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31/01/2012 | FRANCE | N°10-28591

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 31 janvier 2012, 10-28591


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu , selon l'arrêt attaqué, (Versailles, 2 février 2010), que, par acte du 1er août 2006, M. X... a conclu avec M. Y..., sous la condition suspensive, qui devait être réalisée au plus tard le 30 novembre 2006, de l'obtention d'un prêt, un compromis de vente portant sur un pavillon que le futur acquéreur a été autorisé à occuper dès avant la réalisation de la vente en qu'en contrepartie de la prise en charge des frais relatifs au

diagnostic de performance énergétique et du versement d'une indemnité d'o...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu , selon l'arrêt attaqué, (Versailles, 2 février 2010), que, par acte du 1er août 2006, M. X... a conclu avec M. Y..., sous la condition suspensive, qui devait être réalisée au plus tard le 30 novembre 2006, de l'obtention d'un prêt, un compromis de vente portant sur un pavillon que le futur acquéreur a été autorisé à occuper dès avant la réalisation de la vente en qu'en contrepartie de la prise en charge des frais relatifs au diagnostic de performance énergétique et du versement d'une indemnité d'occupation de 1 484 euros pour le mois de novembre 2006, puis de 130 euros par jour à compter du 1er décembre 2006 ; que M. Y... n'ayant pas obtenu de prêt ni justifié en avoir fait la demande, un procès-verbal de difficultés le 8 janvier 2007 a été dressé par le notaire ; que M. Y... étant demeuré dans les lieux, M. X..., par acte du 21 février 2008, l'a assigné pour faire constater qu'il était occupant sans droit ni titre , faire prononcer son expulsion et obtenir sa condamnation à lui payer une indemnité d'occupation ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à requalifier la convention d'occupation précaire en contrat de bail , alors, selon le moyen :
1°/ qu'est incompatible avec la qualification de convention d'occupation précaire et doit être requalifiée en contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, la convention conférant au preneur, en contrepartie d'un loyer réel et sérieux, la jouissance d'une maison d'habitation sans qu'il soit justifié d'aucune cause objective de précarité ou d'indice caractéristique d'une telle convention comme la modicité de la redevance ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la convention d'occupation précaire a été conclue le 31 octobre 2006, moyennant une indemnité d'occupation de 130 euros par jour à compter du 1er décembre 2006 ; qu'en refusant de requalifier la convention d'occupation précaire en contrat de bail d'habitation, au motif que cette convention avait été conclue dans l'attente de l'obtention par l'occupant d'un prêt immobilier nécessaire à l'achat du pavillon qu'il occupait, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'application des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, a violé l'article 2 de cette loi ;
2°/ que la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la cour d'appel que M. Y... est resté dans les lieux postérieurement à la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt à laquelle était subordonnée la vente du pavillon et qui constituait la cause objective de précarité de la convention d'occupation précaire ; qu'il en résulte qu'après cette date, l'occupation des lieux n'était plus consentie pour une durée marquée par un terme indépendant de la volonté des parties, de sorte que les dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 avaient vocation à s'appliquer ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de cette loi ;
Mais attendu qu'ayant retenu, d'une part, que M. X... avait autorisé M. Y... à occuper le pavillon dans l'attente de la réalisation de l'acte de vente subordonnée à l'obtention d'un prêt par l'acquéreur et, d'autre part, que M. Y... était devenu occupant sans droit ni titre à compter du 8 janvier 2007, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'existence, à la date de la signature du contrat, de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties, permettant de retenir la qualification de convention d'occupation précaire et qui a écarté la survivance d'une telle convention postérieurement à la date du procès-verbal de difficultés dressé par le notaire, a légalement justifié sa décision de ces chefs ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. Y... au paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité d'occupation, l'arrêt retient qu'il ne peut obtenir la fixation de cette indemnité à la valeur locative, étant engagé par le contrat d'occupation précaire qu'il a signé et qui fixe à une certaine somme cette indemnité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant reconnu à M. Y... la qualité d'occupant sans droit ni titre, elle ne pouvait faire produire effet à la convention d'occupation précaire, la cour d'appel, qui s'est considérée à tort tenue de fixer l'indemnité d'occupation au montant stipulé dans cette