LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme X..., épouse Y..., à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 29 juin 2010, a demandé, par mémoire spécial et motivé du 8 août 2011, que soit posée la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
«L'article L. 624-6 du code de commerce, en ce qu'il prévoit que le mandataire judiciaire ou l'administrateur peut, seulement en prouvant par tous les moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif, est-il contraire au droit de propriété, garanti par l'article II de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi, protégé par l'article VI de cette même Déclaration ?» ;
Attendu que l'article L. 624-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, énonce que le mandataire judiciaire ou l'administrateur peut, en prouvant par tous moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif ;
Attendu que cette disposition est applicable au litige, dès lors que l'arrêt attaqué a accueilli, sur son fondement, la demande du liquidateur judiciaire de M. Y... tendant à réunir à l'actif un immeuble acquis par l'épouse de celui-ci et que l'article L. 641-14, alinéa 1er, du code de commerce étend la règle de l'article L. 624-6, écrite pour la procédure de sauvegarde, à l'hypothèse de la liquidation judiciaire ;
Attendu que la disposition contestée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition à valeur constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Mais attendu que, si le but de l'article L. 624-6 du code de commerce est d'intérêt général comme tendant à l'apurement du passif, le moyen utilisé, consistant, non en un rapport à la procédure collective des valeurs fournies par le débiteur à son conjoint, mais en la reprise en nature du bien acquis grâce à elles, peut apparaître disproportionné à l'objectif assigné au texte, en privant le conjoint du débiteur de tout droit réel sur le bien litigieux ; que la question posée présente donc un caractère sérieux au regard du principe de protection du droit de propriété ;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.