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16/02/2012 | FRANCE | N°10-12854

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 février 2012, 10-12854


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 septembre 2009), que Mme X... a exploité une station-service appartenant à la société Thévenin et Ducrot distribution (TDD) en exécution d'un contrat de location-gérance assorti d'une convention de mandat-vente ducroire du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, puis en vertu d'un contrat de travail de pompiste encaisseur du 1er avril 1996 au 31 décembre 1997, puis à nouveau dans le cadre d'une location gérance assortie d'un mandat de vente, cette dernière relation ayant

pris fin à son initiative suivant le 31 décembre 2001 ; qu'elle a sa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 septembre 2009), que Mme X... a exploité une station-service appartenant à la société Thévenin et Ducrot distribution (TDD) en exécution d'un contrat de location-gérance assorti d'une convention de mandat-vente ducroire du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, puis en vertu d'un contrat de travail de pompiste encaisseur du 1er avril 1996 au 31 décembre 1997, puis à nouveau dans le cadre d'une location gérance assortie d'un mandat de vente, cette dernière relation ayant pris fin à son initiative suivant le 31 décembre 2001 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 781-1-2°) du code du travail ; que par arrêt du 22 mars 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société TDD formé contre un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 23 mars 2004 qui, statuant sur contredit, avait décidé que l'article précité du code du travail était applicable et que la juridiction prud'homale était compétente pour statuer sur les demandes de Mme X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société TDD fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... est en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures complémentaires et pour dimanches et jours fériés travaillés sur la base de la rémunération minimale conventionnelle afférente à son niveau de qualification niveau III coefficient 190 pour la période du 2 avril au 31 décembre 1997, niveau IV coefficient 250 pour la période du 1er janvier 1998 au 31 mars 2002 alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a constaté que dans ses conclusions d'appel, reprise oralement à l'audience, Madame X... revendiquait, à l'appui de ses demandes salariales, la classification coefficient 250 agent de maîtrise de la Convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles et produits pétroliers ; que dès lors, en lui attribuant la classification au niveau III coefficient 190 de la catégorie ouvriers employés au titre de sa période de salariat non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 décembre 1997, classification qui n'était pas revendiquée par Madame X..., la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que la qualification professionnelle devait être appréciée en tenant compte uniquement des activités exercées par Mme X... pour le compte de la société TDD et non de ses activités annexes exercées à titre indépendant ; qu'en se fondant pourtant sur les activités annexes de Madame X..., pour estimer qu'elle pouvait revendiquer la classification au niveau IV – agent de maîtrise – coefficient 250, la cour d'appel a violé les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail ;

Mais attendu que c'est sans modifier les termes du litige que la cour d'appel, examinant les fonctions exercées par Mme X..., qui avait demandé à bénéficier de la classification au niveau IV, coefficient 250, de la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers, applicable à l'entreprise, a décidé qu'elle devait relever de la classification au niveau III, coefficient 190 pour la période du 2 avril au 31 décembre 1997, et, compte tenu des nouvelles relations contractuelles à partir de janvier 1998 ayant conféré à l'intéressée la pleine responsabilité de la gestion de la station-service au niveau commercial, administratif et financier, de la classification au niveau IV, coefficient 250 à compter du 1er janvier 1998, sans qu'il puisse lui être fait grief d'avoir pris en considération les activités annexes (bar licence IV, réparations, entretien, boutique), dont elle avait relevé qu'elles étaient indispensables à la fidélisation de la clientèle pour les achats de carburant dans un secteur devenu extrêmement concurrentiel, ce dont il ressortait que ces activités n'étaient pas séparables de celles relatives à la vente des carburants et des autres produits fournis par la société TDD ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société TDD fait grief à l'arrêt de dire que Mme X... était en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures complémentaires et pour dimanches et jours fériés travaillés sur la base d'une durée moyenne hebdomadaire de travail de 70 h sur 7 jours au titre de la période non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 mars 2002 alors, selon le moyen :

1°/ que le locataire-gérant ne peut revendiquer l'application des dispositions du livre Ier de la troisième partie du Code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés que s'il établit que l'entreprise a fixé les conditions de travail ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en l'espèce, le Conseil de prud'hommes avait constaté qu'une telle preuve n'était pas rapportée, Madame X... ne justifiant pas que la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION ne l'avait pas laissée maître de fixer l'organisation de son travail, en lui imposant des jours et des horaires d'ouverture et de fermeture de la station-service ; qu'en considérant pourtant que Madame X... était en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et pour dimanches et jours fériés sur la base d'une durée moyenne de travail de 70 H sur 7 jours au titre de la période non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 mars 2002, sans rechercher si la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION avait fixé les conditions de travail de Madame X... ou si celles-ci avaient été soumises à son accord, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;

