La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2011 | FRANCE | N°10-28357

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 décembre 2011, 10-28357


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 octobre 2010) que M. X... a été engagé par le Crédit agricole le 1er février 1973, qu'au dernier état de ses fonctions, il occupait le poste de responsable de développement immobilier ; qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 2 mars 2007 ; que le 3 septembre 2007, à l'occasion d'une visite médicale, le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilit

é de reclassement le 1er octobre 2007 ; que le 2 avril 2008, sa maladie a été ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 26 octobre 2010) que M. X... a été engagé par le Crédit agricole le 1er février 1973, qu'au dernier état de ses fonctions, il occupait le poste de responsable de développement immobilier ; qu'il a été placé en arrêt de travail à compter du 2 mars 2007 ; que le 3 septembre 2007, à l'occasion d'une visite médicale, le médecin du travail l'a déclaré inapte à tout poste dans l'entreprise avec danger immédiat ; qu'il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 1er octobre 2007 ; que le 2 avril 2008, sa maladie a été prise en charge par la Mutualité sociale agricole au titre de la législation sur les maladies professionnelles, avec effet rétroactif au 20 septembre 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour perte d'emploi, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel (p. 23), M. X... écrivait : «Il sera fait droit à la demande d'indemnité présentée par M. X... pour sa perte d'emploi, soit 320 000 euros sur le fondement retenu par le conseil des prud'hommes, à savoir que le Crédit agricole n'avait pas respecté son obligation de sécurité pour protéger son salarié (art. L. 4121-1 du code du travail) et avait de ce chef engagé sa responsabilité ; il sera retenu à ce titre le fait que le Crédit agricole soit resté totalement inactif face aux accusations émises par M. X... dès janvier 2006 alors que l'article L. 1152-4 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral» ; qu'ainsi, en énonçant que M. X... ne faisait pas «le lien entre cette abstention et la perte de son emploi», la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la cour d'appel, qui constatait que la CRCAM de l'Anjou et du Maine, ayant eu connaissance des accusations portées à l'encontre de M. Y..., s'était abstenue de toute investigation, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et morale de son salarié, n'a pas titré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient légalement en déboutant M. X... de sa demande indemnitaire et a violé les articles L. 1152-4 et L. 1421-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le salarié n'avait pas été victime de la part de son employeur d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail, que tirant de ces constatations les conséquences légales, elle a pu dire, sans encourir les griefs du moyen, qu'aucun lien n'était établi entre l'absence d'investigation de l'employeur sur les accusations portées par le salarié à l'encontre de son supérieur hiérarchique et la perte de l'emploi pour inaptitude ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 1226-14 du code du travail, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié licencié en raison d'une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l'employeur a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l'employeur ; qu'ainsi, en se déclarant incompétent pour statuer sur la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts réparant la perte d'emploi en raison de la faute inexcusable de la CRCAM de l'Anjou et du Maine, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que la rupture du contrat de travail pour inaptitude du salarié consécutive à une maladie professionnelle ouvre droit, pour le salarié, au doublement prévu par l'article L. 1226-14 du code du travail, des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, peu important que l'employeur ait ou non connu, lors du licenciement, l'origine professionnelle de la maladie ; qu'ainsi, en déboutant M. X... de ses demandes au motif qu'il n'était pas établi que la CRCAM de l'Anjou et du Maine avait connaissance, lors du licenciement, de l'éventuelle origine professionnelle de la maladie de M. X... et qu'il ne pouvait en conséquence lui être reproché de ne pas avoir respecté la législation en la matière, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté qu'aucune pièce ne permettait d'établir que la CRCAM de l'Anjou et du Maine avait connaissance, lors du licenciement, de l'éventuelle origine professionnelle de la maladie de M. X..., de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir respecté la législation sur l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, en a exactement déduit que l'article L. 1226-14 du code du travail n'était pas applicable ;
Et attendu que le seul chef de dispositif visé par le grief relatif au second moyen étant ainsi justifié, la première branche est devenue sans portée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour perte d'emploi,
AUX MOTIFS QUE
« L 'article L 4121-1 du Code du Travail dispose :
« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1 ° des actions de prévention des risques professionnels,2° des actions d'information et de formation,3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».
L'article L 1152-4 du Code du Travail ne fait que reprendre ces principes en matière de harcèlement moral :
« L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ».
II s'agit là d'obligations de sécurité, de résultat, qui pèsent sur l'employeur à l'égard de ses salariés.
Aujourd'hui, il est confirmé que la CRCAM de l'Anjou et du Maine ne s'est pas rendue coupable de harcèlement moral à l'encontre de Monsieur Patrice X....
Elle se devait toutefois, au moins à partir du 25 mars 2006, puisqu'elle affirme que c'est seulement à cette dernière date, à l 'occasion d'une réponse de Monsieur Patrice X... à Monsieur Jean A..., Directeur des Ressources Humaines, qu 'elle a connu les accusations de ce chef portées contre Monsieur Guy Y..., d'entamer toutes investigations à ce propos (CHSCT...).Ce n'est pas pour cela que Monsieur Patrice B... fait le lien entre cette abstention et la perte de son emploi, le 1" octobre 2007. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
Dans ses conclusions d'appel (p. 23), Monsieur X... écrivait : « Il sera fait droit à la demande d'indemnité présentée par Monsieur X... pour sa perte d'emploi, soit 320.000 E sur le fondement retenu par le Conseil des Prud'hommes, à savoir que le Crédit Agricole n'avait pas respecté son obligation de sécurité pour protéger son salarié (art. L 4121-1 du Code du Travail) et avait de ce chef engagé sa responsabilité ; il sera retenu à ce titre le fait que le Crédit Agricole soit resté totalement inactif face aux accusations émises par Monsieur X... dès janvier 2006 alors que l'article L 1152-4 du Code du Travail impose à 1 'employeur de prendre les mesures nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral » ; qu'ainsi, en énonçant que Monsieur X... ne faisait pas « le lien entre cette abstention et la perte de son emploi», la Cour d'Appel a dénaturé les conclusions du salarié et violé l'article 4 du Code de Procédure Civile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
La Cour d'Appel, qui constatait que la CRCAM de l'Anjou et du Maine, ayant eu connaissance des accusations portées à l'encontre de Monsieur Y..., s'était abstenue de toute investigation, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé physique et morale de son salarié, n'a pas titré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient légalement en déboutant Monsieur X... de sa demande indemnitaire et a violé les articles L 1152-4 et L 1421-1 du Code du Travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes d'indemnisation de Monsieur X... sur le fondement de l'article L 1226-14 du Code du Travail,
AUX MOTIFS QUE
« Les rapports entre la Caisse et l'assuré sont indépendants des rapports entre la Caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l''employeur.
Dès lors, le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l'employeur, du fait de I'inopposabilité de la décision de la Caisse à ce dernier, ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable dudit employeur.
C'est à la juridiction de rechercher, après débat contradictoire, si la maladie a un caractère professionnel et si 1 'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute.
Il revient, en revanche, au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, et non au Conseil de Prud'hommes, de statuer sur ces deux points.
Il conviendra donc, de se déclarer incompétent et d'infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu 'il a reçu les demandes de Monsieur Patrice X... en application de l'article L 1226-14 du Code du Travail, qui prévoit des indemnisations spécifiques lors de la rupture d'un contrat de travail consécutive à une maladie professionnelle. Il faut rappeler que, lorsque le Conseil de Prud'hommes a statué, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale n'avait pas encore déclaré inopposable à la CRCAM de 1'Anjou et du Maine la décision de la MSA d'admission de la maladie de Monsieur Patrice X... au titre de la législation professionnelle.
Mais rien ne permettait d'établir au dossier que la CRCAM de l'Anjou et du Maine avait connaissance, lors du licenciement qu 'elle a prononcé, de l'éventuelle origine professionnelle de la maladie de Monsieur Patrice X.... il ne pouvait, en conséquence, lui être reproché de ne pas avoir respecté la législation en la matière »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
Le salarié licencié en raison d'une inaptitude consécutive à une maladie professionnelle qui a été jugée imputable à une faute inexcusable de l'employeur a droit à une indemnité réparant la perte de son emploi due à cette faute de l'employeur ; qu'ainsi, en se déclarant incompétent pour statuer sur la demande de Monsieur X... en paiement de dommages-intérêts réparant la perte d'emploi en raison de la faute inexcusable de la CRCAM de l'Anjou et du Maine, la Cour d'Appel a violé l'article L 1226-14 du Code de la Sécurité Sociale,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
La rupture du contrat de travail pour inaptitude du salarié consécutive à une maladie professionnelle ouvre droit, pour le salarié, au doublement prévu par l'article L 1226-14 du Code du Travail, des indemnités compensatrices de préavis et de licenciement, peu important que l'employeur ait ou non connu, lors du licenciement, l'origine professionnelle de la maladie ; qu'ainsi, en déboutant Monsieur X... de ses demandes au motif qu'il n'était pas établi que la CRCAM de l'Anjou et du Maine avait connaissance, lors du licenciement, de l'éventuelle origine professionnelle de la maladie de Monsieur X... et qu'il ne pouvait en conséquence lui être reproché de ne pas avoir respecté la législation en la matière, la Cour d'Appel a violé l'article L 1226-14 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-28357
Date de la décision : 14/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 26 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 déc. 2011, pourvoi n°10-28357


Composition du Tribunal
Président : M. Trédez (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.28357
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award