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02/11/2011 | FRANCE | N°10-24725

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 novembre 2011, 10-24725


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire, pour l'avoir acquise de M. Y..., de la marque française " buckfast " déposée le 8 avril 1981, régulièrement renouvelée depuis et enregistrée pour désigner notamment des élevages de reines et d'abeilles ainsi que des reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants, a assigné M. Leg en contrefaçon de cette marque ; que devant la cour d'appel, celui-ci a demandé reconventionnellement son annulation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejetÃ

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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., titulaire, pour l'avoir acquise de M. Y..., de la marque française " buckfast " déposée le 8 avril 1981, régulièrement renouvelée depuis et enregistrée pour désigner notamment des élevages de reines et d'abeilles ainsi que des reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants, a assigné M. Leg en contrefaçon de cette marque ; que devant la cour d'appel, celui-ci a demandé reconventionnellement son annulation ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception de nullité de la marque " buckfast " alors, selon le moyen, que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; que M. Z... faisait valoir que le terme « Buckfast " était employé de façon usuelle et nécessaire, dans le milieu apicole, pour désigner un type d'abeille, créé en 1929 par le Frère Adam en Angleterre ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que « l'abeille Buckfast » descend « d'une ou plusieurs souches précises » et présente des « caractéristiques spécifiques " ; qu'en jugeant que le terme « Buckfast » aurait eu un caractère distinctif et aurait pu être déposé à titre de marque en 1981, aux motifs inopérants que, « dans les années 1980, Raymond Y... était le seul en France à « créer » des Buckfast », et que « les publications faisant état du développement de ces abeilles datent de 2001, 2002, 2003 », sans rechercher si, au moment du dépôt de la marque litigieuse, le terme " Buckfast » était, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire, générique ou usuelle du type d'abeille susvisé, créé pour la première fois en 1929, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt relève que, dans les années 1980, M. Y..., titulaire initial de la marque, était le seul en France à créer des abeilles " buckfast " et que les publications faisant état du développement de ces abeilles dataient des années 2001, 2002 et 2003 ; qu'en l'état de ces constatations souveraines, dont il se déduit qu'à la date du dépôt de la marque, le terme " buckfast " n'était pas la désignation nécessaire ou générique des produits désignés, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :
Attendu que M. X... soutient que le moyen, nouveau et, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Mais attendu que le moyen n'est pas nouveau dès lors que M. Z... a soutenu devant la cour d'appel qu'il avait utilisé le terme " buckfast " dans son sens courant et qu'il n'existait pas d'autre moyen de nommer le type d'abeilles présentant les caractéristiques des abeilles " buckfast " ;
Et sur le moyen :
Vu l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour condamner M. Z... pour contrefaçon de la marque " buckfast ", l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que les annonces qu'il a fait publier contiennent, pour l'une, la reproduction à l'identique de la marque " buckfast " pour désigner des abeilles et, pour l'autre, le terme " buck " qui génère, en raison de sa ressemblance avec le terme " buckfast " et du fait qu'il se rapporte à des abeilles, un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, à la date des faits argués de contrefaçon, les termes " buckfast " et " buck " n'étaient pas devenus, dans le langage des professionnels de l'apiculture, nécessaires pour désigner un certain type d'abeilles et si M. Z... ne les avait pas employés dans leur signification habituelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Z..., pour contrefaçon de la marque " buckfast ", à payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et prononcé diverses mesures accessoires, l'arrêt rendu le 13 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils pour M. Z...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de nullité de la marque BUCKFAST, dit et jugé que Monsieur Z... avait commis des actes de contrefaçon de la marque BUCKFAST, condamné Monsieur Z... à payer à Monsieur X... la somme de 5. 000 € à titre de dommages-intérêts, interdit à Monsieur Z... de faire usage des termes BUCKFAST ou BUCK pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque BUCKFAST, ordonné la confiscation des produits portant les termes BUCKFAST ou BUCK mis dans le commerce par Monsieur Z... et identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement de la marque BUCKFAST, et ordonné, aux frais de Monsieur Z..., la publication de ce dispositif dans les revues « L'Abeille de France et l'apiculteur » et « Abeilles et Fleurs »,
