La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2012 | FRANCE | N°10-10863

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 janvier 2012, 10-10863


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 décembre 2009) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 24 septembre 2008, n° 07-42.810), que Mme X... a été engagée le 23 avril 1985, en qualité de technicienne polyvalente par la société Bioloire Bellevue ; qu'à son retour d'un congé parental pris du 27 septembre 2001 au 12 mai 2004, elle a été informée d'une nouvelle organisation du travail consécutive à l'ouverture de deux nouveaux sites, impliquant une nouvelle répartition des

horaires journaliers, une affectation pouvant varier sur plusieurs sites et une...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 décembre 2009) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 24 septembre 2008, n° 07-42.810), que Mme X... a été engagée le 23 avril 1985, en qualité de technicienne polyvalente par la société Bioloire Bellevue ; qu'à son retour d'un congé parental pris du 27 septembre 2001 au 12 mai 2004, elle a été informée d'une nouvelle organisation du travail consécutive à l'ouverture de deux nouveaux sites, impliquant une nouvelle répartition des horaires journaliers, une affectation pouvant varier sur plusieurs sites et une éventuelle participation à une astreinte le dimanche et/ou des gardes de nuit ; qu'ayant refusé de se soumettre au nouveau planning, Mme X... a été licenciée pour faute grave le 26 juillet 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses indemnités ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige; que la lettre de rupture du 26 juillet 2004 reprochait à la salariée ses actes d'insubordination et ses absences répétées consistant à refuser de respecter les nouvelles conditions de travail suite à l'ouverture de deux nouveaux sites dans le même secteur et à la mise en place des 35 heures, imposant une nouvelle répartition des horaires à l'ensemble des techniciens de laboratoire, et donc à se conformer tant aux plannings temporaires de formation et d'intégration qu'au planning "normal" adressé le 18 juin 2004 pour la période du 5 juillet au 24 juillet 2004 (qui n'imposaient pourtant ni astreinte le dimanche, ni garde de nuit), ce qui avait eu pour conséquence de perturber gravement le bon fonctionnement du laboratoire et faisait peser un risque de mise en danger de la santé des patients ; qu'en décidant que les nouvelles conditions de travail proposées à la salariée constituaient une modification de son contrat de travail dès lors que l'éventualité d'astreinte le dimanche ou de gardes de nuit était envisagée et que le refus de celle-ci était légitime ce qui privait son licenciement de cause réelle et sérieuse, quand bien même la lettre de licenciement ne reprochait nullement à la salariée d'avoir refusé de travailler le dimanche ou la nuit, la cour d'appel a méconnu les termes de la lettre de rupture et violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°/ que l'employeur rappelait, dans ses conclusions d'appel, que le juge ne peut statuer sur la légitimité d'un licenciement en prenant en compte des faits autres que ceux énoncés dans la lettre de rupture et faisait valoir que la lettre de licenciement du 26 juillet 2004 n'évoquait absolument pas la question d'une participation à une astreinte et/ou des gardes de nuit, qu'il n'était en aucun cas imposée aux salariés mais avait été mise en place avec leur accord et qui, donc, n'avait pas été imposée à Mme X... qui s'y était opposée; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le fait pour un employeur de demander à une salariée de retour après une longue absence de se conformer temporairement à des horaires variables pour une courte durée répondant à une nécessité de formation ne constitue pas une modification de son contrat de travail ; qu'en décidant que la mise en oeuvre de plannings d'intégration, sur une courte durée (du 12 mai au 2 juillet 2004), en vue d'assurer la formation de la salariée revenant de son congé parental sur de nouveaux appareils et son adaptation à l'évolution de son poste constituait une modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail et l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'il résultait des plannings "normaux" adressés le 18 juin 2004 à la salariée pour la période du 4 au 24 juillet 2004, que celle-ci était soumise à des horaires fixes d'une semaine sur l'autre ; qu'en affirmant que les plannings normaux prévus à compter de juillet 2004 comprenaient des horaires variant d'une semaine sur l'autre, la cour d'appel a dénaturé lesdits plannings et violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que les nouvelles conditions de travail de la salariée constituaient en réalité une modification de son contrat de travail, impliquant à court ou moyen terme sa participation à des astreintes le dimanche et/ou à des gardes de nuit sur le site de Pont-Rousseau, qu'elle était en droit de refuser et que, face au refus de la salariée, la société Bioloire Bellevue lui avait proposé un nouvel emploi d'aide-laboratoire emportant la perte de points d'indice et de revenus ; que la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs du moyen, en déduire que l'employeur n'avait pas proposé à la salariée à son retour de congé parental un emploi équivalent à celui qu'elle occupait précédemment ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bioloire Bellevue aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bioloire Bellevue, et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Bioloire Bellevue

