LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu l'article 4-1-1 de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Guintoli en qualité de conducteur d'engins, son activité relevant de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire ;
Attendu que pour débouter M. X... de cette demande, la cour d'appel retient qu'il y a lieu de tenir compte des primes de fin d'année et de transfert versées au salarié, qui ont la nature de salaire, pour apprécier s'il a perçu le salaire minimum prévu par la convention collective ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la prime de fin d'année et la prime de transfert étaient directement liées à l'exécution par le salarié de sa prestation de travail et constituaient, en application de l'article 4-1-1 de la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992, un élément de salaire à prendre en compte dans le calcul du minimum conventionnel garanti, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaire, l'arrêt rendu le 1er décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Guintoli aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Guintoli et la condamne à payer, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 500 euros à la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires pour la période d'octobre 2002 à septembre 2007 outre les congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « le premier juge pour examiner la demande de Monsieur X... a retenu que les salaires devaient être fixés en application des dispositions de la convention collective des ouvriers des travaux publics ; qu'il considéré que Monsieur X... était régi par la convention collective applicable dans la région Provence Alpes Côtes d'Azur ; qu'il a relevé que pour le mois de décembre 2002, il existait un manque à gagner de 77 €, ce que ne contestait pas sérieusement l'employeur ; qu'il a, ensuite, pris en compte le fait qu'à partir du 1er janvier 2003, les salaires étaient fixés sur un minimum annuel ; qu'il a, en dernier lieu, repris, année par année, les salaires perçus par Monsieur X... et il en a déduit que la demande de rappel de salaire n'était pas justifiée ; que Monsieur X... sur la période d'octobre 2002 à décembre 2002 maintient sa demande de 232,59 € au motif que les primes de fin d'année et de transfert ne devraient pas entrer considération ; que de son côté, la société Guintoli forme appel incident en faisant remarquer que si le salaire de décembre était effectivement inférieur au minimum, les salaires d'octobre et de novembre devaient être pris en compte ; que la décision du premier juge sera confirmée sur ce point, Monsieur X... ne pouvant demander que des primes en nature de salaire soient écartées pour calculer s'il percevait son minimum conventionnel et la société Guintoli étant tenue de verser chaque mois le salaire garanti, sans pouvoir tirer argument d'un dépassement d'un mois sur l'autre ; que Monsieur X... demande le paiement majoré d'un temps de travail consacré le matin à vérifier l'état du véhicule ; que seul le temps de travail effectif sera considéré comme pouvant ouvrir droit à rémunération ; que le premier juge pour débouter le salarié de ses demandes à ce titre, a fait droit aux observations de la société Guintoli qui a établi que les chauffeurs n'avaient plus à assurer l'entretien de leur véhicule et il a débouté Monsieur X... de sa demande ; que celui-ci en cause d'appel ne justifie pas qu'il ait toujours la charge de cet entretien et le jugement sera confirmé sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « le salaire minimum conventionnel est fixé conformément aux dispositions de l'article 4.7 de la Convention collective des ouvriers des travaux publics, par chaque Fédération Régionale des Travaux Publics ; que les grilles des salaires établies par la Fédération Régionale de la Région Paca dont dépendait Monsieur Jean-Claude X... sont versées au débat ; que jusqu'au 31 septembre 2002, les salaires étaient fixés par référence à un taux horaire ; qu'à l'examen des pièces, le salaire horaire minimum du 1er janvier au 31 septembre 2002 était de 7,06 € ; qu'au cours de cette période, Monsieur Jean-Claude X... a perçu un salaire mensuel de 1 116,22 € soit, pour un horaire mensuel de 151,66 heures, l'équivalent de 7,36 € de l'heure ; que son salaire était donc supérieur au minimum conventionnel ; que toutefois, la société Guintoli admet dans ses écritures que Monsieur Jean-Claude X... serait bien fondé à réclamer la somme de 77,53 € pour le mois de décembre 2002 mais en indiquant que cette somme devrait être compensée avec- celles qui lui ont été