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13/12/2011 | FRANCE | N°10-23424

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2011, 10-23424


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 juin 2010), que M. X..., engagé le 6 décembre 2004 par la société Madéo holding en qualité de directeur marketing et commercial, a été licencié pour motif économique par lettre du 4 mai 2006 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement pour motif économique de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen

:
1°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome si...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 juin 2010), que M. X..., engagé le 6 décembre 2004 par la société Madéo holding en qualité de directeur marketing et commercial, a été licencié pour motif économique par lettre du 4 mai 2006 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement pour motif économique de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et de la condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, peu important l'absence de difficultés économiques au jour du licenciement ; que le juge ne peut donc exclure l'existence d'une menace sur la compétitivité au seul motif de l'absence de difficultés économiques à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en se fondant sur l'absence de difficultés économiques avérées à la date du licenciement de M. X..., pour en déduire que la restructuration entreprise n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et qui seront avérées six mois après le licenciement ; qu'en constatant que les résultats du groupe étaient largement déficitaires en 2006, soit six mois après le licenciement de M. X..., et qu'une procédure de conciliation avait été ouverte devant le tribunal de commerce le 17 juillet 2007, et en affirmant néanmoins que la SARL Madéo holding ne démontrait pas la nécessité de réorganiser l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité à la date du licenciement puisque les documents produits pour justifier des difficultés financières étaient postérieurs au licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Mais attendu que, sous couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle les juges du fond, analysant les éléments de preuve qui leur étaient soumis, ont retenu qu'à la date de la rupture, la réorganisation invoquée par l'employeur dans la lettre de licenciement n'était justifiée ni par des difficultés économiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Madéo holding aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour la société Madéo holding.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le licenciement pour motif économique de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SARL Madéo Holding à payer à Monsieur X... la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE les motifs énoncés dans la lettre de licenciement et fixant les limites du litige, sont ainsi rédigés : « Dans un contexte économique particulièrement tendu, caractérisé par une situation économique dégradée et une perte de compétitivité de nos structures d'exploitation, il apparaît nécessaire de réduire nos charges de structure. A ce titre, nous avons décidé de restructurer le service marketing et commercial en supprimant votre emploi de directeur commercial et marketing ainsi qu'un emploi d'assistante de direction. Dans le cadre de la nouvelle organisation mise en oeuvre, nous allons en effet réorganiser la fonction marketing et commercial qui sera désormais dévolue directement aux managers de site avec l'appui des attachés commerciaux pour les aspects opérationnels et à moi-même pour les aspects plus fonctionnels. La suppression de votre emploi de directeur marketing et commercial nous amène ainsi, en l'absence de possibilité de reclassement, à vous notifier votre licenciement pour motif économique » ; qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, il appartient au juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif économique, de vérifier l'existence des difficultés économiques ou de mutations technologiques ou de la réorganisation effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise dans son secteur d'activités alléguées par l'employeur ayant entraîné la suppression du poste du salarié ; que pour dire le licenciement justifié pour une cause réelle et sérieuse, le premier juge a considéré que la lettre de licenciement était suffisamment motivée, qu'il existait des difficultés économiques confirmées par la désignation d'un mandataire ad hoc et l'ouverture en 2007 d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce, que l'emploi du salarié a été supprimé et l'obligation de reclassement respectée ; qu'étant relevé qu'il n'invoque plus en appel l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, Monsieur X... soutient que l'employeur ne démontre en rien, à supposer les difficultés économiques justifiées, en quoi celles-ci rendaient nécessaire son licenciement, n'étant pas allégué que ses fonctions ont été supprimées et que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, qu'un poste de directeur d'exploitation qu'il aurait pu occuper était disponible à la période de son licenciement et n'a été pourvu que le 2 janvier 2007 par le beau-frère du dirigeant du groupe ; que la lettre de licenciement énonce une situation économique dégradée et une perte de compétitivité des structures d'exploitation nécessitant une restructuration du service marketing et commercial ; qu'or, l'existence des difficultés économiques et/ou la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise doit s'apprécier au niveau du groupe dans le même secteur d'activité à une date proche du licenciement notifié le 4 mai 2006 ; que pour justifier du motif économique, la SARL Madéo Holding produit les bilans relatifs aux années 2004, 2005 et 2006, les exercices étant clos au 31 décembre de chaque année, les sociétés du groupe Madéo comprenant la SARL Madéo Holding, la SAS Madéo Exploitation, la SARL Garden Immobilière de Gestion, et l'EURL Itech Formation ; que pour cette dernière société relevant d'un autre secteur d'activité, la SARL Madéo Holding soutient qu'elle n'a plus d'activité depuis le 1er juillet 2006, étant déficitaire ; qu'au vu des chiffres d'affaires, résultats d'exploitation des trois sociétés pour les trois années en cause, ainsi que l'état des dettes de la SARL Madéo Holding et de la SAS Madéo Exploitation, tels que les a retranscrits le premier juge dans un tableau, établi par l'employeur et non contesté par le salarié, auquel la cour se reporte, il apparaît que les résultats étaient bénéficiaires en 2004 et 2005, et sont devenus largement déficitaires en 2006, que, cependant, le chiffre d'affaires de Madéo Exploitation reste en hausse en 2006 par rapport à 2004, la SARL Madéo Holding expliquant que le chiffre d'affaires de 2005 s'explique par la location-gérance d'un hôtel au cours de l'année 2005 à laquelle il a été mis fin ; que toutefois, il convient de constater que la SARL Madéo Holding ne produit aucun document concernant la situation intermédiaire à mi-année 2006, à une date proche du licenciement, alors que s'il y a eu une dégradation brutale de la trésorerie, comme l'invoque l'employeur, la seule situation au 31 décembre 2006 ne saurait suffire à justifier des difficultés existantes ou prévisibles en avril, mai 2006 ; qu'en effet, hormis le courrier du 1er juillet 2005 du Crédit Mutuel qui a dénoncé son autorisation de découvert de 30.000 euros, les autres pièces produites sont postérieures au licenciement ; qu'ainsi, par courrier du 4 juillet 2006, la société bordelaise a dénoncé son concours d'un crédit de trésorerie de 150.000 euros à 60 jours ; que les procédures devant le tribunal de commerce de Bordeaux sont en dates pour les premières de 2007, soit désignation d'un mandataire ad hoc le 15 mars 2007, l'ouverture d'une procédure de conciliation du 17 juillet 2007, conciliation homologuée le 30 octobre 2007, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde étant intervenue le 1er juillet 2009, trois ans après le licenciement de Monsieur X... ; que dès lors, il y a lieu de constater qu'alors que les résultats de l'exercice 2005 étaient positifs, en l'absence de production d'une situation intermédiaire, avant la clôture du bilan au 31 décembre 2006, qui aurait montré ou laissé prévoir une dégradation des résultats au premier semestre 2006 et ses éventuelles répercussions, et en l'absence de tout autre document probant, la note d'information au personnel produite n'étant pas datée, mais postérieure à mars 2007, la SARL Madéo Holding ne démontre pas l'existence de difficultés économiques avérées ou de la nécessité d'une réorganisation pour la sauvegarde et la compétitivité de l'entreprise à la date du licenciement, dès lors que les documents susceptibles de justifier de difficultés économiques, et plus particulièrement de difficultés financières, sont largement postérieurs au licenciement, sauf un, le retrait de concours du Crédit Mutuel dont le montant est peu élevé eu égard aux sommes mentionnées aux bilans ; que dans ces conditions, il apparaît que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher si l'employeur a respecté ou non son obligation de reclassement ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être réformé de ce chef ; que compte tenu de son ancienneté, du montant de sa rémunération, du fait du chômage qui s'en est suivi et des circonstances de la rupture, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1°/ ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise, peu important l'absence de difficultés économiques au jour du licenciement ; que le juge ne peut donc exclure l'existence d'une menace sur la compétitivité au seul motif de l'absence de difficultés économiques à la date de la rupture du contrat de travail ; qu'en se fondant sur l'absence de difficultés économiques avérées à la date du licenciement de Monsieur X..., pour en déduire que la restructuration entreprise n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°/ ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise ; que répond à ce critère, la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir et qui seront avérées six mois après le licenciement ; qu'en constatant que les résultats du groupe étaient largement déficitaires en 2006, soit six mois après le licenciement de Monsieur X..., et qu'une procédure de conciliation avait été ouverte devant le tribunal de commerce le juillet 2007, et en affirmant néanmoins que la SARL Madéo Holding ne démontrait pas la nécessité de réorganiser l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité à la date du licenciement puisque les documents produits pour justifier des difficultés financières étaient postérieurs au licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 1233-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-23424
Date de la décision : 13/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 15 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2011, pourvoi n°10-23424


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23424
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