AUX MOTIFS QUE « (…) il résulte des pièces produites que la marque " Buckfast " a été déposée le 8 avril 1981 par Monsieur Y..., qui a renouvelé ce dépôt le 5 avril 1991, puis a cédé cette marque à Monsieur X... en décembre 1994, cession enregistrée à ITNPI le 11 mai 1995, Monsieur X... ayant ensuite renouvelé le dépôt de la marque en avril 2001 ;
« qu'ainsi, et contrairement aux allégations de Monsieur Z..., Monsieur X... justifie bien être propriétaire de la marque " Buckfast " ;
« que la marque " Buckfast " désigne les produits et services suivants :
« " Elevage de reines, d'abeilles et plus généralement d'animaux. Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants. Ruches, appareils pour l'élevage des abeilles. Mile, pollen, gelée royale, propolis. Cire d'abeilles, livres apicoles et plus généralement livres, imprimés, journaux et périodiques " ;
« que ces produits ou services relèvent des classes 4, 16, 20, 30, 31, 42 ;
« que Monsieur Z... invoque la nullité de cette marque en faisant valoir qu'elle est dépourvue de caractère distinctif dès lors qu'elle sert à désigner une race d'abeille connue et reconnue mondialement et qu'il s'agit de la dénomination usuelle de ces abeilles ;
« attendu qu'aux termes de l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 à L 711-4 ;
« que l'article L 711-1 définit la marque comme un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale ;
« que l'article L 711-2 précise que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et que notamment sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénomination qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
« que l'appréciation du caractère distinctif d'un signe s'effectue à la date du dépôt, la marque conservant sa validité si, à la date du renouvellement, l'appellation en cause a acquis un caractère générique ;
« qu'en l'espèce il résulte des différents journaux, livres et articles produits par les parties que " Buckfast " est le nom d'une souche d'abeilles métisses qui a été créée dans l'abbaye du même nom par le frère Adam, que l'abeille Buckfast est un hybride qui a besoin périodiquement de sang neuf pour éviter la consanguinité et pour accentuer certaines caractéristiques génétiques, que par conséquent de nouvelles combinaisons sont testées en permanence en vue d'éventuelles introductions dans la souche ;
« qu'il résulte également de ces divers documents que l'abeille Buckfast n'est pas une race, comme le prétend Monsieur Z..., mais une lignée, c'est à dire la descendance d'une ou plusieurs souches précises dans un but de sélection artificielle mais qui, contrairement à une race, et bien que certains caractères soient conservés au fil des descendances, n'a pas un résultat stable de sorte que si l'on croise des abeilles de lignée Buckfast entre elles, on perd à la longue le potentiel génétique et les caractéristiques spécifiques à la Buckfast ;
« qu'ainsi, contrairement à ce qui se passe pour une race d'abeille il ne suffit pas de procéder à un élevage-multiplication mais à un élevage de sélection continuel ;
« qu'il résulte également des publications produites relatives aux abeilles " Buckfast " que dans les années 1980, Raymond Y... était le seul en France à " créer " des Buckfast ;
« que les publications faisant état du développement de ces abeilles datent de 2001, 2002, 2003 ;
« qu'ainsi d'une part " Buckfast " n'est pas le nom d'une race d'abeille et d'autre part en 1981, date du dépôt de la marque, " Buckfat " bénéficiait bien du caractère distinctif exigé par les dispositions légales pour constituer une marque ;
« que Monsieur Z... ne peut pas plus prétendre qu'un animal vivant ne peut faire l'objet d'un enregistrement de marque dès lors que l'animal vivant correspond à la classification n° 31 des marques ;
« que par ailleurs, le fait que " Buckfast " soit un nom géographique ne fait pas plus obstacle à l'enregistrement litigieux puisque les noms géographiques sont expressément prévus comme pouvant constituer un signe dès lors qu'ils ne constituent ni une appellation d'origine ni une indication de provenance, ce qui est le cas en l'espèce ;
« que par ailleurs que Monsieur Z... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L 713-6 b du code de la propriété industrielle qui visent la commercialisation de pièces détachées ou d'accessoires qui ne correspond pas au cas d'espèce ;
« qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur Z... n'est pas fondé à invoquer la nullité de la marque et ce moyen sera rejeté ;