versées-en octobre et novembre 2002 et ce, audelà du minimum conventionnel ; que le Conseil considère que, compte tenu de l'aveu exprimé par la société Guintoli, il y a lieu de la condamner à payer la somme de 77,53 €s à son ancien salarié ; qu'à compter du 1er octobre 2002, suite à une modification de la Convention collective des ouvriers des Travaux Publics, les salaires sont désormais fixés par référence à un minimum annuel ; que pour l'année 2003, le minimum annuel était de 15 491 € pour 52 semaines ; que compte tenu des absences non rémunérées et des périodes de chômage intempéries, Monsieur Jean-Claude X... a travaillé l'équivalent de 38,28 semaines correspondant à un salaire annuel minimum de 11 404,17 € ; qu'au cours de l'année 2003, il a perçu la somme de 12 217,13 € ; que pour l'année 2004, le minimum annuel était de 15 878 € ; que Monsieur Jean-Claude X... a travaillé l'équivalent de 46,59 semaines correspondant à un salaire annuel minimum de 14 225,97 € ; qu'au cours de l'année 2004, il a perçu la somme de 15 779,93 € ; que pour l'année 2005, le minimum annuel était de 16 513 € ; que Monsieur Jean-Claude X... a travaillé l'équivalent de 46,03 semaines correspondant à un salaire annuel minimum de 14 618,10 € ; qu'au cours de l'année 2005, il a perçu la somme de 15 632,45 € ; que pour l'année 2006 le minimum annuel était de 17 256 € ; que Monsieur Jean-Claude X... a travaillé l'équivalent de 44,02 semaines correspondant à un salaire annuel minimum de 14 607,89 € ; qu'au cours de l'année 2006, il a perçu la somme de 15 600,03 € ; qu'il apparaît donc que Monsieur Jean-Claude X... a été rempli de ses droits hormis pour le mois de décembre 2002 » ;
ALORS QU'aucune des primes perçues par le salarié ne constitue un élément de salaire dans le calcul du minimum conventionnel garanti ; qu'il appartient au juge de comparer le salaire de base hors prime au salaire de base conventionnel pour calculer le rappel de salaires ; qu'en décidant que les primes de fin d'année et de transfert devaient être intégrées dans le minimum conventionnel, la Cour d'appel a violé l'article 4.1 §1 de la Convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande tenant à obtenir le paiement des indemnités de grand déplacement ;
AUX MOTIFS QUE « le premier juge, pour débouter Monsieur X... de sa demande au titre des indemnités de grand déplacement a relevé qu'en application de l'article 8.11 de la convention collective des ouvriers des travaux publics, les salariés qui justifiaient être en déplacement devaient bénéficier d'une allocation correspondant aux dépenses qu'ils n'auraient pas eu à engager s'ils n'avaient pas été déplacés ; qu'il a considéré que la société Guintoli justifiait avoir versé régulièrement ces indemnités dont le montant avait été fixé de manière forfaitaire dans le cadre de la négociation annuelle, des salaires ; qu'il a débouté Monsieur X... de ses demandes en relevant que ce dernier ne contestait pas avoir reçu effectivement les indemnités de grand déplacement de la part de la société Guintoli ; qu'au soutien de son appel, Monsieur X... fait valoir que la convention collective des ouvriers des travaux publics prévoit que l'indemnité grands déplacements doit compenser le coût normal d'un logement et des repas sans qu'il y ait lieu à un barème ; qu'il rappelle que la convention collective négociée en 1991 doit prévaloir sur des accords d'entreprise prévoyant des dispositions moins favorables, la loi du 4 mai 2004 n'ayant pas vocation à s'appliquer puisque la convention collective a été conclue avant sa mise en oeuvre ; qu'il en déduit qu'il doit recevoir un rappel d'indemnité qu'il a évalué à 20 € par jour de grand déplacement ; qu'il réclame sur la période contractuelle la somme de 50 300 € ; que pour obtenir la confirmation de la décision entreprise, la société Guintoli soutient que le système qu'elle avait mis en place correspondait aux frais réels exposés et que les demandes de Monsieur X... sont dénuées de tout fondement juridique ; qu'il est constant et d'ailleurs non contesté par les parties que les accords d'entreprise qui ont fixé les indemnités de grand déplacement versées à Monsieur X... devaient être équivalents aux dispositions de la convention collective ou comporter des mesures plus favorables, la loi du 7 mai 2004 ayant aménagé la possibilité de prévoir des accords d'entreprise moins favorables à un accord hiérarchiquement supérieur n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; qu'il y a donc lieu de rechercher si, comme le soutient Monsieur X... les dispositions de l'accord d'entreprise en vigueur au sein de la société