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12/01/2012 | FRANCE | N°10-16793

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 10-16793


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mars 2010), que M. X..., engagé le 17 mars 1992 par la société Jelupi (la société) en qualité de peintre étancheur et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe étanchéiste, a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2007, après avoir été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable de licenciement le 12 octobre 2007 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société fait

grief à l'arrêt de déclarer prescrits les faits justifiant le licenciement et de dire...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mars 2010), que M. X..., engagé le 17 mars 1992 par la société Jelupi (la société) en qualité de peintre étancheur et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef d'équipe étanchéiste, a été licencié pour faute grave le 2 novembre 2007, après avoir été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable de licenciement le 12 octobre 2007 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer prescrits les faits justifiant le licenciement et de dire que celui-ci est sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que pour établir qu'elle n'avait eu connaissance des faits justifiant le licenciement que le 10 octobre 2007, la société Jelupi se fondait non seulement sur les attestations de M. Y..., mais encore "sur un texto" adressé le 12 octobre 2007 "à son employeur" par l'un des salariés impliqué pour s'excuser des faits, sur les fiches de déplacement de M. Y... et sur un procès-verbal interpellatif de M. Z..., gérant de la société pour laquelle les travaux avaient été réalisés, et dont elle justifiait par la production de pièces régulièrement produites aux débats ; qu'en retenant que l'employeur se fondait uniquement sur les dires de M. Y... pour établir qu'il n'avait eu connaissance des faits litigieux que le 10 octobre 2007, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Jelupi et le bordereau de pièces et a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ qu'en écartant les attestations circonstanciées de M. Y... qui détaillaient les circonstances dans lesquelles il avait eu connaissance des faits litigieux et qui démontraient que l'employeur n'en avait été averti que le 10 octobre 2007, motifs pris de ce qu'elles n'avaient été produites que le 28 novembre 2008, qu'il était peu vraisemblable que M. Y... n'avait pu découvrir cette situation que plusieurs mois après et que l'employeur n'établissait pas avoir sanctionné M. Y..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
3°/ qu'en estimant qu'il était "peu vraisemblable" que M. Y... n'ait connu les faits qu'en octobre 2007 et n'en ait averti l'employeur qu'à ce moment-là, la cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les faits imputés au salarié et antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure disciplinaire ne pouvaient être ignorés, au moment de leur commission, par le chef de chantier chargé par l'employeur du contrôle des chantiers, a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de condamner la société à lui payer des indemnités d'un montant inférieur à celui qu'il avait sollicité, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant au titre des "Faits" la somme de 2 500,52 euros comme dernière rémunération brute mensuelle du salarié, dont les conclusions revendiquaient (p. 9, § II) le montant de 2 580 euros, tel que figurant sur ses trois derniers bulletins de salaire versés aux débats, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°/ que l'article 10.11 de la convention collective Bâtiment ouvriers (entreprises occupant plus de dix salariés) du 8 octobre 1990 – IDCC 1597 applicable au litige, stipule que les salariés dont l'ancienneté est supérieure à deux ans bénéficient d'un préavis de deux mois ; que la cour d'appel, qui a alloué au titre d'une indemnité compensatrice de préavis la somme de 5 001,04 euros au salarié qui demandait à ce titre l'équivalent de deux mois de sa rémunération brute de 2 580 euros, soit 5 160 euros, a violé les stipulations conventionnelles collectives susvisées ;
3°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en indiquant au titre des "Faits" la somme de 2 500,52 euros comme dernière rémunération brute mensuelle du salarié, dont les conclusions revendiquaient (p. 9, § II) le montant de 2 580 euros, tel que figurant sur les trois derniers bulletins de salaire versés aux débats, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
