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26/01/2012 | FRANCE | N°10-11528

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 janvier 2012, 10-11528


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a chargé la société de travaux publics SETRAP, prise en sa qualité de mandataire, de faire transporter et stocker 250 grumes de chêne et de frêne en vue de les faire scier ou de les vendre ; que reprochant à la société SETRAP d'avoir fautivement entreposé ces grumes sur un terrain ne lui appartenant pas, et ainsi permis le détournement de celles-ci par le propriétaire de ce terrain, M. X... l'a assignée en réparation du préjudice né de cette faute ;

que l'arrêt rendu sur renvoi après cassation, (1re chambre civile, 20 déc...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a chargé la société de travaux publics SETRAP, prise en sa qualité de mandataire, de faire transporter et stocker 250 grumes de chêne et de frêne en vue de les faire scier ou de les vendre ; que reprochant à la société SETRAP d'avoir fautivement entreposé ces grumes sur un terrain ne lui appartenant pas, et ainsi permis le détournement de celles-ci par le propriétaire de ce terrain, M. X... l'a assignée en réparation du préjudice né de cette faute ; que l'arrêt rendu sur renvoi après cassation, (1re chambre civile, 20 décembre 2007, pourvoi n° 07-10.305), a accueilli partiellement cette demande ;

Sur le moyen unique pris en sa quatrième branche :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir admis aux débats et déclaré opposable à la société SETRAP, le rapport d'expertise établi unilatéralement à la demande de M. X..., pour évaluer le montant des préjudices nés de la perte de grumes de bois et d'avoir ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le rapport d'expertise établi par M. Y... consulté unilatéralement par M. X... avait été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, la société SETRAP ayant produit une lettre d'un métreur agréé constituant une analyse critique du rapport litigieux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen pris en sa première branche :

Vu l'article 1992, alinéa 2, du code civil ;

Attendu que pour retenir la responsabilité de la société SETRAP et la condamner à indemniser l'entier préjudice subi par M. X..., l'arrêt retient que le mandataire a manqué à ses obligations en procédant au stockage du bois sur le terrain d'autrui sans se prémunir du risque d‘appropriation du bois stocké par un tiers, appropriation qui n'a pas présenté un caractère de force majeure susceptible d'exonérer le mandataire de sa responsabilité envers le mandant ;

Qu'en statuant ainsi sans rechercher si la société SETRAP avait, comme elle le prétendait, agi à titre gratuit et commis de bonne foi dans l'intérêt de M. X... les actes que celui-ci lui imputait à faute, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le surplus du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à rejet des débats de la pièce n° 12 produite par M. X..., ni des conclusions signifiées le 24 septembre 2009 par la société SETRAP, l'arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par de la SCP Boutet, avocat de la société Setrap

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné une entreprise de terrassement et de travaux publics, la Société SETRAP, à verser à un donneur d'ordres, Monsieur X..., des dommages-intérêts à hauteur de 117.600 € pour fautes dans l'exécution d'un mandat gratuit d'enlèvement et de stockage de grumes de bois ;

