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12/01/2012 | FRANCE | N°09-72203;10-20555

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2012, 09-72203 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 09-72. 203 et Z 10-20. 555 ;

Sur le moyen unique du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 14 octobre 2009 :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 14 octobre 2009 et 23 juin 2010), que suite à diverses réorganisations pendant la période 2003-2005, la société Tréfimétaux, aux droits de laquelle se trouve la société KME France (la société), appartenant au groupe KME Group SA, qui a pour activité la transformation des produits en cuivre et en alliag

e de cuivre, a supprimé plusieurs emplois notamment sur son site de Givet ; que MM. ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 09-72. 203 et Z 10-20. 555 ;

Sur le moyen unique du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 14 octobre 2009 :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Reims, 14 octobre 2009 et 23 juin 2010), que suite à diverses réorganisations pendant la période 2003-2005, la société Tréfimétaux, aux droits de laquelle se trouve la société KME France (la société), appartenant au groupe KME Group SA, qui a pour activité la transformation des produits en cuivre et en alliage de cuivre, a supprimé plusieurs emplois notamment sur son site de Givet ; que MM. Y..., A... et Z..., licenciés en septembre 2003, MM. X..., B...,
C...
, K..., L..., M..., G..., N..., O..., I..., D..., H... et Mme E..., licenciés en mars 2004 et Mme F... en septembre 2005, contestant la légitimité de leur licenciement, ont saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire les licenciements sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges doivent préciser l'origine des renseignements de faits ayant servi à motiver leur décision ; qu'en l'espèce, la société KME France soutenait, comptes consolidés et certifiés à l'appui, que la situation du groupe était déficitaire à l'époque des licenciements ; qu'en affirmant péremptoirement que le groupe KME aurait réussi à réaliser des « profits » en 2004, sans préciser de quelle pièce elle tirait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'existence de bénéfices n'exclut pas l'existence de difficultés économiques susceptibles de justifier un licenciement économique, celles-ci pouvant être caractérisées par une chute des résultats et du chiffre d'affaires du secteur d'activité du groupe à laquelle appartient l'entreprise, peu important le fait que ces résultats ne soient pas déficitaires ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que le groupe KME avait été confronté à une chute considérable de son résultat industriel à l'époque des premiers licenciements intervenus en septembre 2003 puisque ce dernier était passé de 121, 1 millions d'euros en 2000 à-178, 8 millions d'euros en 2003, ce qui représentait une chute de 299, 9 millions d'euros ; dès lors, en écartant l'existence de difficultés économiques au niveau du groupe au prétexte que ce dernier aurait réalisé des profits en 2004, sans analyser l'évolution des résultats du groupe marquée par une chute durable et considérable à l'époque des premiers licenciements intervenus en septembre 2003, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ que l'endettement de l'entreprise ou du groupe à laquelle celle-ci appartient est de nature à caractériser l'existence des difficultés économiques susceptibles d'entraîner la nécessité de supprimer des emplois et, partant, de justifier les licenciements économiques des salariés les ayant occupés ; qu'en l'espèce, la société KME France faisait valoir que le groupe connaissait un endettement important puisque son endettement était passé de 471, 2 millions d'euros en 2000 à 568, 1 millions en 2004 (contre 257, 2 millions en 1998) et que ses capitaux propres avaient parallèlement fortement diminués passant de 272, 8 millions d'euros en 2002 à 81 millions en 2003 alors même qu'ils s'élevaient à 505, 5 millions d'euros en 1998 ; qu'en se fondant uniquement sur un motif inopérant tiré de ce que le groupe aurait réalisé des profits à l'époque des licenciements, sans se prononcer sur l'importance de l'endettement du groupe, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que les difficultés économiques sont de nature à justifier des suppressions de postes et partant, des licenciements économiques, dès lors qu'elles existent à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le résultat industriel du groupe était passé de 9, 9 millions d'euros en 2002 à-178, 8 millions d'euros en 2003, ce dont il résultait que les difficultés économiques existaient à la date de la notification de la première vague de licenciement effectuée en septembre 2003 ; qu'en décidant pourtant que les licenciements des salariés demandeurs dont les premiers avaient été prononcés en septembre 2003 (pour trois d'entre eux), étaient tous dépourvus de cause réelle et sérieuse, au prétexte inopérant d'une amélioration du résultat industriel du groupe en 2004 par rapport à 2003, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°/ que les difficultés économiques doivent s'apprécier à la date du licenciement ; que le juge ne saurait en aucun cas apprécier l'existence de difficultés économiques à une date postérieure au licenciement, une fois que les mesures de réorganisation de l'entreprise ayant conduit au licenciement se sont faites sentir ; qu'au cas présent, la majorité des licenciements des salariés demandeurs (13 sur 17) avait été prononcé au mois de mai 2004 dans le cadre d'une politique de réduction des coûts et après que les comptes consolidés du groupe KME avaient fait apparaître un déficit de 236, 1 millions d'euros en 2003 ; que la société KME France justifiait de ce que ces mesures, dont faisaient partie les suppressions de postes des treize salariés licenciés en mai 2004, avaient seulement permis de réduire les pertes pour l'exercice 2004 qui s'élevaient à 8 175 000 euros ; que la subsistance d'un résultat négatif au 31 décembre 2004 était de nature à démontrer l'existence des difficultés rencontrées par le groupe et la nécessité de supprimer les postes des salariés concernés à la date de leur licenciement ; qu'en se fondant, pour dire ces licenciements sans cause réelle et sérieuse, sur l'amélioration des résultats survenue au terme de l'année 2004, la cour d'appel s'est placée à une date postérieure aux licenciements prononcés au mois de mai 2004, et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

