La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/10/2011 | FRANCE | N°10-12040

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 octobre 2011, 10-12040


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la Caisse Interfédérale de Crédit Mutuel (la Caisse) le 1er janvier 1973 en qualité d'assistant d'étude et de gestion, a été licencié pour faute grave par lettre du 26 juillet 2007 ;
Attendu que pour dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et condamner la Caisse à lui payer diverses sommes à titre d'indemnités et à rembourser à Pôle Emploi Bretagne les in

demnités versées dans la limite de six mois de prestations, l'arrêt retient que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L1232-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la Caisse Interfédérale de Crédit Mutuel (la Caisse) le 1er janvier 1973 en qualité d'assistant d'étude et de gestion, a été licencié pour faute grave par lettre du 26 juillet 2007 ;
Attendu que pour dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse et condamner la Caisse à lui payer diverses sommes à titre d'indemnités et à rembourser à Pôle Emploi Bretagne les indemnités versées dans la limite de six mois de prestations, l'arrêt retient que la lettre de licenciement était trop imprécise pour permettre au salarié de connaître les griefs qui lui étaient faits et au tribunal d'exercer son contrôle sur la réalité et le sérieux de ceux-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement mentionnait qu'en dépit d'un avertissement le salarié avait renouvelé des négligences graves dans l'exercice de ses activités professionnelles et persistait dans ses problèmes relationnels avec ses collègues de travail, ce qui constituait l'énoncé d'un grief matériellement vérifiable qui pouvait être précisé et discuté devant les juges du fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne M.
X...
et Pôle emploi aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Caisse interfédérale de crédit mutuel
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur
X...
était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la CAISSE INTERFEDERALE DE CREDIT MUTUEL à lui payer 75. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que des sommes à titre d'indemnités de préavis, de congés payés afférents, de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ainsi que les congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à rembourser à POLE EMPLOI BRETAGNE les indemnités versées à Monsieur
X...
dans la limite de six mois de prestations ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des écritures et pièces des parties que Monsieur Bernard
X...
, embauché le premier janvier 1973 en qualité d'assistant d'étude et de gestion statut cadre, a poursuivi sa carrière sans incident jusqu'au 21 mars 2007, date à laquelle lui était notifié un avertissement en ces termes ; " Nous avons été amenés à constater d'importantes négligences de votre part, caractérisées par de nombreuses remises de chèques non créditées sur les comptes des clients, entraînant des réclamations de la part de ces derniers. A cela s'ajoutent des problèmes relationnels avec vos collègues de travail, ainsi que des infractions aux règles régissant les horaires de travail " ; que Monsieur
X...
était affecté au département chèques et fiduciaire ; qu'il n'a pas contesté, de manière officielle en tous cas, cette sanction ;
QUE par courrier recommandé du 26 juillet 2007, il était licencié en ces termes : " Suite à l'entretien du 29 juin et à la lettre du 4 juillet, vous avez sollicité la réunion du conseil de discipline. Celle-ci s'est tenue le 24 juillet. Les conclusions du conseil ont été transmises au directeur général qui m'a fait part de sa décision de maintenir la sanction envisagée. En application de cette décision, je vous notifie par la présente votre licenciement sans indemnité ni préavis. Cette mesure est motivée par les faits suivants : En dépit d'un avertissement en date du 21 mars, nous avons dû déplorer le renouvellement de négligences graves dans l'exercice de vos activités professionnelles, ainsi que la persistance de problèmes relationnels avec vos collègues de travail "
QUE la sanction d'un salarié par un licenciement sans préavis ni indemnité équivaut à l'évocation d'une faute grave. Celle-ci résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La preuve de cette faute incombe à l'employeur ; que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, elle se doit d'être motivée afin d'une part, de permettre au salarié de connaître les griefs qui lui sont faits, afin de préparer sa défense, et d'autre part, de permettre au tribunal éventuellement saisi d'exercer son contrôle sur la réalité et le sérieux de ceux-ci ;
QU'en l'espèce, le courrier adressé à monsieur
X...
ne fait état que de « négligences graves » sans précisions, et de « problèmes relationnels », sans précisions, notamment quant à l'imputabilité de ces difficultés au salarié visé ; que ce courrier, par trop imprécis pour répondre aux critères sus-énoncés est totalement insuffisant pour caractériser la faute grave reprochée, le rappel des faits reprochés dans le cadre de l'avertissement étant sans effet sur cette imprécision ; que le défaut d'énonciation de motifs précis équivaut à une absence de motif et cette absence emporte illégitimité du licenciement de monsieur
X...
.
QU'ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, monsieur
X...
a droit au paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement, dont les quantums ne sont pas discutés ; que Monsieur
X...
avait une ancienneté de 34 ans, il a été licencié dans sa 59ème année, sans possibilité de retrouver un emploi ; que la Cour estime à la somme de 75. 000 € la légitime indemnisation de son préjudice ; qu'il sera fait droit à la demande de PÔLE EMPLOI, dans la limite de six mois de prestations.
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES PAR LA COUR D'APPEL QUE le Crédit Mutuel de Bretagne reproche à M.
X...
des insuffisances professionnelles réitérées ainsi que des difficultés relationnelles constantes avec ses collègues et son supérieur hiérarchique ; que s'agissant des insuffisances professionnelles, le Crédit Mutuel de Bretagne invoque faits suivants : 1/ oubli d'expédition, le 22 mars 2007, de chèques impayés et de divers documents, à COFINOGA ; ce fait est reconnu par M.
X...
qui d'ailleurs s'en est expliqué immédiatement et a affirmé avoir fait le nécessaire dès le lendemain matin pour régulariser cet oubli qui, par ailleurs, n'a apporté aucun préjudice au Crédit Mutuel de Bretagne ; 2/ n'avoir pas enregistré le 22 mars 2007, 2 chèques déposés lors d'une remise client, ces chèques ayant été retrouvés par son responsable hiérarchique dans la poubelle de M.
X...
; 3/ n'avoir pas enregistré, le 13 avril 2007, 3 chèques déposés lors d'une remise client, ces chèques ont été retrouvés dans leur pochette de dépôt et dans la poubelle de M.
X...
; 4/ n'avoir pas enregistré, le 24 mai 2007, 68 chèques déposés lors de 7 remises client différentes, ces chèques ayant été retrouvés dans la poubelle de M.
X...
;

