186.657,18 € pour indemnité de rupture du contrat de distribution ainsi que la somme de 6.751,21 € notamment au titre d'arriérés de commissions ; qu'il a dit que la Société ARIA devait payer à la Société EASTMAN CHEMICAL BV la somme de 211.665,62 € pour factures impayées ; qu'après compensation entre les dettes réciproques, il a condamné la Société EASTMAN CHEMICAL BV à payer la somme de 54.881,47 € à la Société ARIA ;

« (…) que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, appelante, soutient qu'elle ne doit qu'une seule indemnité au titre de la rupture du contrat de représentation, dont le montant doit être fixé à la somme de 54.357,86 € ; qu'elle conteste devoir la moindre indemnité au titre du contrat de distribution, faisant valoir qu'elle était en droit de suspendre les livraisons tant que la Société ARIA ne devait pas payer ses factures ; qu'opérant compensation entre la somme de 221.539,17 € due par la Société ARIA au titre des factures impayées et la somme de 54.357,86 € qu'elle reconnaît lui devoir, elle demande condamnation de la Société ARIA à lui payer la somme de 167.181,31 outre intérêts ;

« (…) que la Société ARIA, appelante incidente, prétend qu'elle a droit à deux indemnités de résiliation au titre du contrat de représentation : 73.138,70 € au titre du contrat du 7 juin 1999 et 54.357,86 € au titre du contrat du 1er janvier 2002, qu'elle fait valoir, sur la rupture du contrat de distribution, que la Société EASTMAN CHEMICAL BV est seule responsable de la résiliation pour avoir arrêté ses livraisons et tenté de revenir sur leurs accords ; qu'elle demande la confirmation du jugement sauf à se voir allouer la somme supplémentaire de 54.357,86 € au titre du contrat de représentation ;

1) Sur la rupture du contrat de représentation :

« (…) que le contrat du 7 juin 1999 prévoyait, en son article 19, que le mandataire aurait droit, en cas de résiliation, à une indemnité d'un an, calculée à partir de la rémunération annuelle du mandataire au cours de l'année précédente et au moins égale à 300.000 F (environ 45.000 €) ;

« (…) qu'aux termes d'une lettre de la Société EASTMAN CHEMICAL du 1er janvier 2002, approuvée et signée par la Société ARIA le 8 février 2002, les parties ont passé un accord en ces termes : Eastman chemical BBV (Eastman) et Aria conviennent que le contrat en date du 7 juin 1999 entre Mc Worther Technologies Spa Sant'Albano (Mc Worther) et Aria SAS Paris, a été résilié ; la résiliation prenant effet le 31 décembre 2001. Eastman et Aria acceptent de valider un contrat de représentation commerciale en date de 1er janvier 2002 ; Eastman accepte, à la résiliation du contrat de représentation commerciale du 1er janvier 2002, de verser à Aria une indemnité dont le montant sera calculé conformément à l'article 19 du contrat passé entre Aria et Mc Worther le 7 juin 1999. Eastman et Aria conviennent que la date de résiliation susmentionnée du contrat du 7 juin 1999 sera la date à partir de laquelle cette indemnité sera calculée. Aria accepte que, sauf en ce qui est indiqué dans la présente lettre, Aria ne cherchera pas à obtenir d'Eastman et Eastman n'est pas obligée, de verser quelque indemnité supplémentaire pour la résiliation du contrat du 7 juin 1999, basée ou non sur les articles 18 et 19 de ce contrat.

