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18/01/2012 | FRANCE | N°10-11278

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 janvier 2012, 10-11278


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Charabot à compter du 3 janvier 1994, en qualité de technicien chimiste au laboratoire Recherche et développement, 2e degré, échelon a, coefficient 275, groupe IV, selon les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques ; que par courrier du 4 novembre 2005, la société Charabot a indiqué à M. X... qu'il était affecté au poste de t

echnicien de gestion de la planification compositions sur le site de Mougins ; que p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Charabot à compter du 3 janvier 1994, en qualité de technicien chimiste au laboratoire Recherche et développement, 2e degré, échelon a, coefficient 275, groupe IV, selon les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques ; que par courrier du 4 novembre 2005, la société Charabot a indiqué à M. X... qu'il était affecté au poste de technicien de gestion de la planification compositions sur le site de Mougins ; que par courrier du 10 novembre 2005, le salarié a refusé ce transfert au motif qu'il s'agissait d'une modification de son contrat de travail, en précisant que lors de son retour de congé le 14 novembre, il reprendrait son poste de travail à Grasse ; qu'ayant été licencié, le 28 novembre 2005, pour faute grave, pour avoir refusé son changement d'affectation, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour dire que le licenciement était justifié par une faute grave et débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt énonce qu'il importe de savoir si, au moment du licenciement, M. X... exerçait toujours les fonctions de technicien chimiste mentionnées tant dans le contrat de travail que dans les bulletins de salaire produits, ou bien si, au contraire, comme l'affirme la société Charabot, il avait déjà été affecté depuis un certain temps à un poste de technicien de gestion de production ; qu'en effet, si M. X... exerçait toujours ses fonctions initiales de technicien chimiste, il est clair que la décision de l'employeur transformait totalement ses attributions, ce qui caractérisait une modification de son contrat de travail ; qu'en revanche, s'il était déjà affecté à un poste de technicien de gestion de production, il s'agissait d'un changement limité des tâches relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; que M. X... a été progressivement déchargé, sans objection de sa part, de son travail initial pour des fonctions de gestion et de planification qui s'apparentent à celles de gestion de planification proposées par l'employeur ; que les fonctions anciennes et nouvelles concernent en effet des travaux, sinon identiques, du moins similaires et requérant exactement le même niveau de qualification ; que M. X... n'était pas fondé à refuser un simple changement de ses conditions de travail ;

Attendu cependant que la modification des tâches confiées au salarié, qui ne relèvent pas de sa qualification et sont étrangères à l'activité pour laquelle il a été engagé, ne peut être décidée sans l'accord du salarié ; que l'acceptation de cette modification ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait de ses constatations que la décision de la société Charabot de confier au salarié des tâches de technicien de gestion de production, puis de l'affecter sur un poste de technicien de planification avait eu pour effet de transformer les attributions du salarié en lui confiant des tâches qui ne relevaient pas de sa qualification de technicien chimiste, poste pour lequel il avait été engagé, ce qui constituait une modification unilatérale du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Charabot aux dépens ;

Vu l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Charabot à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement prononcé par la Société CHARABOT à l'encontre de Monsieur Jean-Yves X... est justifié par une faute grave et d'avoir, en conséquence, débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail,