QU'à chaque fois, M.
X...
a répondu, par courriel, aux messages de son supérieur hiérarchique l'informant de ces faits ;
QUE le Conseil constate que les « contrôles » de contenu des poubelles de M.
X...
ont, à chaque fois, été effectuées par M. Y..., son supérieur hiérarchique, en présence de collègues de M.
X...
et alors que celui-ci n'est plus présent dans les locaux de l'entreprise ; que lors du Conseil de Discipline du 7 juillet 2007, les représentants des salariés avaient pointé cette singularité, reconnue alors par la Direction du Crédit Mutuel de Bretagne en ces seuls termes « la Direction convient de la singularité de la situation mais maintient ses accusations » ; que l'un des membres salariés du Conseil de Discipline atteste avoir consulté les 3 salariés du centre de traitement des opérations bancaires sur les possibles dysfonctionnements dans le traitement des remises de chèque ; ces salariés ont admis qu'étant donné le nombre d'opérations traitées, il y avait inévitablement des erreurs administratives du type « chèque resté dans une enveloppe » et que c'était un problème général bien connu des salariés du service ; que l'un des salariés ayant vérifié le contenu de la poubelle de M.
X...
atteste avoir fait ces vérifications « suite aux réclamations de notre clientèle » et en présence d'un ou plusieurs autres salariés du service ; que les réclamations de clientèle, invoquées par le Crédit Mutuel de Bretagne à plusieurs reprises, ne sont pas avérées ; aucun élément à ce sujet n'est communiqué au Conseil ; qu'un éventuel préjudice financier des manquements de M.
X...
pour le Crédit Mutuel de Bretagne n'est pas avéré ; aucun élément en ce sens n'est fourni au Conseil ; que le Crédit Mutuel de Bretagne n'a pris aucune mesure pour rendre incontestables les vérifications qu'il a effectuées dans les poubelles de M.
X...
et, en particulier, a toujours évité de faire ces vérifications en sa présence ; que le Crédit Mutuel de Bretagne n'apporte aucun élément sur des mesures semblables effectuées sur d'autres postes et à propos d'éventuelles recherches sur l'origine réelle des chèques retrouvés dans la poubelle de M.
X...
, en particulier le 24 mai 2007 ; que le Conseil de Discipline n'a pas exprimé un avis en faveur ou en défaveur du licenciement de M.
X...
: les voix des 4 membres de ce Conseil ayant été partagées ; qu'en conséquence, le Conseil juge que le caractère réel de ce motif d'insuffisance professionnelle invoqué par le Crédit Mutuel de Bretagne n'est pas avéré ;
QUE, s'agissant des difficultés relationnelles de M.
X...
avec ses collègues, le Crédit Mutuel de Bretagne précise que M.
X...
avait des relations compliquées avec ses collègues ce qui l'avait conduit, dès 2006, à mettre M.
X...
dans un bureau isolé (sans collègue) ; que malgré cela, il lui était arrivé à plusieurs reprises d'avoir des altercations avec son entourage, y compris son supérieur hiérarchique, lors de ses déplacements dans son environnement immédiat ; que ces affirmations sont corroborées exclusivement par des témoignages de personnes impliquées directement (M. Z..., M. Y...) ou ayant assisté à l'une de ces altercations début juin 2007 (M. A...) ; que selon le Crédit Mutuel de Bretagne tout cela perturbe l'ambiance de travail du service de M.
X...
ainsi que son fonctionnement ;
QUE le Conseil constate que l'attitude de M.
X...
