La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2011 | FRANCE | N°10-26249

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 novembre 2011, 10-26249


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a sollicité la mainlevée de la mesure de curatelle renforcée dont elle fait l'objet depuis le 14 septembre 2007 ;
Attendu qu'elle fait grief au jugement attaqué (tribunal de grande instance de Pontoise, 17 novembre 2009) d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la mise sous curatelle d'un majeur exige la constatation par les juges du fond, d'une part, d'une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses

facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté et, d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a sollicité la mainlevée de la mesure de curatelle renforcée dont elle fait l'objet depuis le 14 septembre 2007 ;
Attendu qu'elle fait grief au jugement attaqué (tribunal de grande instance de Pontoise, 17 novembre 2009) d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la mise sous curatelle d'un majeur exige la constatation par les juges du fond, d'une part, d'une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté et, d'autre part, de la nécessité pour celui-ci d'être assisté ou contrôlé d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile ; de sorte qu'en se bornant à relever, pour maintenir Mme X... sous curatelle renforcée, qu'en raison de l'altération de ses facultés mentales, elle avait besoin d'être assistée dans la gestion de ses biens, sans constater que le besoin d'assistance ou de contrôle s'étendait à l'ensemble des actes importants de la vie civile, le tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 440, alinéa 1er, du code civil ;
2°/ qu'en maintenant Mme X... sous curatelle renforcée, sans constater que son besoin d'être assistée ou contrôlée était continu, le tribunal de grande instance a une nouvelle fois entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 440, alinéa 1er, du code civil ;
Mais attendu que le jugement relève, d'une part, au vu des différents rapports médicaux et auditions, que la santé mentale de Mme X... reste précaire, les troubles ayant conduit à son hospitalisation d'office et à sa mise sous protection judiciaire étant manifestement persistants, d'autre part, que, compte tenu de son état de santé actuel, il est justifié qu'elle soit assistée et contrôlée dans la gestion de son budget afin de faire une utilisation normale de ses revenus ; que le tribunal a ainsi caractérisé la nécessité d'une protection continue relativement aux actes importants de la vie civile, conformément aux exigences de l'article 440 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen reproche au jugement confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de mainlevée de la mesure de curatelle présentée par Melle X... ;
AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article 425 du Code civil issu de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, de nature à empêcher l'expression de sa volonté, peut bénéficier d'une mesure de protection juridique, destinée à la protection tant de sa personne que de ses intérêts patrimoniaux ou limitée expressément à l'une de ces deux missions ;
Que l'article 433 du Code civil dispose que le juge peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article précité, a besoin d'une protection juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes déterminés ;
Que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante, l'article 440 alinéa 1er du Code civil dispose que la personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin pour l'une des causes susvisées, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile, peut être placée en curatelle ;
Que l'article 472 du même Code précise que le juge peut ordonner une curatelle renforcée ; que dans ce cas, le curateur perçoit seul les revenus de la personne en curatelle sur un compte ouvert au nom de cette dernière ; qu'il assure lui-même le règlement des dépenses auprès des tiers et dépose l'excédent sur un compte laissé à la disposition de l'intéressé ou le verse entre ses mains ;
Qu'en l'espèce, Melle X... a sollicité le 7 avril 2008 la mainlevée de la mesure de curatelle renforcée dont elle fait l'objet depuis le 14 septembre 2007, cette demande étant motivée par son souhait de quitter le territoire français pour s'installer au Surinam en vue d'un rapprochement familial, et de retrouver à cette fin la libre gestion de son argent ;
Que par décision du 2 juin 2009, le juge des tutelles a rejeté sa demande, considérant que la santé mentale de l'intéressée restait précaire, que la majorité de ses dettes n'était pas encore remboursée et qu'il n'y avait pas d'accord sur un dossier de surendettement ;
Qu'il ressort des pièces du dossier que le placement sous protection judiciaire de Melle X... est intervenu alors qu'elle était hospitalisée sous contrainte et qu'elle avait accumulé de nombreuses dettes ;
Que le tribunal dispose à ce jour de deux rapports médicaux rendus par le docteur Z... :
- Le premier, en date du 14 février 2007, décrit Melle X..., hospitalisée sous contrainte depuis le 29 décembre 2006, comme atteinte d'une psychose de type schizophrénique sans syndrome dissociatif, se manifestant par un vécu délirant intense à mécanisme hallucinatoire essentiellement auditif et à thématique persécutif, sa vie entière étant consacrée à faire constater ses nuisances et à obtenir réparation ;
- Le second, en date du 20 août 2008, précise que Melle X... est stabilisée sur un plan clinique mais reste fragile ; que le discours est cohérent et critique vis-à-vis des troubles présentés, l'intéressée exprimant le fait d'avoir vécu une période délirante avec la conviction d'être surveillée et intoxiquée par des dispositifs sonores nuisibles et reconnaissant un comportement inadapté en ayant multiplié les plaintes ;
