LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Giuseppe X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 29 juin 2010, qui, pour réalisation de travaux non autorisés d'affouillement ou d'exhaussement du sol, l'a condamné à 35 000 euros d'amende, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 160-1, L. 480-4, R. 442-2, en sa rédaction antérieure au 1er octobre 2007, et R. 421-23 du code de l'urbanisme, L. 562-1 et L. 562-5 du code de l'environnement, NB1 du plan d'occupation des sols de la commune de Menton, de l'article préliminaire et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe de l'autorité de la chose jugée par les juridictions administratives, violation du principe du contradictoire ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'exécution de travaux en méconnaissance des obligations imposées par les titres I, II, IV et VI du livre IV du code de l'urbanisme et en violation des dispositions d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme pour avoir procédé à des affouillements et des exhaussements lors de la création d'une voie, l'a condamné de ce chef à une amende de 35 000 euros ainsi que, sur l'action civile de la commune de Menton et de Mme Y..., à remettre en état les lieux et à verser des dommages et intérêts à chacune de ces parties civiles ;
"aux motifs que, pour créer la voie qui dessert sa propriété tout en passant sans autorisation sur la propriété de ses voisins, M. X... a, au fil des ans et par tronçons sur plusieurs dizaines de mètres de long (120 m.), effectué des décaissements ainsi que des exhaussements de profondeurs et de hauteurs variables mais dont certains ont été supérieurs à 2 mètres ; qu'en agissant ainsi le prévenu a non seulement enfreint le POS de Menton approuvé le 5 octobre 1987, qui impose en son article NB1 des normes précises à respecter pour la création d'un accès aménagé à défaut les encaissements et exhaussements étant interdits en vertu de l'article NB1, mais encore depuis le 1er octobre 2007 les dispositions de l'article R. 421-23 f du code de l'urbanisme puisqu'au regard de la hauteur décaissée et de sa longueur plus de 100 m² de superficie de terrain est concernée et, enfin, le plan particulier des risques du 14 janvier 2001, la propriété dont s'agit étant située en zone bleue, avec risques de glissements et de coulée et ledit plan interdisant toute action dont l'ampleur est susceptible de déstabiliser le sol, comme en l'espèce ;
"1) alors que les travaux d'affouillement et d'exhaussement du sol ne supposent une déclaration ou une autorisation préalable que si leur superficie est supérieure à 100 mètres carrés et si leur hauteur, s'il s'agit d'un exhaussement, ou leur profondeur dans le cas d'un affouillement, excède 2 mètres ; que la cour d'appel ne pouvait valablement retenir qu'une superficie de plus 100 m² de terrain était concernée sans constater que les affouillements et les exhaussements de plus de deux mètres de hauteur ou de profondeur couvraient une telle surface ;
"2) alors qu'il résulte des dispositions du plan d'occupation des sols de la commune de Menton que sont autorisés les affouillements et exhaussements du sol indispensables aux constructions et installations autorisées dans la zone ainsi qu'à leur desserte ; que la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement admis que les travaux litigieux étaient indispensables à la réalisation d'une voie desservant la propriété du prévenu, a déduit leur caractère illicite du seul fait que cette dernière réalisation n'aurait pas été conforme au plan d'occupation des sols sans pour autant préciser en quoi consistait matériellement cette non-conformité, laquelle était pourtant l'élément constitutif du délit prévu par les articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié ;
"3) alors que l'autorité de la chose jugée attachée à un jugement prononcé par une juridiction administrative et annulant un acte administratif pour excès de pouvoir s'impose au juge pénal et s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif dudit jugement ; qu'il résultait du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 4 octobre 2006 que la décision du 2 juillet 2004, par laquelle le maire de la commune de Menton s'était opposé aux travaux déclarés par M. X..., avait été annulée au motif que le plan d'occupation des sols de la commune n'interdisait pas tout affouillement et exhaussement du sol sur le territoire de la commune ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors valablement retenir que le prévenu avait enfreint les dispositions du plan d'occupation des sols en procédant à de tels travaux ;