Guintoli étaient moins favorables aux salariés, ce que n'a pas admis le premier juge ; que selon l'article 8.10 de la convention collective, l'indemnité grand déplacement est destinée à l'ouvrier qui travaille dans un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit de regagner chaque soir le lieu de sa résidence ; que l'indemnité de grand déplacement correspond aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé ; que le montant de ces dépenses journalières comprend le coût d'un second logement pour l'intéressé, les dépenses supplémentaires de nourriture qu'il vive à l'hôtel, chez des particuliers ou en cantonnement et les autres dépenses supplémentaires qu'entraîne pour lui l'éloignement de son foyer ; que le texte précise que ce montant est "remboursé par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux du logement et de la nourriture qu'il supporte" ; que sont produits aux débats les extraits de la négociation annuelle sur les salaires dans le cadre desquelles ont été fixées par accord collectif les indemnités de grand déplacement selon un montant forfaitaire ; que cette détermination est donc tout à fait conforme aux termes de la convention collective qui préconisait une détermination forfaitaire ; qu'en outre, Monsieur X... ne peut être suivi lorsqu'il fonde sa réclamation sur un prix de pension moyen ; en effet le texte de la convention collective, s'il prévoit que les frais de logement doivent être pris en compte, en revanche ne prévoit pour la nourriture et les autres frais que les frais supplémentaires par rapport à ceux exposés par le salarié s'il avait vécu à son propre domicile ; que de ce fait, le prix d'une pension complète ne pouvait être utilisé comme base de comparaison et base de calcul ; que faute pour Monsieur X... de présenter un décompte dans lequel apparaîtrait le coût du logement et le supplément exposé pour la nourriture et les autres frais, il sera débouté de ses demandes, dans la mesure où il n'établit pas que la détermination de l'indemnité grands déplacements par son employeur était moins favorable que les dispositions de la convention collective ; que de même aucun argument ne peut être tiré de ce que plusieurs des accords d'entreprise n'auraient pas été déposés à la direction départementale du travail puisqu'en tout état de cause, le calcul proposé n'est pas compatible avec les termes de la convention collective ; que le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 8.11 de la Convention collective des ouvriers des Travaux Publies institue à leur profit une indemnité dite de grands déplacement «correspondant aux dépenses journalières normales qu'engage le déplacé en sus des dépenses habituelles qu'il engagerait s'il n'était pas déplacé » ; que ces dépenses supplémentaires sont remboursées « par une allocation forfaitaire égale aux coûts normaux du logement et de la nourriture (petit déjeuner, déjeuner, dîner) qu'il supporte » ; que la société Guintoli justifie que le montant de l'indemnité journalière de grands déplacements, de caractère forfaitaire, était fixée dans le cadre des négociations annuelles sur les salaires conformément aux dispositions de l'article L. 2242-1 du Code du travail (anciennement L. 132-27) ; que Monsieur Jean-Claude X... ne conteste pas avoir effectivement perçu le montant des indemnités ainsi fixées annuellement entre la Direction de la société et les représentants des organisations syndicales ; que dès lors, sa demande n'apparaît pas fondée » ;
ALORS D'UNE PART QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces non produites aux débats ; qu'en jugeant que les dispositions de l'accord collectif relatives aux indemnités de grand déplacement étaient en conformité avec la Convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992 quand bien même cet accord n'avait pas été versé aux débats, la Cour d'appel a violé l'article 7 alinéa 1er du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le montant de l'indemnité de grand déplacement prévu par la convention collective applicable n'est pas fixé par celle-ci mais par accord collectif ; qu'il appartient en conséquence au juge de rechercher si les indemnités versées au salarié satisfont aux critères fixés par la Convention collective applicable ; qu'en considérant que tel était le cas au regard des extraits de la négociation annuelle sur les salaires quand il lui appartenait de vérifier si l'accord collectif satisfaisait ou non aux critères fixés par la Convention collective, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8.10 et 8.11 de la Convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992.