4°/ que l'article 10.3 de la convention collective Bâtiment ouvriers (entreprises occupant plus de dix salariés) du 8 octobre 1990 – IDCC 1597 applicable au litige, stipule qu'en cas de licenciement non motivé par une faute grave, l'employeur verse à l'ouvrier une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculée sur les bases suivantes : - à partir de deux ans et jusqu'à cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise : 1/10 de mois de salaire par année d'ancienneté ; - après cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise : 3/20 de mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise ; - les années d'ancienneté au-delà de quinze ans donnent droit à une majoration de 1/20 de mois de salaire par année d'ancienneté ; que la cour d'appel, qui a alloué au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 5 986,25 euros au salarié qui demandait en application de la convention collective, sur la base de sa dernière rémunération brute mensuelle de 2 580 euros et de 15 années, 9 mois et 19 jours d'ancienneté, la somme de 6 175,86 euros, a violé les stipulations conventionnelles collectives susvisées ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant apprécié souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis pour déterminer le montant du salaire de référence et ayant fixé le montant des indemnités en application des articles 10.3 et 10.11 de la convention collective Bâtiment ouvriers du 8 octobre 1990, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Jelupi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Jelupi et la condamne au titre de l'article 37, de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour la société Jelupi.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, après avoir déclaré les faits justifiant le licenciement prescrits, déclaré le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse et en conséquence condamné la SARL Jelupi à lui payer diverses sommes, à titre de rappel de salaire et de congés payés y afférents, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts, ordonné la remise à Monsieur X... d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic rectifiés et condamné la SARL Jelupi à payer à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié à compter du jour de licenciement dans la limite de six mois d'indemnités ;
Aux motifs qu'en application des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1232-4 du code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, doivent être établis et suffisamment sérieux pour justifier la mesure de licenciement ;
En l'espèce, l'unique grief contenu dans la lettre est rédigé comme suit :
« nous avons appris le 10 octobre 2007 que vous avez effectué en février et mars 2007 des travaux d'étanchéité à Saillagouse pour votre propre compte ».
Aucun grief ultérieur à cette date n'est allégué dans la lettre de licenciement.
Les dispositions de l'article L. 1332-4 prévoient : "qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales".
Dès lors que les faits ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance au plus tard dans les deux mois ayant précédés l'engagement des poursuites.
A cet égard, il convient de constater que le grief invoqué par l'employeur est atteint par la prescription, compte tenu de la date à laquelle la procédure de licenciement a été engagée.
En effet, l'employeur prétend n'avoir eu connaissance des faits que le 10 octobre 2007.
Pour en rapporter la preuve, l'employeur se fonde uniquement sur les dires de M. Y..., conducteur de travaux de l'entreprise, dont il convient de relever que l'attestation n'a été produite aux débats que deux jours avant l'audience, soit le 28 novembre 2008.
De par ses fonctions dans l'entreprise, ce dernier était un technicien responsable, supérieur hiérarchique direct de M. A... et avait en charge la supervision d'un ou plusieurs chantiers, qu'il était tenu de s'assurer de l'avancement des travaux et de contrôler l'utilisation du matériel et de la bonne exécution des travaux.
Les faits se sont déroulés sur une période de deux mois, que le salarié a utilisé le matériel de l'entreprise et a fait appel à d'autres salariés parfois même pendant leurs horaires habituels de travail, il apparaît dès lors peu vraisemblable au regard de l'ensemble de ces éléments, que M. Y... ait pu découvrir cette situation incidemment comme il l'affirme plusieurs mois après l'exécution de ces travaux alors que celle-ci n'était pas dissimulée, sans en avoir averti à aucun moment l'employeur.
A supposer que M. Y... ait volontairement gardé le silence sur cette situation ou qu'il ait fait preuve d'une grande négligence dans l'accomplissement de ces attributions, l'employeur ne fournit aucune explication sur les motifs de cette omission et les dispositions qu'il a prises pour sanctionner cette situation.
