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13/12/2011 | FRANCE | N°10-23260

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2011, 10-23260


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-terre, 7 juin 2010), que Mme X..., engagée le 2 mai 1972 par la société Air France, a signé une convention de préretraite progressive et fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du co

de du travail, le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-terre, 7 juin 2010), que Mme X..., engagée le 2 mai 1972 par la société Air France, a signé une convention de préretraite progressive et fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2008 ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la salariée la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés de la part de l'employeur ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque l'employeur justifie d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, il ne peut être condamné au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral ; que pour dire que la salariée avait été victime de harcèlement moral, la cour d'appel a constaté que la salariée avait subi une disqualification globale de son emploi traduite notamment par l'exercice de nouvelles fonctions de chargée de mission, par le retrait du traitement de la révision des horaires du personnel pour le service VAD, par la mise à l'écart des réunions organisées à cet effet, par une absence de tâches réellement confiées à la salariée et par une baisse de sa notation ; que la cour d'appel a, dans le même temps, relevé que dès le 18 avril 2002, la salariée avait écrit à son supérieur hiérarchique « s'il vous plaît pas de récompense, je suis un être humain et j'ai dépassé mes limites » et que le 15 juin 2002, la salariée avait indiqué à son employeur, qui avait organisé plusieurs entretiens avec elle, qu'elle souhaitait être déchargée du service VAD, estimant que cette charge était devenue trop lourde pour elle à 56 ans ; que la cour d'appel a également constaté que la salariée, qui souhaitait un départ négocié de l'entreprise, avait signé, à sa demande, et de son plein gré, une convention de préretraite progressive le 2 mars 2004 ; que la cour d'appel a enfin relevé qu'à compter du 31 octobre 2002, la salariée avait été en arrêt maladie qui s'était poursuivi par une période de mi-temps thérapeutique à compter du 6 janvier 2003, puis transformé en arrêt maladie longue durée à compter du 12 mai 2005 ; qu'il s'en évinçait nécessairement que l'employeur justifiait d'éléments objectifs à la disqualification d'emploi invoquée, tirés de la volonté même de la salariée d'être déchargée de ses responsabilités et de son état de santé, exclusifs de tout harcèlement moral ; que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié est tenu d'apporter des éléments qui permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral ; que le fait de porter un badge n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, quand bien même le salarié en aurait été autrefois dispensé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sans s'en tenir à la seule nécessité imposée sans raison apparente à la salariée de porter un badge à partir d'une certaine période, la cour d'appel a relevé qu'après la conclusion d'une convention de préretraite progressive, la salariée avait fait l'objet d'une dépossession progressive de ses attributions, d'une baisse régulière de ses notations jusqu'alors excellentes, d'objectifs nouveaux sans rapport avec les tâches qui lui étaient confiées et de l'instauration d'un climat de méfiance à son détriment, ce que ne permettait pas d'expliquer ou de justifier totalement le seul fait de son emploi à mi-temps, et qu'il en était résulté une profonde altération de son état de santé présentant les caractéristiques de troubles réactionnels à de la maltraitance dans le cadre professionnel ; qu'en l'état de ses constatations, elle a pu en déduire que le harcèlement moral était caractérisé ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Air France à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour la société Air France.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR condamné la société Air France à verser à la salariée la somme de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QU'« il doit être relevé, en préalable, que Nadine X... a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à la suite de la signature par elle, le 2 mars 2004, d'une convention de préretraite progressive à compter du 29 mars 2004 avec effet, quant à sa retraite effective, au 1er janvier 2008. Les éléments versés aux débats montrent que la conclusion de cette convention de préretraite progressive a été sollicitée expressément par Nadine X... qui affirme cependant, en prenant appui sur des témoignages de ses collègues de travail, qu'elle aurait souhaité se rétracter pour des raisons financières et qu'on lui aurait alors proposé un travail en " horaires décalés " incompatible avec son statut et son état de santé. Le choix formulé de bénéficier d'une préretraite progressive n'apparaît pas comme ayant été extorqué par l'employeur de manière à vicier le consentement de Nadine X... qui, depuis l'année 2002, avait manifesté son désir de quitter l'entreprise y compris sous la forme d'un " départ négocié ". De ce seul fait, la présente action de la salariée en résiliation de son contrat de travail. Il est devenu sans objet. En effet, la mise à la retraite dont il s'agit ne contrevient en aucune manière aux dispositions de l'article L. 122-14-3 ancien du Code du travail et ne saurait donc être assimilée à un licenciement dont la nullité ne peut être prononcée. La cour demeure néanmoins saisie d'une demande d'indemnisation de faits de harcèlement moral qui auraient pris place entre l'année 2002 et la fin du contrat de travail. Il y a lieu de constater que Nadine X..., engagée par la société AIR FRANCE le 2 mai 1972 en qualité d'agent des services commerciaux. A la suite de concours internes brillamment réussis, elle réalise une progression de carrière constante et ses compétences managériales sont reconnues. Elle accédera ainsi au statut de cadre et aura, en tant que chef de trois services à l'escale de Pointe à Pitre, jusqu'à 23 personnes sous ses ordres. A ce stade, elle va solliciter un temps partiel qui lui sera accordé suivant un avenant à son contrat de travail du 16 mai 2000. Le 1er octobre 2000, elle reprenait son temps plein. La cour relève que lors de l'entretien de fixation d'objectifs et d'évaluation des cadres en date du 18 avril 2002, le supérieur hiérarchique de Nadine X... vante ses compétences dans le domaine de la formation effectuée par elle d'un futur chef de groupe qui est un " modèle du genre " ; il note que celle-ci a " réorganisé le service en profondeur et tous les processus et le fonctionnement ont été revus pour la plus grande satisfaction des clients d'AF et du personnel ". Cependant, ce même supérieur hiérarchique, après ces appréciations extrêmement positives, va ajouter une mention qui donne son éclairage à toute la période qui va suivre : " Mais N. X... a un souci lancinant : son départ de la société dans des conditions acceptables pour elle. Il est urgent de trouver une solution à son problème ". A la rubrique des commentaires du collaborateur lors de ce même entretien, Nadine X... écrit : " S'il vous plaît, plus (ici plus = pas) de récompense. Je suis un être humain et j'ai dépassé mes limites. J'ai trente ans de service aujourd'hui ". Le 15 juin 2002, Nadine X... va écrire à Michel Z..., responsable des ressources humaines, faisant suite à " divers entretiens pour lui exprimer son souhait d'être " déchargée du service V. A. D. " car à 56 ans, elle estime que cette charge est devenue " trop lourde " pour elle. Elle ajoute qu'elle a " patienté " en pensant " pouvoir profiter d'un départ anticipé dans le cadre " d'un congé-solidarité, de la PRP ou d'un départ négocié ". Cette possibilité n'étant pas à ce jour " confirmée ", ajoute-t-elle, " je me trouve dans l'obligation de trouver une solution d'attente afin d'éviter des problèmes de santé ". C'est à ce stade que la salariée va bénéficier d'un arrêt pour maladie à compter du 31 octobre 2002 poursuivi par une période de mi-temps thérapeutique à compter du 6 janvier 2003 pour une période de " six mois renouvelable " (certificat du Dr Z..., cardiologue, qui relève " un contexte dépressif important) ". S'il a été relevé en préalable que la signature d'une convention de pré retraite progressive le 2 mars 2004 ne pouvait être considérée, en elle-même, comme ayant porté atteinte à l'existence même du contrat de travail liant les parties, elle a cependant constitué un élément déclencheur d'un processus d'éviction dans les mois qui ont suivi sa conclusion. En effet, la salariée qui était déjà confrontée à une absence totale d'écoute de la part de sa hiérarchie sur sa problématique professionnelle de cadre aux compétences organisationnelles reconnues mais confrontée à une surcharge de tâches a pu constater une aggravation de cette situation qui lui a fait, de surcroît, regretter cette option légale de préretraite progressive. Cette situation a eu des répercussions sur sa santé, déjà existantes au cours des années 2002 et 2003, sans que l'employeur ne mette en oeuvre concrètement son obligation de prévention. Dans le champ des causalités objectives de cette détérioration de l'état de santé de Nadine X..., il n'est pas possible d'écarter l'impact de sa nouvelle fonction de " chargée de mission " qui est manifestement une dépossession de ce qui la justifiait professionnellement, à savoir ses qualités en termes d'organisation du travail reconnue dans ses notations antérieures comme excellentes. Il en est ainsi des questions de révision des horaires du personnel pour le service VAD auquel elle était affectée qui lui sont retirées, jusqu'à une mise à l'écart des réunions organisées à cet effet. Dans la même période (2001 à 2004) ses notes d'évaluation ont régulièrement baissé de B à D et les objectifs nouveaux fixés de sa " mission " par sa hiérarchie ont correspondu aune absence de tâches réellement confiées à la salariée. En ce qui concerne la nécessité nouvelle pour la salariée de porter un badge alors qu'elle en était dispensée dans ses anciennes fonctions, il peut être considéré qu'elle participe à l'instauration d'un climat de méfiance au détriment de Nadine X..., le seul fait de son emploi à mi-temps ne pouvant la justifier totalement. En dépit de l'existence, au niveau de l'entreprise AIR FRANCE d'une Charte de " prévention du harcèlement au travail ", c'est à sa demande que Nadine X... a été reçue, le 7 mars 2005, par Marcel H..., responsable des ressources humaines, pour un entretien qui donnera lieu à une prise en compte de sa " situation morale " et à la formulation de deux propositions : une inscription sur la liste des demandes de congé-solidarité dans le cadre de la LOPOM sur demande écrite ou l'étude d'une possibilité de changement de service. Il est à noter que les deux propositions sont sujettes à caution à ce stade puisque le congé solidarité est en contradiction avec la PRP et le changement de service une fausse solution dans la mesure où la direction de l'entreprise a manifesté auprès de la salariée une impossibilité de lui trouver un poste à mi-temps adapté à son cursus professionnel et son statut de cadre. A cet égard, les témoignages versés aux débats par la salariée accréditent cette thèse, notamment ceux de Mmes A..., Marie-Ligne B... et Paterne Y... (délégué du personnel), ce dernier ayant tenté en vain de faire inscrire le problème de la salariée à la commission sur le harcèlement moral du 3 juin 2005. A la suite de l'entretien avec Marcel H..., responsable des ressources humaines du 7 mars 2005, Nadine X... avait adressé à celui-ci une lettre récapitulative sur sa situation en date du 24 mars 2005. En l'absence de réponse de ce responsable, la salariée va adresser une copie de ce courrier à Jean-François C..., directeur général, directeur des ressources humaines d'AIR FRANCE le 30 juin 2005, envoi réitéré le 8 juillet 2005 en recommandé avec avis de réception (signé à Roissy le 12 juillet 2005). Catherine D..., assistante sociale de l'entreprise va, de son côté, écrire à ce haut responsable le 9 août 2005 en ces termes : " A l'occasion d'un remplacement ponctuel de l'assistante sociale des Antilles, partie à la retraite, j'ai rencontré le 25 juillet à Pointe à Pitre Madame Nadine X... qui travaille à la direction commerciale (PTP DC). Elle m'a fait part de ses grandes difficultés. Elle s'estime victime de harcèlement moral et m'a remis un double du courrier qu'elle a adressé le 24 mars 2005 au DRH de la Guadeloupe, avec copie au Dr E..., médecin du travail. Le 5 juillet dernier, elle vous a également transmis copie de son courrier. J'ai trouvé Madame X... très affectée et ébranlée par sa situation et par le fait qu'elle n'ait toujours aucune nouvelle de la part de sa hiérarchie. A ce stade, en effet, la mise en place d'une commission locale n'a pas même encore été envisagée. Elle se sent abandonnée et a le sentiment de ne pas être entendue. Madame X... a revu le docteur E... le 28 juillet et cette dernière doit faire un rapport sur ce qu'elle a constaté. Je ne peux envisager une aide et un soutien réguliers auprès de cette salariée et la nouvelle assistante sociale sur place n'est pas encore recrutée. Il me semble dans ces circonstances impératif que Madame X... reçoive dans les plus brefs délais l'assurance que ce qu'elle a dénoncé est entendu et sera examiné dans le cadre de la procédure de harcèlement moral prévue par la charte ". Il n'y aura pas de réponse à ce courrier au vu des éléments de la procédure. Il résulte d'un courrier du docteur E..., du service médical d'AIR FRANCE, en date du 1er août 2005, adressé à la salariée que ce praticien a " bien compris sa démarche " en ce qu'elle " s'inscrivait dans une phase de conseil-conciliation dans le cadre d'un harcèlement au travail " et précise : " j'en ai informé l'A. R. H. de l'entreprise afin que nous cherchions ensemble les solutions adaptées à votre cas " en ajoutant : " je vous adresse mon soutien moral dans cette démarche ". Nadine X... s'est trouvée en situation d'arrêt pour longue maladie à compter du 12 mai 2005. Elle a fait intervenir son conseil pour alerter son employeur sur sa situation au sein de l'entreprise et notamment sur l'absence de mise en oeuvre des procédures internes de lutte contre les faits de harcèlement et l'obligation de sécurité liée pour la société AIR FRANCE en raison d'un tel contexte quant à son devenir fonctionnel dans l'entreprise. Il est répondu par Marie-Lucie F... (direction des affaires juridiques droit social), le 25 novembre 2005, que toute action interne était « paralysée » du fait de l'absence pour maladie de la salariée concernée et qu'en toute hypothèse c'était à cette dernière de mettre en oeuvre la procédure prévue par la Charte de prévention des harcèlements au travail si elle " s'estimait victime de tels agissements " en relevant l'attitude " paradoxale " de Nadine X... qui avait souhaité un départ négocié. Force est de constater que l'atteinte sur la santé de Nadine X... des faits qui viennent d'être relatés et notamment dans la période située entre la fin de l'année 2002 et le début de l'année 2005 est caractérisée médicalement tant par le docteur E... (voir plus haut) que par le docteur Marie-Claude G..., psychiatre-psychothérapeute, qui prend en charge la salariée en mai 2005 confirme cette problématique de santé. Dans un certificat du 22 septembre 2007, le docteur G... s'exprime en ces termes : " je soussignée avoir reçu Madame X... Nadine, née le 17-10-46, en mai 2005, conseillée par son médecin du travail. Son état nécessitait un suivi thérapeutique régulier tant par médicaments que par psychothérapie. Il ressort de ce suivi, émaillé d'arrêts de travail, puis d'un ALD, que Madame X... présente les caractéristiques cliniques de troubles réactionnels à de la maltraitance dans le cadre professionnel. Son évolution positive dans le cadre de l'ALD (arrêt longue durée n. d. r.) vient confirmer cette hypothèse diagnostique ". Ce même praticien établira un certificat le 15 janvier 2008 par lequel elle indiquera que Nadine X..., bien que retraitée depuis le 1/ 1/ 08, " nécessite toujours un soutien thérapeutique ". Si l'on peut admettre que le caractère répétitif du harcèlement ainsi constaté après l'acceptation par la salariée de sa mise en pré retraite progressive à travers une disqualification globale de son emploi décrite plus haut est tempéré par ses arrêts pour maladie liés à cette situation et par ses souhaits de " départ négocié ", il n'en reste pas moins que la société AIR FRANCE a manqué à ses obligations de sécurité de résultat en matière de prévention et de protection de la santé de Nadine X... au regard des alertes réitérées et argumentées de celle-ci en ce qu'elle invoque à bon droit des faits de harcèlement moral tendant à son éviction, la convention de PRP se transformant en un instrument utilisé par l'employeur pour faire pression sur la salariée antérieurement cadre de responsabilité affectée à une fonction de chargée de mission sans objet précis, alors que le législateur n'a naturellement pas conféré à cette convention un tel effet, la salariée devant être maintenue en équivalence de poste d'autant plus qu'elle bénéficiait d'une longue expérience et en dernier lieu de très bonnes notations managériales. L'ensemble des éléments relevés par la cour permettent de caractériser et d'imputer à la société AIR FRANCE des agissements répétés de harcèlement moral sur la personne de Nadine X... qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant porté atteinte à ses droits et à sa dignité et d'altérer durablement sa santé physique et mentale. Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point et de réparer le préjudice ainsi causé à Nadine X..., présentant une ancienneté de trente-six ans, par la condamnation de la société AIR FRANCE à lui payer la somme de 30. 000 € à titre de dommages-intérêts pour l'indemniser du préjudice subi en raison du harcèlement moral constaté au sens de l'article L. 122-49 ancien du Code du travail » ;
ALORS QU'aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral se caractérise par des agissements répétés de la part de l'employeur ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque l'employeur justifie d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, il ne peut être condamné au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral ; que pour dire que la salariée avait été victime de harcèlement moral, la Cour d'appel a constaté que la salariée avait subi une disqualification globale de son emploi traduite notamment par l'exercice de nouvelles fonctions de chargée de mission, par le retrait du traitement de la révision des horaires du personnel pour le service VAD, par la mise à l'écart des réunions organisées à cet effet, par une absence de tâches réellement confiées à la salariée, et par une baisse de sa notation ; que la Cour d'appel a, dans le même temps, relevé que dès le 18 avril 2002, la salariée avait écrit à son supérieur hiérarchique « s'il vous plaît pas de récompense, je suis un être humain et j'ai dépassé mes limites » et que le 15 juin 2002, la salariée avait indiqué à son employeur, qui avait organisé plusieurs entretiens avec elle, qu'elle souhaitait être déchargée du service VAD, estimant que cette charge était devenue trop lourde pour elle à 56 ans ; que la Cour d'appel a également constaté que la salariée, qui souhaitait un départ négocié de l'entreprise, avait signé, à sa demande, et de son plein gré, une convention de préretraite progressive le 2 mars 2004 ; que la Cour d'appel a enfin relevé qu'à compter du 31 octobre 2002, la salariée avait été en arrêt maladie qui s'était poursuivi par une période de mi-temps thérapeutique à compter du 6 janvier 2003, puis transformé en arrêt maladie longue durée à compter du 12 mai 2005 ; qu'il s'en évinçait nécessairement que l'employeur justifiait d'éléments objectifs à la disqualification d'emploi invoquée, tirés de la volonté même de la salariée d'être déchargée de ses responsabilités et de son état de santé, exclusifs de tout harcèlement moral ; que la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;
ET ALORS QUE le salarié est tenu d'apporter des éléments qui permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral ; que le fait de porter un badge, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, quand bien même le salarié en aurait été autrefois dispensé ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-23260
Date de la décision : 13/12/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 07 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2011, pourvoi n°10-23260


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23260
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