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement du 26 juillet 2004 n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamné la SELARL BIOLOIRE BELLEVUE à payer à Madame X... diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés sur préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE «aux termes de l'article 1.4 (ou 1.14?) de la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales extra-hospitaliers, les astreintes et gardes auxquelles peuvent être soumis les salariés concernés ne peuvent être mises en place que par accord d'entreprise ou après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ;
Or, considérant que la société Bioloire ne peut utilement soutenir en l'espèce que les nouvelles conditions de travail proposées à Elina X... n'étaient pas en réalité constitutives d'une modification de ce contrat de travail lui-même, dès lors qu'elle reconnaît là encore elle-même (cf la page 4 de ses propres écritures d'appel) que sa nouvelle organisation impliquait notamment, à court ou moyen terme, "l'éventuelle participation à une astreinte le dimanche et/ou à des gardes de nuit sur le site de Pont-Rousseau", peu important à cet égard que cette mesure "n'ait jamais été mise en oeuvre pour Madame X..., puisque conditionnée à son accord" ;
Qu'elle le peut d'autant moins que, confrontée au refus d'Elina X... d'accepter ses nouvelles conditions de travail, la société Bioloire lui a vainement proposé, le 25 mai 2004 et certes en fonction des exigences de son ancienne salariée, un nouvel emploi d'aide-laboratoire avec perte de cent points d'indice et de près de 300 euros de revenus mensuels, ce qui prouve à soi seul qu'elle n'était nullement disposée à maintenir à Elina X... un emploi équivalent à celui qui était le sien avant qu'elle ne prenne son congé parental ;
Que d'ailleurs, l'on voit mal comment, comme le souligne à juste titre la salariée, toujours à terme et en vertu notamment du principe "à travail égal, salaire égal", la société Bioloire aurait pu dispenser Elina X... de telles astreintes et/ou gardes de nuit, alors que l'ensemble de ses autres salariés bénéficiant de la même qualification professionnelle étaient tenus d'effectuer celles-ci ;
Qu'en d'autres termes, il est établi, en particulier à l'examen des nombreuses correspondances échangées par les parties à compter du 28 mai 2004, que la société Bioloire n'a jamais proposé à Elina X... un emploi là encore une fois équivalent à celui qui était le sien avant qu'elle ne prenne son congé parental, à savoir plus précisément un emploi excluant expressément, à qualification et salaire égaux, sa participation à des astreintes ou à de gardes de nuit ;
Or, considérant que, pas plus qu'en première instance, la société Bioloire ne démontre qu'elle aurait mis en place ces astreintes ou gardes de nuit, soit par accord d'entreprise, soit, au moins, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, étant au besoin observé ;
- d'une part, que la lettre de licenciement d'Elina X... était au moins ambiguë sur ce point, en ce sens que cette lettre rappelait alors à l'intéressée "qu'elle avait été informée de la redéfinition de certaines conditions de travail des techniciennes de laboratoire, ceci suite, notamment, à l'ouverture de nouveaux sites....", sans préciser clairement ces "nouvelles conditions" ;
- et, de l'autre, que les divers arguments tirés par les parties de l'attitude de l'une ou de l'autre pendant la période provisoire "de formation" d'Elina X... sont sans intérêt, dès lors qu'encore une fois, c'est la définition à terme de l'emploi de la salariée qui était à l'époque en cause ;
Que, pour ces seuls motifs, c'est à dire abstraction faite de toute notion de "contractualisation", puisqu'il est constant qu'Elina X... n'a jamais bénéficié d'un contrat de travail écrit, et de moyens de fait qui, soit restent à l'état de simples allégations (tels que celui, à l'évidence, et au mieux, erroné, tiré par Elina X... du fait qu'il lui aurait été imposé des horaires discontinus à la place d'horaires continus, ce qui est nécessairement -c'est-à-dire mathématiquement- faux au regard des horaires allégués par l'une et l'autre des parties dans leurs écritures d'appel dans le cadre d'un horaire hebdomadaire de travail de 35 heures), soit sont dès lors sans intérêt pour la solution du présent litige (tels que celui tiré cette fois-ci par la société Bioloire du fait, il est vrai avéré, qu'à l'époque, Elina X... ne contestait pas le principe même de son licenciement, mais seulement la faute grave alléguée, toujours à l'époque, par son ancien employeur), il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions, décision dont les auteurs ont en particulier justement apprécié, en l'état des documents fragmentaires produits aux débats, le montant du préjudice subi par Elina X... du fait de son licenciement –dès lors- sans cause réelle et sérieuse, et ce notamment en application de l'article L.1235-3 du code du travail» (arrêt p.3-4).