6°/ que les difficultés économiques doivent s'apprécier à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que les licenciements des salariés demandeurs dont le dernier avait été prononcé en septembre 2005 (pour un seul d'entre eux), étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur une augmentation du résultat industriel du groupe en 2004 par rapport à 2003 ; qu'en se déterminant ainsi, au lieu de comparer les résultats du groupe en 2005 avec ceux de 2004, résultats qui marquaient une nouvelle baisse d'activité, la cour d'appel s'est placée à une date antérieure au licenciement prononcé au mois de septembre 2005, et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1233-3 du code du travail ;

7°/ subsidiairement, que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du groupe auquel elle appartient, peu important l'absence de difficultés économiques au jour du licenciement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le groupe KME avait connu une chute considérable de son résultat industriel entre 2002 et 2003, ce dernier étant passé de 9, 9 millions d'euros à-178, 8 millions d'euros ; qu'en retenant pourtant qu'il n'était pas justifié d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur du groupe dont relève l'entreprise au prétexte d'une amélioration de la situation financière du groupe en 2004, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail ;

8°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement dès lors qu'est justifiée l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou celle du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, la société KME France soulignait que la chute des résultats du groupe résultait du ralentissement de la demande mondiale des produits en cuivre et en alliage de cuivre et justifiait également d'une évolution structurelle défavorable du marché mondial de ces mêmes produits liée à l'émergence de nouvelles capacités de production à coûts bas dans le Sud-Est asiatique ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la société KME France ne fournissait aucun élément de nature à caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du groupe dont relève l'entreprise sans expliquer en quoi cette restriction alléguée et établie des débouchés dans le secteur de la transformation du cuivre n'était pas de nature à caractériser une menace pesant sur la compétitivité dudit secteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a exactement énoncé que la cause économique devait être vérifiée au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'employeur, a constaté que la lettre de licenciement ne faisait état que des difficultés de l'entreprise et qu'il n'était produit aucun élément relatif à la situation économique du secteur d'activité du groupe dont relevait la société KME France ; qu'elle a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 23 juin 2010 :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la réparation du préjudice résultant d'un licenciement injustifié ne peut être obtenue que sous réserve que le licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ; dès lors la cassation à intervenir sur la disposition de l'arrêt du 14 octobre 2009 ayant dit et jugé que les licenciements des salariés demandeurs étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse entraînera, par voie de conséquence nécessaire, et par application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt du 23 juin 2010 ayant condamné la société KME France à verser aux salariés diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2°/ en tout état de cause, qu'un salarié ayant fait l'objet d'un licenciement injustifié et comptabilisant au moins deux ans d'ancienneté ou employé au sein d'une entreprise comptant habituellement plus de onze salariés ne peut obtenir une indemnité supérieure à six mois de salaires que s'il démontre que le préjudice qu'il a subi est supérieur à ce minimum ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que les salariés demandeurs n'apportaient nullement cette preuve eu égard aux revenus qu'ils avaient perçus après leur licenciement (salaires, retraite, ou allocations chômages) ; qu'en accordant aux salariés X..., K..., L..., Z..., D..., N..., B..., O..., H..., E... et F... une indemnisation supérieure à six mois de salaires au regard de leur ancienneté dans l'entreprise et de leur période de chômage vécue après leur licenciement, sans tenir compte des revenus perçus par ces derniers qui étaient de nature à atténuer, voire à supprimer le préjudice résultant de la perte de leur emploi, revenus dont le calcul n'était au demeurant nullement contesté, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Mais attendu que le moyen, qui est inopérant en sa première branche, dès lors que le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 14 octobre 2009 est rejeté, et qui remet en cause en sa seconde branche l'évaluation souveraine par les juges du fond du préjudice causé par les licenciements, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société KME aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société KME et la condamne à payer aux salariés la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen identique produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux conseils, pour la société KME France, demanderesse aux pourvois n° T 09-72. 203 et Z 10-20. 555

Sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel de REIMS le 14 octobre 2009

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit et jugé que les licenciements des salariés demandeurs étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 321-1 (recodifié L. 1233-3) que le licenciement pour motif économique est celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; attendu qu'il est constant que la SA TREFIMETAUX aujourd'hui KME France fait partie du groupe KM Europa Métal AG devenue KME Group SPA ; attendu qu'il est non moins constant que lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'existence des difficultés économiques doit s'apprécier au niveau du groupe ou dans le secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; attendu que les lettres de licenciement en date de septembre 2003 présente un résultat industriel de 2002 de-20, 4 millions d'euros et un résultat bénéficiaire du groupe KME en 2002 de + 9, 9 millions d'euros ; que les lettres de licenciement de mai 2004 présentent un résultat industriel de 2002 de – 18, 2 millions et de – 25, 8 millions en 2003, le résultat bénéficiaire du groupe KME pour 2003 apparaissant comme « non connu à ce jour » ; que la lettre de licenciement de Madame F... de septembre 2005 ne fait plus référence aux difficultés du groupe ; attendu que s'il n'est pas contesté que le groupe a pu rencontré des difficultés économiques, il résulte cependant des documents produits aux débats que d'un point de vue économique l'année 2004 a été variable pour le groupe avec une reprise économique sur l'ensemble des principaux marchés sur les trois premiers trimestres et que si la demande a significativement baissé pour la zone euro au quatrième trimestre, le groupe KME SMI a réussi à retourner la situation et à réaliser des profits ; attendu que si l'expert comptable du comité d'entreprise, dont la société KME se prévaut, atteste des difficultés économiques, des résultats particulièrement dégradés et d'un résultat exceptionnel très déficitaire sur TMX, ce dernier, dans son rapport établi en vue du CEE du 17 mars 2004, envisageait néanmoins une forte amélioration (voire même le retour à l'équilibre) en 2004 ; attendu que si la société KME, s'appuyant sur le résultat industriel du groupe, indicateur clef, pour justifier des difficultés économiques, retient le résultat de 2003 (-178, 8 millions), celui de 2004 était de 12, millions ; attendu qu'elle fait encore valoir qu'il n'est nullement exigé qu'une entité soit déficitaire pour justifier un licenciement économique et qu'il suffit que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise soit établie ; que l'employeur peut intervenir en amont dans l'objectif de maintenir l'activité et donc l'emploi des autres salariés ; mais attendu que si la société KME expose les mesures qu'elle a prises pour rétablir selon elle la situation, elle ne fournit aucun élément de nature à caractériser une menace pesant sur la compétitivité du secteur de groupe dont relève l'entreprise, alors qu'au surplus, la situation s'était améliorée à l'époque des licenciements ; attendu que dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse, les motifs économiques allégués n'étant pas suffisamment établis et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens ; »

1) ALORS QUE les juges doivent préciser l'origine des renseignements de faits ayant servi à motiver leur décision ; qu'en l'espèce, la société KME France soutenait, comptes consolidés et certifiés à l'appui, que la situation du groupe était déficitaire à l'époque des licenciements ; qu'en affirmant péremptoirement que le groupe KME aurait réussi à réaliser des « profits » en 2004, sans préciser de quelle pièce elle tirait une telle affirmation, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'existence de bénéfices n'exclut pas l'existence de difficultés économiques susceptibles de justifier un licenciement économique, celles-ci pouvant être caractérisées par une chute des résultats et du chiffre d'affaires du secteur d'activité du groupe à laquelle appartient l'entreprise, peu important le fait que ces résultats ne soient pas déficitaires ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que le groupe KME avait été confronté à une chute considérable de son résultat industriel à l'époque des premiers licenciements intervenus en septembre 2003 puisque ce dernier était passé de 121, 1 millions d'euros en 2000 à – 178, 8 millions d'euros en 2003, ce qui représentait une chute de 299, 9 millions d'euros ; dès lors, en écartant l'existence de difficultés économiques au niveau du groupe au prétexte que ce dernier aurait réalisé des profits en 2004, sans analyser l'évolution des résultats du groupe marquée par une chute durable et considérable à l'époque des premiers licenciements intervenus en septembre 2003, la Cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du Code du travail ;

