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15/02/2012 | FRANCE | N°10-21576

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2012, 10-21576


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er mars 1999 par la maison de retraite du Bon secours en qualité de secrétaire administrative, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable du personnel et de la paie, a été licenciée pour faute lourde le 22 mai 2007, pour détournement de correspondances et carences dans la gestion des visites médicales obligatoires des salariés ; que la juridiction prud'homale, saisie par la salariée le 16 avril 2007, a prononcé la résiliation judiciaire

de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Vu les artic...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er mars 1999 par la maison de retraite du Bon secours en qualité de secrétaire administrative, exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable du personnel et de la paie, a été licenciée pour faute lourde le 22 mai 2007, pour détournement de correspondances et carences dans la gestion des visites médicales obligatoires des salariés ; que la juridiction prud'homale, saisie par la salariée le 16 avril 2007, a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu que pour infirmer cette décision, l'arrêt retient que le harcèlement moral est insuffisamment caractérisé, la salariée n'ayant pas justifié de la poursuite jusqu'en 2007 de l'attitude offensante de son supérieur hiérarchique constatée en 2004 ;

Qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas examiné tous les faits invoqués par la salariée et n'a pas recherché si, dans leur ensemble, ils ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne l'annulation par voie de conséquence des dispositions qui sont critiquées par le second moyen, dès lors que les dispositions cassées constituent le soutien nécessaire des dispositions critiquées ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Blois du 12 juin 2009 sur la condamnation de la maison de retraite du Bon secours de Vendôme au paiement de diverses sommes et a condamné cette maison de retraite à payer à la salariée la somme de 249,30 euros au titre des congés payés pour 2005-2006, l'arrêt rendu le 10 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la maison de retraite Bon Secours aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer 2 500 euros à Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et D'AVOIR dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... produit les attestations de Monsieur Y..., ancien directeur adjoint, qui a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave et qu'il a contesté devant le Conseil des prud'hommes, en sorte que son témoignage peut ne pas rester suffisamment neutre et impartial ; que même réflexion pour Madame Corinne Z..., qui a été licenciée, et qui a introduit une action devant le Conseil des prud'hommes de Blois ; que son attestation doit donc être repoussée ; que les attestations louant la tâche et l'action de Madame X... ne permettent pas de caractériser le harcèlement moral ; que restent, l'attestation de Monsieur Luc A... qui décrit l'arrachage du papier peint du bureau de la salariée par Monsieur B..., le passage à chaque instant de celui-ci dans le bureau nouveau de celle-là sans s'excuser et le fait qu'il n'ait pas hésité à fouiller son bureau en son absence et qu'il ait demandé toujours plus à la responsable des ressources humaines qu'il qualifiait de « grosse », que son bureau sentait la « sueur de grosses » et qu'il espérait qu'elle finisse par se dégonfler rapidement ; que cependant, Monsieur A... précise qu'il a oeuvré auprès de la maison de retraite jusqu'au 6 mars 2004, en sorte que ses observations qui n'ont donné lieu à aucune saisine du comité d'hygiène et de sécurité ou de l'inspection du travail à l'époque ne saurait être validée trois ans après puisque la saisine de Conseil des prud'hommes remonte au 16 avril 2007, sans que la Cour ait l'assurance que ces traitements aient perduré jusqu'à cette date ; que Monsieur Thierry C..., ancien aidesoignant de nuit, affirme pour sa part qu'il a pu constater que Monsieur B... écoutait les conversations et qu'il lui est arrivé d'interrompre cellesci de façon sèche voire grossière, alors qu'elles ne le concernaient en rien ; qu'il avait l'art et la manière de dévaloriser et d'humilier Madame X... et de la mettre à l'écart notamment à la fermeture de la maison de convalescence ; que cependant, la Cour ignore à quelle date il a quitté la maison de retraite et à quels moments ces faits non précisés ont pu être commis ; qu'ils ne peuvent donc être retenus ; qu'au total le harcèlement moral reste insuffisamment caractérisé ; que cependant la Cour estime devoir trouver dans les éléments rapportés ci-dessus, par l'attitude blessante et offensante de Monsieur B... jusqu'en mars 2004, à l'égard de madame X..., un préjudice certain qu'il lui a provoqué et qui sera réparé par une somme arbitrée à 4000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, en premier lieu, QUE pour limiter le montant des dommages-intérêts accordés à Madame X... et juger que celle-ci avait été victime non d'un harcèlement moral mais de faits fautifs de la part de son supérieur hiérarchique, l'arrêt attaqué a retenu que les éléments rapportés par la salariée établissaient l'attitude blessante et offensante de Monsieur B... à son égard, au moins jusqu'en mars 2004, lui ayant provoqué un préjudice certain ; qu'en jugeant que le harcèlement moral était insuffisamment caractérisé bien qu'elle ait constaté des faits constitutifs d'un tel harcèlement, ou à tout le moins, laissant présumer l'existence d'un harcèlement, présomption qu'il incombait alors à l'employeur de combattre, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;

