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11/01/2012 | FRANCE | N°10-30893

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 janvier 2012, 10-30893


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 23 juin 2010), qu'une délibération du conseil municipal de la commune de la Demie (la commune) a autorisé la vente de terrain à la société civile immobilière La Combe (la SCI) pour la réalisation d'un lotissement ; que l'acte comportait une condition suspensive d'obtention d'une autorisation de lotir et fixait au 15 novembre 2004 la réitération de la vente par acte authentique ; qu'après avoir donné son accord pour lotir six

parcelles et émis un avis favorable à la demande de bâtir, la commune a, le...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 23 juin 2010), qu'une délibération du conseil municipal de la commune de la Demie (la commune) a autorisé la vente de terrain à la société civile immobilière La Combe (la SCI) pour la réalisation d'un lotissement ; que l'acte comportait une condition suspensive d'obtention d'une autorisation de lotir et fixait au 15 novembre 2004 la réitération de la vente par acte authentique ; qu'après avoir donné son accord pour lotir six parcelles et émis un avis favorable à la demande de bâtir, la commune a, le 25 mars 2005, indiqué qu'elle ne donnait pas suite à la réalisation de l'opération ; que la SCI l'a assignée pour rupture brutale du compromis et en réparation de son préjudice ;

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable du préjudice occasionné à la SCI par suite de la non-réalisation de l'opération de promotion immobilière convenue entre les parties le 25 juin 2004, alors, selon le moyen :

1°/ que commet une faute le débiteur qui, par sa carence, empêche la réalisation de la condition suspensive sous laquelle il a contracté ; qu'ayant constaté que la SCI La Combe, qui s'était engagée à acquérir un terrain de la commune de La Demie le 25 juin 2004 sous la condition suspensive de l'obtention d'un arrêté de lotir pour cinq parcelles, n'avait déposé à la préfecture un dossier de demande d'autorisation de lotir portant sur six parcelles au lieu des cinq convenues que le 26 novembre 2004, soit cinq mois plus tard, et que, ainsi qu'en atteste la lettre adressée à la SCI par les services de la préfecture le 21 février 2005, le dossier fourni était «toujours incomplet» malgré «différents contacts» et une réunion du 17 janvier 2005, la cour d'appel, qui a néanmoins énoncé que ces faits ne permettaient pas de considérer que la SCI La Combe avait fait preuve d'une carence justifiant qu'il fût mis fin au projet par la commune de La Demie, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que, subsidiairement, la commune de La Demie soutenait qu'il n'existait aucun lien de causalité entre sa décision du 25 mars 2005 de ne pas donner suite au projet de vente de sa parcelle à la SCI La Combe et le préjudice invoquée par celle-ci, constitué des frais exposés et du manque à gagner, dans la mesure où l'opération de promotion immobilière projetée était subordonnée à la délivrance d'un permis de lotir par les services de l'État et où il n'existait aucune certitude que cette autorisation aurait été obtenue par la SCI La Combe, faute par cette dernière de justifier qu'elle aurait été à même de fournir les pièces que lui réclamait le service instructeur ; qu'en omettant de répondre à ce moyen propre à exclure toute responsabilité de la commune de La Demie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par des motifs non critiqués, qu'après la date prévue pour la réitération de la vente les parties avaient renoncé à se prévaloir des conditions suspensives, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir qu'en prenant la décision de rompre brutalement le "compromis" après avoir donné un avis favorable au projet, la commune avait commis une faute et était tenue de réparer le préjudice en résultant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de La Demie aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de La Demie à payer à la SCI La Combe la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la commune de La Demie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la commune de La Demie

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré la commune de LA DEMIE responsable du préjudice occasionné à la SCI LA COMBE par suite de la non réalisation de l'opération de promotion immobilière convenue entre les parties le 25 juin 2004 et d'avoir ordonné une expertise sur la détermination de ce préjudice,

AUX MOTIFS QUE « le premier juge, par des motifs que la Cour adopte, a exactement analysé les éléments de fait et de droit de la cause, pour en déduire que les parties n'avaient pas fait du 15 novembre 2004, date fixée dans l'acte sous seing privé du 25 juin 2004 pour la réitération par acte authentique de la vente d'une parcelle destinée à la réalisation d'un lotissement, le terme de leur engagement – d'où il résultait que la commune de LA DEMIE, sous la plume de la première adjointe, ne pouvait valablement, par courrier du 25 mars 2005, prétendre "ne pas donner suite au compromis régularisé le 25 juin 2004 en l'étude de Maîtres Bourdin, Held, Perros à Vesoul et expiré le 15 novembre 2004" étant précisé qu'aucune des parties ne produit un compromis signé devant notaire, l'acte du 25 juin 2004 figurant en annexes de part et d'autre consistant en une délibération du conseil municipal, complétée de mentions manuscrites "bon pour accord pour réaliser cette opération sous les conditions suspensives suivantes :
1) délivrance d'un arrêté de bâtir pour 5 parcelles…
2) enregistrement de 3 réservations de futurs acquéreurs, 3) obtention d'un prêt relais…" ;
qu'en effet, après atermoiements sur le nombre de parcelles, le maire de LA DEMIE a donné son accord pour 6 parcelles le 2 novembre 2004 – ce qui signifiait que l'acte authentique ne pourrait être dressé le 15 novembre 2004, et donné un avis favorable à la demande d'autorisation de bâtir le 27 janvier 2005 – ce qui signifiait que l'opération continuait, au-delà du 15 novembre 2004 ; de plus la commune a autorisé la SCI LA COMBE à procéder à des sondages le 24 février 2005 ; il sera ajouté que la télécopie émanant de M. X..., gérant de la SCI LA COMBE, en date du 28 janvier 2005, n'a pas la portée que lui prête l'appelante : outre que l'emploi de la formule "la SCI LA COMBE s'engage à acheter …le terrain qui a fait l'objet (souligné par la Cour) d'une promesse de vente…" ne signifie pas nécessairement que l'auteur de ces lignes admettait par là la caducité de cette promesse, cet engagement avait pour but de garantir à la commune qu'en définitive elle ne supporterait pas le coût des travaux de viabilité "sur le domaine communal le long de la RD 78" ; en revanche rien n'établit que, comme le soutient la commune, cet engagement manifestait une modification de l'économie du projet initial qui aurait été totalement différent du projet étudié après le 15 novembre 2004, et qui serait devenu caduc après cette date ; comme dit précédemment, la commune de LA DEMIE a mis fin au projet en mars 2005 au prétexte de la caducité du projet initial sans faire référence à un nouveau projet et les circonstances dans lesquelles la SCI LA COMBE a été amenée à prendre l'engagement précité du 28 janvier 2005, ainsi que la portée exacte de cet engagement, ne sont pas suffisamment explicitées par l'appelante qui s'en prévaut ; enfin s'il est vrai que le service instructeur a écrit à la SCI LA COMBE le 21 février 2005 pour lui rappeler que son dossier était incomplet, notamment en ce que manquait le programme détaillé des travaux à réaliser dans le cadre du lotissement et la justification d'une convention de transfert des équipements communs, le délai d'un mois seulement écoulé entre ce courrier et la notification de la rupture, sans mise en demeure de la part de la commune – qui ait allusion à une réunion du 17 mars 2005 dont aucune trace écrite n'est présentée – ne permet pas de considérer que la SCI LA COMBE avait fait preuve d'une carence justifiant qu'il fût mis fin au projet ;» (arrêt p.3)

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « le 1er juin 2004, le conseil municipal de LA DEMIE a accepté de vendre à la SCI LA COMBE une parcelle cadastrée section 19 d'une contenance de 7 ares 65 centiares pour la réalisation d'un lotissement ; le 25 juin 2004, la SCI LA COMBE a donné son accord pour réaliser cette opération sous les conditions suspensives suivantes :
"1er délivrance d'un arrêté de lotir pour 5 parcelles…
2ème enregistrement de 3 réservations de futurs acquéreurs
3ème obtention d'un prêt relais
l'acte notarié devant intervenir au plus tard le 15 novembre 2004 ;"
que le maire de la commune de LA DEMIE, régulièrement habilité à cet effet, a pris connaissance de cet accord et l'a accepté ; le 2 novembre 2004, un accord a été donné par le maire sur un projet de lotissement portant sur la création de six parcelles ; il n'est toutefois pas contestable qu'à la date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique à recevoir par l'étude Bourdin, Held, Perros à VESOUL les conditions suspensives n'étaient pas réalisées ; il résulte néanmoins des pièces versées au dossier que, postérieurement au 15 novembre 2004, un projet a été poursuivi entre les parties, ainsi :
- des plans portant sur la création d'un lotissement de 6 parcelles ont été établis le 19 novembre 2004, conformément à l'accord donné par le maire le 2 novembre 2004
- le 26 novembre 2004, une demande d'autorisation de lotissement a été déposée,
- le 27 janvier 2005, le maire de la commune de LA DEMIE a émis un avis favorable à la demande d'autorisation de division de la parcelle objet de la vente et à la "création de six terrains à bâtir sur la parcelle ZC 19"
- le 24 février 2005, la SCI LA COMBE a été autorisée à procéder à des sondages sur cette même parcelle
(…)
que ces éléments s'inscrivent dans la poursuite de la vente conclue entre les parties le 25 juin 2004 ; l'engagement unilatéral contracté le 28 janvier 2005 par la SCI LA COMBE ne concerne qu'un point annexe tenant aux modalités de prise en charge des frais occasionnés par les travaux de viabilité ; il n'établit aucunement que la SCI LA COMBE ait entendu poursuivre un autre projet avec la commune de LA DEMIE ; au vu de ces observations, il apparaît que les parties ont poursuivi leurs relations pour mener à bien leur projet initial de création d'un lotissement sur la commune de LA DEMIE et donc renoncer à se prévaloir des conditions suspensives stipulées au profit de la SCI LA COMBE, en prenant la décision de ne plus donner suite à ses engagements et de rompre brutalement le compromis de vente signé le 25 juin 2004, la commune de LA DEMIE a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; » (jugement p.4 et 5)

1°) ALORS QUE commet une faute le débiteur qui, par sa carence, empêche la réalisation de la condition suspensive sous laquelle il a contracté ; qu'ayant constaté que la SCI LA COMBE, qui s'était engagée à acquérir un terrain de la commune de LA DEMIE le 25 juin 2004 sous la condition suspensive de l'obtention d'un arrêté de lotir pour cinq parcelles, n'avait déposé à la préfecture un dossier de demande d'autorisation de lotir portant sur six parcelles au lieu des cinq convenues que le 26 novembre 2004, soit cinq mois plus tard, et que, ainsi qu'en atteste la lettre adressée à la SCI par les services de la préfecture le 21 février 2005, le dossier fourni était «toujours incomplet » malgré « différents contacts » et une réunion du 17 janvier 2005, la Cour d'appel, qui a néanmoins énoncé que ces faits ne permettaient pas de considérer que la SCI LA COMBE avait fait preuve d'une carence justifiant qu'il fût mis fin au projet par la commune de LA DEMIE, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, la commune de LA DEMIE soutenait qu'il n'existait aucun lien de causalité entre sa décision du 25 mars 2005 de ne pas donner suite au projet de vente de sa parcelle à la SCI LA COMBE et le préjudice invoquée par celle-ci, constitué des frais exposés et du manque à gagner, dans la mesure où l'opération de promotion immobilière projetée était subordonnée à la délivrance d'un permis de lotir par les services de l'État et où il n'existait aucune certitude que cette autorisation aurait été obtenue par la SCI LA COMBE, faute par cette dernière de justifier qu'elle aurait été à même de fournir les pièces que lui réclamait le service instructeur ; qu'en omettant de répondre à ce moyen propre à exclure toute responsabilité de la commune de LA DEMIE, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-30893
Date de la décision : 11/01/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 23 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 11 jan. 2012, pourvoi n°10-30893


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.30893
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