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15/02/2012 | FRANCE | N°09-70632

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 février 2012, 09-70632


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 septembre 2009) que M. X... a été engagé le 1er février 1993 en qualité de cadre technico-commercial par la société Kleiberit chimie ; que son contrat de travail prévoyait, d'une part, que ses attributions ne comportaient pas à son profit la concession d'un secteur géographique, d'autre part, que sa rémunération se composait d'un salaire fixe annuel, avec possibilité d'attribution de primes ou grati

fications diverses en fonction de son efficacité ou des responsabilités a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 septembre 2009) que M. X... a été engagé le 1er février 1993 en qualité de cadre technico-commercial par la société Kleiberit chimie ; que son contrat de travail prévoyait, d'une part, que ses attributions ne comportaient pas à son profit la concession d'un secteur géographique, d'autre part, que sa rémunération se composait d'un salaire fixe annuel, avec possibilité d'attribution de primes ou gratifications diverses en fonction de son efficacité ou des responsabilités assumées, enfin, qu'il lui incombait de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires impartis par l'employeur ; que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 11 mai 2006 en reprochant notamment à l'employeur la modification de son contrat de travail résultant du retrait du secteur export en Inde, qui entraînait la diminution de sa rémunération ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la modification unilatérale du secteur géographique du salarié, conforme au contrat de travail, ne saurait constituer un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat à ses torts, qu'à la condition d'avoir une incidence effective, et non seulement éventuelle ou virtuelle, sur la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, en considérant, pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, qu'en modifiant le secteur géographique du salarié, ce qui était en soi conforme aux prévisions du contrat de travail, l'employeur avait cependant diminué la rémunération du salarié, au motif à lui seul inopérant que le salarié avait perçu une prime de 2 188 euros en 2005 à raison de l'augmentation de la marge sur le secteur Inde par rapport à 2004, sans aucunement caractériser en quoi cette modification du secteur, au regard du caractère fluctuant de la marge réalisée sur ledit secteur, ainsi que des nombreux autres secteurs confiés au salarié, emportait nécessairement une diminution de la rémunération, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1232-1 et suivants du code du travail ;
2°/ que l'employeur soutenait précisément devant la cour d'appel qu'il n'y avait aucune diminution de la rémunération autre que purement "virtuelle", dès lors que les très nombreux pays dont le salarié demeurait en charge et dont il pouvait développer le chiffre d'affaires lui permettaient de maintenir sa rémunération, ce que le salarié n'avait cependant pas permis de vérifier en prenant acte de la rupture de son contrat en cours d'exercice 2006 ; qu'en affirmant péremptoirement que la modification du secteur géographique conforme au contrat de travail diminuait la rémunération du salarié, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que ne justifie pas la rupture du contrat de travail la modification d'une prime non contractuelle, versée à la discrétion de l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Kleiberit chimie soutenait que le contrat de travail ne prévoyait qu'un salaire fixe et que, si "des primes ou gratifications diverses pourront lui être attribuées en fonction de son efficacité ou des responsabilités assumées… elles n'auront en aucun cas un caractère définitif ou automatique, ni…la qualité d'accessoire du salaire" ; qu'en considérant que la modification du secteur géographique, en elle-même conforme au contrat de travail, justifiait néanmoins la prise d'acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, au motif qu'elle emportait une modification de la rémunération du salarié, dès lors que le salarié avait perçu une prime de 2 188 euros au titre de l'augmentation de la marge pour le secteur indien en 2005 par rapport à 2004, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée, sur la circonstance déterminante que la prime en cause ne constituait pas, en tout état de cause, un élément de la rémunération contractuelle, de sorte que sa suppression à la suite d'une modification du secteur géographique en elle-même conforme au contrat de travail ne pouvait justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, par une décision motivée, d'une part, constaté que le changement de secteur géographique du salarié avait emporté la réduction de la prime de 5 % sur l'augmentation de la marge, et que cette perte n'avait pas été compensée par l'employeur, d'autre part, fait ressortir le caractère contractuel de ladite prime, a pu en déduire que l'employeur avait modifié unilatéralement le contrat de travail, ce qui justifiait la prise d'acte de la rupture à ses torts ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les deux premières branches du moyen, qui ne sont pas de nature à en permettre l'admission ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kleiberit chimie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Kleiberit chimie.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. X... produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence condamné la société Kleiberit Chimie à payer à Monsieur X... les sommes de 16.286 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, 32.729,27 € à titre d'indemnité de licenciement, et 33.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE le retrait annoncé à M. X... en 2006 de son activité à l'export en Inde avait des conséquences directes sur le niveau de sa rémunération, aucune compensation n'étant mise en place ; que si la modification du secteur géographique est en elle-même conforme aux dispositions du contrat de travail, il ressort des pièces versées par la société Kleiberit Chimie que la prime de 5% sur l'augmentation de la marge versée à M. X... s'élevait pour le secteur indien à 2.188 € au titre de l'augmentation de marge en 2005 par rapport à 2004 ; que dans un courrier du 3 février 2006, la société Kleiberit Chimie admet que la prime correspondant au secteur indien correspond à 40% de la prime versée à M. X... ; qu'en modifiant le secteur géographique de M. X... et en lui retirant l'activité à l'export en Inde, qui lui était confiée depuis 2003 inclus, la société Kleiberit Chimie a diminué sa rémunération sans son accord ; que ce manquement aux obligations nées du contrat de travail justifiait la prise d'acte de la rupture par le salarié qui devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS 1°) QUE ne justifie pas la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié qui produit donc les effets d'une démission, la simple modification par l'employeur du secteur géographique où travaille le salarié, dans des conditions conformes à celles prévues par le contrat de travail ; que la cour d'appel a constaté que la modification du secteur géographique était conforme aux dispositions du contrat de travail ; qu'en retenant pourtant qu'en ayant modifié le secteur géographique de M. X... en lui retirant l'activité à l'export en Inde, la société Kleiberit Chimie avait manqué à ses obligations nées du contrat de travail et que cela justifiait la prise d'acte de la rupture par le salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1232-1 et suivants du code du travail ;

