LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 14 avril 1993, M. X... a acquis les droits sur la marque "Liberfree Troussepinette", enregistrée le 29 janvier 1988 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle sous le numéro 1.447571, pour des produits de la classe 33 correspondant aux boissons alcooliques (à l'exception des bières), cidres, digestifs (alcools et liqueurs), vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques ; qu'après avoir mis vainement en demeure la société I. Cochain de cesser la commercialisation de son apéritif sous le terme La Troussepinette, qu'il avait constatée au début de l'année 2008, il l' a assignée en contrefaçon de sa marque par reproduction à l'identique ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt écarte les éléments de preuve fournis par la société I. Cochain pour justifier du caractère générique du terme Troussepinette aux motifs qu'ils seraient postérieurs au dépôt de la marque "Liberfree Troussepinette" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère générique d'un signe s'apprécie lorsqu'il est opposé à une action en contrefaçon à la date à laquelle a commencé l'usage prétendument contrefaisant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société I. Cochain la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société I .Cochain
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait, sous astreinte, interdiction à la société I. COCHAIN de commercialiser des vins spiritueux sous l'appellation "TROUSSEPINETTE" ou "TROUSSEPINETE" et d'avoir en conséquence débouté la société I. COCHAIN de l'ensemble de ses demandes;
AUX MOTIFS QU' « aux termes des dispositions combinées des articles L.716-1 et L.713-2 du code de la Propriété Intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur et que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque même avec l'adjonction de mots tels que « formule, façon, système, imitation, genre méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite pour des produits ou services identiques à ceux désignés à l'enregistrement » ; qu'en l'espèce il est démontré et au demeurant non contesté que Monsieur X... est bien propriétaire de la marque TROUSSEPINETTE depuis son dépôt du 20 janvier 1988 et que la société I. CO C HAIN a commercialisé, postérieurement à cette date, un apéritif identique à celui commercialisé par Monsieur X... sous le nom de TROUSSEPINETE quasi identique à celui de la marque déposée quant au nombre de lettres utilisées et identique quant à la prononciation ; que dès lors la contrefaçon est établie ce que la société I. CO C HAIN ne conteste pas ; que pour faire échec à cette situation la société I. CO C HAIN excipe des dispositions de l'article L.711-2 du code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; qu'il appartient, en conséquence à la société I. CO C HAIN de rapporter la preuve que la TROUSSEPINETTE ou TROUSSEPINETE correspond à un apéritif de consommation courante et que ce terme générique existait antérieurement au dépôt de la marque du 29 janvier 1988 ; que les éléments recueillis par la société I. CO C HAIN sur les différents sites internet faisant référence ou utilisant le mot TROUSSEPINETTE sont tous très largement postérieurs au 29 janvier 1988 sans que l'on puisse au surplus rattacher ce terme à une recette d'apéritif en particulier, recette qui serait connue d'une partie notable de la population même limitée au département de la Vendée ; que le dictionnaire des termes du poitevin saintongeais a été publié en 1996 soit postérieurement à la date du dépôt de la marque et que l'article de presse du 14 septembre 2000 publié par le quotidien PRESSE OCEAN ne donne aucune information particulière quant à l'origine dans le temps de ce qui est indiqué comme étant un apéritif vendéen bien connu ; que la société I. CO C HAIN verse également aux débats un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 19 septembre 2001 dans un litige ayant opposé Monsieur X... et la maison MOURAT au GIE LISE BACARAT et aux termes duquel il a été considéré que la dénomination "TROUSSEPINETTE" ou "TROUSSEPINETE" constituait à la date du dépôt de la marque LIBERFREE TROUSSEPINETTE la désignation nécessaire et générique d'un apéritif régional ; que contrairement à ce que soutient le société I.CO C HAIN, cette décision n'a pas autorité de chose jugée à son égard dès lors qu'elle n'était pas partie à la procédure et alors qu'au surplus les parties concernées n'ont pas exécuté cette décision, un accord de commercialisation du produit objet du litige étant intervenu ultérieurement entre les parties ; qu'il sera par ailleurs observé que le