ALORS QUE les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige ; que la lettre de rupture du 26 juillet 2004 reprochait à la salariée ses actes d'insubordination et ses absences répétées consistant à refuser de respecter les nouvelles conditions de travail suite à l'ouverture de deux nouveaux sites dans le même secteur et à la mise en place des 35 heures, imposant une nouvelle répartition des horaires à l'ensemble des techniciens de laboratoire, et donc à se conformer tant aux plannings temporaires de formation et d'intégration, qu'au planning « normal » adressé le 18 juin 2004 pour la période du 5 juillet au 24 juillet 2004 (qui n'imposaient pourtant ni astreinte le dimanche, ni garde de nuit), ce qui avait eu pour conséquence de perturber gravement le bon fonctionnement du laboratoire et faisait peser un risque de mise en danger de la santé des patients ; qu'en décidant que les nouvelles conditions de travail proposées à la salariée constituaient une modification de son contrat de travail dès lors que l'éventualité d'astreinte le dimanche ou de gardes de nuit était envisagée et que le refus de celle-ci était légitime ce qui privait son licenciement de cause réelle et sérieuse, quand bien même la lettre de licenciement ne reprochait nullement à la salariée d'avoir refusé de travailler le dimanche ou la nuit, la Cour d'appel a méconnu les termes de lettre de rupture et violé l'article L.1232-6 du Code du travail ;

ALORS QUE l'employeur rappelait, dans ses conclusions d'appel (p.12-13), que le juge ne peut statuer sur la légitimité d'un licenciement en prenant en compte des faits autres que ceux énoncés dans la lettre de rupture et faisait valoir que la lettre de licenciement du 26 juillet 2004 n'évoquait absolument pas la question d'une participation à une astreinte et/ou des gardes de nuit, qui n'était en aucun cas imposée aux salariés mais avait été mise en place avec leur accord, et qui, donc, n'avait pas été imposée à Mme X... qui s'y était opposée ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE «Les plannings «intégration» remis à Mme X... en mai 2004 et juin 2004 comprenaient : …
Les horaires varient d'une semaine à l'autre.
Les plannings normaux prévus à compter de juillet 2004 comprenaient le même type d'horaires sur les trois mêmes sites, avec également des variations d'horaires d'une semaine sur l'autre, … , Par contre, le fait de faire passer le salarié d'horaires fixes à des horaires variables d'une semaine à l'autre constitue une modification du contrat de travail en l'absence de clause de variabilité dans le contrat de travail.
Mme X..., qui justifiait par ailleurs de circonstances familiales impérieuses tenant à la charge de trois jeunes enfants et au travail en horaires décalés ou de nuit de son mari, n'était pas liée par une telle clause, en l'absence de contrat de travail écrit.
Dès lors, la modification imposée à Mme X... qui, par l'institution d'horaires variant d'une semaine à l'autre, ne lui permettait plus de planifier son temps de travail comme le lui permettaient des horaires fixes, constituait une modification du contrat de travail.
Cette modification ne pouvait lui être imposée et Mme X... était en droit de refuser d'exécuter les nouveaux plannings. … .
En conséquence, le licenciement fond sur le refus de Mme X... d'accepter ces nouveaux horaires ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse» (jugement p.5) ;

ALORS QUE le fait pour un employeur de demander à une salariée de retour après une longue absence de se conformer temporairement à des horaires variables pour une courte durée répondant à une nécessité de formation ne constitue pas une modification de son contrat de travail ; qu'en décidant que la mise en oeuvre de plannings d'intégration, sur une courte durée (du 12 mai au 2 juillet 2004), en vue d'assurer la formation de la salariée revenant de son congé parental sur de nouveaux appareils et son adaptation à l'évolution de son poste constituait une modification de son contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L.1231-1 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;

ALORS QUE il résultait des plannings « normaux » adressés le 18 juin 2004 à la salariée pour la période du 4 au 24 juillet 2004, que celle-ci était soumise à des horaires fixes d'une semaine sur l'autre ; qu'en affirmant que les plannings normaux prévus à compter de juillet 2004 comprenaient des horaires variant d'une semaine sur l'autre, la Cour d'appel a dénaturé lesdits plannings et violé l'article 1134 du Code civil.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 08 décembre 2009


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 19 jan. 2012, pourvoi n°10-10863

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, Me Ricard

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 19/01/2012
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10-10863
Numéro NOR : JURITEXT000025189426 ?
Numéro d'affaire : 10-10863
Numéro de décision : 51200230
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2012-01-19;10.10863 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award