ALORS, deuxième lieu, QU'en matière de harcèlement moral, les juges du fond doivent déterminer si chacun des faits allégués par le salarié est ou non établi, sans mettre à l'écart aucun des faits par lui allégué ; qu'en l'espèce, Madame X... se plaignait du fait que son supérieur hiérarchique, Monsieur B..., employait à son égard un ton ironique et méchant, lui infligeait des moqueries de toute sorte, des sarcasmes et des injures grossières ; qu'elle invoquait également des menaces de licenciement, et des mesures humiliantes telles que le retrait de sa seule et unique secrétaire, l'installation de son bureau dans un endroit de passage inadapté à la confidentialité des échanges, son éviction de toutes les réunions professionnelles en relation avec ses tâches et son poste, l'annonce au personnel de son éviction prochaine ou encore le retrait de la porte de son bureau de sa plaque professionnelle ; qu'elle invoquait encore la plainte pénale déposée par Monsieur B... tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant de l'association, laquelle a abouti à une ordonnance de non lieu, le parquet ayant même requis à l'encontre de Monsieur B... une amende pour procédure abusive ; que Madame X... faisait valoir que l'ensemble de ces agissements avait altéré son état de santé, son psychiatre lui ayant prescrit un lourd traitement médicamenteux ; qu'en ne recherchant pas si ces éléments étaient établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à faire présumer un harcèlement moral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail ;

ALORS, en troisième lieu, QUE les faits constitutifs de harcèlement moral peuvent se dérouler sur une brève période ; que selon les énonciations de l'arrêt, Monsieur A..., salarié de l'association jusqu'au 6 mars 2004, a relaté dans son attestation l'arrachage du papier peint du bureau de Madame
X...
par Monsieur B..., le passage à chaque instant de celui-ci dans le bureau de celle-là sans s'excuser, et le fait qu'il n'ait pas hésité à fouiller son bureau en son absence et qu'il ait demandé toujours plus à sa responsable des ressources humaines qu'il qualifiait de « grosse », que son bureau sentait « la sueur des grosses » et qu'il espérait qu'elle finisse par dégonfler rapidement ; que la Cour d'appel a estimé que les agissements décrits par Monsieur A... – constitutifs, selon elle, d'une attitude blessante et offensante de Monsieur B... à l'égard de Madame X... – ne suffisaient pas à caractériser le harcèlement moral dès lors qu'elle n'avait pas l'assurance que ces traitements avaient perduré jusqu'à la saisine du Conseil des prud'hommes le 16 avril 2007 ; qu'en se fondant sur la durée de la période pendant laquelle ces agissements s'étaient produits, la Cour d'appel a violé l'article 1152-1 du Code du travail ;

ALORS, en quatrième lieu, QUE le juge doit tenir compte de l'ensemble des faits, même anciens, établis par le salarié ; qu'en refusant de prendre en compte les agissements relatés par Monsieur A... motif pris que n'ayant donné lieu à aucune saisine du comité d'hygiène et de sécurité ou de l'inspection du travail à l'époque, ils ne pouvaient être validés trois ans après dans le cadre de l'instance prud'homale, la Cour d'appel a violé l'article 1152-1 du Code du travail ;