« attendu qu'il résulte des pièces produites que Monsieur Z... a fait publier dans la revue mensuelle spécialisée " L'abeille de France et l'apiculteur " de juillet-août 2003 les annonces suivantes :
« " Vends extracteur Fritz Universal AF 20, bac décanteur, bac à désoperculer, ruches Voirnot peuplées Buckfast Luxembourg. Te l .... " ;
« " Vends essaims, reines sélectionnées, issus des élevages A...(Luxembourg) tél-fax .... " ;
« que la deuxième de ces annonces a également été publiée dans la revue Abeille de France et l'apiculteur de juillet-août 2003 ;
« que l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle prohibe la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, l'article L 713-3 du même code interdisant l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement dès lors qu'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public ;
« que comme l'ont justement relevé les premiers juges, la première annoncé précitée contient la reproduction à l'identique de la marque " Buckfast " pour des abeilles, l'abeille étant un produit désigné dans l'enregistrement de cette marque, et s'agissant de la seconde annonce, l'usage du terme " Buck " génère, en raison de sa ressemblance avec le terme " Buckfast " et du fait qu'il a trait à des abeilles, un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque litigieuse ;
« que ce faisant Monsieur Z... a commis des actes de contrefaçon de marques engageant sa responsabilité à l'égard du titulaire de la marque ;
« que la contrefaçon de marque a incontestablement causé un préjudice moral au titulaire de cette marque et une inquiétude quant aux répercussions qu'elle pouvait avoir sur sa notoriété et le sérieux de son travail ;
« qu'ainsi les premiers juges lui ont justement alloué une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts (…) »,
ALORS QUE 1°), le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; que Monsieur Z... faisait valoir que le terme « Buckfast » était employé de façon usuelle et nécessaire, dans le milieu apicole, pour désigner un type d'abeille, créé en 1929 par le Frère Adam en Angleterre ; qu'il ressort de l'arrêt attaqué que « l'abeille Buckfast » descend « d'une ou plusieurs souches précises » et présente des « caractéristique spécifiques » ; qu'en jugeant que le terme « Buckfast » aurait eu un caractère distinctif et aurait pu être déposé à titre de marque en 1981, aux motifs inopérants que, « dans les années 1980, Raymond Y... était le seul en France à « créer » des Buckfast », et que « les publications faisant état du développement de ces abeilles datent de 2001, 2002, 2003 », sans rechercher si, au moment du dépôt de la marque litigieuse, le terme « Buckfast » était, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire, générique ou usuelle du type d'abeille susvisé, créé pour la première fois en 1929, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle,
ALORS QUE 2°), subsidiairement, l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation d'une dénomination qui, à l'époque de la prétendue contrefaçon, constitue, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle d'un produit ou d'un service ; qu'en jugeant que Monsieur Z... aurait commis une contrefaçon de la marque « Buckfast » en ayant employé les termes « Buck » ou « Buckfast », sans rechercher si, à l'époque des faits reprochés, ces termes étaient, dans le langage courant ou professionnel, la désignation nécessaire ou usuelle d'un certain type d'abeille, et si Monsieur Z... avait employé ces termes dans leur signification habituelle et courante, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle,
ALORS QUE 3°), subsidiairement, le champ d'application de l'article L. 713-6 b) du Code de la propriété intellectuelle n'est pas limité aux pièces détachées ou aux accessoires ; qu'en jugeant que Monsieur Z... n'aurait pas été fondé à se prévaloir du texte susvisé, au motif erroné que ce texte ne s'appliquerait qu'à la commercialisation de pièces détachées ou d'accessoires, la Cour d'appel a violé l'article L. 713-6, b) du Code de la propriété intellectuelle,
ALORS QUE 4°), l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du signe ou d'un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service ; qu'en jugeant que Monsieur Z... aurait commis une contrefaçon de la marque « Buckfast » en ayant employé les termes « Buck » ou « Buckfast », sans rechercher si l'emploi de ces termes était le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur la destination des produits mis en vente par l'exposant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-6, b) du Code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-24725
Date de la décision : 02/11/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 13 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 nov. 2011, pourvoi n°10-24725


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.24725
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