AUX MOTIFS QUE « la Cour écartera d'emblée, faute qu'elle soit étayée, l'allégation de Monsieur Jean-Yves X... selon laquelle il a en réalité fait l'objet d'un licenciement économique ; qu'en effet, il ne démontre pas que son poste a été effectivement supprimé consécutivement à des difficultés économiques ; qu'aussi convient-il de s'en tenir aux termes de la lettre de licenciement qui circonscrit l'examen judiciaire du litige ; que celle-ci est ainsi libellée :
« A la suite de nos discussions et dans un courrier qui vous a été remis le 4 novembre, nous vous faisions part de notre décision de vous affecter au poste de technicien de la planification compositions sur notre site de Mougins à compter du 7 novembre.
Par la suite, vous avez fait valoir votre refus faisant valoir que le poste proposé était différent du vôtre sans manifester la moindre intention de faire un effort pour vous adapter à ce poste qui est parfaitement à votre portée.
Vous persistez à ne pas vouloir comprendre que la Direction ne dispose pas de postes à la carte et ne souhaitez manifestement pas faire d'effort, si minime soit-il pour vous adapter.
Nous maintenons que ce changement d'affectation, sans diminution de salaire ni de coefficient, qui est une décision de gestion motivée par la nécessité de pourvoir le poste laissé libre par son titulaire, ne constitue pas un changement de votre contrat de travail, mais bien un simple changement de vos conditions de travail.
Votre refus, tel que vous le confirmer, constitue donc une faute grave justifiant un licenciement sans indemnité ni préavis » ;
Que contrairement à ce que soutient Monsieur Jean-Yves X..., cette lettre est suffisamment motivée car elle indique précisément que le changement d'affectation est rendu nécessaire par la vacance du poste de technicien de la planification ; que la controverse sur la durée de la formation proposée par l'employeur n'est pas essentielle ; qu'au demeurant, celui-ci produit-il la lettre de refus du salarié ; que le point décisif (auquel la gestion de la formation est accessoire) est de savoir si, au moment du licenciement, Monsieur Jean-Yves X... exerçait toujours, ainsi qu'il le soutient fermement, les fonctions de technicien-chimiste mentionnées tant dans le contrat de travail que dans les bulletins de salaire produits, ou bien si, au contraire, comme l'affirme la Société CHARABOT, il avait déjà été affecté depuis un certain temps à un poste de technicien de gestion de production ; qu'en effet, si Monsieur Jean Yves X... exerçait toujours ses fonctions initiales de technicien-chimiste, il est clair que la décision de l'employeur transformait totalement ses attributions, ce qui caractérisait une modification de son contrat de travail ; qu'en revanche, s'il était déjà affecté à un poste de technicien de gestion de production, il s'agissait d'un changement limité des tâches relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'à l'appui de cette thèse, celui-ci produit :
1/ - l'attestation de M. Cédric Y..., responsable de fabrication :
« En tant qu'agent de maîtrise, d'abord adjoint puis responsable des fabrications naturelles, j'ai travaillé pendant cinq ans avec Jean-Yves X... qui occupait dans mon service les fonctions de technicien de gestion de production.
Son rôle au quotidien était d'élaborer et de suivre le planning de production des matières premières naturelles et de lancer les ordres de fabrication (O.F.), de gérer la production sur notre système informatisé (GPAO) en effectuant un suivi des stocks, des heures et matières consommées et les saisies des nomenclatures (…). Il a également participé avec le service informatique au cahier des charges du programme informatique « Business Partner » pour la partie « planning et prix de revient » (…) Par ailleurs, au moment où nous préparions le transfert des fabrications sur le plan de GRASSE, un poste au laboratoire de contrôle en ligne aurait pu être vacant. Je n'ai pas eu le temps de le proposer à Jean-Yves que celui-ci m'a signifié que ce n'était pas la peine que je compte sur lui pour ce poste (…) »
2/ - l'attestation de M. Z...

