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23/11/2011 | FRANCE | N°10-25493

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 23 novembre 2011, 10-25493


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-28 du code de commerce ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Angers, 24 février 2010) que la SCI La Trouvillaise, propriétaire de locaux donnés à bail à la société Restaurant du

Port, dans l'incapacité de régler à cette dernière l'indemnité d'éviction qu'elle...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 145-28 du code de commerce ;
Attendu qu'aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue ; que jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Angers, 24 février 2010) que la SCI La Trouvillaise, propriétaire de locaux donnés à bail à la société Restaurant du Port, dans l'incapacité de régler à cette dernière l'indemnité d'éviction qu'elle lui avait offerte, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 15 décembre 2006 ; qu'elle, et M. X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan d'apurement de cette société, ont assigné M. Y..., avocat, et l'assureur de ce dernier, la société Covea Risks, en réparation du préjudice causé par différentes fautes professionnelles ; que la SCI La Trouvillaise reprochait notamment à M. Y... de n'avoir pas, après un commandement de payer des loyers et indemnité d'occupation, notifié le 10 septembre 1996 à la locataire qui se maintenait dans les lieux dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction, assigné cette dernière aux fins de la résiliation du bail ce qui aurait entraîné la déchéance du droit au paiement de l'indemnité d'éviction ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme la réparation du préjudice subi par la SCI La Trouvillaise, l'arrêt retient que la bailleresse ayant, en mai 1994, refusé le renouvellement du bail et offert le paiement d'une indemnité d'éviction et s'étant abstenue d'exercer le droit de repentir avant que la locataire ne quitte les locaux en juillet 1998, la faute commise par M. Y..., qui n'a pas poursuivi la résiliation du bail par suite du commandement de payer des loyers et indemnités d'occupation notifié le 10 septembre 1996, est demeurée sans conséquence, une telle action ne pouvant avoir pour effet d'exonérer la bailleresse de l'obligation de régler l'indemnité d'éviction dont le principe était acquis ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la faute du locataire, qui se maintient dans les lieux aux clauses et conditions du bail expiré dans l'attente du paiement de l'indemnité d'éviction, peut être sanctionnée par la résiliation du bail et entraîner la déchéance du droit au paiement de l'indemnité d'éviction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne M. Y... et la société Covea Risks aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... et la société Covea Risks à payer à la SCI La Trouvillaise et à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la M. Y... et de la société Covea Risks ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour la société La Trouvillaise et M. X..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum Me Y... et la compagnie Covea Risks à payer à la SCI La Trouvillaise et à Me X..., représentant des créanciers de cette société, à titre de dommages-intérêts, la somme de 147.000 euros seulement ;
AUX MOTIFS adoptés QU'il est soutenu que suite au commandement de payer rappelant la clause résolutoire délivré le 10 septembre 1996, Me Y... aurait dû faire constater la résiliation du bail ; qu'en effet, le commandement visait notamment les loyers échus de mars à juin 1994, période pendant laquelle s'appliquait encore le bail originaire, de sorte que la résiliation pouvait être constatée par le juge des référés en vertu de la clause résolutoire pour ces quatre mois d'impayés ; que s'agissant de la période postérieure, il sera rappelé qu'en cas de refus de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction, le droit au maintien dans les lieux s'exerce aux clauses et conditions du bail expiré et moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation ; que le défaut de paiement de cette indemnité d'occupation se substituant au loyer pouvait constituer un manquement grave justifiant le prononcé de la résiliation du bail ; que toutefois, il y a lieu de rappeler ici que l'indemnité d'occupation n'avait pas encore été fixée ; que cependant, Me Y... aurait pu au moins envisager de faire constater la résiliation du bail pour non paiement des loyers échus avant juin 1994 ; qu'il a donc bien commis une faute en s'abstenant de le faire ; qu'il est soutenu que si Me Y... avait fait constater la résiliation du bail, la société bailleresse aurait obtenu la restitution des locaux sans être tenue de verser une indemnité d'éviction ; que cependant, il convient de rappeler que la société bailleresse avait cru devoir, dès le mois de mai 1994, refuser le renouvellement du bail en offrant de verser au preneur une indemnité d'éviction ; que la société n'a pas exercé son droit de repentir avant que la société preneuse ait libéré les lieux ; que par conséquent, le principe de l'éviction était acquis avec l'indemnité correspondante ; que, dès lors, l'action qui aurait pu être introduite fin 1996 pour faire expulser la société preneuse ne remettait pas en cause le principe de l'indemnité d'éviction ; que par conséquent, il ne peut être soutenu que la faute de Me Y... aurait pu permettre à la société bailleresses d'échapper au paiement de l'indemnité d'éviction qui est la conséquence de sa décision de non renouvellement prise en 1994 ; que par ailleurs, il est indifférent que Me Y... n'ait pas fait expulser plus tôt la société locataire puisque la présente décision lui octroie, à titre de dommages-intérêts, l'équivalent d'une indemnité d'occupation jusqu'au 31 juillet 1998 ; qu'il s'ensuit que faute de préjudice direct en relation avec la faute, la responsabilité de Me Y... n'est pas engagée de ce chef ;