3) ALORS QUE l'endettement de l'entreprise ou du groupe à laquelle celle-ci appartient est de nature à caractériser l'existence des difficultés économiques susceptibles d'entraîner la nécessité de supprimer des emplois et, partant, de justifier les licenciements économiques des salariés les ayant occupés ; qu'en l'espèce, la société KME France faisait valoir que le groupe connaissait un endettement important puisque son endettement était passé de 471, 2 millions d'euros en 2000 à 568, 1 millions en 2004 (contre 257, 2 millions en 1998) et que ses capitaux propres avaient parallèlement fortement diminués passant de 272, 8 millions d'euros en 2002 à 81 millions en 2003 alors même qu'ils s'élevaient à 505, 5 millions d'euros en 1998 ; qu'en se fondant uniquement sur un motif inopérant tiré de ce que le groupe aurait réalisé des profits à l'époque des licenciements, sans se prononcer sur l'importance de l'endettement du groupe, la Cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 1233-3 du Code du travail ;

4) ALORS QUE les difficultés économiques sont de nature à justifier des suppressions de postes et partant, des licenciements économiques, dès lors qu'elles existent à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le résultat industriel du groupe était passé de 9, 9 millions d'euros en 2002 à-178, 8 millions d'euros en 2003, ce dont il résultait que les difficultés économiques existaient à la date de la notification de la première vague de licenciement effectuée en septembre 2003 ; qu'en décidant pourtant que les licenciements des salariés demandeurs dont les premiers avaient été prononcés en septembre 2003 (pour trois d'entre eux), étaient tous dépourvus de cause réelle et sérieuse, au prétexte inopérant d'une amélioration du résultat industriel du groupe en 2004 par rapport à 2003, la Cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du Code du travail

5) ALORS QUE les difficultés économiques doivent s'apprécier à la date du licenciement ; que le juge ne saurait en aucun cas apprécier l'existence de difficultés économiques à une date postérieure au licenciement, une fois que les mesures de réorganisation de l'entreprise ayant conduit au licenciement se sont faites sentir ; qu'au cas présent, la majorité des licenciements des salariés demandeurs (13 sur 17) avait été prononcé au mois de mai 2004 dans le cadre d'une politique de réduction des coûts et après que les comptes consolidés du groupe KME avaient fait apparaître un déficit de 236, 1 millions d'euros en 2003 ; que la société KME France justifiait de ce que ces mesures, dont faisaient partie les suppressions de postes des treize salariés licenciés en mai 2004, avaient seulement permis de réduire les pertes pour l'exercice 2004 qui s'élevaient à 8. 175. 000 euros ; que la subsistance d'un résultat négatif au 31 décembre 2004 était de nature à démontrer l'existence des difficultés rencontrées par le groupe et la nécessité de supprimer les postes des salariés concernés à la date de leur licenciement ; qu'en se fondant, pour dire ces licenciements sans cause réelle et sérieuse, sur l'amélioration des résultats survenue au terme de l'année 2004, la Cour d'appel s'est placée à une date postérieure aux licenciements prononcés au mois de mai 2004, et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1233-3 du Code du travail ;

6) ALORS QUE les difficultés économiques doivent s'apprécier à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, pour dire que les licenciements des salariés demandeurs dont le dernier avait été prononcé en septembre 2005 (pour un seul d'entre eux), étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel s'est fondée sur une augmentation du résultat industriel du groupe en 2004 par rapport à 2003 ; qu'en se déterminant ainsi, au lieu de comparer les résultats du groupe en 2005 avec ceux de 2004, résultats qui marquaient une nouvelle baisse d'activité, la Cour d'appel s'est placée à une date antérieure au licenciement prononcé au mois de septembre 2005, et a violé les articles L. 1235-1 et L. 1233-3 du Code du travail ;

7) ALORS, subsidiairement, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du groupe auquel elle appartient, peu important l'absence de difficultés économiques au jour du licenciement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le groupe KME avait connu une chute considérable de son résultat industriel entre 2002 et 2003, ce dernier étant passé de 9, 9 millions d'euros à-178, 8 millions d'euros ; qu'en retenant pourtant qu'il n'était pas justifié d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur du groupe dont relève l'entreprise au prétexte d'une amélioration de la situation financière du groupe en 2004, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du Code du travail ;

