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12/01/2012 | FRANCE | N°10-21543

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-21543


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152 -1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 4 avril 1977 par la société Gallissot en qualité de sténodactylographe ; que le 2 juillet 2008, invoquant des faits de harcèlement moral, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'elle a été licenciée par lettre du 8 février 2010 pour inaptitude définitive médicalement consta

tée ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande de dommages-intérêts p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1152 -1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 4 avril 1977 par la société Gallissot en qualité de sténodactylographe ; que le 2 juillet 2008, invoquant des faits de harcèlement moral, elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; qu'elle a été licenciée par lettre du 8 février 2010 pour inaptitude définitive médicalement constatée ;
Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et dire fondé le licenciement pour inaptitude prononcé à son encontre, l'arrêt retient que le nouvel horaire du matin a été mis en place pour répondre aux nécessités de l'entreprise ; que les tâches qui ont été retirées à la salariée étaient annexes et que son profil de poste ne s'en est pas trouvé modifié ; que la photocopieuse et le télécopieur qui se trouvaient dans son bureau ont été déplacés pendant son absence au premier étage où se trouvent les bureaux de la direction pour plus de facilité ; que la proposition d'un poste à mi temps qui lui a été faite n'a pas été suivie d'effet compte tenu de son refus ; que le problème d'odeurs corporelles a été évoqué avec elle en l'absence de tout témoin et sans qu'aucun propos désobligeant soit tenu ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les deux dernières branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la société Gallissot aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gallissot et la condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, et d'AVOIR dit que le licenciement pour inaptitude prononcé à son encontre était fondé ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail, « lorsque survient un litige relatif à l'application, notamment de l'article L. 1152-1, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles» ; que Yolande X... fait valoir qu'au mois de janvier 2008, Madame Y..., l'un des dirigeants de la société, lui a demandé d'être présente à son bureau le matin à huit heures au lieu de huit heures trente pour terminer à midi au lieu de midi trente et que ce nouvel horaire du matin a été mis en application à compter du 28 janvier 2008 ; que l'employeur indique qu'il s'agissait de mieux adapter l'horaire de travail de Yolande X..., dont l'une des tâches consistait à répondre au téléphone, aux nécessités de l'entreprise dans la mesure où de nombreux appels téléphoniques parvenaient entre huit heures et huit heures trente ; que cette modification d'horaire a été acceptée par la salariée qui ne conteste pas la réalité du motif invoqué, sans qu'elle ait émis quelque protestation que ce soit ; que Yolande X... qui a été en arrêt maladie du 16 avril 2008 au 19 mai 2008 soutient qu'à son retour ses tâches ont été modifiées et qu'un temps partiel lui a été proposé ; qu'elle affirme que les tâches qui lui ont été confiées, se limitaient au pointage des bons de commande et à l'archivage et que la photocopieuse et le fax qui étaient dans son bureau avait été transférés à l'étage ; que l'employeur indique que la photocopieuse et le fax ont été déplacés au premier étage où se trouvent les bureaux de la direction, pendant l'absence de Yolande X... pour plus de facilité ; que cette explication n'est pas sérieusement contredite ; qu'en ce qui concerne la modification de ses tâches, Yolande X... écrivait dans le journal quotidien qu'elle tenait et qui est versé aux débats, que quatre tâches ne lui étaient plus confiées : préparation des fiches de mois enveloppes de paie du personnel, circulaires internes, mise à jour de la liste du personnel et dactylographie de l'horaire annuel ; que toutefois, le caractère annexe des tâches qui lui ont été retirées n'a pas eu pour effet de modifier le profil de son poste, l'essentiel de son activité qui consistait à répondre au téléphone, à accueillir les clients, à