2°/ qu'en retenant, pour accueillir la demande de dommages-intérêts formée par Madame X... au titre du non-respect du droit aux congés annuels et repos annuels, que l'« objection » des premiers juges, relative à l'absence de preuve que la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION lui aurait imposé d'ouvrir la station 7 jours sur 7, jours fériés compris, ne pouvait être retenue, dès lors que l'emplacement de la station située hors agglomération en bordure de la route national 73, les impératifs de rentabilité du fonds et la nécessité de compenser la perte de clientèle découlant de la concurrence des grandes surfaces notamment, imposaient l'évidence une ouverture 7 jours sur 7, dimanches et jours fériés compris, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, faute d'avoir recherché si la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION avait imposé à Madame X... d'ouvrir 7 jours sur 7, entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;

3°/ subsidiairement, que la législation du travail s'applique uniquement à l'activité exercée par le gérant de succursale pour le compte de l'entreprise et non à ses activités annexes exercées à titre indépendant ; qu'en considérant pourtant que le statut de gérant de succursale salarié englobe l'ensemble des activités exercées dans les locaux mis à disposition qui sont l'accessoire de l'activité principale, soit en l'espèce non seulement l'activité de distribution de carburants à prix imposé, mais également l'activité boutique et bar, lavage et petites réparations des véhicules, pour en déduire qu'il y avait lieu d'évaluer la durée moyenne de travail accomplie par Madame X... à 70 h hebdomadaires toutes activités confondues sur la période du 2 avril 1997 au 31 mars 2002, la cour d'appel a violé les articles L. 7321-1, L. 7321-2 et L. 7321-3 du Code du travail.

Mais attendu que la cour d'appel, qui a évalué la durée de travail accomplie par Mme X... en retenant, d'une part, que le statut de gérant englobait les activités annexes indispensables à la survie du fonds de commerce donné en location-gérance par la société TDD, d'autre part, que l'emplacement de la station-service, les impératifs de rentabilité du fonds et la nécessité de compenser la perte de clientèle découlant de la concurrence des grandes surfaces imposaient une ouverture sept jours sur sept, dimanches et jours fériés compris, a constaté l'existence de données objectives d'exploitation de la station-service qui ne pouvaient être considérées comme étrangères aux dispositions convenues entre les parties ; qu'elle a ainsi justifié légalement justifié sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que le rejet des deux premiers moyens entraîne celui de ce moyen, tendant à la cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Thevenin et Ducrot distribution aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Thevenin et Ducrot et la condamne à payer à Mme Patricia X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour la société Thevenin et Ducrot distribution

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame X... était en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures complémentaires et pour dimanches et jours fériés travaillés sur la base de la rémunération minimale conventionnelle afférente à son niveau de qualification niveau III coefficient 190 pour la période du 2 avril au 31 décembre 1997, niveau IV coefficient 250 pour la période du 1er janvier 1998 au 31 mars 2002 ;