8) ALORS, encore, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement dès lors qu'est justifiée l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou celle du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, la société KME France soulignait que la chute des résultats du groupe résultait du ralentissement de la demande mondiale des produits en cuivre et en alliage de cuivre et justifiait également d'une évolution structurelle défavorable du marché mondial de ces mêmes produits liée à l'émergence de nouvelles capacités de production à coûts bas dans le Sud-Est asiatique ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que la société KME France ne fournissait aucun élément de nature à caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du groupe dont relève l'entreprise sans expliquer en quoi cette restriction alléguée et établie des débouchés dans le secteur de la transformation du cuivre n'était pas de nature à caractériser une menace pesant sur la compétitivité dudit secteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-1 et L. 1235-1 du Code du travail.
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société KME France, demanderesse au pourvoi n° Z 10-20. 555

Sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel de REIMS le 23 juin 2010

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné les salariés demandeurs à leur verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-3 si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien des avantages acquis ; que si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié ; que cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'ainsi, le salarié qui réclame une indemnité dépassant le montant de six mois de salaire doit établir la preuve que son préjudice est supérieure à celui-ci ; attendu que le préjudice subi du fait du licenciement doit s'apprécier au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, mais aussi de sa situation personnelle et professionnelle postérieure au dit licenciement, dûment justifiée, que ne saurait suppléer la production d'une attestation sur l'honneur ; attendu qu'il convient d'examiner les éléments produits par chacun des salariés concernés ; que la situation de Messieurs
C...
,
G...
, Y...

A...
, I... : attendu que ces cinq salariés, malgré l'injonction de la cour de produire les éléments de preuve nécessaires à l'examen de leur demande n'ont produit aucune pièce, ni même d'explication sur leur situation professionnelle depuis leur licenciement ; que dans ces conditions chacun d'eux comptabilisant une ancienneté supérieure à deux ans, il leur sera alloué des dommages et intérêts da s la limite de six mois de salaires, soit Monsieur C... 9. 244, 56 €, Monsieur
G...
10. 920, 00 €, Monsieur Y... 11. 814, 00 €, Monsieur
A...
13. 819, 98 €, Monsieur I... 13. 146 € ; sur la situation de Monsieur X... : attendu que Monsieur X..., après 23 ans d'activité au sein de l'entreprise a justifié avoir perçu l'allocation de solidarité spécifique depuis le 3 mai 2007 jusqu'au 29 juin 2009 ; qu'il ne justifie pas de cette situation postérieurement à cette date mais qu'au regard de la période de chômage subie, l'indemnisation à hauteur de 2 ans de salaire évalué par les premiers juges relève d'une juste appréciation et sera confirmée (soit 40. 649, 76 €) ; sur la situation de Monsieur
K...
: attendu que Monsieur
K...
né le 30 décembre 1950 a été embauché en janvier 1977 ; qu'il justifie avoir perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi de juin 2005 à juin 2008 et ensuite l'équivalent retraite jusqu'au 30 septembre 2009 ; qu'au vu de ces éléments l'indemnisation appréciée en première instance à hauteur de 40. 584 € soit l'équivalent de 24 mois de salaire sera confirmée ; sur la situation de Monsieur L... : attendu que Monsieur L... comptabilisait 40 ans d'ancienneté, qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et a été indemnisé au titre de l'aide au retour à l'emploi jusqu'en mai 2008 ; que son préjudice sera évalué à 35. 000 € ; sue la situation de Monsieur M... : attendu que Monsieur M... est en invalidité depuis le mois de février 2001 ; que son préjudice sera entièrement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10. 211 € ; sur la situation de Monsieur Z... : attendu que Monsieur Z... était âgé de 54 ans et comptabilisait 34 ans d'ancienneté ; qu'il a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 24 octobre 2004, a retrouvé un emploi à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée du 4 septembre 2007 au 31 mai 2009 ; qu'à ce jour, il est à la retraite ; que son préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 40. 000 € ; sur la situation de Monsieur D... : attendu que Monsieur D... a travaillé 38 ans au sein de l'entreprise ; a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi de juillet 2006 à août 2009 et a occupé un emploi à temps partiel de juin 2005 à septembre 2008 de tourneur fraiseur alors qu'il occupait un poste d'agent de maîtrise au salaire de 2. 615 € ; qu'il est à la retraite depuis le mois de septembre 2009 ; qu'il lui sera alloué la somme de 65. 000 € ; sur la situation de Monsieur
N...
: attendu que Monsieur
N...
a été licencié aux termes de 22 ans d'ancienneté, qu'il n'a pas retrouvé d'emploi et a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'à août 2008 puis l'allocation de solidarité spécifique jusqu'au 31 octobre 2009 ; qu'il y a lieur de confirmer la somme allouée par les premiers juges soit 52. 132, 56 € ; sur la situation de Monsieur B... : attendu que Monsieur B... était âgé de 51 ans au moment de son licenciement et comptabilisait 23 ans d'ancienneté ; qu'il justifie ne pas avoir retrouvé d'emploi, avoir perçu des indemnités du 18 juin 2005 au 24 septembre 2008 et avoir été admis au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique du 25 septembre 2008 au 31 octobre 2009 ; qu'au vu de ces éléments, il lui sera alloué la somme de 42. 504 € soit l'équivalence de 24 mois de salaires ; sur la situation de Monsieur
O...
: attend que Monsieur O... était âgé de 41 ans et avait été embauché en juin 1998 ; qu'il percevait un salaire mensuel de 2. 136, 26 € ; qu » après avoir effectué des missions d'intérim, il a retrouvé un emploi en contrat de travail à durée indéterminée en mars 2006 ; que son préjudice sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 18. 000 € ; sur la situation de Monsieur
H...
: attendu que Monsieur H... a été licencié aux termes de 5 ans d'ancienneté ; qu'il percevait une rémunération brute moyenne de 1. 845, 46 € par mois ; qu'il a un emploi en contrat de travail à durée indéterminée en juin 2005 moyennant un salaire brut mensuel de 1. 289, 20 € ; qu'il lui sera alloué la somme de 14. 763 € ; sur la situation de Madame E... : attendu que Madame E... née en mars 1946 a travaillé 34 ans au sein de l'entreprise ; qu'elle a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 24 avril 2005 et a fait valoir ses droits à la retraite en avril 2006 ; que son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 20. 000 € ; sur la situation de Madame F... : attendu que Madame F... née en janvier 59 a été engagé en 1977, qu'elle a retrouvé un emploi en contrat de travail à durée indéterminée en septembre 2008 moyennant une rémunération mensuelle brute de 1. 387, 78 € alors qu'elle percevait un salaire brut moyen de 1. 824 € ; qu'il y a lieu de confirmer l'indemnisation à hauteur de 43. 776 € ; sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail : attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limité de six mois d'indemnités de chômage est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance » ;