En conséquence, les faits étant prescrits, le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Alors que pour établir qu'elle n'avait eu connaissance des faits justifiant le licenciement que le 10 octobre 2007, la société Jelupi se fondait non seulement sur les attestations de M. Y..., mais encore « sur un texto » adressé le 12 octobre 2007 « à son employeur » par l'un des salariés impliqué pour s'excuser des faits, sur les fiches de déplacement de M. Y... et sur un procès-verbal interpellatif de M. Z..., gérant de la société pour laquelle les travaux avaient été réalisés, et dont elle justifiait par la production de pièces régulièrement produites aux débats (concl. sign. le 1er sept. 2009, pp. 5/ 6 et son bordereau de pièces) ; qu'en retenant que l'employeur se fondait uniquement sur les dires de M. Y... pour établir qu'il n'avait eu connaissance des faits litigieux que le 10 octobre 2007, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Jelupi et le bordereau de pièces et a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors, en outre, qu'en écartant les attestations circonstanciées de M. Y... qui détaillaient les circonstances dans lesquelles il avait eu connaissance des faits litigieux et qui démontraient que l'employeur n'en avait été averti que le 10 octobre 2007, motifs pris de ce qu'elles n'avaient été produites que le 28 novembre 2008, qu'il était peu vraisemblable que M. Y... n'avait pu découvrir cette situation que plusieurs mois après et que l'employeur n'établissait pas avoir sanctionné M. Y..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Alors, en tout état, qu'en estimant qu'il était "peu vraisemblable" que Monsieur Y... n'ait connu les faits qu'en octobre 2007 et n'en ait averti l'employeur qu'à ce moment-là, la cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Jelupi à verser la somme de 5.001,04 € d'indemnité compensatrice de préavis à M. X... qui sollicitait à ce titre 5.160 € ;
Aux motifs que « il convient également de faire droit à ses demandes (…) d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement » (p. 5) ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant au titre des « Faits » la somme de 2.500,52 € comme dernière rémunération brute mensuelle du salarié, dont les conclusions revendiquaient (p.9, § II) le montant de 2.580 €, tel que figurant sur ses trois derniers bulletins de salaire versés aux débats, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE l'article 10.11 de la convention collective Bâtiment ouvriers (entreprises occupant plus de dix salariés) du 8 octobre 1990 – IDCC 1597 applicable au litige, stipule que les salariés dont l'ancienneté est supérieure à deux ans bénéficient d'un préavis de deux mois ; que la cour d'appel, qui a alloué au titre d'une indemnité compensatrice de préavis la somme de 5.001,04 € au salarié qui demandait à ce titre l'équivalent de deux mois de sa rémunération brute de 2.580 €, soit 5.160 €, a violé les stipulations conventionnelles collectives susvisées.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Jelupi à verser la somme de 5.986,25 € d'indemnité conventionnelle de licenciement à M. X... qui sollicitait à ce titre 6.175,86 € ;
Aux motifs que « il convient également de faire droit à ses demandes (…) d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité conventionnelle de licenciement » (p. 5) ;
1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en indiquant au titre des « Faits » la somme de 2.500,52 € comme dernière rémunération brute mensuelle du salarié, dont les conclusions revendiquaient (p. 9, § II) le montant de 2.580 €, tel que figurant sur les trois derniers bulletins de salaire versés aux débats, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
2°) ALORS QUE l'article 10.3 de la convention collective Bâtiment ouvriers (entreprises occupant plus de dix salariés) du 8 octobre 1990 – IDCC 1597 applicable au litige, stipule qu'en cas de licenciement non motivé par une faute grave, l'employeur verse à l'ouvrier une indemnité de licenciement, distincte du préavis, calculée sur les bases suivantes : - à partir de deux ans et jusqu'à cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise : 1/10 de mois de salaire par année d'ancienneté ; - après cinq ans d'ancienneté dans l'entreprise : 3/20 de mois de salaire par année d'ancienneté, depuis la première année dans l'entreprise ; - les années d'ancienneté au-delà de quinze ans donnent droit à une majoration de 1/20 de mois de salaire par année d'ancienneté ; que la cour d'appel, qui a alloué au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 5.986,25 € au salarié qui demandait en application de la convention collective, sur la base de sa dernière rémunération brute mensuelle de 2.580 € et de 15 années, 9 mois et 19 jours d'ancienneté, la somme de 6.175,86 €, a violé les stipulations conventionnelles collectives susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-16793
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 03 mars 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°10-16793


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.16793
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