« Je connais bien les tâches du service d'ordonnancement et planning de la société CHARABOT pour en avoir été à l'origine en octobre 1996, et en avoir été responsable pendant 8 ans.
Pour avoir eu un temps le projet de rapatrier Jean-Yves X... au sein de l'équipe ordonnancement/planning, je pense qu'il aurait pu trouver sa place au sein du service planning.
La fonction de technicien de planification et celle de technicien de gestion de production qu'il occupait alors étant du même ordre : dans les deux cas il s'agit de gérer les stocks, de planifier, d'ordonnancer et de lancer des ordres de fabrication.
Les flux sont plus importants mais la technique est plus simple.
De plus, sa bonne connaissance du système d'information de CHARABOT était un atout pour qu'il réussisse dans ce poste. »
qu'il importe peu que ces attestations ne soient pas en tout point conformes aux prescriptions de l'article 202 du Code de procédure Civile dès lors qu'elles emportent la conviction de la Cour, ni que leurs auteurs soient des salariés dès lors qu'ils étaient seuls à pouvoir témoigner en connaissance de cause des événements intervenus dans le cadre restreint de l'entreprise ;
qu'il est capital de relever qu'au rebours de ce qu'il a soutenu devant la juridiction prud'homale, Monsieur Jean Yves X... avait admis dans sa lettre du 10 novembre 2005 ne plus exercer (avec son accord) des fonctions de technicien-chimiste ; qu'il écrivait en effet (pièce n° 6) :
« Au sein de l'entreprise CHARABOT, qui m'a embauché le 3 janvier 1994, j'ai occupé le poste de technicien chimiste au laboratoire R et D, écrit les procédés de fabrication de la chimie, aidé à la rédaction des fiches de sécurité, avant de m'occuper de la planification et des prix de revient du secteur chimie.
Mon supérieur hiérarchique, satisfait de mon travail, m'a demandé en 1998 de m'occuper du secteur naturel.
Dans ce secteur j'ai créé un planning, je me suis occupé des prix de revient, mis en place un historique des rendements et des prix et créé bon nombre d'applications informatiques afin d'optimiser la gestion.
J'ai également créé un historique des consommations et des plans de charge (…) »
bref, qu'il est constant que Monsieur Jean-Yves X... avait progressivement été déchargé, sans objection de sa part, de son travail initial de technicien chimiste, pour des fonctions de gestion et de planification ; qu'il est partent qu'il a occupé, au moins depuis 1998, des fonctions de technicien de gestion de production et que ce fait, reconnu naguère par le salarié, ne peut être remis en cause par les attestations délivrées par MM. A..., B..., C... et D... ; que du reste, il résulte de l'examen des pièces produites que dans ses précédentes fonctions de technicien, Monsieur Jean-Yves X... devait :
« - planifier les ordres de fabrication - vérifier les dates de fonctionnement - préparer un planning - contrôler (…) l'avancement des productions - calculer les prix de revient - faire le plan de charge (…) »
que sauf à travestir la réalité, il ne peut être dénié que ces travaux s'apparentent à ceux prévus dans les fonctions proposées de gestion de la planification, à savoir :
« - valider les commandes clients - créer les ordres de fabrication - regarder si tous les constituants sont en stocks (…) »
qu'il apparaît donc établi que les fonctions anciennes et nouvelles touchant à la planification des fabrications, qu'elles concernaient des travaux, sinon identiques du moins similaires et requérant, faut-il le souligner, exactement le même niveau de qualification ; que dans ces conditions, Monsieur Jean-Yves X... n'était pas fondé à refuser le changement des conditions de travail décidé par l'employeur, lequel était en droit de le licencier pour insubordination constitutive d'une faute grave ; que l'intimé doit donc être débouté de toutes ses demandes de dommages-intérêts, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de licenciement, observation étant faite que le licenciement n'a par ailleurs revêtu aucun caractère précipité ou vexatoire permettant de le qualifier d'abusif »,

ALORS, DE PREMIERE PART, QU'il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse repose sur les deux parties et que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'en décidant, pour balayer le moyen articulé par le salarié tiré de ce que le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre relevait d'un stratagème mis en place par son employeur pour se séparer de lui à moindre coût et qu'il avait en réalité fait l'objet d'un licenciement économique, que celui-ci ne démontrait pas que son poste avait été effectivement supprimé consécutivement à des difficultés économiques, la Cour d'appel a violé l'article L 1235-1 du Code du Travail, ensemble l'article 1315 du Code Civil ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en énonçant comme elle l'a fait que Monsieur X..., dont l'employeur ne contestait pas la suppression du poste, n'étayait pas son « allégation » selon laquelle il avait en réalité fait l'objet d'un licenciement économique, sans à tout le moins examiner, ne serait-ce que succinctement, les éléments de preuve produits par le salarié en vue de démontrer le bien fondé du moyen par lui soulevé, notamment le compte rendu du 21 mars 2005, la note interne du 12 avril 2005, le courriel de Monsieur E... du 21 octobre 2005 et l'attestation de Madame F..., la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure Civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en affirmant que la nouvelle affectation imposée au salarié relevait d'un changement de ses conditions de travail et non d'une modification de son contrat de travail, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les fonctions exercées par Monsieur X... à la date de son licenciement ne faisaient pas appel, ne serait-ce que pour partie, à sa qualification de technicien chimiste, au contraire de celles de technicien de gestion de la planification ne faisant aucunement appel à de telles compétences, ce que confirmaient d'ailleurs les fiches de définition de fonctions produites par la Société CHARABOT mentionnant un niveau d'étude bac + 2 en chimie pour le poste de technicien de gestion de production et de bac + 2 en gestion de production pour le poste de technicien gestion de la planification compositions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du Travail et 1134 du Code Civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en énonçant que Monsieur Jean Yves X... aurait « admis dans sa lettre du 10 novembre 2005 ne plus exercer (avec son accord) des fonctions de technicien-chimiste », cependant que dans ce courrier, le salarié reprochait à l'employeur de lui avoir progressivement, après que Monsieur G... lui ait annoncé, courant 2004, que son poste serait supprimé après le transfert des naturels sur le site du Plan, retiré différentes tâches relevant de son poste pour les confier à différentes personnes, supprimant son poste dans les faits et que décrivant les différentes missions et tâches qui lui avaient été jusque-là confiées, il n'évoquait aucun « accord » de sa part mais leur simple exécution, sans nullement admettre que ces différentes missions et tâches auraient été étrangères à ses fonctions contractuelles de technicien-chimiste, la Cour d'appel a dénaturé la lettre considérée et, partant, violé l'article 1134 du Code Civil ;