"4) alors qu'un plan de prévention des risques naturels prévisibles ne constitue pas un document d'urbanisme dont la méconnaissance est réprimée par l'article L. 160-1 du code de l'environnement et les obligations qui en résultent ne figurent pas parmi les obligations imposées par les titres I, II, IV et VI du code de l'urbanisme et dont la violation constitue le délit visé par l'article L. 480-4 du même code ; que la cour d'appel ne pouvait valablement retenir que le non-respect des conditions d'utilisation des sols prescrites par le plan de prévention des risques naturels reproché au prévenu constituait l'infraction prévue par les textes susvisés ;
"5) alors qu'il ne résultait ni des constatations de l'arrêt ni des pièces du dossier que le prévenu ait été informé de la requalification des faits de la prévention en manquement à l'obligation de respecter les conditions de réalisation, d'utilisation ou d'exploitation prescrites par un plan de prévention des risques naturels prévue par l'article L. 562-5 du code de l'environnement et ait pu exercer les droits de la défense à cet égard ; que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les garanties du procès équitable, entrer en voie de condamnation de ce chef" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur des dispositions qui n'avaient pas été annulées par la juridiction administrative, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel le délit dont elle a déclaré le prévenu
coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, 480-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales, 2, 3, 418, 419, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'irrecevabilité de la constitution de partie civile effectuée au nom de la commune de Menton et, sur l'action prétendument exercée par la commune, a condamné le prévenu à verser à cette dernière la somme de 132 231,98 euros à titre de dommages-intérêts et a ordonné la remise en état des lieux ;
"aux motifs que, même si le maire de Menton réélu en 2008 n'a pas obtenu, comme lors de son précédent mandat, une habilitation spéciale l'autorisant à agir d'initiative, en l'occurrence par voie de citation directe contre M. X... au titre de l'exécution de son nouveau mandat, l'action publique relativement aux délits poursuivis a néanmoins été régulièrement mise en mouvement par les citations du ministère public ; que, par ailleurs, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, la commune peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les faits commis sur son territoire et constituant l'infraction à l'alinéa premier de cet article et ainsi la commune tient de la loi la faculté de se constituer partie civile au titre de l'action civile ;
"1) alors que la constitution de partie civile réalisée par le maire d'une commune au nom de cette dernière n'est recevable que si elle a lieu en exécution d'une délibération ou d'une délégation spéciale par laquelle le conseil municipal a accordé à l'intéressé, pour le temps de son mandat, le pouvoir de représenter en justice la commune dans l'instance concernée ; qu'il résulte des mentions du jugement et des constatations de l'arrêt que la commune de Menton s'est constituée partie civile à l‘audience ayant eu lieu le 21 mai 2008 devant le tribunal correctionnel de Nice et que le maire n'a pas obtenu de nouvelle délégation l'autorisant à agir en justice au nom de la commune après sa réélection, cette dernière ayant eu lieu courant mars 2008 ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile formée au nom de la commune de Menton par le maire de cette commune à une date où l'intéressé ne disposait d'aucun pouvoir pour représenter cette commune dans l'instance concernée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"2) alors qu'en se bornant à constater que le maire n'avait pas obtenu après sa réélection une habilitation pour agir au nom de la commune sans rechercher si cette réélection n'était pas antérieure au 29 mai 2008, date à laquelle la commune, représentée par son maire, s'était constituée partie civile, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3) alors que la mise en mouvement de l'action publique ne peut faire obstacle à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile qui résulte de ce que cette partie civile n'était régulièrement représentée à la date de ladite constitution ; que la cour d'appel ne pouvait valablement retenir que le défaut d'habilitation du maire de la commune était sans incidence sur la recevabilité de la constitution de partie civile de la commune de Menton, par la considération que l'action publique avait été régulièrement mise en mouvement par le ministère public ;
"4) alors que les dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, selon lesquelles la commune peut exercer les droits de la partie civile en ce qui concerne les faits commis son territoire et constituant l'infraction visée à l'article L. 480-4 de ce code, ont pour seul effet de donner qualité pour agir à la commune et non d'habiliter le maire à agir au nom de cette dernière ; que la cour d'appel ne pouvait valablement déduire de ces dispositions que la constitution de partie civile déposée par le maire de la commune de Menton était recevable nonobstant l'absence de délibération du conseil municipal habilitant le maire à cet effet ;