AUX MOTIFS QUE, sur la classification, l'appelante revendique la qualification d'agent de maîtrise, coefficient 250 de la convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles solides, liquides, gazeux et produits pétroliers, applicables à l'entreprise. De fait la qualification de « pompisteencaisseur » niveau I échelon 3 coefficient 130 qui lui a été attribuée dans son contrat de travail du 15 mars n'est manifestement pas en rapport avec la réalité des fonctions exercées par elle. Selon la convention collective le niveau I correspond en effet à l'exécution des tâches simples ou répétitives en application de consignes précises, sous le contrôle d'un salarié de qualification supérieure, et le poste correspondant au coefficient 130 dans la filière technique est circonscrit à celui « d'employé de piste de station-service très qualifié responsable des encaissements ». Or selon les termes mêmes de son contrat de travail initial Madame X... assumait des fonctions plus larges, puisqu'elle était chargée d'assurer l'exploitation de la station-service sous le seul contrôle d'un chef de secteur non présent sur place, lesdites fonctions impliquant le service de la clientèle en carburants et en produits boutique, le choix des fournisseurs pour les produits non livrés par l'employeur, l'établissement des commandes, la facturation et la comptabilité journalière, le contrôle des stocks et des livraisons, l'entretien les locaux. Le niveau de sa rémunération était d'ailleurs sans rapport avec le minimum conventionnel afférent au coefficient 130, puisqu'elle bénéficiait en sus de son salaire de base, d'un intéressement fixe majorant celui-ci de 50 % et d'un intéressement variable en fonction des quantités de carburants et marchandises vendues. La diversité de ses fonctions, le niveau de ses responsabilités en matière commerciale, administrative et comptable, la marge d'initiative et d'autonomie dont elle disposait et l'expérience professionnelle acquise par elle depuis 1995 justifiait une classification au niveau III coefficient 190 de la catégorie ouvriers employés au titre de sa période de salariat non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 décembre 1997. Il est difficile en revanche de lui reconnaître à ce stade une classification au niveau IV – techniciens et agents de maîtrise, laquelle suppose soit des connaissances techniques approfondies (niveau BTS-IUT), soit des responsabilités et des prérogatives hiérarchiques permettant l'exécution de programmes ou objectifs déterminés à l'avance avec mise en oeuvre des moyens adéquats et encadrement de personnels subordonnés, ce qui n'était pas le cas à l'époque, Madame X... agissant suivant les consignes et sous le contrôle d'un chef de secteur auquel elle était hiérarchiquement subordonnée. Cette qualification ne peut lui être accordée qu'à partir du moment où la société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION lui a confié la pleine responsabilité de la gestion de la station, au niveau commercial, administratif et financier dans le cadre des contrats de location-gérance et de mandat de vente ducroire régularisés le 5 janvier 1998, tout en la maintenant dans une situation de dépendance juridique et économique du fait des obligations mises à sa charge (objectif minimal de vente – prix imposés – clauses d'exclusivité pour diverses fournitures – dépôt de garantie – cautionnement). La diversité des tâches de gestion et d'animation de la station et des activités annexes (bar licence IV – réparations – entretien – boutique …) indispensables à la fidélisation de la clientèle dans un secteur devenu extrêmement concurrentiel (cf. courrier de démission du 8 octobre 1999 évoquant l'installation de supermarchés à proximité avec vente de carburants) et l'étendue des responsabilités découlant du statut imposé par la société intimée, dont l'exercice d'un pouvoir de direction et de contrôle sur des salariés embauchés (même temporairement) pour assurer certaines tâches, relèvent bien de l'exercice de fonctions de niveau IV – agent de maîtrise – coefficient 250, revendiqué par l'appelante ;

1°/ ALORS QUE la Cour d'appel a constaté que dans ses conclusions d'appel, reprise oralement à l'audience, Madame X... revendiquait, à l'appui de ses demandes salariales, la classification coefficient 250 agent de maîtrise de la Convention collective nationale du négoce et de la distribution de combustibles et produits pétroliers ; que dès lors, en lui attribuant la classification au niveau III coefficient 190 de la catégorie ouvriers employés au titre de sa période de salariat non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 décembre 1997, classification qui n'était pas revendiquée par Madame X..., la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ ALORS QUE la qualification professionnelle devait être appréciée en tenant compte uniquement des activités exercées par Madame X... pour le compte de la société TDD et non de ses activités annexes exercées à titre indépendant ; qu'en se fondant pourtant sur les activités annexes de Madame X..., pour estimer qu'elle pouvait revendiquer la classification au niveau IV – agent de maîtrise – coefficient 250, la Cour d'appel a violé les articles L. 7321-1 et L. 7321-2 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame X... était en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures complémentaires et pour dimanches et jours fériés travaillés sur la base d'une durée moyenne hebdomadaire de travail de 70 h sur 7 jours au titre de la période non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 mars 2002 ;

