LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Papeete, 18 février 2010), que la société Marama tours (la société) a conclu avec la Banque de Polynésie (la banque) un contrat d'utilisation de cartes bancaires dit de proximité; qu'en 2004, la société a acheté de nombreux billets d'avion commandés par un organisateur de voyages du Ghana, ces transactions ayant été réglées par carte bancaire, selon la pratique de la vente à distance ; que la banque, après avoir crédité le compte de la société des paiements correspondant à ces ventes, a procédé à la contre-passation de ces écritures devant le refus de paiement opposé par les banques des titulaires de ces cartes bancaires ; que la société a assigné la banque en restitution de sommes ;
Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ qu' en affirmant que les paiements à distance que la banque a entérinés en créditant le compte de la société n'étaient réalisés que «sous réserve de bonne fin», tout en constatant que ces paiements relevaient d'une pratique instaurée par les parties qui n'avaient pas conclu de contrat de vente à distance, ce dont il résultait qu'aucune stipulation opposable à la société ne prévoyait que l'opération consistant à créditer son compte à la suite d'un règlement effectué par carte bancaire ne valait que «sous réserve de bonne fin», la cour d'appel, qui a ainsi institué une réserve non prévue par les parties, a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en estimant que la banque avait pu procéder à la contre-passation des sommes créditées sur le compte de la société, motif pris d'une utilisation prétendument frauduleuse des cartes bancaires par lesquelles les paiements avaient été effectués, tout en constatant que, dans les rapports entre la banque et le commerçant, une pratique de paiement à distance s'était instaurée, la banque créditant le compte de la société dès lors que l'établissement financier avait procédé aux vérifications utiles, sans rechercher si la remise en cause par la banque d'un paiement déjà concrétisé n'était pas contraire au principe de bonne foi contractuelle, puisque la société pouvait légitimement penser que le paiement était acquis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu' il appartenait à la banque de démontrer que les contre-passations étaient justifiées par une réclamation ou une contestation des véritables titulaires de cartes bancaires, en produisant les réclamations écrites de chaque titulaire des cartes bancaires en cause ; qu'en se bornant à affirmer que les contre-passations opérées par la banque correspondaient à des transactions n'ayant pas été menées à bonne fin, sans examiner l'existence et le bien-fondé des contestations prétendument émises par les titulaires des cartes bancaires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;
4°/ que, dans sa requête d'appel, la société faisait valoir qu'elle n'avait été destinataire «d'aucune mise en garde de quelque nature que ce soit par la banque, cette dernière ayant même vérifié, analysé et autorisé les transaction intervenues» ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les irrégularités prétendument relevées ne pouvaient être constatées d'emblée par la banque et si celle-ci n'aurait pas été en mesure de prévenir la société avant l'émission des billets d'avion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil ;
Mais attendu que, loin de se borner à énoncer que l'inscription au compte est opérée sous réserve de bonne fin, l'arrêt retient d'abord que, même dans le cas d'un accord verbal, la garantie de la banque n'est acquise que si le client respecte ses obligations de vérification puis constate que ce dernier n'a procédé à aucune vérification ; que, par ces seuls motifs rendant inopérantes les recherches évoquées aux deux dernières branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marama tours aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Marama tours
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Marama Tours de toutes ses demandes dirigées contre la Banque de Polynésie ;
AUX MOTIFS QU'il est incontestable que les parties sont liées par un contrat écrit, dit de proximité du 29 novembre 1988, par lequel la société Marama Tours est autorisée par la Banque de Polynésie à se faire payer par carte bancaire ; que selon avenants le système de facturette signée par le client après prise d'empreinte de la carte s'est transformé en système électronique par lequel le client compose son code confidentiel pour valider sa transaction ; que dans tous les cas, le commerçant doit être en présence du client porteur de la carte bancaire ; que le commerçant doit solliciter l'accord du centre des cartes bancaires en cas de dépassement d'un certain montant au-delà duquel la garantie de paiement de la banque ne lui est pas accordée ; que lorsque le client n'est pas présent, le commerçant ne peut procéder à un paiement à distance que s'il bénéficie d'un contrat autorisant cette pratique ; que dans ce cas, le commerçant ne bénéficie d'aucune garantie de paiement et qu'il s'agit d'une opération sous réserve de bonne fin, c'est-à-dire que le commerçant est crédité immédiatement mais que s'il y a une contestation du porteur de la carte sur l'opération en ligne ou un rejet de paiement, le commerçant est automatiquement