taper les courriers clients et fournisseurs, à traiter les factures et les devis et à préparer les appels d'offre, lui ayant été maintenu ; que ses comptes-rendus des journées de travail révèlent d'ailleurs qu'elle a eu une activité soutenue au sein de la Société jusqu'à son départ définitif le 10 juin 2008 ;que la proposition d'un poste à mi temps, que la société SA GALLISSOT ne conteste pas avoir faite à Yolande X..., n'a pas été suivie d'effet compte tenu de son refus ; qu'il n'est pas contesté que le 28 février, Madame Y... a convoqué Yolande X... dans son bureau afin d'évoquer un problème d'odeur corporelles ; que, dans son journal, la salariée relate ce rendez-vous, précise que le 7 mars 2008, Madame Y... lui a rappelé les termes de l'entretien du 28 février et que le 16 avril, elle lui a fait une remarque sur ce sujet là dans son bureau ; qu'il n'est fait état d'aucun propos désobligeant tenu par Madame Y..., dont les remarques ont été faites dans le bureau de la salariée, en l'absence de tout témoin, ce qui ne laisse pas présumer un harcèlement ; que les salariés qui avaient signé la pétition dénonçant des faits de harcèlement commis par l'employeur à l'encontre de Yolande X... et visant plus précisément le problème des odeurs, ont attesté ensuite qu'ils n'avaient été témoins d'aucun fait de harcèlement à l'encontre de cette salariée ; qu'au vu de ces éléments, la Cour a acquis la conviction que Yolande X... n'a pas été victime de harcèlement moral ; qu'à bon droit, les premiers juges ont débouté Yolande X... de sa demande à ce titre » (arrêt, pp. 2-4) ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE «l'article L. 1152-1 du Code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'il appartient au salarié de produire les éléments de fait qui permettent de faire présumer un comportement de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, Mme X... invoque plusieurs éléments à l'appui de son argumentation relative au harcèlement, à savoir des brimades concernant son âge ainsi que ses compétences professionnelles, la diminution des tâches confiées ainsi que le retrait de certains outils de travail, une tentative de mise à temps partiel, ainsi que des critiques tenant à de mauvaises odeurs corporelle ; qu'elle ajoute que la conjonction de ces éléments est à l'origine d'une altération importante de sa santé, que s'agissant des brimades sur son âge et sa compétence, force est de constater qu'il n'est versé aucun élément objectif aux débats, alors que la réalité de ces brimades est catégoriquement contestée par l'employeur, qui affirme au contraire n'avoir jamais eu à se plaindre de la qualité du travail fourni par la demanderesse ; qu'il est d'une part versé au débat un historique dans lequel Mme X... reprend en détail, de manière chronologique, les griefs qu'elle formule à l'encontre de la SA GALLISSOT ; que toutefois, cet élément étant une pièce établie par Mme X... elle-même pour elle-même pour les besoins de la cause, il ne peut lui être accordé aucune valeur probante particulière ; que la demanderesse produit d'autre part une pétition signée de plusieurs membres du personnel de la société, et manifestement rédigée par elle-même ; que là encore aucune valeur de preuve particulière ne pourra être attachée à ce document, dès lors que la défenderesse fournit quant à elle diverses attestations émanant de salariés ayant signé cette pétition, et dont il résulte en substance qu'ils ont signés par solidarité, sans avoir jamais eu personnellement connaissance de fait de harcèlement commis à l'encontre de l'intéressée ; que Mme X... se prévaut d'autre part de toute une série d'attestations qui sont sans emport sur le présent litige, car y étant étrangères ; qu'ainsi en est il d'attestations émanant d'anciens salariés de la SA GALLISSOT faisant état de différends qu'ils avaient eus avec leur employeur, ou encore d'attestations faisant état de la qualité du travail fourni par Mme X... ; que la modification des attributions professionnelles de la demanderesse par rapport à ses attributions initiales ne saurait être considérée comme un harcèlement traduisant une mise au placard des lors que cette modification était inéluctable, ne serait-ce qu'au regard de l'évolution des techniques bureaucratiques depuis l'embauche de Mme X... en 1977 ; que le retrait non contesté de certains outils de travail, à savoir le télécopieur et le photocopieur, du bureau de Mme
X...
, ne traduisent pas non plus une volonté de mise au placard ; qu'il est en effet constant que la demanderesse connait de réels problèmes de santé, ainsi qu'en attestent les documents médicaux versés aux débat, qui font référence à une psychasthénie ; que ces troubles ont justifiés plusieurs arrêts maladie successifs ; que c'est au cours de ces arrêts maladie, et donc en raison de l'absence de Mme X..., que les appareils ont été transférés du bureau de celle-ci, situé au rez de chaussée, au premier étage, où se trouve la direction de l'entreprise ; qu'étant rappelé que Mme X... travaillait seule au rez de chaussée, la modification de l'emplacement d'appareils d'utilisation aussi fréquente que le télécopieur ou le photocopieur pour les rapprocher de leurs utilisateurs n'apparait en rien anormale ; qu'ainsi le retrait des outils de travail est en fait la conséquence des absences de Mme X... pour cause de maladie, et non pas un élément à l'origine des problèmes de santé ayant généré ces arrêts de travail ; qu'il en est de même en ce qui concerne la proposition de passage à mi temps, qui n'est pas d'avantage contestée par la défenderesse, et qui a été faite par l'employeur à Mme X... à l'un de ses retours d'arrêts maladies ; qu'au demeurant même à la lecture du passage de l'historique dressé par Mme X... se rapportant à ce point, il n'apparait pas que cette proposition qui n'est restée qu'à ce seul stade, ait été formulée de manière intrusive ou précipitée ; que s'agissant des remarques faites à Mme X... concernant des odeurs corporelles incommodantes, à savoir des odeurs de sueur, il y a d'abord lieu de constater que l'employeur ne conteste pas leur réalité ; que par ailleurs, et bien que Mme X... conteste aujourd'hui avoir eu un quelconque problème à ce niveau, il ressort pourtant de la lecture des pièces qu'elle a elle même fournies, qu'il s'agit d'un fait objectif ; qu'en effet dans l'historique qu'elle a rédigé Mme X... indique elle même avoir été consulter un médecin suite aux observations faites par la dirigeante de l'entreprise, et prendre un traitement ; que la réalité des faits ressort en outre des attestations des témoins versées par la défenderesse qui émanent de tiers à l'entreprise, dont rien ne permet en l'état de remettre en cause l'impartialité ; que le fait pour l'employeur d'aborder ce type de problème, pour délicat qu'il soit, car mettant directement en cause l'intimité de la personne, ne saurait toutefois être assimilé de manière nécessaire à un comportement de harcèlement ; qu'en effet évoquer ce point afin de tenter d'y trouver une solution répond aux intérêts non seulement de l'employeur mais aussi du salarié, qui risque à terme de devenir l'objet de remarques désobligeantes de ses collègues de travail ou de tiers ; qu'en l'espèce, il apparait en outre que le problème d'odeur a toujours été évoqué entre Mme X... et Mme Y... dirigeante de la SA GALLISSOT sans qu'à aucun moment l'employeur n'y mêle d'autres salariés ; que la seule prise à témoin de tiers tient à l'initiative de Mme X..., ainsi qu'il ressort de l'historique établi par celle-ci ; qu'en l'état rien n'établit donc que la défenderesse ait manqué à ses obligation en s'ouvrant à sa salarié d'un problème objectif ; qu'enfin il n'est pas anodin de relever que les troubles de santé rencontrés par Mme X... coïncident, quant à l'époque de leur apparition, avec la survenance à des dates très rapprochées de deux événements douloureux dans la vie privée de l'intéressée, à savoir le décès de deux membres de sa famille proche. Cette circonstance peut à elle seule expliquer l'apparition d'une psychasthénie, sans qu'il y ait nécessairement, à rechercher la cause de celle-ci dans l'environnement professionnel de la demanderesse ; que le harcèlement moral n'étant pas suffisamment caractérisé en l'espèce il convient de rejeter l'ensemble des demandes formées sur ce fondement par Mme X... à l'encontre de la SA GALLISSOT» (jugement, pp. 4-5)
ALORS 1°) QUE saisi d'une demande de reconnaissance de harcèlement moral, le juge doit appréhender les faits qui lui sont soumis dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'au cas présent, en s'abstenant de prendre en considération comme un ensemble unique la multiplicité des faits constitutifs du harcèlement moral dont Madame X... a fait l'objet de la part de son employeur, et en se bornant à ne les envisager qu'individuellement sans les intégrer dans un contexte général, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ALORS 2°) QU' en constatant que de nombreux salariés de la société GALLISSOT avaient signé une pétition dénonçant les faits de harcèlement commis par l'employeur à l'encontre de Madame X... et visant plus particulièrement le problème des odeurs, et en relevant que ces mêmes salariés s'étaient ensuite rétractés en attestant qu'ils n'avaient été témoins d'aucun fait de harcèlement à l'encontre de cette salariée, pour en déduire que Madame X... n'avait pas été victime de harcèlement moral, sans s'interroger, ainsi qu'il le lui était demandé, si ce soudain revirement n'était pas consécutif à des pressions exercées par l'employeur à l'égard des salariés signataires de la pétition, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE Madame X... produisait à l'appui de ses conclusions d'appel de nombreuses attestations émanant de médecins et de clients dont il résultait qu'elle ne souffrait pas d'une sudation anormale et ne dégageait pas d'odeurs corporelles désagréables, ce qui conduisait à la conclusion que les griefs formulés à de nombreuses reprises par l'employeur à son égard et tenant à sa prétendue mauvaise odeur étaient dépourvus de fondement et s'inscrivaient dans une démarche de harcèlement moral à son encontre ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait et en ignorant ces attestations, la Cour a de plus fort violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-21543
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 10 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-21543


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.21543
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