convention, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième et cinquième branches :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Y... à payer à M. X... la somme de 130 euros par jour d'occupation à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'à libération définitive des lieux, l'arrêt rendu le 2 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir n'y avoir lieu à requalification de la convention d'occupation précaire en contrat de bail, d'avoir ordonné l'expulsion de M. Jean Y... et de l'avoir condamné à payer à M. Laurent X... la somme de 86 010 € à titre d'indemnité d'occupation, du 1er décembre 2006 au 31 décembre 2008, échéance de décembre incluse, ainsi qu'à compter du 1er janvier 2009, la somme de 130 € par jour d'occupation jusqu'à la libération définitive des lieux matérialisée par la remise des clés ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur Y... sollicite l'infirmation de la décision entreprise, en ce qu'il a été débouté de sa demande de requalification de la convention d'occupation précaire en contrat de bail et à titre subsidiaire, des délais de paiement ; mais que le premier juge, par des motifs exacts en fait et fondés en droit, a pertinemment répondu aux moyens soulevés devant lui et repris en cause d'appel par les parties, sans adjonction de nouveaux moyens, après avoir constaté l'existence d'une convention d'occupation précaire ; qu'en effet, Monsieur X... n'a pas eu la volonté de conclure de bail avec Monsieur Y..., mais de lui vendre son appartement ; que ce n'est qu'à la demande de Monsieur Y... qui était censé obtenir un prêt pour acheter son bien qu'il a signé avec lui une convention d'occupation précaire des lieux, en attendant l'obtention de ce prêt et la réalisation de la vente ; que de son côté, Monsieur Y... s'était engagé à verser une indemnité d'occupation dont le montant fixé initialement à 48 € à partir du 1er novembre 2006 devait passer à 130 € à partir du 1er décembre 2006 d'une part, et à restituer la maison dans l'état où elle lui avait été confiée, « en cas d'arrêt de la vente », d'autre part ; que le fait que Monsieur Y... devait, aux termes de la convention, entretenir le pavillon en suivant les règles applicables d'une location et verser une indemnité ne saurait entraîner la requalification de la convention en contrat de bail, dans la mesure où notamment le montant progressivement de plus en plus élevé de l'indemnité avait pour but de dissuader Monsieur Y... de rester dans les lieux, sans acquérir ; qu'en écrivant au notaire Maître Z..., notaire à Sannois, pour confirmer le report de la vente, Monsieur Y... a confirmé cette volonté d'acquérir ; que le 8 janvier 2007 il manifestait toujours cette volonté devant Maître Z..., en déclarant avoir déposé une autre demande auprès d'une banque espagnole, que celle déposée auprès de la Société Générale de Saint-Denis ; que dans ces conditions, force est de constater que Monsieur Y... n'ayant pas obtenu de prêt, il est devenu occupant sans droit ni titre à compter du 8 janvier 2007, date du procès-verbal de difficultés dressé par Maître Z..., notaire à SANNOIS et qu'il n'y a pas lieu à requalification en contrat de bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989, comme le demande l'appelant ; que Monsieur Y... ne peut obtenir la réduction du montant de l'indemnité d'occupation en soutenant que la valeur locative ne serait que de 900 € par mois, étant engagé par le contrat d'occupation précaire, conclu à sa demande, et doit, par conséquent, régler l'indemnité correspondante ; qu'il convient, dès lors, de débouter Monsieur Y... de ses demandes ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE par acte sous seing privé du 1er août 2006, un compromis de vente a été signé entre Monsieur Laurent X... et Monsieur Jean Y..., sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt devant intervenir au plus tard le 29 septembre 2006 ; que Monsieur Jean Y... a sollicité un délai supplémentaire pour obtenir le prêt ; que Monsieur Laurent X... a fait droit à cette demande tout en autorisant Monsieur Jean Y... à occuper le pavillon ; qu'en effet, par acte sous seing privé du 31 octobre 2006, Monsieur Laurent X... a autorisé Monsieur Jean Y... à occuper ledit pavillon jusqu'à la réalisation définitive de la vente ou, à défaut, jusqu'à déménagement de l'occupant, moyennant le paiement par Monsieur Jean Y... de la totalité des frais relatifs au diagnostic de performance énergétique nécessaire à la vente, et d'une indemnité compensatoire de 1484 euros pour le mois de novembre 2006 et de 130 euros par jour à compter du 1er décembre 2006, jusqu'à la réalisation définitive de la vente ou, à défaut, jusqu'au déménagement de l'occupant ; que Monsieur Jean Y... affirme qu'il convient de requalifier cette convention d'occupation précaire en contrat de bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, invoquant que l'occupation n'était précaire que jusqu'à la réalisation de la condition suspensive, soit le 30 novembre 2006, qu'elle ne l'était donc plus depuis le 1er décembre 2006 ; qu'ensuite, Monsieur Jean