ALORS 2°) QUE les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'il était constant en l'espèce que le 28 octobre 2005, les parties ont signé un accord transactionnel accordant au salarié un rappel de salaires et rappelant que, s'agissant des pays à l'export, «il appartient à la société et non à l'ingénieur de décider de l'intérêt du potentiel des marchés et des clients à visiter. Vous êtes employé et toute visite à l'étranger en fonction des intérêts de la société sera soumise à l'approbation de votre directeur hiérarchique. Les pays exports continueront comme par le passé à vous être attribué par votre supérieur hiérarchique par courrier. Ces attributions seront comme par le passé valables un an» ; qu'en jugeant que la modification par l'employeur des pays à l'export attribués au salarié, consistant à retirer l'Inde de ces pays, constituait un manquement de l'employeur à ses obligations justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat à ses torts, la cour d'appel a méconnu l'autorité attachée à cette transaction, qui permettait à l'employeur de modifier les pays à l'export attribués au salarié et donc de supprimer l'un de ceux-ci, et a violé les articles 1134 et 2052 du code civil ;
ALORS 3°) QUE la modification unilatérale du secteur géographique du salarié, conforme au contrat de travail, ne saurait constituer un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat à ses torts, qu'à la condition d'avoir une incidence effective, et non seulement éventuelle ou virtuelle, sur la rémunération du salarié ; qu'en l'espèce, en considérant, pour justifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, qu'en modifiant le secteur géographique du salarié, ce qui était en soi conforme aux prévisions du contrat de travail, l'employeur avait cependant diminué la rémunération du salarié, au motif à lui seul inopérant que le salarié avait perçu une prime de 2188 euros en 2005 à raison de l'augmentation de la marge sur le secteur Inde par rapport à 2004, sans aucunement caractériser en quoi cette modification du secteur, au regard du caractère fluctuant de la marge réalisée sur ledit secteur, ainsi que des nombreux autres secteurs confiés au salarié, emportait nécessairement une diminution de la rémunération, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1232-1 et suivants du code du travail ;
ALORS 4°) QUE l'employeur soutenait précisément devant la cour d'appel qu'il n'y avait aucune diminution de la rémunération autre que purement « virtuelle », dès lors que les très nombreux pays dont le salarié demeurait en charge et dont il pouvait développer le chiffre d'affaires lui permettaient de maintenir sa rémunération, ce que le salarié n'avait cependant pas permis de vérifier en prenant acte de la rupture de son contrat en cours d'exercice 2006 ; qu'en affirmant péremptoirement que la modification du secteur géographique conforme au contrat de travail diminuait la rémunération du salarié, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 5°) QUE ne justifie pas la rupture du contrat de travail la modification d'une prime non contractuelle, versée à la discrétion de l'employeur ; qu'en l'espèce, la société Kleiberit Chimie soutenait que le contrat de travail ne prévoyait qu'un salaire fixe et que, si «des primes ou gratifications diverses pourront lui être attribuées en fonction de son efficacité ou des responsabilités assumées… elles n'auront en aucun cas un caractère définitif ou automatique, ni…la qualité d'accessoire du salaire» ; qu'en considérant que la modification du secteur géographique, en elle-même conforme au contrat de travail, justifiait néanmoins la prise d'acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, au motif qu'elle emportait une modification de la rémunération du salarié, dès lors que le salarié avait perçu une prime de 2.188 € au titre de l'augmentation de la marge pour le secteur indien en 2005 par rapport à 2004, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée, sur la circonstance déterminante que la prime en cause ne constituait pas, en tout état de cause, un élément de la rémunération contractuelle, de sorte que sa suppression à la suite d'une modification du secteur géographique en elle-même conforme au contrat de travail ne pouvait justifier la prise d'acte aux torts de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1232-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-70632
Date de la décision : 15/02/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 04 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 fév. 2012, pourvoi n°09-70632


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.70632
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