AUX MOTIFS QUE sur la durée du travail, Madame X... réclame paiement de rappels de salaires sur une base de 115 h de présence par semaine, correspondant aux horaires de la station-service de 6 h à 22h30, 7 jours sur 7, augmentée de 12 heures (2h x 6 jours) correspondant à l'exécution des tâches annexes à la distribution de carburants (réception des livraisons, entretien de la piste, comptabilité …), soit au total 127 h par semaine. Une telle évaluation ne peut être retenue. Une durée hebdomadaire de travail de 127 h correspond en effet à 18 h par jour sur 7 jours, et il n'est pas réaliste de soutenir que Madame X... ne bénéficiait que de 6 h par jour pour prendre ses repas, vaquer à ses occupations personnelles et familiales et dormir. (…) En tout état de cause la notion de travail effectif doit être distinguée de l'amplitude horaire de travail d'une part, et des périodes d'astreinte d'autre part. Selon l'article L. 3121-1 du code du travail « la duré de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ». L'article L. 3121-5 du même code dispose par ailleurs « qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, à l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise », ajoutant que seule « la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Madame X... résidait sur place avec son mari et ses enfants dans des locaux mis à disposition par l'employeur. Il est permis de présumer qu'elle disposait en dehors des périodes de trafic intense de 6 h à 9 h le matin, et de 17 h à 20 h le soir, de périodes creuses lui permettant d'une part d'assurer les tâches administratives et comptables liées à la gestion de la station, d'autre part de prendre ses repas et de vaquer à ses occupation personnelles et familiales. Il est établi et constant par ailleurs que la station fonctionnait en libre-service de sorte qu'elle n'était pas obligée de se déplacer pour servir les clients et pouvait procéder aux encaissements tout en assurant d'autres tâches, telles que les ventes boutiques et le service du bar. Il apparaît ainsi que l'amplitude journalière de 16h30 qui est établie et non sérieusement contestée, se décompose en réalité en périodes de travail effectif et en périodes d'astreinte dont il est évidemment difficile de reconstituer la durée exacte plusieurs années après la fin des relations contractuelles. Quant à la méthode de calcul du temps de travail proposée par la société intimée à partir de la durée des seules opérations de distribution de carburant elle apparaît totalement artificielle et déconnectée de la réalité. Le statut de gérant de succursale salarié englobe l'ensemble des activités exercées dans les locaux mis à disposition qui sont l'accessoire de l'activité principale, soit en l'espèce non seulement l'activité de distribution de carburants à prix imposé, mais également l'activité boutique et bar, lavage et petites réparations des véhicules, dont il a été rappelé plus haut qu'elles étaient indispensables à la survie du fonds de commerce, face à la concurrence des supermarchés. Ainsi le contrat de travail régularisé entre les parties le 15 mars 1996 stipulait bien que l'exploitation de la station-service ne se limitait pas à la distribution de carburants et englobait l'activité boutique, l'entretien des locaux et de la piste … etc. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour est en mesure d'évaluer la durée moyenne de travail accomplie par Madame X... à 70h hebdomadaires toutes activités confondues sur la période du 2 avril 1997 au 31 mars 2002. S'agissant d'une durée moyenne, il n'y a pas lieu de procéder à la déduction des heures effectuées par les salariés qu'elle a embauchés à temps partiel et à titre temporaire (du 5 août 1998 au 12 octobre 1999 et du 16 octobre 2000 au 17 avril 2001) pour le suppléer dans ses tâches (…). Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du non-respect du droit aux congés annuels et repos hebdomadaire, les premiers juges ont écarté à tort cette demande aux motifs que Patricia X... ne rapportait pas la preuve de ce que la société THEVENIN ET DUCROT DISTRIBUTION lui avait imposé d'ouvrir la station-service 7 jours sur 7 jours fériés compris, le contrat de vente-ducroire lui imposant seulement un volume minimal de carburants. Cette objection ne peut être retenue : l'emplacement de la station, située hors agglomération en bordure de la route nationale 73, les impératifs de rentabilité du fonds et la nécessité de compenser la perte de clientèle découlant de la concurrence des grandes surfaces notamment, imposaient à l'évidence une ouverture 7 jours sur 7, dimanches et jours fériés compris ;

1°/ ALORS QUE le locataire-gérant ne peut revendiquer l'application des dispositions du livre Ier de la troisième partie du Code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés que s'il établit que l'entreprise a fixé les conditions de travail ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en l'espèce, le Conseil de prud'hommes avait constaté qu'une telle preuve n'était pas rapportée, Madame X... ne justifiant pas que la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION ne l'avait pas laissée maître de fixer l'organisation de son travail, en lui imposant des jours et des horaires d'ouverture et de fermeture de la station-service ; qu'en considérant pourtant que Madame X... était en droit de prétendre à des rappels de salaires, congés payés, majorations pour heures supplémentaires et pour dimanches et jours fériés sur la base d'une durée moyenne de travail de 70 H sur 7 jours au titre de la période non couverte par la prescription du 2 avril 1997 au 31 mars 2002, sans rechercher si la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION avait fixé les conditions de travail de Madame X... ou si celles-ci avaient été soumises à son accord, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;

