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08/11/2011 | FRANCE | N°10-88858

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 novembre 2011, 10-88858


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2010, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 §§ 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, du principe de

la présomption d'innocence, des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale et de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Eric X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2010, qui, pour harcèlement moral, l'a condamné à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 §§ 1 et 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, du principe de la présomption d'innocence, des articles 427, 591 et 593 du code de procédure pénale et de l'article 222-33-2 du code pénal, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de harcèlement moral au préjudice de Mmes Y..., Z... et A... et l'a condamné à une peine d'amende de 3 000 euros ;

"aux motifs qu'il ressort des éléments de l'enquête pénale susvisée que c'est quasiment l'ensemble du personnel féminin qui avait travaillé directement sous les ordres de M. X... au cours des années 2004 à 2006 qui s'est plaint de son comportement et a tenu à le dénoncer ; que les déclarations des parties civiles sont particulièrement concordantes et rien ne permet de suspecter une action concertée entre elles qui serait menée, comme le soutient M. X..., par Mme Y... dans le but de lui nuire ; qu'en effet, les difficultés financières et personnelles de cette salariée ne sauraient expliquer à elles seules son arrêt de travail, que M. X... prétend lui avoir conseillé de prendre, alors que le certificat médical mentionne un état anxieux en rapport avec un conflit professionnel ; qu'elle a confirmé à l'audience qu'elle n'avait pas repris son travail en raison de crainte inspirée par son employeur ; qu'elles décrivent toutes des insultes répétées, des remarques grossières ou discourtoises dans les mêmes termes, ("nulles", "connes", "blonde sans cervelle" pour ce qui concerne Mme Y..., "incapables", "vous me cassez les couilles...") ; qu'elles établissent également de la part de M. X... un comportement brutal, sans rapport avec l'autorité nécessaire reconnue à tout chef d'entreprise dans l'exercice de son pouvoir de direction, au point d'engendrer chez ses salariées un état de stress et de peur et de les faire mettre en pleurs ; que toutes indiquent l'avoir vu maltraiter physiquement certains intérimaires et avoir subi elles-mêmes continûment des manifestations d'agressivité à l'occasion de ses emportements fréquents et intempestifs, soit par des gestes ou des menaces quant à leur situation dans l'entreprise ; qu'à cet égard, il convient de relever que Mmes Y... et Z... ont indiqué avoir quitté leur travail toutes deux immédiatement après avoir été choquées par le comportement de M. X..., la première à la suite du coup de poing brutal qu'il avait asséné sur son bureau lors d'un désaccord professionnel et l'autre après avoir été expulsée manu militari du bureau et menacée de règlement de compte ; qu'il est symptomatique de constater que Mme A..., confrontée aux mêmes difficultés, avait déposé une main courante dans le but de se protéger au mois de décembre 2006 ; que les déclarations des trois plaignantes sont corroborées par celle d'une quatrième salariée, Mme C..., qui, victime de faits similaires, avait dû se résoudre à ne pas reprendre son poste au mois de juin 2005 à la suite de son congé maternité, à l'instar de Mme Z... qui devait quitter le sien pour les mêmes raisons au mois de juillet suivant, après à peine trois mois et demi de présence, avant même le terme de son contrat ; que les déclarations de Mme D..., citée par M. X... comme témoin à la barre du tribunal, corroborent également les déclarations des autres salariées de l'agence, notamment quant aux agressions physiques envers les intérimaires dont elles ont été elles-mêmes témoins et à la crainte que leur employeur pouvait leur inspirer, le refus de répondre de Mme D... quant au comportement de ce dernier à l'égard de son personnel féminin, par souci a-t-elle dit de ne pas mentir, les confortant finalement ; que, par sa formation, il est diplômé d'une école d'ingénieur, et son expérience professionnelle, M. X... est rompu à l'administration des entreprises et à la gestion de personnel ; que la répétition d'insultes et de menaces dans les conditions rapportées ci-dessus caractérisent de sa part l'intention d'humilier les salariées placées directement sous son autorité et de dégrader leurs conditions de travail, instaurant ainsi un rapport de domination stressant, dépassant le simple lien de subordination présidant à toute relation normale de travail ; que ce comportement a porté atteinte à la dignité des trois plaignantes, et à la santé mentale en particulier de Mme Y..., avérée selon le certificat d'arrêt de travail figurant au dossier ; que le délit de harcèlement moral prévu par l'article 222-33-2 du code pénal étant ainsi caractérisé à la fois dans ses éléments matériel et moral, il convient de confirmer le jugement qui en a déclaré M. X... coupable et l'a condamné à la peine de 3 000 euros d'amende, sanction adaptée à la nature des faits et à la personnalité de son auteur, dont le casier judiciaire ne mentionne pas de condamnation ;

"1) alors que, si les juges du fond sont souverains pour apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, le principe de la présomption d'innocence tel qu'il est notamment protégé par l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale, interdit au juge de retenir la culpabilité du prévenu sur la seule foi des déclarations des victimes non assorties d'éléments matériels susceptibles de les corroborer et sans examiner les éléments de preuve produits par celui-ci pour démontrer son innocence ; que la cour d'appel ne pouvait donc retenir la culpabilité de M. X... sur la seule foi des déclarations des salariées qui lui imputaient des pratiques de harcèlement moral dès lors que celles-ci n'étaient assorties d'aucune constatation matérielle venant les corroborer et que n'ont pas été examinées les pièces produites par celui-ci destinées à démontrer son innocence ;

"2) alors que viole le principe de la présomption d'innocence et la règle suivant laquelle le doute doit profiter au prévenu, la décision qui déduit la culpabilité de ce dernier, du silence tenu par un témoin sur les faits qui lui sont reprochés ; que la cour d'appel ne pouvait donc, comme elle l'a fait, décider que le refus de Mme D... de répondre aux questions qui lui étaient posées, venait nécessairement corroborer les témoignages de ses collègues de travail et confortait ainsi la culpabilité de M. X... ;

"3) alors que le harcèlement moral n'est pénalement répréhensible qu'en cas de volonté de nuire de son auteur ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire cette intention des agissements de M. X... dont elle a retenu l'existence de la conscience que celui-ci devait en avoir sans relever le moindre élément de fait de nature à établir qu'il avait effectivement eu l'intention d'humilier les salariées et de dégrader leurs conditions de travail, n'a pas caractérisé l'intention de nuire nécessaire à l'élément moral de l'infraction" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-88858
Date de la décision : 08/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 25 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 nov. 2011, pourvoi n°10-88858


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.88858
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