tribunal de Grande Instance de Paris, pour statuer comme il l'a fait, a pris en compte des documents et/ou témoignages qui ne sont pas versés aux débats par la société I. CO C HAIN au soutien de sa prétention ; qu'il sera par ailleurs retenu que le propriétaire de la marque "TROUSSEPINETTE" avait engagé à l'encontre des époux I. CO C HAIN une procédure de référé devant le tribunal de Grande Instance des SABLES D'OLONNE et que par une ordonnance en date du 28 août 1991 il leur a été fait interdiction, tant par eux-mêmes que par personne interposée, d'utiliser la marque TROUSSEPINETTE ; qu'à l'occasion de ce litige les époux I. CO C HAIN n'ont pas contesté la contrefaçon de marque et ont seulement fait valoir un défaut d'information ; qu'eu égard à ces éléments et dès lors que la société I. CO C HAIN ne rapporte pas la preuve que la marque "TROUSSEPINETTE" est exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit, il convient, par information du jugement déféré, de faire droit à la demande de Monsieur X..., les produits vendus par la société I.CO C HAIN sous le nom de "TROUSSEPINETTE"étant contrefaisants ; que convient la société I. CO C HAIN sera, en conséquence, déboutée de l'ensemble de ses demande » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour déterminer l'étendue de la protection d'une marque en fonction de son pouvoir distinctif, le juge doit prendre en considération la perception du public concerné au moment où le signe, dont il est prétendu qu'il porterait atteinte à cette marque, a commencé à faire l'objet d'une utilisation ; qu'en l'espèce, Monsieur X... prétendait que l'usage, qu'il avait constaté au début de l'année 2008, de la dénomination « LA TROUSSEPINETE » par la société I. COCHAIN pour vendre un apéritif porterait atteinte à sa marque « LIBERFREE TROUSSEPINETTE » déposée le 29 janvier 1988 et enregistrée sous le numéro 1.447571 ; qu'en retenant qu'il appartenait à la société I. COCHAIN de rapporter « la preuve que la TROUSSEPINETTE ou TROUSSEPINETE correspond à un apéritif de consommation courante et que ce terme générique existait antérieurement au dépôt de la marque du 29 janvier 1988 », et en écartant en conséquence les éléments de preuve fournis par la société I. COCHAIN, pour justifier du caractère générique du terme « TREOUSSEPINETTE », aux motifs qu'ils seraient postérieurs au dépôt de la marque « LIBERFREE TROUSSEPINETTE », la Cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière de l'article 5 § 1 de la directive la directive 89/104 CE du 21 décembre 1988 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE Monsieur X... incriminait une atteinte à la marque « LIBERFREE TROUSSEPINETTE » déposée le 29 janvier 1988 et enregistrée sous le numéro 1.447571 qui lui avait été cédée le 14 avril 1993 ; qu'en retenant qu'il serait démontré et non contesté que Monsieur X... serait bien propriétaire de la marque « TROUSSEPINETTE », et qu'en commercialisant « un apéritif identique à celui commercialisé par Monsieur X... sous le nom de « TROUSSEPINETE » quasi identique à celui de la marque déposée quant au nombre de lettres utilisées et identique quant à la prononciation », la société I. COCHAIN se serait rendue coupable de contrefaçon, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT QUE la contrefaçon par reproduction suppose l'usage d'un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ; qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen ; qu'il appartient au juge de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en l'espèce la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... était titulaire de la marque « LIBERFREE TROUSSEPINETTE » tandis qu'était incriminé l'usage par la société I. COCHAIN du signe « LA TROUSSEPINETE » ; qu'en retenant que la société I. COCHAIN se serait rendue coupable de contrefaçon par reproduction à l'identique de la marque de Monsieur X... aux motifs que les signes « TROUSSEPINETTE » et « TROUSSEPINETE » seraient quasi identiques visuellement et identiques phonétiquement, sans prendre en compte le fait que la marque déposée ne portait pas sur la seule dénomination « TROUSSEPINETTE » mais sur les termes « LIBERFREE TROUSSEPINETTE », la Cour d'appel, qui n'a pas comparé le signe incriminé à la marque prise en son ensemble, ne s'attachant qu'à la reproduction de l'un de ses termes, n'a pas caractérisé que le signe « TROUSSEPINETE » reproduisait sans modification les éléments de la marque « LIBERFREE TROUSSEPINETTE », et a violé ensemble l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 5 § 1 de la directive 89/104 CE du 21 décembre 1988, et l'article 12 du Code de procédure civile.