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30/11/2011 | FRANCE | N°10-25790

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 novembre 2011, 10-25790


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villeurbanne, 13 octobre 2010), que la candidature de M. X... a été présentée par le syndicat CGT de la société CGT BT services Rhône-Alpes aux fonctions de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de cette société et qu'il a été désigné en cette qualité le 22 juillet par le collège désignatif ; que la société a contesté cette candidature et cette désignation au motif qu'elles prés

entaient un caractère frauduleux ;
Attendu que la société BT services fait grie...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Villeurbanne, 13 octobre 2010), que la candidature de M. X... a été présentée par le syndicat CGT de la société CGT BT services Rhône-Alpes aux fonctions de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de cette société et qu'il a été désigné en cette qualité le 22 juillet par le collège désignatif ; que la société a contesté cette candidature et cette désignation au motif qu'elles présentaient un caractère frauduleux ;
Attendu que la société BT services fait grief au jugement de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est frauduleuse la désignation qui a pour but, même non exclusif, la protection personnelle du salarié contre un risque de licenciement ; qu'il suffit que la recherche d'une protection personnelle soit la cause déterminante de la désignation ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé qu'il " est certain que M. X... ne pouvait ignorer à compter du 17 mai 2010 les menaces directes pesant sur lui ", le tribunal d'instance a retenu que " toutefois, il est permis de penser que la menace de licenciement restait alors hypothétique " ; qu'il a ainsi statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'il ressort de l'étude attentive des courriers électroniques et postaux échangés entre les parties que la candidature de M. X... s'inscrit dans la suite logique de démarches revendicatives quand, des trois courriels cités par le jugement, deux (dont l'un est d'ailleurs postérieur à la candidature et à la désignation litigieuses) n'émanent pas de M. X... et le troisième ne fait pas état d'une revendication de ce dernier, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
4°/ que nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que M. Y... avait confirmé à la barre du tribunal l'intérêt de M. X... pour le CHSCT et son souhait d'y être désigné en début d'année 2010 quand M. Y... est le représentant du syndicat auteur de la désignation et que ses déclarations ne pouvaient donc constituer une preuve de la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ qu'en retenant à l'appui de sa décision que la présidence d'une association de copropriétaires par le salarié dix ans auparavant montrait l'investissement qu'il avait déjà dans la défense des intérêts collectifs, le tribunal d'instance a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
Mais attendu que le moyen qui ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine du tribunal qui, sans motifs contradictoires ou inopérants, a retenu l'absence de fraude, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BT services à payer au syndicat CGT BT services Rhône-Alpes et à M. X... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société BT services
IL EST FAIT GRIEF au jugement attaqué d'AVOIR confirmé la candidature de Monsieur X... au CHSCT de l'établissement Région Rhône Alpes de la société BT SERVICES en date du 9 juillet 2010 et sa désignation du 22 juillet 2010 en qualité de membre dudit CHSCT,
AUX MOTIFS QU'en droit, il est constant que pour établir la fraude, l'employeur doit démontrer qu'un projet de licenciement existe, qu'il constitue une menace réelle pour le salarié, que le salarié en a eu connaissance, enfin que seule la volonté de faire échec à ce projet a motivé sa candidature ou sa désignation (Cass. soc. 22 juillet 1981 bull. V n° 755 ; 18 juin 1975, Bull. V n° 333 ; 26 septembre 1984 D. 1985 IR 458) ; qu'en l'espèce, la société BT SERVICES reproche à Serge X... de ne plus respecter depuis une année les différents process définis et les délais sur les projets, de ne pas enregistrer les informations sur l'outil interne BTTS, de ne pas conserver la traçabilité de ses opérations et d'avoir failli à ses tâches lors de ses interventions des 24 juin 2010 et 29 juin 2010 ; qu'elle fait valoir qu'elle a rappelé à l'ordre le salarié dès le mois de mars 2008, et qu'elle a effectué des mises en garde à plusieurs reprises les 9 octobre 2008, 21 novembre 2008, 16 mars 2009, 14 et 18 mai 2009, 17 mai 2010 et 3 juin 2010, ce qui est exact, avant de convoquer Serge X... et le syndicat CGT BT SERVICES RHONES ALPES à un entretien préalable le 9 juillet 2001 ; qu'il est certain que Serge X... ne pouvait ignorer à compter du 17 mai 2010 les menaces directes pesant sur lui : dans un courrier du 17 mai 2010 envoyé en recommandé avec accusé de réception, l'employeur lui écrivait en effet : " par conséquent, nous vous demandons de faire en sorte à l'avenir que les faits évoqués ne se reproduisent plus, à défaut nous pourrions être amenés à prendre des sanctions plus graves " ; que toutefois, il est permis de penser que la menace de licenciement restait alors hypothétique (nous " pourrions " au lieu de nous " prendrons ") ; que malgré les avertissements, il n'apparait donc pas que Serge X... était sérieusement menacé de licenciement à ce stade ; que la société BT SERVICES argue que la menace de licenciement est devenue réelle et manifeste à la suite de l'entretien préalable du 9 juillet 2010 à 15 heures ; qu'à l'appui de son argumentation, elle fait valoir que par courriel en date du 9 juillet 2010 à 9h00 (9h04) du matin, le syndicat CGT de la société BT SERVICES RHONE ALPES présentait fort opportunément la candidature de Serge X... à un mandat de membre du CHSCT alors qu'à cette même date, à 12h00, le collège désignatif devait se réunir pour déterminer les modalités de l'élection des membres du CHSCT et notamment les modalités de communication des candidatures ; qu'elle ajoute que cette candidature a, de surcroît été présentée par le syndicat CGT de manière anticipée puisque l'appel à candidature des salariés a été émis le 13 juillet 2010 à la suite d'une réunion du collège désignatif du 9 juillet 2010 ; que Serge X... a présenté sa candidature la veille de son entretien préalable le 8 juillet, la quelle a été transmise à la direction le 9 juillet 2010 à 9h04 alors qu'il était effectivement menacé de licenciement à ce stade ; qu'il est encore exact que la candidature s'est faite de manière anticipée puisque le collège désignatif s'est réuni le 9 juillet à 12 heures et a déterminé que les candidats étaient invités à présenter leur candidature avant le lundi 19 juillet 201 à 12 heures pour procéder à la désignation des membres du CHSCT le mercredi 22 juillet 2010 à 10h30 ; que cependant, en droit, il est constant que la fraude consiste pour le salarié à se doter d'un statut protecteur uniquement pour assurer sa protection personnelle et non pour représenter les salariés de l'entreprise ; qu'en l'espèce il est reproché à Serge X... de ne jamais s'être comporté par le passé comme un candidat à un mandat de membre du CHSCT ; qu'il a été jugé que l'activité ou l'engagement antérieur du salarié, dont il y a lieu de tenir compte, concerne non seulement l'activité syndicale proprement dite mais également de simples démarches revendicatives ou même une activité dont l'employeur n'aurait pas eu connaissance (Cass soc 8 juillet 1976 bull V n° 447 ; 9 décembre 1997 bull V n° 427) ; que la candidature à un précédent mandat n'est donc pas l'unique critère d'appréciation ; que Serge X... et le syndicat CGT BT SERVICES RHONE ALPES rétorquent pour leur part que le renouvellement du CHSCT aurait dû être réalisé le 19 novembre 2009 et que c'est sur injonction de l'inspecteur du travail Jean Z... en date du 23 juin 2010 que le renouvellement du CHSCT a été organisée à l'initiative de l'employeur ; que sans reprendre la discussion sur la validité de l'accord de prorogation des mandats du 24 mars 2009 qui n'apporte rien à la solution du présent litige, il y a lieu de relever que les dernières élections au CHSCT ont eu lieu en 2006 avant l'intégration de Serge X... au sein de la société BT SERVICES ; qu'il ne peut donc être reproché à ce dernier de ne pas avoir manifesté, avant la décision de l'employeur de procéder au renouvellement du CHSCT sur injonction de l'inspection du travail en juin 2010, un intérêt notoire pour cette institution ; que dès la décision prise par l'employeur d'obtempérer à l'injonction malgré son désaccord, Serge X... a présenté sa candidature ; qu'en outre il ressort de l'étude attentive des courriers électroniques et postaux échangés entre les parties que la candidature de Serge X... s'inscrit dans la suite logique de démarches revendicatives ; qu'à titre d'exemple :- mail du 18 mai 2009 adressé à C..., c, christophe, ARE 382 R : " j'attire ton attention sur le fait que les plannings de toute l'équipe DBA sont pleins à craquer, je suis fatigué et je crois que c'est la même chose pour toute l'équipe ! Alors effectivement on oublie des choses … "- mail de A... Allix, ARE382R du 9 juillet 2010 : " je suis HS aujourd'hui (cela fait plusieurs nuits que je n'ai pas beaucoup de sommeil, ça commence à se répercuter sur mon état psychique … Hier j'ai effectué un audit pour CATITRE PAC 1962898 toute la journée alors que je n'ai pas dormi la veille, cela fait trop … merci de bien vouloir en prendre note " ;- mail de B... 19 septembre 2010 : " Il faudrait que Serge D regarde si possible pour rétablir la pré-prod si possible pb d'ocr, après 16 heures de labeur je raccroche " ; Qu'en effet, il ressort des mails susvisés et des explications des défendeurs devant le tribunal que les conditions de travail des salariés se sont considérablement dégradées au sein de la société BT SERVICE depuis le rachat de DATA CENTER de Villeurbanne par British Telecom ; que Serge X... n'ignorait d'ailleurs pas non plus, du fait de l'existence d'un plan social en cours depuis 2008, que des risques de licenciements pour motif économique pesaient sur les salariés de la société ; qu'Emile Y... a confirmé à la barre du tribunal l'intérêt de Serge X... pour le CHSCT et son souhait d'y être désigné en début d'année 2010 ; qu'entendu sur ses activités personnelles, Serge X... a précisé qu'il avait présidé une association de copropriétaires (l'ADIC) dix ans auparavant, ce qui montre l'investissement qu'il avait déjà dans la défense des intérêts collectifs ; qu'en conclusion, la société BT SERVICES ne démontre pas que la candidature de Serge X... et le syndicat BT SERICES RHONE ALPES et sa désignation sont intervenues dans le but exclusif de lui assurer une protection individuelle, même s'il n'est pas exclu qu'elle ait été recherchée ;

1. ALORS QU'est frauduleuse la désignation qui a pour but, même non exclusif, la protection personnelle du salarié contre un risque de licenciement ; qu'il suffit que la recherche d'une protection personnelle soit la cause déterminante de la désignation ; qu'en jugeant le contraire, le tribunal d'instance a violé les articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du Code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
2. ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, après avoir énoncé qu'il « est certain que Serge X... ne pouvait ignorer à compter du 17 mai 2010 les menaces directes pensant sur lui », le tribunal d'instance a retenu que « toutefois, il est permis de penser que la menace de licenciement restait alors hypothétique » ; qu'il a ainsi statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS QU'en retenant à l'appui de sa décision qu'il ressort de l'étude attentive des courriers électroniques et postaux échangés entre les parties que la candidature de Serge X... s'inscrit dans la suite logique de démarches revendicatives quand, des trois courriels cités par le jugement, deux (dont l'un est d'ailleurs postérieur à la candidature et à la désignation litigieuses) n'émanent pas de Monsieur X... et le troisième ne fait pas état d'une revendication de ce dernier, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du Code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
4. ALORS QUE nul ne peut se constituer un titre à lui-même ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'Emile Y... avait confirmé à la barre du tribunal l'intérêt de Serge X... pour le CHSCT et son souhait d'y être désigné en début d'année 2010 quand Monsieur Y... est le représentant du syndicat auteur de la désignation et que ses déclarations ne pouvaient donc constituer une preuve de la validité de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
5. ALORS QU'en retenant à l'appui de sa décision que la présidence d'une association de copropriétaires par le salarié dix ans auparavant montrait l'investissement qu'il avait déjà dans la défense des intérêts collectifs, le tribunal d'instance a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4613-1 et R. 4613-5 du Code du travail, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-25790
Date de la décision : 30/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Villeurbanne, 13 octobre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 nov. 2011, pourvoi n°10-25790


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25790
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