« (...) qu'il résulte clairement de cet accord que la société Aria ne doit recevoir qu'une seule indemnité de résiliation, lors de la résiliation du contrat du 1er janvier 2002 ;

« (…que), sur le montant de cette indemnité, (…) la Société ARIA fixe son montant en se référant à l'article 19 du contrat du 7 juin 1999 et en la calculant comme elle l'aurait été au 31 décembre 2001, soit sur la base des commissions de l'année 2000 ; que la Société EASTMAN CHEMICAL BV fait valoir que l'indemnité doit être calculée sur la période du 1er janvier 2002 au 25 octobre 2002 ;

« (…) que les parties ont renvoyé à l'article 19 du contrat du 7 juin 1999 pour les modalités de calcul de l'indemnité, égale à un an de rémunération du mandataire au cours de l'année précédente, qu'il est nécessaire d'interpréter la clause obscure par laquelle elles ont ajouté : la date de résiliation susmentionnée du contrat du 7 juin 1999 sera la date à partir de laquelle cette indemnité sera calculée » ; que le contrat du 7 juin 1999 ayant été résilié à la date du 31 décembre 2001 et un nouveau contrat ayant été conclu le 1er janvier 2002, cette clause ne peut s'interpréter comme prévoyant un calcul sur la base de commissions perçues pendant la première période contractuelle qui avait pris fin ;

qu'elle signifie seulement que c'est à partir du 1er janvier 2002 que l'indemnité peut être calculée selon les modalités de l'article 19 du contrat du 7 juin 1999, sur la base des commissions de l'année précédente, soit 2001 ; que dans le doute, la cause doit s'interpréter en faveur de la Société EASTMAN qui est débitrice de l'obligation ; qu'en conséquence, l'indemnité de rupture du contrat de représentation sera fixée à la somme de 54.357,86 € ;

« (…) 3) Sur les autres demandes et les comptes entre les parties :

« (…) que la Société EASTMAN CHEMICAL BV demande la somme de 221.539,17 € pour factures impayées ; que le décompte qu'elle produit aboutissant à un total de 211.665,62 €, c'est ce montant qui doit être retenu ;

« (…) que la Société ARIA demande la somme de 3.523,32 € à titre d'arriérés de commission, 666,75 € en règlement d'un litige Duramac et 2.561,14 € en règlement d'un litige Valspar ; que la Société EASTMAN CHEMICAL BV conteste ces prétentions en soulignant que la Société ARIA ne produit aucun élément justificatif ;

« (…) que les conclusions de la Société ARIA et les pièces qui y sont annexées ne contiennent aucun élément justificatif au soutien de ces demandes ; que la cour ne peut donc que les rejeter ;

« (…) que la Société ARIA, débitrice de la somme de 211.665,62 € au titre des factures et créditrice de la somme de 54.357,86 € au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de représentation, doit payer à la Société EASTMAN CHEMICAL BV la somme de 157.307,76 € avec intérêts au taux légal sur 75.779,94 € à compter du 15 mai 2003 et sur le surplus à compter du 11 septembre 2003 » (arrêt attaqué p. 3, § 2 au dernier, p. 4 et p. 6, § 1 à 3).

ALORS, D'UNE PART, QUE l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties, il ne peut être accordé ce qui n'était pas demandé ; qu'il ressortait des propres considérations de la Cour d'Appel, s'agissant du montant de l'indemnité due au titre du contrat de représentation, que la Société ARIA fixe son montant en se référant à l'article 19 du contrat du 7 juin 1999 et en la calculant comme elle l'aurait été au 31 décembre 2001, soit sur la base des commissions de l'année 2000 ; que la Société EASTMAN CHEMICAL BV fait valoir que l'indemnité doit être calculée sur la période du 1er janvier 2002 au 25 octobre 2002 (arrêt attaqué p. 4, § pénultième) ; qu'en fixant, dès lors, l'indemnité à la somme de 54.357,86 € motifs pris de ce qu'elle peut être calculée selon les modalités de l'article 19 du contrat du 7 juin 1999, sur la base des commissions de l'année précédente, soit 2001 (arrêt attaqué p. 4, dernier §), la Cour d'Appel a méconnu les termes du litige en violation des dispositions des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'il ressortait des conclusions récapitulatives d'appel des deux parties que l'indemnité de 54.357,86 € concernait la résiliation du contrat de représentation du 1er janvier 2002 et les seules commissions encaissées en 2002 (conclusions d'appel de la Société ARIA p. 4 et 6, § 1 et 2 et conclusions d'appel de la Société EASTMAN p. 5, § 2) ; que saisie de telles conclusions, la Cour d'Appel a cependant fixé l'indemnité de rupture du contrat de représentation à cette somme de 54.357,86 € motifs pris de ce que l'indemnité peut être calculée selon les modalités de l'article 19 du contrat du 7 juin 1999, sur la base des commissions de l'année précédente, soit 2001 » (arrêt attaqué p. 4, dernier §), qu'en statuant ainsi, sans aucunement justifier sa décision, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 442-6 I du Code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Société ARIA de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de distribution et, partant, d'AVOIR, après compensation, condamné la Société ARIA à payer à la Société EASTMAN la somme de 157.307,76 € avec intérêts au taux légal compter du 15 mai 2003 sur la somme de 75.779,94 € et à compter du 11 septembre 2003 pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE la Société ARIA qui distribuait déjà les résines liquides de la Société Mc WORTHER, a conclu avec cette société, le 7 juin 1999, un contrat de représentation pour la commercialisation des résines poudres produites en Europe ;