Y... énonce que l'un des éléments constitutifs de la convention d'occupation précaire est la modicité de l'indemnité d'occupation ; qu'il indique que l'indemnité d'occupation, fixée à 3900 euros par mois, paraît excessivement élevée pour une telle convention ; mais que, pour qu'un engagement puisse être qualifié de convention d'occupation précaire et non de bail, il faut que le propriétaire justifie d'une raison qui lui a permis de concéder à titre précaire l'occupation de la maison ; que Monsieur Laurent X... a concédé ledit pavillon dans l'attente de la réalisation définitive de la vente, ce qui justifie d'une raison ; il n'y a, dès lors, pas lieu de requalifier la convention d'occupation précaire en contrat de bail et il y a lieu d'exclure l'application de l'article 11 de la loi du 6 juillet 1989 ; que, selon l'article 1888 du Code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après le terme convenu ou, à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour lequel elle a été empruntée ; que la convention d'occupation précaire signée par les parties le 31 octobre 2006 indique clairement son échéance, soit le 30 novembre 2006, correspondant à la date butoir de l'obtention d'un prêt par Monsieur Jean Y... pour réaliser la vente ; qu'au surplus, cette convention d'occupation précaire fixe la déchéance du terme au 30 novembre 2006, peu importe la réalisation de l'événement, que Monsieur Jean Y... obtienne son prêt ou, à défaut, qu'il déménage ; que, par conséquent, la convention d'occupation précaire est résiliée de plein droit depuis le 30 novembre 2006 ;
1°/ ALORS QU'est incompatible avec la qualification de convention d'occupation précaire et doit être requalifiée en contrat de bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, la convention conférant au preneur, en contrepartie d'un loyer réel et sérieux, la jouissance d'une maison d'habitation sans qu'il soit justifié d'aucune cause objective de précarité ou d'indice caractéristique d'une telle convention comme la modicité de la redevance ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que la convention d'occupation précaire a été conclue le 31 octobre 2006, moyennant une indemnité d'occupation de 130 € par jour à compter du 1er décembre 2006 ; qu'en refusant de requalifier la convention d'occupation précaire en contrat de bail d'habitation, au motif que cette convention avait été conclue dans l'attente de l'obtention par l'occupant d'un prêt immobilier nécessaire à l'achat du pavillon qu'il occupait, la Cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à exclure l'application des dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989, a violé l'article 2 de cette loi ;
2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de la Cour d'appel que M. Jean Y... est resté dans les lieux postérieurement à la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt à laquelle était subordonnée la vente du pavillon et qui constituait la cause objective de précarité de la convention d'occupation précaire ; qu'il en résulte qu'après cette date, l'occupation des lieux n'était plus consentie pour une durée marquée par un terme indépendant de la volonté des parties, de sorte que les dispositions d'ordre public de la loi du 6 juillet 1989 avaient vocation à s'appliquer ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 2 de cette loi ;
3°/ ALORS QUE le juge du fond lorsqu'il déclare une partie occupant sans droit ni titre, fixe une indemnité d'occupation dont il lui appartient d'apprécier le montant ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir constaté que M. Jean Y... était devenu occupant sans droit ni titre à compter du 8 janvier 2007, a néanmoins estimé que celui-ci «ne peut obtenir la réduction du montant de l'indemnité d'occupation, en soutenant que la valeur locative ne serait que de 900 € par mois, étant engagé par le contrat d'occupation précaire» et doit « par conséquent, régler l'indemnité correspondante» ; qu'en se déterminant de la sorte, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil;
4°/ ALORS QUE la Cour d'appel, après avoir constaté que M. Jean Y... était devenu occupant sans droit ni titre à compter du 8 janvier 2007, a néanmoins confirmé le jugement entrepris qui dans son dispositif a fixé la fin de la convention d'occupation précaire au 30 novembre 2006; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs et un dispositif contradictoires, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5°/ ALORS QU'en ne recherchant pas si l'indemnité d'occupation contractuellement stipulée, dont elle relevait le caractère comminatoire, ne constituait pas une clause pénale manifestement excessive, qu'elle pouvait modérer, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 12 du Code de procédure civile et de l'article 1152 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-28591
Date de la décision : 31/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 31 jan. 2012, pourvoi n°10-28591


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.28591
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