ALORS, DE CINQUIEME PART QU'en affirmant qu' « il est constant que Monsieur Jean-Yves X... avait progressivement été déchargé, sans objection de sa part, de son travail initial de technicien chimiste, pour des fonctions de gestion et de planification », cependant que l'employeur prétendait faire état d'un changement d'affectation qui serait intervenu « à la suite d'un différend avec son responsable de recherche de l'époque et sur sa demande », en 1996, et que le salarié soutenait que les fonctions par lui exercées relevaient de sa qualification de technicien chimiste, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du Code de procédure Civile ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QUE l'acceptation par le salarié de la modification de son contrat de travail ne peut résulter de la seule poursuite du travail ; qu'en décidant dès lors que la circonstance que Monsieur X... aurait été progressivement déchargé de ses fonctions de technicien chimiste « sans objection de sa part » pouvait permettre à l'employeur d'affecter celui-ci à un poste de travail caractérisant une modification de son contrat de travail mentionnant des fonctions de technicien chimiste, la Cour d'appel a violé les articles L 1221-1 du Code du Travail et 1134 du Code Civil ;

ET ALORS, DE SEPTIEME PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE la décision de l'employeur de modifier les conditions de travail du salarié ne doit pas être mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle ; que Monsieur X... faisait valoir que son employeur, qui cherchait à se séparer de lui à moindre coût, savait pertinemment qu'il ne pourrait accepter une affectation au poste de technicien de gestion de la planification compositions, nécessitant, selon la fiche de définition de fonctions établie par l'employeur lui-même, une formation de douze mois, faute d'avoir reçu la formation qu'impliquait la prise en charge de telles fonctions, et que son licenciement pour faute grave relevait d'un stratagème mis en place par la Société CHARABOT aux fins d'obtenir la rupture, recherchée, de son contrat de travail ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, et en négligeant purement et simplement de s'expliquer sur la question de la nécessité d'une formation que l'employeur aurait proposée ou non à Monsieur X... pour lui permettre d‘assumer ces nouvelles fonctions, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1232-1 du Code du Travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE AU PREMIER)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur Jean-Yves X... était justifié par une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes relatives au rappel du salaire pendant la période de la mise à pied et au paiement des indemnités de préavis et de licenciement,

AUX MOTIFS QUE « … la lettre de licenciement qui circonscrit l'examen judiciaire du litige (…) est ainsi libellée :
« A la suite de nos discussions et dans un courrier qui vous a été remis le 4 novembre, nous vous faisions part de notre décision de vous affecter au poste de technicien de la planification compositions sur notre site de Mougins à compter du 7 novembre.
Par la suite, vous avez fait valoir votre refus faisant valoir que le poste proposé était différent du vôtre sans manifester la moindre intention de faire un effort pour vous adapter à ce poste qui est parfaitement à votre portée.
Vous persistez à ne pas vouloir comprendre que la Direction ne dispose pas de postes à la carte et ne souhaitez manifestement pas faire d'effort, si minime soit-il pour vous adapter » ;
que le point décisif (auquel la gestion de la formation est accessoire) est de savoir si, au moment du licenciement, Monsieur Jean-Yves X... exerçait toujours, ainsi qu'il le soutient fermement, les fonctions de technicien-chimiste mentionnées tant dans le contrat de travail que dans les bulletins de salaire produits, ou bien si, au contraire, comme l'affirme la Société CHARABOT, il avait déjà été affecté depuis un certain temps à un poste de technicien de gestion de production ; qu'en effet, si Monsieur Jean Yves X... exerçait toujours ses fonctions initiales de technicien-chimiste, il est clair que la décision de l'employeur transformait totalement ses attributions, ce qui caractérisait une modification de son contrat de travail ; qu'en revanche, s'il était déjà affecté à un poste de technicien de gestion de production, il s'agissait d'un changement limité des tâches relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; … qu'il est constant que Monsieur Jean-Yves X... avait progressivement été déchargé, sans objection de sa part, de son travail initial de technicien chimiste, pour des fonctions de gestion et de planification ; … ; qu'il apparaît donc établi que les fonctions anciennes et nouvelles touchant à la planification des fabrications, qu'elles concernaient des travaux, sinon identiques du moins similaires et requérant, faut-il le souligner, exactement le même niveau de qualification ; que dans ces conditions, Monsieur Jean-Yves X... n'était pas fondé à refuser le changement des conditions de travail décidé par l'employeur, lequel était en droit de le licencier pour insubordination constitutive d'une faute grave ; que l'intimé doit donc être débouté de toutes ses demandes de dommages-intérêts, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de licenciement … »,