2°/ ALORS QU'en retenant, pour accueillir la demande de dommages-intérêts formée par Madame X... au titre du non-respect du droit aux congés annuels et repos annuels, que l'« objection » des premiers juges, relative à l'absence de preuve que la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION lui aurait imposé d'ouvrir la station 7 jours sur 7, jours fériés compris, ne pouvait être retenue, dès lors que l'emplacement de la station située hors agglomération en bordure de la route national 73, les impératifs de rentabilité du fonds et la nécessité de compenser la perte de clientèle découlant de la concurrence des grandes surfaces notamment, imposaient l'évidence une ouverture 7 jours sur 7, dimanches et jours fériés compris, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, faute d'avoir recherché si la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION avait imposé à Madame X... d'ouvrir 7 jours sur 7, entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du Code du travail ;

3°/ ALORS et à titre subsidiaire QUE la législation du travail s'applique uniquement à l'activité exercée par le gérant de succursale pour le compte de l'entreprise et non à ses activités annexes exercées à titre indépendant ; qu'en considérant pourtant que le statut de gérant de succursale salarié englobe l'ensemble des activités exercées dans les locaux mis à disposition qui sont l'accessoire de l'activité principale, soit en l'espèce non seulement l'activité de distribution de carburants à prix imposé, mais également l'activité boutique et bar, lavage et petites réparations des véhicules, pour en déduire qu'il y avait lieu d'évaluer la durée moyenne de travail accomplie par Madame X... à 70 h hebdomadaires toutes activités confondues sur la période du 2 avril 1997 au 31 mars 2002, la Cour d'appel a violé les articles L. 7321-1, L. 7321-2 et L. 7321-3 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture des relations contractuelles à la date du 31 mars était imputable à la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE sur la rupture des relations contractuelles, Madame X... a fait part à la Société THEVENIN ET DUCROT DISTRIBUTION, par courrier recommandé en date du 30 décembre 2001, notifié le 2 janvier 2002 de son intention de ne pas renouveler le contrat de location-gérance à l'issue de la période annuelle en cours expirant le 31 mars 2002. Les motifs qu'elle invoque pour justifier la rupture-parution d'une annonce dans la presse locale relative à la recherche d'un couple de gérants pour exploiter la station ne peuvent être sérieusement retenus pour imputer la responsabilité de celle-ci à la société intimée, alors qu'il est établi par les pièces produites par elle aux débats que cette annonce était consécutive à une nouvelle manifestation d'intention de l'intéressée de cesser l'exploitation de la station, déjà exprimée l'année précédente dans un courrier de rupture adressé le 8 décembre 1999, finalement rétracté après discussion et autorisation d'extension de l'exploitation à des activités complémentaires, donnée le 10 janvier 2000. Il est toutefois constant en droit du travail que la lettre de démission ou de rupture émanant du salarié ne fixe pas les limites du litige, et en l'espèce, il ne fait aucun doute, au vu des pièces du dossier, que la rupture des relations contractuelles procédait du constat par la gérante de la station-service de l'impossibilité d'obtenir une rémunération décente dans le cadre du statut de travailleur indépendant en dépit d'une tentative de diversification des activités annexes, sous la pression de la société intimée, après sa première lettre de rupture de décembre 1999. Les ventes de carburants diminuant d'année en année, en raison d'une forte concurrence, ladite société ne pouvait ignorer le caractère gravement lésionnaire des conventions passées et l'impossibilité d'obtenir dans ce cadre une juste rémunération du travail fourni, compte tenu des servitudes découlant de l'exploitation de la station dans les conditions imposées par elle. La rupture est dès lors imputable au non respect par la société THEVENIN ET DUCROT DISTRIBUTION des dispositions légales impératives en matière de droit du travail et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Madame X... est fondée à prétendre dans ces conditions au paiement d'une indemnité de licenciement légale ou conventionnelle, sur la base du salaire des 12 derniers mois, tel qu'il sera déterminé par l'expert, ainsi qu'à une indemnité en réparation du préjudice subi par elle du fait de la perte de son emploi, sur le fondement de l'article L. 1235-4 du Code du travail, d'un montant minimal équivalent aux six derniers mois de salaire, et au-delà sous réserve des justificatifs produits par elle sur sa situation de ressources après la rupture dans le cadre des opérations d'expertise ;

ALORS QUE la cour d'appel ayant considéré que la Société THEVENIN et DUCROT DISTRIBUTION ne pouvait ignorer le caractère gravement lésionnaire des conventions passées et l'impossibilité d'obtenir dans ce cadre une juste rémunération du travail fourni et que la rupture était dès lors imputable au non respect par cette société des dispositions légales impératives en matière de droit du travail et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cassation à intervenir sur le premier ou deuxième moyen emportera, par voie de conséquence, celle des chefs du dispositif visés par le troisième moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-12854
Date de la décision : 16/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 08 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 fév. 2012, pourvoi n°10-12854


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.12854
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