LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 juin 2010) que par acte notarié des 12 et 17 juillet 1989, les sociétés Natiocréditbail, Paricomi et Bail entreprises, aux droits de laquelle vient la Compagnie européenne d'opérations immobilières - BIE (les crédit-bailleurs), ont conclu avec la société des Eaux de Luxeuil (la société) un contrat de crédit-bail immobilier dont Mme X... (la caution) s'est rendue caution ; qu'à la suite de la défaillance de la société, les crédit-bailleurs ont assigné la caution en exécution de ses engagements ; que celle-ci s'est opposée à cette demande, en invoquant la nullité de l'acte notarié, l'absence de preuve de son engagement et la responsabilité des crédit-bailleurs ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la caution fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer aux crédit-bailleurs la somme de 457 347,05 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1991, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions, elle soutenait que la photocopie de la copie exécutoire de l'acte des 12 et 17 juillet 1989 comportait "une page 68 altérée comportant la signature de Mme Y..., notaire, qui n'existe pas sur l'original de la minute" ; qu'en ne répondant, par aucun motif, à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'aux termes des dispositions de l'article 1335 du code civil, lorsque le titre original n'existe plus, les premières expéditions font la même foi que l'original et constaté que l'original de l'acte authentique a été détruit à l'issue d'une procédure pénale, que les crédit-bailleurs ont engagé leur action à l'encontre de la caution sur la base d'une copie exécutoire délivrée par le notaire le 11 décembre 1991, l'arrêt retient qu'en l'absence d'inscription de faux, c'est en vain que la caution conteste l'exactitude des faits personnellement constatés par l'officier public, tels qu'il les a transcrits dans l'acte dressé par lui ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et appréciations faisant ressortir que cette copie exécutoire permettait d'établir la preuve de l'engagement de la caution, la cour d'appel a répondu en les écartant aux conclusions prétendument délaissées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la caution fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la circonstance que la caution ait exercé la profession de salariée de directrice d'établissement thermal, ait été titulaire de mille actions de la société Thermalium et ait été nommée administratrice de la société des Eaux de Luxeuil le 5 avril 1989, soit trois mois avant la signature de l'engagement de caution litigieux, ne suffisait pas à en faire une caution avertie ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en se bornant à énoncer, contrairement à ce qu'affirmait la caution, qu'il est avéré qu'elle était propriétaire d'un bien immobilier, sur lequel les crédit-bailleurs avaient d'ailleurs pris des garanties, sans préciser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la cour d'appel qui constatait que la caution, qui n'avait d'autres revenus qu'un salaire de 18 000 francs, soit 216 000 francs annuels, s'était portée caution à concurrence de 3 000 000 francs, représentant près de quatorze années de salaires, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en énonçant "qu'aucune disproportion n'est caractérisée entre l'engagement sollicité par les crédit-bailleurs et le patrimoine de la caution", violant ainsi l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que loin de se borner à constater que la caution exerçait la profession de directrice d'établissement thermal, était titulaire de mille actions de la société Thermalium et avait été nommée administratrice de la société le 5 avril 1989, l'arrêt relève qu'elle exerçait des fonctions de responsabilité, disposait de connaissances et d'une expérience dans le domaine du thermalisme et de la gestion des établissements thermaux et qu'elle était intéressée à l'opération en raison des avantages qu'elle entendait tirer de l'exploitation des établissements thermaux; qu'ayant ainsi considéré que la caution était avertie et, dès lors qu'il n'était ni démontré, ni allégué, que les crédit-bailleurs auraient eu sur les revenus de cette dernière, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées, la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué grief par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux sociétés Natiocréditbail, Paricomi et Compagnie européenne d'opérations immobilières la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour Mme Z...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Z... à payer aux sociétés Natiocrédibail, Paricomi et Compagnie Européenne d'Opérations Immobilières la somme de 457.347,05 €, outre intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1991,
AUX MOTIFS QUE
« Madame Z... oppose la nullité de l'acte notarié des 12 et 17 juillet 1989, motif pris de l'absence de signature par l'un des notaires instrumentaires, en violation des articles 10 et 23 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, dans leur rédaction en vigueur à la date de constitution du titre ...
