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03/11/2011 | FRANCE | N°10-23982

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2011, 10-23982


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 28 juin 2010), que M. X..., engagé le 3 janvier 1996 par la société Cotumer au sein de laquelle il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur industriel, a été licencié pour faute grave le 31 août 2006 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en

dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 28 juin 2010), que M. X..., engagé le 3 janvier 1996 par la société Cotumer au sein de laquelle il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur industriel, a été licencié pour faute grave le 31 août 2006 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu'en estimant que le licenciement de M. X... pour faute grave se trouvait justifié par le fait que le salarié avait tenu, dans le courrier collectif du 20 juillet 2006, des propos " gravement insultants et diffamatoires " à l'égard " des instances dirigeantes " (arrêt attaqué, p. 12 § 3), cependant que cette appréciation des juges du fond est fondée sur un simple extrait dudit courrier, sorti de son contexte, et qui ne contient de surcroît aucune insulte ni diffamation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en estimant que, dans le courrier collectif du 20 juillet 2006, M. X... exprimait un " refus (…) de se soumettre de manière générale au pouvoir directionnel du nouveau président de l'entreprise ", ce qui constituait un acte d'insubordination justifiant un licenciement pour faute grave (arrêt attaqué, p. 11 in fine), cependant que le courrier litigieux, qui portait la signature de dix salariés, contenait une analyse précise des difficultés rencontrées par la société Cotumer et se concluait par un appel à l'arbitrage des instances dirigeantes du groupe, la cour d'appel a dénaturé le sens de ce courrier et a méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
3°/ qu'en estimant que M. X... avait manifesté son insubordination dans le courrier collectif du 20 juillet 2006 (arrêt attaqué, p. 11 in fine), cependant que le salarié ne faisait, avec neuf de ses collègues, que faire connaître à sa hiérarchie, dont il demandait l'arbitrage, les difficultés stratégiques rencontrées par la société Cotumer, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel, qui a relevé que le salarié, qui occupait le poste stratégique de directeur industriel, avait eu un rôle et une responsabilité prépondérants dans le courrier litigieux, et que ce courrier en exprimant un refus délibéré de se soumettre à la nouvelle direction constituait un acte d'insubordination, a pu décider que le comportement du salarié rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave et d'avoir débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il ressort de la lettre adressée le 20 juillet 2006 au président du conseil de surveillance que M. Thierry X..., ainsi que neuf autres salariés procèdent non seulement à une critique négative des décisions prises au niveau du groupe de nature à engager l'avenir de l'entreprise, mais font également acte d'insubordination caractérisée en refusant " aujourd'hui de poursuivre dans le sens donné par la nouvelle présidence " si le pouvoir directionnel de la société Cotumer reste confié au nouveau président (M. Philippe Z...) et en tentant de se substituer, par un processus de chantage, aux instances décisionnelles du groupe pour imposer en remplacement du précédent président de la société Cotumer, M. René X..., son fils, M. Thierry X... (extraits du courrier du 20 juillet 2006 : " Nous vous proposons de rétablir le management actuel de Cotumer sous la responsabilité totale de Thierry X..., vous garantissant l'avenir de Cotumer " ; " Dans le respect de ces propositions, nous nous engageons à remettre les choses en ordre et à redonner à Cotumer les moyens perdus de ses performances et de sa rentabilité " ; " Si cet appel reste lettre morte, nous déclinons toute responsabilité sur le devenir de l'entreprise et ce à court terme ") ; que si ce dernier a été le seul licencié, alors que neuf autres salariés ont également été signataires de la lettre du 20 juillet 2006, sans qu'il ne soit démontré que M. Thierry X... ait exercé des pressions ou ait été l'instigateur de cette démarche, il apparaît cependant que la place du salarié en cause dans l'entreprise en qualité de directeur industriel, fils du précédent président de la société Cotumer, exerçant les pouvoirs de président délégué par son père dans des circonstances importantes et délicates, ainsi qu'il ressort du compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 21 mars 2006 ayant pour objet l'information et la consultation de celui-ci sur le projet de cession de la société Euraltech Services sigle Cotumer et de sa filiale Cotulux à la société ETDE, son positionnement hiérarchique dans l'entreprise le faisant directement dépendre du président de la société Cotumer, ainsi que l'intérêt personnel direct que lui aurait conféré la réussite de la démarche entreprise collectivement tendant à le promouvoir au poste de président, caractérisent le rôle et la responsabilité prédominants de M. Thierry X... dans la rédaction et l'envoi de la lettre du 20 juillet 2006 par rapport aux autres signataires de celle-ci ; qu'il ne saurait en conséquence être reproché à l'employeur d'avoir traité de manière inégale M. Thierry X... par rapport aux neuf autres salariés qui occupaient des fonctions, un positionnement hiérarchique, et avaient un intérêt personnel différents de celui du salarié en cause dans l'entreprise, étant précisé que quatre des autres salariés ont été également sanctionnés (MM. A..., B..., C... et Mme E...) par avertissement et que les cinq autres n'ont pas été sanctionnés en ce compris M. F..., directeur commercial dont il n'est pas contesté par M. X... qu'il n'était pas salarié de la société Cotumer, mais seulement prestataire de services ; que la nature des faits reprochés au salarié, constitués par le refus d'un cadre occupant le poste stratégique de directeur industriel de se soumettre de manière générale au pouvoir directionnel du nouveau président de l'entreprise dont il entendait se voir octroyer le poste par un procédé illégitime, caractérise une violation des obligations résultant du contrat de travail de M. Thierry X... d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise même pendant la période de préavis ; que la durée du délai entre l'envoi du courrier (20 juillet 2006) et la date de la sanction (21 août 2006) ne saurait démontrer l'absence de gravité de la faute alors que M. X... a été convoqué à un entretien préalable à licenciement et mis à pied dès le 7 août 2006 et que la nature des faits commis collectivement était de nature à justifier une réflexion des instances dirigeantes fondant la durée écoulée entre l'envoi du courrier et la date du licenciement ; que surabondamment, si la liberté d'expression du salarié dans l'entreprise ne peut être entravée que par des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, elle n'autorise pas pour autant de la part d'un cadre faisant partie de l'équipe de management d'une entreprise la tenue de propos insultants et diffamatoires à l'égard des dirigeants du groupe ; que dès lors, la liberté d'expression de M. Thierry X... ne saurait justifier les termes gravement insultants et diffamatoires qualifiant dans la lettre du 20 juillet 2006 le comportement prétendu et non démontré des instances dirigeantes, parmi lesquelles M. Gilles D..., président de la société mère Euraltech SA, ainsi énoncés : " Quel sourd dessein mène ces hommes dans leurs agissements ? Rien ne permet justifier ni expliquer un tel acharnement si ce n'est la volonté et l'ambition d'un homme de s'accaparer la totalité des mandats et pouvoirs " ; que ces faits constituent encore et à eux seuls de la part de M. Thierry X... une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle eu égard à son positionnement dans la société qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que de ces énonciations, il s'évince que le licenciement du salarié en cause est fondé sur une faute grave ;
ALORS, D'UNE PART, QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ; qu'en estimant que le licenciement de M. X... pour faute grave se trouvait justifié par le fait que le salarié avait tenu, dans le courrier collectif du 20 juillet 2006, des propos « gravement insultants et diffamatoires » à l'égard « des instances dirigeantes » (arrêt attaqué, p. 12 § 3), cependant que cette appréciation des juges du fond est fondée sur un simple extrait dudit courrier, sorti de son contexte, et qui ne contient de surcroît aucune insulte ni diffamation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en estimant que, dans le courrier collectif du 20 juillet 2006, M. X... exprimait un « refus (…) de se soumettre de manière générale au pouvoir directionnel du nouveau président de l'entreprise », ce qui constituait un acte d'insubordination justifiant un licenciement pour faute grave (arrêt attaqué, p. 11 in fine), cependant que le courrier litigieux, qui portait la signature de dix salariés, contenait une analyse précise des difficultés rencontrées par la société Cotumer et se concluait par un appel à l'arbitrage des instances dirigeantes du groupe, la cour d'appel a dénaturé le sens de ce courrier et a méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
ALORS, ENFIN, QU'en estimant que M. X... avait manifesté son insubordination dans le courrier collectif du 20 juillet 2006 (arrêt attaqué, p. 11 in fine), cependant que le salarié ne faisait, avec neuf de ses collègues, que faire connaître à sa hiérarchie, dont il demandait l'arbitrage, les difficultés stratégiques rencontrées par la société Cotumer, la cour d'appel a violé l'article L. 1121-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-23982
Date de la décision : 03/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 28 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2011, pourvoi n°10-23982


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.23982
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