débité des sommes indûment perçues ; qu'il est établi qu'aucun contrat de vente à distance n'a été conclu officiellement par les parties ; que la société Marama Tours affirme qu'elle aurait eu l'accord verbal de la banque ; qu'il est constant que la banque ne s'opposait pas à une pratique occasionnelle de paiement à distance puisqu'elle a, dans un premier temps, crédité la société Marama Tours du montant des transactions et qu'elle ne démontre pas avoir émis les moindres réserves ; que ces pratiques ont d'ailleurs continué, la société Marama Tours en rapportant la preuve pour une période postérieure ; que pour autant, même dans le cas d'un accord verbal, la garantie de la banque n'est acquise que si le client, la société Marama Tours, respecte ses obligations de vérifications, ce qu'il lui appartient de démontrer et toujours sous réserve de bonne fin ; que les vérifications faites par la société Marama Tours auprès du serveur Amadeus, ne sont pas opposables à la Banque de Polynésie, ce serveur étant propre à la société Air France ; que quand bien même l'agence aurait vérifié sur le serveur Amadeus que les cartes n'étaient pas frappées d'opposition, elle devait aussi vérifier les informations sur la carte auprès du centre de paiement des cartes bancaires (OSB), ce qu'elle ne démontre pas avoir fait ; qu'enfin, elle devait s'assurer auprès de la Banque de Polynésie qu'elle disposait bien de l'autorisation nécessaire dans le cas d'espèce et vérifier le sérieux de la transaction ; que comme le soutient la banque, il apparaît que les transactions ont été faites par des employés de la société sans en informer la direction, et portaient sur des destinations ne concernant pas la Polynésie, ce qui aurait dû alerter l'agence de voyages sur le risque de fraude dite «à la nigériane» bien connue sur le territoire ; que comme le fait observer la banque de façon pertinente, la société a été très négligente, puisqu'on peut constater que le même numéro de carte a servi à douze paiements, ce qui aurait dû l'alerter sur le fait qu'il s'agissait sans doute de cartes contrefaites ; que la société Marama Tours a donc manifestement manqué à son obligation de vérification et quand bien même elle serait autorisée verbalement à pratiquer le paiement à distance, elle ne saurait bénéficier de la garantie de la banque qui n'a pas manqué à ses obligations contractuelles ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en affirmant que les paiements à distance que la Banque de Polynésie a entérinés en créditant le compte de la société Marama Tours n'étaient réalisés que «sous réserve de bonne fin» (arrêt attaqué, p. 5 § 2), tout en constatant que ces paiements relevaient d'une pratique instaurée par les parties qui n'avaient pas conclu de contrat de vente à distance (arrêt attaqué, p. 4 § 10), ce dont il résultait qu'aucune stipulation opposable à la société Marama Tours ne prévoyait que l'opération consistant à créditer son compte à la suite d'un règlement effectué par carte bancaire ne valait que «sous réserve de bonne fin», la cour d'appel, qui a ainsi institué une réserve non prévue par les parties, a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en estimant que la Banque de Polynésie avait pu procéder à la contre-passation des sommes créditées sur le compte de la société Marama Tours, motif pris d'une utilisation prétendument frauduleuse des cartes bancaires par lesquelles les paiements avaient été effectués, tout en constatant que, dans les rapports entre la banque et le commerçant, une pratique de paiement à distance s'était instaurée, la Banque de Polynésie créditant le compte de la société Marama Tours dès lors que l'établissement financier avait procédé aux vérifications utiles (arrêt attaqué, p. 4 in fine), sans rechercher si la remise en cause par la banque d'un paiement déjà concrétisé n'était pas contraire au principe de bonne foi contractuelle, puisque la société Marama Tours pouvait légitimement penser que le paiement était acquis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU' il appartenait à la banque de démontrer que les contre-passations étaient justifiées par une réclamation ou une contestation des véritables titulaires de cartes bancaires, en produisant les réclamations écrites de chaque titulaire des cartes bancaires en cause ; qu'en se bornant à affirmer que les contre-passations opérées par la banque correspondaient à des transactions n'ayant pas été menées à bonne fin, sans examiner l'existence et le bien-fondé des contestations prétendument émises par les titulaires des cartes bancaires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 et 1315 du code civil ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE dans sa requête d'appel (p. 6 § 8), la société Marama Tours faisait valoir qu'elle n'avait été destinataire «d'aucune mise en garde de quelque nature que ce soit par la Banque de Polynésie, cette dernière ayant même vérifié, analysé et autorisé les transaction intervenues» ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les irrégularités prétendument relevées ne pouvaient être constatées d'emblée par la Banque de Polynésie et si celle-ci n'aurait pas été en mesure de prévenir la société Marama Tours avant l'émission des billets d'avion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil.