LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 juin 2010), statuant en référé, que M. X... a été engagé, à compter du 4 février 2008, en qualité de conducteur routier par la société Altead Abram aux droits de laquelle se trouve la société Altead Augizeau ; qu'il a été désigné en qualité de délégué syndical ; qu'il n'a plus été réglé de ses salaires à partir du mois de septembre 2009, la société lui reprochant une absence injustifiée depuis le 31 août 2009 ; qu'il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale pour demander le paiement d'un rappel de salaire et qu'il soit ordonné à la société de lui fournir du travail au départ du site de Pérenchies ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire de septembre 2009 à mars 2010 et d'ordonner sa réintégration à son poste de travail au départ du site de Perenchies ou de l'agglomération lilloise, alors, selon le moyen :
1°/ que si aucune modification du contrat de travail ni même des conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé, celui-ci ne peut, en l'absence de toute modification, refuser de se présenter à son travail ; qu'en considérant que l'affectation administrative de M. X... à l'exploitation du Fenouiller constituait une modification du contrat de travail pour laquelle la société Altead Augizeau devait recueillir l'accord du salarié sans rechercher si, du fait des fonctions de chauffeur routier poids lourds international, le lieu de rattachement administratif de M. X... à l'exploitation de Fenouiller plutôt qu'à l'établissement de Perenchies modifiait en quoi que ce soit le lieu et les conditions d'exercice de ses fonctions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 2411-3 du code du travail ;
2°/ que la société soutenait que le rattachement de M. X... à l'établissement de Pérenchies était un rattachement administratif, sans conséquences sur l'exécution du contrat ; que M. X... avait refusé de recevoir ses instructions de l'exploitation du Fenouiller ; qu'en se contentant de relever qu'il n'avait pas été précisé au salarié où il devait se rendre pour prendre possession d'un tracteur de poids lourds afin d'effectuer ses missions sans répondre au moyen tiré de ce que le salarié refusait toute instruction émanant d'une autre exploitation que celle de Perenchies et avait en conséquence lui-même rendu impossible l'exécution du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 2411-3 du code du travail ;
3°/ que le salaire est la contrepartie de la prestation de travail fournie ; qu'il appartient à celui qui réclame le paiement du salaire auquel il peut contractuellement prétendre de démontrer qu'il a fourni la prestation convenue ; qu'en considérant que le fait pour l'employeur de priver le salarié protégé de tout paiement du salaire " sans solliciter son accord pour une modification du contrat de travail " quand M. X... s'était abstenu de lui-même de tout contact avec son employeur, la société Altead Augizeau, à compter du 31 août 2009, la cour d'appel a violé l'article L. 3221-3 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant rappelé qu'aucune modification de son contrat de travail et aucun changement de ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé, la cour d'appel, qui a relevé qu'un avenant au contrat de travail du salarié précisait expressément que la prise de son service se ferait à Pérenchies ou tout lieu de l'agglomération lilloise, en a justement déduit que son affectation sans son accord sur un site très éloigné constituait un trouble manifestement illicite qu'il appartenait au juge des référés de faire cesser ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Altead Augizeau aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Altead Augizeau à payer à la SCP Lesourd la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Altead Augizeau.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société ALTEAD AUGIZEAU à verser à Monsieur X... les sommes de 14. 788, 97 euros au titre des salaires de septembre 2009 à mars 2010, et ordonné la réintégration du salarié à son poste de travail dans les conditions de travail antérieures, soit au départ du site de PERENCHIES ou de l'agglomération lilloise sous astreinte ;
AUX MOTIFS QUE M. X... était délégué syndical ; que par lettre du 3 juillet 2009 la société ALTEAD AUGIZEAU informait M. X... de ce que, suite au rachat par elle de la société DEVRIENDT dont le siège social est à Zedelgem (Belgique), son contrat de travail était transféré à la société ALTEAD DEVRIENDT ; que par lettre du 19 juin 2009, la société de droit belge ALTEAD DEVRIENDT avait demandé un certain nombre de renseignements et de documents administratifs et de sécurité sociale à M. X... ; que par lettre du 16 juillet 2009 le conseil de M. X... faisait savoir à la société ALTEAD DEVRIENDT que celui-ci s'opposait au transfert de son contrat de travail et à la soumission à un contrat de travail de droit belge ; que par lettre recommandée du 31 juillet 2009 la société ALTEAD AUGIZEAU informait M. X... du caractère opérationnel au 1er août 2009 de la cession de l'agence de Pérenchies à la société ALTEAD DEVRIENDT, de sa demande d'autorisation de transfert à l'inspection du travail et de son rattachement pour le moment à la société ALTEAD AUGIZEAU en mentionnant « vous dépendrez de l'exploitation du Fenoullier », l'établissement du Fenoullier se trouvant à Saint-Gilles Croix de Vie (85150) ; que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 septembre 2009, la société ALTEAD AUGIZEAU reprochait à M. X... une absence injustifiée depuis le 31 août 2009 ainsi que l'absence d'appel de l'exploitation pour connaître son affectation ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 octobre 2009 M. X... contestait cette correspondance du 21 septembre 2009 en indiquant qu'il continuait à se présenter sur le site de Pérenchies où il lui était systématiquement refusé de reprendre le travail ; que le salarié produit les attestations de M. Y... Pascal, du syndicat FO, et de M. Z... Youssef, salarié de l'entreprise, qui témoignent avoir accompagné sur le site de Pérenchies le 7 septembre 2009 deux salariés de la société ALTEAD AUGIZEAU dont M. X..., que ces conducteurs ont vainement demandé à reprendre leur service, M. Jérémy A... leur déclarant qu'il n'avait pas de véhicule à leur confier alors qu'ils constataient la présence de tracteurs de poids lourds sur le site, ainsi que le montrent également les photographies produites devant la cour ; que le recours engagé par la société ALTEAD AUGIZEAU le 19 novembre 2009 contre l'Inspecteur du travail a été abandonné et cette décision est devenue définitive ; que la société ALTEAD AUGIZEAU fait valoir que le contrat de travail de M. X... du 1er février 2008 précisait que « compte tenu de la nature de son activité de conducteur routier, le lieu de prise de service de M. X... Thierry sera déterminé en fonction des transports à réaliser, étant précisé qu'à son embauche, ce lieu est Pérenchies » ; qu'à compter du 1er août 2009 il a été invité à contacter l'exploitation du Fenouiller afin de prendre ses ordres de mission et qu'il a sciemment rompu tout contact à compter du 31 août 2009 ; mais que l'avenant postérieur du 18 novembre 2008 par lequel le contrat de travail de M. X... était transféré à la société ALTEAD AUGIZEAU précisait que la prise de service se fera à Pérenchies ou tout lieu de l'agglomération lilloise où la société déciderait de déménager son établissement ; que l'affectation à l'exploitation du Fenouiller constituait dès lors une modification du contrat de travail pour laquelle la société ALTEAD AUGIZEAU devait recueillir l'accord du salarié ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'employeur, à la date du 19 novembre 2009 le transfert de M. X... à la société de droit belge ALTEAD DEVRIEDT était encore exigé par la société ALTEAD AUGIZEAU comme le démontre le recours gracieux fait à cette date contre la décision de l'Inspecteur du travail ; que la société ALTEAD AUGIZEAU ne précise pas devant la cour à quel lieu d'exploitation M. X... devait à compter de septembre 2009 se rendre pour obtenir du travail ; qu'elle n'a pas plus précisé au salarié depuis le mois de septembre 2009 où il devait se rendre pour prendre possession d'un tracteur poids lourds afin d'effectuer ses missions ; qu'aucune modification de son contrat et aucun changement de ses conditions d'emploi ne peuvent être imposées à un salarié protégé et qu'il appartient à l'employeur, en cas de refus du salarié, soit de le maintenir dans ses fonctions, soit d'engager une procédure de licenciement, sauf manifestation de volonté non équivoque de l'intéressé de démissionner ; que la situation dans laquelle l'employeur prive le salarié protégé de tout paiement de son salaire, sans solliciter son accord pour une modification du contrat de travail, et en cas de refus, poursuivre l'exécution du contrat de travail aux conditions antérieures ou prononcer un licenciement pour motif économique après autorisation de l'inspecteur du travail, constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; que le juge des référés est dès lors compétent ; qu'il y a lieu d'accueillir la demande de rappel de salaires de M. X... ; que le juge des référés est compétent pour ordonner la réintégration du salarié à son poste de travail dans les conditions de travail antérieures ; que la demande de M. X... sera accueillie ;
ALORS QUE si aucune modification du contrat de travail ni même des conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé, celui-ci ne peut, en l'absence de toute modification, refuser de se présenter à son travail ; qu'en considérant que l'affectation administrative de Monsieur X... à l'exploitation du FENOUILLER constituait une modification du contrat de travail pour laquelle la société ALTEAD AUGIZEAU devait recueillir l'accord du salarié sans rechercher si, du fait des fonctions de chauffeur routier poids lourds international, le lieu de rattachement administratif de Monsieur X... à l'exploitation de FENOUILLER plutôt qu'à l'établissement de PERENCHIES modifiait en quoi que ce soit le lieu et les conditions d'exercice de ses fonctions, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 2411-3 du Code du travail ;
ALORS encore QUE la société soutenait que le rattachement de Monsieur X... à l'établissement de Pérenchies était un rattachement administratif, sans conséquences sur l'exécution du contrat ; que Monsieur X... avait refusé de recevoir ses instructions de l'exploitation du FENOUILLER ; qu'en se contentant de relever qu'il n'avait pas été précisé au salarié où il devait se rendre pour prendre possession d'un tracteur de poids lourds afin d'effectuer ses missions sans répondre au moyen tiré de ce que le salarié refusait toute instruction émanant d'une autre exploitation que celle de PERENCHIES et avait en conséquence lui-même rendu impossible l'exécution du contrat, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 2411-3 du Code du travail ;
ALORS enfin QUE le salaire est la contrepartie de la prestation de travail fournie ; qu'il appartient à celui qui réclame le paiement du salaire auquel il peut contractuellement prétendre de démontrer qu'il a fourni la prestation convenue ; qu'en considérant que le fait pour l'employeur de priver le salarié protégé de tout paiement du salaire « sans solliciter son accord pour une modification du contrat de travail » quand Monsieur X... s'était abstenu de lui-même de tout contact avec son employeur, la société ALTEAD AUGIZEAU, à compter du 31 août 2009, la Cour d'appel a violé l'article L. 3221-3 du Code du travail.