AUX MOTIFS QUE la Société SETRAP, mandatée par Monsieur X..., pour stocker les grumes appartenant à ce dernier, après qu'elle les ait transportées, a manqué à ses obligations de mandataire, qui est tenu de gérer en bon père de famille les affaires du mandant, en procédant à ce stockage sur un terrain appartenant à autrui, sans se prémunir du risque (avéré) d'appropriation du bois stocké par un tiers ; que la faute commise par la Société SETRAP est ainsi établie ; que si aux termes de l'article 1992 alinéa 2 du Code Civil, la responsabilité pouvant résulter d'une faute contractuelle est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire, cette disposition ne concerne toutefois que l'appréciation de la faute et non l'étendue de la réparation ; qu'il en résulte qu'en l'occurrence, le débat relatif au caractère onéreux ou gratuit du mandat conféré par Monsieur X... à la Société SETRAP est dès lors sans portée sur le montant de la réparation ; que le 14 janvier 2002, la Société SETRAP a sommé Monsieur X... de venir prendre possession immédiatement de l'intégralité du bois détenu par la Société ROUGIER ; que Monsieur X... a fait constater, contradictoirement en présence de la Société SETRAP, la consistance et l'état du lot de bois litigieux, lequel constat a fait ressortir que, s'agissant des bois de chêne, de chêne américain, de marronnier, de frêne et de peuplier, un nombre important de grumes de chênes était percé de trous de vers et que les grumes de marronnier sont en très mauvais état ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE, si tout mandataire, quelle que soit la nature et l'objet du mandat, répond des fautes qu'il commet dans sa gestion, la responsabilité est moins à la charge de celui dont le mandat est gratuit qu'à celle qui reçoit un salaire, ce qui induit le rejet de toute responsabilité civile du mandataire qui prend de bonne foi un risque dans l'intérêt de son mandant ; que tout en constatant que la Société SETRAP avait, en 2000, stocké les grumes évacuées du terrain de Monsieur X... sur une parcelle mise gracieusement à sa disposition depuis 1995 par son propriétaire, auteur d'une appropriation abusive, judiciairement sanctionnée, la Cour d'Appel a cependant considéré que le débat soulevé par la Société SETRAP, portant sur le caractère gratuit ou onéreux de ce mandat, et qui avait entrainé la censure de l'arrêt précédent, était sans portée sur le montant de la réparation ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour d'Appel qui n'a pas procédé à la recherche déterminante quant à la qualification du mandat susceptible d'exonérer de toute responsabilité civile la Société SETRAP, ayant stocké de bonne foi le bois coupé dans l'intérêt de Monsieur X..., a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1991 et 1992 alinéas 1er et 2 du Code Civil ;

ALORS DE DEUXIEME PART QU' en affirmant que la Société SETRAP aurait soulevé le débat quant au caractère gratuit ou onéreux du mandat litigieux dans le seul cadre d'une discussion sur le montant de la réparation, la Cour d'Appel a méconnu les termes du litige tels que circonscrits par les écritures de la Société SETRAP qui avait présenté des développements de ce chef dans le cadre d'une discussion sur la demande en réparation de Monsieur X..., en violation de l'article 4 du Code de Procédure Civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE subsidiairement, tout mandataire, quelle que soit la nature du mandat, gratuit ou salarié, peut s'exonérer partiellement voire totalement de toute responsabilité civile en cas de faute de la victime, le mandant, ayant contribué à la réalisation du dommage ; que dans ses conclusions d'appel, la Société SETRAP avait fait valoir que Monsieur X... avait commis une faute ayant concouru à la production de son dommage en s'abstenant de prendre possession dès janvier 2002 du lot de bois dont une partie seulement était abîmée, ce qui induisait qu'en s'abstenant de prendre possession des bois non abîmés et en le laissant pourrir, Monsieur X... avait commis une faute causale de nature à l'exonérer partiellement voire totalement de toute responsabilité civile ; que tout en constatant que seulement une partie des grumes de bois avait été abîmée par l'effet d'un stockage inefficient par le fait du propriétaire qui se l'était accaparé indûment, la Cour d'Appel qui a cependant refusé de considérer que le comportement de Monsieur X... avait un rapport causal avec la réalisation de son dommage de nature à exonérer la Société SETRAP de sa responsabilité, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et observations au regard des articles 1991 et 1992 alinéas 1er et 2 du Code Civil qu'elle a ainsi violés ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE le principe du contradictoire doit être respecté en toutes circonstances ; que tout en constatant que le rapport d'expertise avait été établi unilatéralement à la demande de Monsieur X..., pour évaluer le montant de ses préjudices nés de la perte de grumes de bois, la Cour d'Appel qui l'a cependant admis aux débats et l'a déclaré opposable à la Société SETRAP, motifs pris de sa communication régulière aux débats et de sa discussion contradictoire, a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-11528
Date de la décision : 26/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jan. 2012, pourvoi n°10-11528


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Bénabent

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.11528
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