ALORS QUE si le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail rend en principe son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, il ne constitue pas à lui seul une faute grave ; que le refus par Monsieur X..., salarié âgé de 53 ans ayant plus de onze ans d'ancienneté dans l'entreprise et n'ayant jamais fait l'objet du moindre avertissement ou reproche, d'accepter son affectation immédiate au poste de travail de technicien de gestion de la panification requérant, selon un document établi par l'employeur lui-même, une formation de douze mois et qu'il ne se sentait pas apte à occuper après avoir bénéficié d'une formation de quelques jours seulement, sans que l'employeur n'ait plus abordé cette formation, n'était pas à lui seul constitutif d'une faute grave justifiant son éviction immédiate et interdisant son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail ;

ET ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en ne faisant pas ressortir en quoi le refus de Monsieur X..., salarié âgé de 53 ans ayant plus de onze années d'ancienneté dans l'entreprise et n'ayant jamais fait l'objet du moindre avertissement, d'accepter son affectation immédiate au poste de travail de technicien de gestion de la planification requérant, selon un document établi par l'employeur lui-même, une année de formation et qu'il ne se sentait pas apte à occuper après avoir bénéficié d'une formation de quelques jours seulement, sans que l'employeur n'ait abordé cette question de la formation, aurait justifié son éviction immédiate et rendu impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, la Cour d'appel, qui elle-même a négligé de s'expliquer sur cette « controverse » sur la durée de la formation proposée dont elle a fait état, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Monsieur Jean-Yves X... tendant à l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement abusif, tendant à la réparation du préjudice moral résultant des conditions abusives et vexatoires du licenciement pour faute grave prononcé à son encontre,

AUX MOTIFS QUE « … le point décisif (auquel la gestion de la formation est accessoire) est de savoir si, au moment du licenciement, Monsieur Jean-Yves X... exerçait toujours, ainsi qu'il le soutient fermement, les fonctions de technicien-chimiste mentionnées tant dans le contrat de travail que dans les bulletins de salaire produits, ou bien si, au contraire, comme l'affirme la Société CHARABOT, il avait déjà été affecté depuis un certain temps à un poste de technicien de gestion de production ; qu'en effet, si Monsieur Jean Yves X... exerçait toujours ses fonctions initiales de technicien-chimiste, il est clair que la décision de l'employeur transformait totalement ses attributions, ce qui caractérisait une modification de son contrat de travail ; qu'en revanche, s'il était déjà affecté à un poste de technicien de gestion de production, il s'agissait d'un changement limité des tâches relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; … qu'il apparaît (donc) établi que les fonctions anciennes et nouvelles touchant à la planification des fabrications, qu'elles concernaient des travaux, sinon identiques du moins similaires et requérant, faut-il le souligner, exactement le même niveau de qualification ; que dans ces conditions, Monsieur Jean-Yves X... n'était pas fondé à refuser le changement des conditions de travail décidé par l'employeur, lequel était en droit de le licencier pour insubordination constitutive d'une faute grave ; que l'intimé doit donc être débouté de toutes ses demandes de dommages-intérêts, de rappel de salaire pendant la période de mise à pied et d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de licenciement, observation étant faite que le licenciement n'a par ailleurs revêtu aucun caractère précipité ou vexatoire permettant de le qualifier d'abusif »,

ALORS QU'en affirmant que le licenciement n'a par ailleurs revêtu aucun caractère précipité permettant de le qualifier d'abusif, sans aucunement s'expliquer sur les circonstances invoquées devant elle par Monsieur X... tenant à la chronologie des événements qui avaient précédé et entouré son licenciement pour faute grave, prononcé après que l'employeur ait décidé d'une mise à pied à titre conservatoire qui n'était aucunement justifiée eu égard au fait reproché, notifiée au salarié sur son lieu de travail et ce, avant même d'avoir reçu la réponse et les explications du salarié que l'employeur n'avait d'ailleurs pas sollicitées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-11278
Date de la décision : 18/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 mai 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 jan. 2012, pourvoi n°10-11278


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.11278
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