Que la stabilisation de l'état de Melle X..., ainsi décrite par l'expert, et confirmée par l'intéressée à l'audience, est toutefois contredite par les termes mêmes de son recours, rédigé le 11 juin 2009, puisque Melle X... fait toujours état de déclenchements de dispositifs de type militaire de radio-électricité dans son domicile et sur le domaine public (…), d'attaques de type sonore terrestres et aériennes lui causant des désagréments médicaux, (…) dépassant le seuil de sa douleur et empêchant ses déplacements sur le domaine public ;
Qu'elle est également contredite par les informations communiquées par l'intéressée sous la forme d'une note en délibéré, qui établit qu'elle a été entendue par un fonctionnaire de police agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, audition à l'occasion de laquelle l'intéressée aurait remis sept pages précisant les tortures subies par elles ;
Que c'est donc par une juste appréciation que le juge des tutelles a considéré dans son ordonnance du 2 juin 2009 que la santé mentale de Melle X... restait précaire, les troubles ayant conduit à son hospitalisation d'office et à sa mise sous protection judiciaire étant manifestement persistants ;
Que sur le plan financier, le tribunal relève que le docteur Z..., dans son dernier rapport, doute de la capacité de Melle X... à gérer un dossier de surendettement sans l'aide de son curateur et conclut : « on ne pourrait concevoir une mainlevée de la mesure de curatelle renforcée que si le dossier de surendettement était finalisé avec un échéancier de remboursement » ;
Que Melle X... a justifié à l'audience d'un dossier de surendettement en cours de finalisation, en produisant un courrier de la Commission de surendettement des particuliers du Val d'Oise en date du 21 septembre 2009, accusant réception de son accord pour la transmission de son dossier de surendettement au juge de l'exécution aux fins d'ouverture d d'une procédure de rétablissement personnel ;
Qu'elle ne justifie pas de l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel ni d'un plan de surendettement définitivement arrêté, se limitant à critiquer la gestion faite par l'ATIVO dans les nombreux courriers adressés au tribunal en cours de délibéré (courriers des 22, 26 et 30 octobre 2009, des 5 et 12 novembre 2009) ;
Que M. A..., agissant pour le compte de l'ATIVO, a en outre décrit à l'audience une situation financière préoccupante, rappelant l'existence d'une dette d'un montant total de 12.000 euros en juin 2009 et considérant qu'il serait prudent de maintenir la mesure afin de gérer la dette jusqu'à son terme, d'autant que les ressources actuelles de la majeure protégée (allocation adulte handicapée et majoration pour la vie autonome) sont soumises à la condition de résidence et qu'un départ prolongé interromprait automatiquement ses droits ;
Que c'est dans ce contexte que Melle X... souhaite aujourd'hui retrouver la libre gestion de ses comptes, au motif qu'elle forme le projet de s'installer au Surinam ;
Qu'or l'examen du dossier démontre que ce projet date de plus d'un an et qu'il ne s'est pas concrétisé malgré les demandes formulées par son curateur, n'étant assorti d'aucune pièce justificative relative aux conditions d'accueil et d'hébergement par sa famille, le seul document remis à l'audience étant inexploitable ; qu'il s'agirait en outre d'un départ définitif du territoire français, alors que l'intéressée est en situation de surendettement et que son état de santé mentale ne semble pas stabilisé ;
Qu'il résulte dès lors de l'ensemble de ces éléments que le placement sous curatelle renforcée de Melle X... est parfaitement justifié ; qu'il est en effet indispensable, compte tenu de ses difficultés passées et de son état de santé actuel, qu'elle soit assistée et contrôlée dans la gestion de son budget, afin de faire une utilisation normale de ses revenus, notamment dans un contexte de surendettement, et de lui éviter de nouvelles difficultés financières ;
Qu'il y a lieu par conséquent de confirmer la décision rendue le 2 juin 2009 par le juge des tutelles de Pontoise, qui a rejeté sa demande de mainlevée de la mesure de curatelle renforcée prononcée par décision du 14 septembre 2007 ;
ALORS QUE la mise sous curatelle d'un majeur exige la constatation par les juges du fond, d'une part, d'une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté et, d'autre part, de la nécessité pour celui-ci d'être assisté ou contrôlé d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile ;
De sorte qu'en se bornant à relever, pour maintenir Melle X... sous curatelle renforcée, qu'en raison de l'altération de ses facultés mentales, elle avait besoin d'être assistée dans la gestion de ses biens, sans constater que le besoin d'assistance ou de contrôle s'étendait à l'ensemble des actes importants de la vie civile, le tribunal de grande instance n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 440, alinéa 1er, du Code civil ;
ALORS QU'EN OUTRE en maintenant Melle X... sous curatelle renforcée, sans constater que son besoin d'être assistée ou contrôlée était continu, le tribunal de grande instance a une nouvelle fois entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 440, alinéa 1er, du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-26249
Date de la décision : 23/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Pontoise, 17 novembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 nov. 2011, pourvoi n°10-26249


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.26249
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award