A la lecture de la lettre du 16 septembre 1989, du Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris, il est à présent avéré que l'original de l'acte contesté a fait l'objet d'un scellé qui a été détruit à l'issue de la procédure pénale. Cette circonstance ne caractérise aucune impossibilité pour les appelantes de rapporter la preuve de l'engagement de caution dès lors que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article 1335 du Code Civil que lorsque le titre original n'existe plus, les premières expéditions font la même foi que l'original, et que, d'autre part, les créancières ont engagé leur action à l'encontre de Madame Z... sur la base d'une copie exécutoire qui leur avait été délivrée par le notaire le 11 décembre 1991 ...
A l'examen de la copie exécutoire de l'acte daté du 12 et du 17 juillet 1989, il apparaît que Madame Z... s 'est engagée en qualité de caution solidaire de la Société des Eaux de Luxeuil à hauteur d'une somme de 3.000.000 F. Compte tenu de la dette de la débitrice principale, il y a lieu, par voie de réformation de la décision déférée, de faire droit aux demandes des appelantes, pour un montant de 457.347, 05 € outre intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1991, date de la mise en demeure »,
ALORS QUE
Dans ses conclusions d'appel (p. 5), l'exposante soutenait que la photocopie de la copie exécutoire de l'acte des 12 et 17 juillet 1989 produite par les appelantes comportait « une page 68 altérée comportant la signature de Maître Y..., notaire, qui n'existe pas sur l'original de la minute » ; qu'en ne répondant, par aucun motif, à ces conclusions, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Madame Z... à payer aux sociétés Natiocrédibail, Paricomi et Compagnie Européenne d'Opérations Immobilières la somme de 457.347,05 ., outre intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1991,
AUX MOTIFS QUE
« il résulte des productions qu 'à la date de son engagement de caution, Madame Z... était employée par la société Perrier Vittel France en qualité de directrice d'établissement thermal, moyennant un salaire net mensuel moyen de 18.000 F. Titulaire de 1.000 actions de la société Thermalium, elle a été nommée administratrice de la société des eaux de Luxeuil le 5 avril 1989. En considération des fonctions de responsabilité exercées par l'intéressée, de ses connaissances et de son expérience dans le domaine du thermalisme et de la gestion des établissements thermaux, Madame Z... doit être considérée comme une caution avertie. Contrairement à ce qu 'elle affirme, il est avéré qu 'elle était propriétaire d'un bien immobilier, sur lequel les appelantes avaient d'ailleurs pris des garanties, et dont la vente a été attaquée par le biais d'une action paulienne. En considération des revenus de Madame Z... importants pour l'époque, de l'existence d'une patrimoine immobilier et des avantages que Madame Z..., en tant que caution intéressée à I 'opération, entendait tirer de l'exploitation des établissements thermaux de Luxeuil, aucune disproportion n'est caractérisée entre l'engagement sollicité par les crédit-bailleurs et le patrimoine de la caution. La faute imputée aux créanciers par Madame Z... n 'étant pas établie, c 'est en vain qu'elle oppose la compensation de la créance des appelantes avec une créance indemnitaire pour manquement par ces mêmes créanciers à l'obligation de bonne foi, étant précisé qu'elle n 'établit nullement que les crédit-bailleurs disposaient, sur la viabilité de l'opération financée, des informations qui lui faisaient défaut »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
La circonstance que Madame Z... ait exercé la profession salariée de Directrice d'établissement thermal, ait été titulaire de 1.000 actions de la société Thermalium et ait été nommée administratrice de la société des eaux de Luxeuil le 5 avril 1989, soit trois mois avant la signature de l'engagement de caution litigieux, ne suffisait pas à en faire une caution avertie ; qu'en se déterminant ainsi, la Cour d'Appel a donc violé l'article 1147 du Code Civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
En se bornant à énoncer que, contrairement à ce qu'anisait Madame Z..., « il est avéré qu'elle était propriétaire d'un bien immobilier, sur lequel les appelantes avaient d'ailleurs pris des garanties », sans préciser ni analyser les éléments de preuve sur lesquels elle se fondait, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile,
ALORS, ENFIN, QUE
La Cour d'Appel, qui constatait que Madame Z..., qui n'avait d'autres revenus qu'un salaire net mensuel de 18.000 F., soit 216.000 F. annuel, s'était portée caution à concurrence de 3.000.0000 F., représentant près de 14 années de salaire, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en énonçant que « aucune disproportion n 'est caractérisée entre l'engagement sollicité par les crédit-bailleurs et le patrimoine de la caution », violant ainsi l'article 1147 du Code Civil.