ET AUX MOTIFS propres QUE Me Y... qui, sur instruction de sa cliente, a fait délivrer un commandement de payer le 10 septembre 1996 aux fins de règlement des arriérés de loyer de mars à juin 1994, avait la possibilité, dès le mois suivant, de saisir le juge des référés pour faire jouer la clause résolutoire du bail à défaut d'apurement de la dette ; qu'il admet ne pas l'avoir fait ; que pour estimer son préjudice, la SCI expose que si le bail avait été résilié, elle n'aurait pas été redevable d'une indemnité d'éviction ; que le tribunal n'a pas partagé cette analyse et a retenu, d'une part, que la société bailleresse avait refusé, dès le mois de mai 1994, le renouvellement du bail et avait offert de régler une indemnité d'éviction et, d'autre part, qu'elle n'avait pas exercé son droit de repentir avant le départ de la société preneuse ; que c'est de manière pertinente qu'il a relevé que les impayés pour la période postérieure à l'expiration du bail ne pouvaient avoir pour effet d'exonérer la SCI du paiement d'une indemnité d'éviction dont le principe était acquis précédemment ; qu'ayant obtenu une indemnité d'occupation, les appelants ne peuvent cependant prétendre se voir allouer plus à raison de la faute en cumulant l'indemnité avec des dommages intérêts ;
1°) ALORS QUE l'offre d'une indemnité d'éviction a un caractère provisoire et n'interdit pas au bailleur de la refuser ensuite au locataire maintenu dans les lieux aux clauses et conditions du bail en invoquant une infraction à ces clauses ; que, dès lors, en considérant que si Me Y... avait, dès la fin de l'année 1996, saisi le juge des référés aux fins de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, la SCI bailleresse n'aurait pas pour autant été dispensée du paiement d'une indemnité d'éviction dès lors qu'elle avait, dès le mois de mai 1994, offert de régler une telle indemnité dont le principe se trouvait donc acquis, la cour d'appel violé l'article L. 145-28 du code de commerce.
2°) ALORS QU'en considérant que le préjudice subi par la société bailleresse faute pour Me Y... d'avoir introduit une action tendant à faire constater l'acquisition de la clause résolutoire était entièrement réparé par les dommages-intérêts, équivalant au montant de l'indemnité d'occupation qui était due à compter de l'expiration du bail jusqu'à la libération des lieux, qu'elle lui octroyait par ailleurs en réparation du préjudice qu'elle avait subi faute pour Me Y... d'avoir introduit une action en paiement de cette indemnité d'occupation tout en constatant que le commandement de payer resté infructueux, sur la base duquel l'action en résiliation de plein droit du bail aurait dû être engagée, visait, outre l'indemnité d'occupation qui s'était substituée au loyer à l'expiration du bail, les loyers échus de mars à juin 1994, ce dont il résultait que le défaut d'exercice de cette action avait privé la société bailleresse, non seulement de son droit de percevoir une indemnité d'occupation, préjudice qu'elle réparait effectivement par ailleurs, mais aussi de la possibilité de recouvrer les loyers impayés, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu'elles emportaient et a ainsi violé l'article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum Me Y... et la compagnie Covea Risks à payer à la SCI La Trouvillaise et à Me X..., ès qualité de représentant des créanciers de cette société, à titre de dommagesintérêts, la somme de 147.000 euros seulement ;
AUX MOTIFS adoptés QUE le montant de l'indemnité d'éviction a été fixé par un arrêt de la cour d'appel de Caen du 30 novembre 1999 ; que la SCI La Trouvillaise n'a exercé son droit de repentir prévu par l'article L. 145-58 du code de commerce que le 21 novembre 2001 ; que par un arrêt du 8 mars 2005, la cour d'appel de Caen a déclaré nul et de nul effet cette décision du bailleur de renoncer à l'éviction au motif que n'avait pas été respecté le délai de 15 jours qui courait à compter de la décision passée en force de chose jugée, c'est-à-dire le 1er décembre 1999 ; que Me Y... a commis une faute professionnelle en faisant notifier trop tard la décision de son mandant de renoncer à l'éviction du locataire ; que cependant, cette erreur est sans conséquence puisque l'exercice de ce droit de repentir était impossible dès lors que n'était pas remplie l'une des conditions posées par l'article L. 145-58 du code de commerce selon lequel ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'immeuble de la SCI La Trouvillaise avait été libéré le 31 juillet 1998, c'est-àdire avant l'arrêt de la cour d'appel du 30 novembre 1999 qui faisait courir le délai de repentir de 15 jours ;
ALORS QU'en énonçant que le propriétaire peut exercer son droit de repentir « jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée », l'article L. 145-58 du code de commerce prévoit la date limite au-delà de laquelle le droit de repentir ne peut plus être exercé, mais n'interdit pas au bailleur de renoncer à son refus de renouvellement avant la date de la forclusion ; que, dès lors, en retenant, pour dire qu'avait été sans conséquence la faute de Me Y... consistant à avoir notifié le droit de repentir de la SCI bailleresse postérieurement à l'expiration du délai de quinze jours prévu par l'article L. 145-8 du code de commerce, que l'exercice du droit de repentir était de toute façon impossible dès lors que la société preneuse avait libéré les lieux, et privé ainsi la bailleresse de la possibilité de renoncer à son refus de renouvellement, avant que ne soit rendu l'arrêt ayant fixé le montant de l'indemnité d'éviction « qui faisait courir le délai de repentir de 15 jours », la cour d'appel, qui a ainsi considéré que le bailleur ne pouvait exercer son droit de repentir que dans ce délai de quinze jours, a violé l'article L. 145-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 10-25493
Date de la décision : 23/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 24 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 23 nov. 2011, pourvoi n°10-25493


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.25493
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