"5) alors qu'il résultait des termes de la délibération en date du 31 mars 2007 que le maire avait été habilité à agir au nom de la commune en ce qui concernait les infractions réalisées sur les parcelles DB n° 273, 177 et 178 ; que la cour d'appel ne pouvait valablement déclarer recevable la constitution de partie civile de la commune pour l'ensemble des faits de la prévention, y compris ceux qui concernaient les travaux réalisés sur les parcelles n° 176, 286, et 297, non visées par la délibération précitée" ;
Attendu que l'action publique ayant été mise en mouvement par le ministère public, la commune de Menton, était recevable par application de l'article 480-1, alinéa 6, du code de l'urbanisme, à se constituer partie civile, en la personne de son maire, dés lors qu'il disposait de délégations du conseil municipal pour ester en justice ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, 480-1, L. 480-4 et L. 480-5 du code de l'urbanisme, 2, 3, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X... à remettre en état les lieux passé le délai de six mois qui suivrait la notification des conclusions du rapport de l'expert, a désigné cet expert et lui a confié la mission d'indiquer les remèdes et de chiffrer le coût de la remise en état de façon à sécuriser le site ;
"aux motifs que, sur la sanction : il n'y a pas lieu d'ordonner la remise en état sur l'action publique d'autant qu'une telle mesure d'instruction ne peut être prononcée dans ce cadre ; que, sur l'action civile il doit être mis à la charge de M. X... la remise en état des lieux quant à la voie par lui ouverte ;
"1) alors que les juges du second degré, saisis des seuls appels du ministère public et du prévenu, ne peuvent réformer le jugement au profit de la partie civile non appelante et intimée ; qu'il résultait du dispositif du jugement entrepris qu'aucune mesure de remise en état des lieux n'avait été prononcée en première instance sur l'action civile exercée par la commune ; que la cour d'appel ne pouvait valablement ajouter aux dispositions civiles du jugement, dont seul le prévenu avait interjeté appel, la condamnation de l'intéressé à remettre en état les lieux ;
"2) alors, subsidiairement, qu'aucune mention de l'arrêt ni du jugement, ni aucune pièce de procédure n'établissent que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites ; qu'à supposer que la condamnation du prévenu à remettre en état les lieux ait été prononcée sur l'action publique, la cour d'appel ne pouvait valablement prononcer cette mesure sans que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites" ;
Attendu qu'il ne saurait être fait grief au juges du second degré d'avoir ordonné la remise en état des lieux au titre de l'action civile dès lors qu'il n'en résultait aucune aggravation pour le prévenu, cette mesure à caractère réel, destinée à faire cesser une situation illicite, ayant été ordonnée par les premiers juges ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et, comme tel, irrecevable en sa seconde branche, ne peut qu'être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a condamné M. X... à verser à Mme Y... la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs adoptés qu'il convient de déclarer recevable la constitution de partie civile de Mme Y... et de lui accorder, compte tenu des agissements de M. X... sur sa propriété, sans aucune autorisation de Mme Y... depuis plusieurs années, la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;
"alors que l'action civile n'est recevable et fondée que pour les dommages qui résultaient directement des faits objets de la poursuite et pour lesquels la condamnation sur l'action publique a été prononcée ; qu'il résultait des termes de la prévention et des constatations de l'arrêt que M. X... était poursuivi et a été condamné pour avoir procédé à des travaux en violation des règles d'urbanisme et non pour avoir empiété sur la propriété d'autrui ; que la cour d'appel ne pouvait valablement déclarer recevable et fondée l'action, exercée par la propriétaire d'une parcelle sur lesquelles les travaux auraient été exécutés, action tendant à la réparation du prétendu préjudice causé, non par la violation des règles d'urbanisme visée par les poursuites, mais par l'atteinte portée à son droit de propriété" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice moral résultant pour Mme Y..., partie civile, de l'infraction, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à la commune de Menton et à 2 000 euros celle qu'il devra payer à Mme Marjorie Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Nunez conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;