1) ALORS QUE la réparation du préjudice résultant d'un licenciement injustifié ne peut être obtenue que sous réserve que le licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse ; dès lors la cassation à intervenir sur la disposition de l'arrêt du 14 octobre 2009 ayant dit et jugé que les licenciements des salariés demandeurs étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse entraînera, par voie de conséquence nécessaire, et par application des dispositions de l'article 625 du Code de procédure civile, l'annulation du chef du dispositif de l'arrêt du 23 juin 2010 ayant condamné la société KME France à verser aux salariés diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2) ALORS, en tout état de cause, QU'un salarié ayant fait l'objet d'un licenciement injustifié et comptabilisant au moins deux ans d'ancienneté ou employé au sein d'une entreprise comptant habituellement plus de onze salariés ne peut obtenir une indemnité supérieure à six mois de salaires que s'il démontre que le préjudice qu'il a subi est supérieur à ce minimum ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que les salariés demandeurs n'apportaient nullement cette preuve eu égard aux revenus qu'ils avaient perçus après leur licenciement (salaires, retraite, ou allocations chômages) ; qu'en accordant aux salariés X...,
K...
, L..., Z..., D...,
N...
, B...,
O...
, H..., E... et F... une indemnisation supérieure à six mois de salaires au regard de leur ancienneté dans l'entreprise et de leur période de chômage vécue après leur licenciement, sans tenir compte des revenus perçus par ces derniers qui étaient de nature à atténuer, voire à supprimer le préjudice résultant de la perte de leur emploi, revenus dont le calcul n'était au demeurant nullement contesté, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 1235-3 du Code du travail et du principe de la réparation intégrale du préjudice ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-72203;10-20555
Date de la décision : 12/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 23 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 2012, pourvoi n°09-72203;10-20555


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:09.72203
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