avait conduit le Crédit Mutuel de Bretagne à l'isoler dans un bureau seul, pour qu'il ne soit plus en contact permanent avec ses collègues ; que le Conseil de Discipline a évoqué ce sujet et la Direction du Crédit Mutuel de Bretagne avait alors reconnu que « la pression exercée depuis plusieurs mois sur l'intéressé était de nature à le déstabiliser et constituait défait un facteur négatif sur le plan des relations dans l'équipe de travail » ; qu'il est difficile de faire la part réelle des responsabilités du salarié dans la détérioration de ses relations de travail avec son entourage, responsable hiérarchique y compris, cependant l'attitude de M.
X...
et ses sautes d'humeur étaient très certainement de nature à perturber le fonctionnement de l'entreprise dans la mesure où elles pouvaient perturber la cohésion et la sérénité de l'équipe dans laquelle il travaillait ; que bien que cette attitude lui avait été reprochée dans l'avertissement de mars 2007, M.
X...
ne s'était pas remis en cause ; que le Conseil de Discipline n'a pas exprimé un avis en faveur ou en défaveur du licenciement de M.
X...
: les voix des 4 membres de ce Conseil ayant été partagées ;
QU'En conséquence, le Conseil juge que le reproche relatif aux difficultés relationnelles, formulé par le Crédit Mutuel de Bretagne, présente un caractère réel et est un motif suffisamment sérieux pour justifier le licenciement de M.
X...
; que l'un des motifs invoqués par le Crédit Mutuel de Bretagne présentant un caractère réel et sérieux, le Conseil juge que le licenciement de M.
X...
est fondé ;
QUE cependant, les faits imputables à M.
X...
, eu égard en particulier qu'ils n'ont pas une origine récente et qu'ils se sont perpétués, n'ont pas une importance suffisante pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le qualificatif de faute grave n'est donc pas avéré ; que le Conseil déclare le licenciement de M.
X...
pour cause réelle et sérieuse ; qu'en conséquence, la mise à pied à caractère conservatoire prononcée le 15 juin 2007 n'est pas justifiée, une indemnité compensatrice du salaire due pour cette période est attribuée à M.
X...
; de plus, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que une indemnité de licenciement conventionnelle sont également attribués à M.
X...
;
ALORS QUE, dans la lettre de licenciement, l'employeur faisait grief au salarié de « négligences graves dans l'exercice de vos activités professionnelles » et de « persistance de problèmes relationnels avec vos collègues de travail », ce qui constituait l'énoncé de motifs précis et vérifiables exigé par la loi ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail ;
ET ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en estimant que ne constituaient pas une faute grave les difficultés relationnelles de Monsieur
X...
avec ses collègues, au motif que les faits qui lui étaient imputables, n'avaient pas une origine récente et qu'ils s'étaient perpétués, tout en constatant que l'attitude de Monsieur
X...
avait conduit son employeur à l'isoler dans un bureau seul pour qu'il ne soit plus en contact permanent avec ses collègues, et qu'il avait reçu un avertissement le 21 mai 2007, pour le même motif, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-12040
Date de la décision : 25/10/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 oct. 2011, pourvoi n°10-12040


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.12040
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award