« (…) la société EASTMAN CHEMICAL BV, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits chimiques, a repris l'activité de la société Mc WORTHER en mai 2000 ; que, par lettre du 22 juin 2001, la Société EASTMAN CHEMICAL BV a mis fin au contrat de représentation avec effet au 31 décembre 2001 ; que le 1er janvier 2002, un nouveau contrat a été signé par lequel la Société EASTMAN CHEMICAL a désigné la société ARIA comme son représentant commercial non exclusif en France ; que ce contrat, conclu pour une durée indéterminée, était résiliable par l'une ou l'autre des parties à tout moment sous réserve de respecter un préavis de 60 jours ; que parallèlement les relations d'achat/vente ont été maintenues, la Société ARIA étant le distributeur de la Société EASTMAN CHEMICAL BV sur le territoire français ;

« (…) le 25 octobre 2002, la Société EASTMAN CHEMICAL BV a notifié à la Société ARIA la cessation du contrat de représentation à effet au 31 décembre 2002 ; qu'elle a également mis fin à la relation de distribution ;

« (…) que c'est dans ces circonstances que la Société ARIA a assigné la Société EASTMAN CHEMICAL BV afin d'obtenir paiement de diverses sommes ainsi que d'indemnités pour rupture du contrat de représentation et rupture du contrat de distribution ;

« (…) que le Tribunal de commerce de PARIS, par le jugement déféré, a dit que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, devait payer à la Société ARIA la somme de 73.138,70 € pour indemnité due au titre du contrat de représentation, la somme de 186.657,18 € pour indemnité de rupture du contrat de distribution ainsi que la somme de 6.751,21 € notamment au titre d'arriérés de commissions ; qu'il a dit que la Société ARIA devait payer à la Société EASTMAN CHEMICAL BV la somme de 211.665,62 € pour factures impayées ; qu'après compensation entre les dettes réciproques, il a condamné la Société EASTMAN CHEMICAL BV à payer la somme de 54.881,47 € à la Société ARIA ;

« (…) que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, appelante, soutient qu'elle ne doit qu'une seule indemnité au titre de la rupture du contrat de représentation, dont le montant doit être fixé à la somme de 54.357,86 € ; qu'elle conteste devoir la moindre indemnité au titre du contrat de distribution, faisant valoir qu'elle était en droit de suspendre les livraisons tant que la Société ARIA ne devait pas payer ses factures ; qu'opérant compensation entre la somme de 221.539,17 € due par la Société ARIA au titre des factures impayées et la somme de 54.357,86 € qu'elle reconnaît lui devoir, elle demande condamnation de la Société ARIA à lui payer la somme de 167.181,31 outre intérêts ;

« (…) que la Société ARIA, appelante incidente, prétend qu'elle a droit à deux indemnités de résiliation au titre du contrat de représentation : 73.138,70 € au titre du contrat du 7 juin 1999 et 54.357,86 € au titre du contrat du 1er janvier 2002, qu'elle fait valoir, sur la rupture du contrat de distribution, que la Société EASTMAN CHEMICAL BV est seule responsable de la résiliation pour avoir arrêté ses livraisons et tenté de revenir sur leurs accords ; qu'elle demande la confirmation du jugement sauf à se voir allouer la somme supplémentaire de 54.357,86 € au titre du contrat de représentation ;

« (…) 2) Sur la rupture du contrat de distribution :

« (…) que la Société ARIA expose que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, par lettre du 23 décembre 2002, lui a proposé la poursuite du contrat de distribution de résines jusqu'au 30 juin 2004 cette prorogation de 18 mois constituant l'indemnisation de rupture dudit contrat » ce qu'elle a accepté sous réserve que la distribution s'opère régulièrement ; qu'elle reproche à la Société EASTMAN d'avoir multiplié les incidents en confiant la distribution à une société concurrente, alors qu'elle était distributeur exclusif de ses produits, et d'avoir suspendu ses livraisons à partir du 22 avril 2003 ; qu'elle se réfère à sa lettre du 2 mai 2003 par laquelle elle a adressé à la Société EASTMAN CHEMICAL BV un état de leurs créances réciproques, faisant apparaître que celle-ci était débitrice, et lui a précisé qu'elle payerait les factures excédant le montant des sommes dues à condition que EASTMAN respecte sa proposition relative à l'indemnisation du contrat de distribution ; qu'elle reproche à la Société EASTMAN CHEMICAL BV d'avoir voulu, par sa lettre du 15 mai 2003, lui imposer une indemnisation pour la résiliation des contrats de représentation et de distribution, en revenant sur un accord passé ;

« (…) qu'il apparaît que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, par lettre du 25 mars 2003, a demandé à la Société ARIA de régler les factures impayées pour un montant de 130.000 € ;

« (…) que la Société ARIA, par lettre du 2 mai 2003, a répondu que la Société EASTMAN CHEMICAL BV aurait dû lui payer la somme de 73.178,70 € le 31 mars au titre de l'indemnité pour la résiliation du contrat Mc Worther ; que la Société ARIA a précisé qu'au 30 avril 2003, elle était créditrice de la somme de 84.145,56 € incluant ce montant et que, n'étant débitrice que de 81.467,45 €, il existait un solde créditeur en sa faveur de 2.318,11 € ; qu'elle a encore indiqué que ce calcul ne tenait pas compte de la somme proposée par EASTMAN pour l'annulation du contrat à la fin de l'année 2002, soit 54.357,86 € ; qu'elle a terminé sa lettre comme suit « A condition qu'EASTMAN respecte la proposition que vous avez faite concernant l'indemnisation de la résiliation du contrat de distribution d'ici juin 2004, ARIA payera dans les délais toutes les factures excédant le total des sommes dues par EASTMAN. Comme vous pouvez le voir, vous n'avez aucune raison d'arrêter les commandes ! Je considérerais cela comme une violation sérieuse de l'accord que vous avez proposé pour l'indemnisation pour la distribution ».

« (…) que la Société EASTMAN CHEMICAL BV, par lettre du 15 mai 2003, a rappelé à la Société ARIA que ses impayés s'élevaient à la somme de 130.137,80 € et que l'absence de règlement de sa part l'avait obligé à suspendre ses livraisons de produits depuis le 22 avril 2003 ; que se reconnaissant débitrice de la somme de la somme de 54.357,86 € au titre de l'indemnité de rupture du contrat de représentation, elle a mis en demeure la Société ARIA de lui payer de 75.779,94 € en l'avertissant que, faute de règlement au plus tard le 2 juin 2003, les relations commerciales cesseraient immédiatement.

« (…) qu'il résulte de ces échanges de lettres qu'un désaccord existait ente les parties sur le montant de l'indemnité due au titre de la rupture du contrat de représentation ; que la Société ARIA n'était donc pas bien fondée à refuser de payer la somme de 130.137,80 € au titre des factures en se prétendant créditrice du montant de deux indemnités au titre du contrat de représentation ; qu'elle ne peut donc reprocher à la Société EASTMAN CHEMICAL BV d'avoir interrompu ses livraisons ;

« (…) que la Société ARIA ne démontre pas qu'elle bénéficiait d'une clause d'exclusivité pour la distribution des produits ; qu'elle ne démontre pas non plus que la Société EASTMAN CHEMICAL BV aurait contacté l'une de ses clients, la Société BOIRO pour lui vendre ses produits à un prix inférieur au sien ; qu'en effet, elle ne verse aux débats qu'un mail de protestation de sa part adressé à la Société EASTMAN CHEMICAL BV le 27 mars 2003 ;

« (… qu') aucune faute n'étant retenue à l'encontre de la Société dans la rupture du contrat de distribution, la Société ARIA doit être déboutée de sa demande d'indemnité à ce titre » (arrêt attaqué p. 3, § 2 au dernier, p.4,§ 1er, p. 5 et p. 6, § 1 à 3).

ALORS, D'UNE PART, QUE seule une inexécution suffisamment grave de ses obligations par une partie, caractérisant l'impossibilité de poursuivre une relation commerciale établie, est susceptible de justifier sa rupture brutale et unilatérale par son cocontractant ; que cette rupture ne saurait s'expliquer par la simple existence de relations devenues conflictuelles entre les parties ; que pour dénier purement et simplement à la SAS ARIA tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, la Cour d'Appel s'est cependant bornée à relever l'existence d'un désaccord « (…) entre les parties sur le montant de l'indemnité due au titre de la rupture du contrat de représentation », justifiant selon elle l'arrêt des livraisons par la Société EASTMAN faute de règlement d'un arriéré de factures par la Société ARIA (arrêt attaqué p. 5, § pénultième) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si l'inexécution du contrat de distribution ainsi imputée à la Société ARIA revêtait une gravité suffisante, caractérisant l'impossibilité de le poursuivre, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce et de l'article 1184 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait d'avoir rompu brutalement et unilatéralement toute relation commerciale établie sans que la victime de ladite rupture n'ait à établir qu'elle bénéficiait d'une exclusivité ; qu'en déboutant, dès lors, la SAS ARIA de son droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution, motifs pris de ce que « la Société ARIA ne démontre pas qu'elle bénéficiait d'une clause d'exclusivité pour la distribution des produits » (arrêt attaqué p. 5, § pénultième), la Cour d'Appel a violé les dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce.

ALORS, ENFIN, QUE la Société ARIA faisait valoir, aux termes de ses conclusions récapitulatives d'appel (p. 9, § antépénultième et pénultième, et p. 11, §3) que pendant leurs relations contractuelles, la Société EASTMAN avait, à son insu, pris contact avec l'une de ses clientes, la Société BOIRO pour lui proposer de lui vendre directement ses produits ; qu'à l'appui de ses conclusions, la Société ARIA avait produit (pièce n° 6 du bordereau) une lettre adressée par la Société EASTMAN à AKZO BOIRO du 18 novembre 2002 aux termes de laquelle « (…) la Société EASTMAN vous propose d'établir,(…), une relation directe sans intermédiaire, pour tous les produits de la marque EASTMAN (…) » ; que la Cour d'Appel a cependant débouté la Société ARIA de tout droit à indemnité au titre de la rupture du contrat de distribution motifs pris de ce qu'elle n'établirait pas que la Société EASTMAN aurait tenté de prendre directement contact avec l'une de ses clientes, la Société BOIRO ; qu'en statuant ainsi aux seuls motifs que la Société ARIA « ne verse aux débats qu'un mail de protestation de sa part adressé à la Société EASTMAN CHEMICAL BV le 27 mars 2003 » (arrêt attaqué p. 5, § pénultième), sans avoir nul égard à la lettre parfaitement explicite adressée par la Société EASTMAN à la Société BOIRO du 18 novembre 2002 telle que régulièrement produite, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-15438
Date de la décision : 21/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 mars 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 fév. 2012, pourvoi n°09-15438


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Copper-Royer, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.15438
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