ALORS, en dernier lieu, QUE l'arrêt a retenu que compte tenu des éléments versés aux débats par Madame X..., le harcèlement moral restait insuffisamment caractérisé ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve du harcèlement moral exclusivement sur la salariée, a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE Madame X..., eu égard à la charge importante de travail, les effectifs de salariés étant passés de 75 à 100, a été contrainte d'utiliser son adresse e-mail personnelle pour garantir la confidentialité et réagir rapidement ; que l'inscription sur le site www.net entreprise.fr avait été validée par le directeur, désigné comme administrateur, avisé le 16 février 2006 de sa possibilité de contacter le centre d'appel à tout moment afin d'accéder aux dossiers de la maison de retraite en demandant son code d'accès ; qu'une ordonnance de non lieu du juge d'instruction, intervenue après une expertise judiciaire, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la maison de retraite, a définitivement lavé Madame X... de son honneur à cet égard ; que l'employeur n'a fourni aucune pièce en dehors de l'attestation du docteur D..., médecin du travail, qui n'a constaté aucun dysfonctionnement dans le suivi des salariés effectué par Madame X..., certains retards s'étant produits en raison de manque de médecin du travail ; que Monsieur E..., directeur du cabinet GM consultants, qui a réalisé l'audit de fonctionnement du service des ressources humaines, expose qu'il a constaté de graves dysfonctionnements dans les méthodes de travail de Madame X... ; qu'elle semblait ne pas connaître les règles et usages dans la profession, ses réponses étaient changeantes suivant les séances ; qu'elle affirmait par exemple que le registre unique du personnel était parfaitement tenu et à jour…lorsque j'ai découvert ce registre celui-ci était dans un état pitoyable avec ratures, surcharges, mentions au crayon, ce qui est formellement interdit et inexploitable… j'ai constaté qu'elle travaillait dans un capharnaüm de documents ou rien n'était rangé ou classé… les documents confidentiels étaient laissés à la portée de tout le monde… cette situation ne semblait pas la perturber malgré mes remarques ; que les autres dysfonctionnements relevés par la lettre de licenciement n'ont pas fait l'objet de pièce particulière ; qu'en tout état de cause, ceux relevés par Monsieur E..., que l'on retrouve au fil de son audit de fonctionnement du service des relations humaines, s'avèrent être suffisamment réels et sérieux pour pouvoir être retenus et constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, tout particulièrement la mauvaise tenue du registre unique du personnel, pièce essentielle dans une institution ; que la surcharge de travail de Madame X..., contrainte de travailler le soir chez elle, permet de retenir en sa faveur certaines circonstances atténuantes ; qu'en tout état de cause, les faits reprochés ne peuvent s'analyser comme comportant l'intention de nuire à l'employeur et ils ne nécessitaient qu'elle soit évincée de sa tâche pendant le délai de préavis, en conséquence de quoi le licenciement pour faute lourde ou pour faute grave ne peut être retenu ;

ALORS QU'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, l'annulation prononcée sur le rejet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par Madame X... entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a dit que le licenciement prononcé postérieurement à l'introduction de cette demande reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE le licenciement prononcé pour faute lourde a nécessairement un caractère disciplinaire que seule une faute du salarié peut justifier ; qu'en retenant, après avoir écarté la faute lourde invoquée par l'employeur, que le licenciement de Madame X... était justifié par une cause réelle et sérieuse consistant en du désordre dans les dossiers et particulièrement en une mauvaise tenue du registre du personnel quand ces faits, qui ne résultent pas d'un comportement délibéré de la salariée, ne présentent aucun caractère fautif, la Cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L 1331-1 du Code du travail ;

ALORS, enfin, QUE la surcharge de travail de Madame X..., contrainte de travailler le soir chez elle permet, selon la Cour d'appel, de retenir en sa faveur certaines circonstances atténuantes, ce qui ôte aux griefs retenus à son encontre tout caractère fautif ; qu'en jugeant cependant que le licenciement prononcé pour faute lourde reposait sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L 1331-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-21576
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 10 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2012, pourvoi n°10-21576


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21576
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