LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches tel qu'il figure au mémoire en demande et est reproduit en annexe au présent arrêt :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 juin 2010) que, par acte notarié du 11 février 1993, M. Christian X..., Mme Y... épouse X... et M. François X... se sont reconnus solidairement débiteurs envers M. Primo Z... d'une somme de 3 300 000 francs pour prêt de pareille somme qu'il leur avait fait, le remboursement étant notamment garanti par l'affectation hypothécaire d'un immeuble appartenant à M. François X... et à son épouse, Claudine A... ; que Primo Z... est décédé le 13 août 1997 en laissant pour lui succéder Roselyne, Valérie et Nathalie Z... (les consorts Z...) ; que M. François X... et Mme Claudine X... ont assigné celles-ci afin de voir annuler l'acte du 11 février 1993 pour défaut de cause ; qu'à la suite de la cassation (Civ. 1ère, 5 juillet 2006, pourvoi n° U0413235) d'un premier arrêt rendu le 10 février 2004 par la cour d'appel de Poitiers puis d'un second, en date du 22 avril 2008 (Civ. 2ème, 9 juillet 2009, pourvoi n° G0817289), la cour d'appel, statuant sur renvoi, a rejeté leurs demandes ;
Attendu, d'abord, que l'arrêt attaqué relève, sans dénaturer l'acte du 11 février 1993, que celui-ci comporte reconnaissance, par M. François X..., de sa dette née du prêt litigieux en observant qu'il a pu s'engager au titre de l'emprunt de sommes perçues par l'un de ses codébiteurs solidaires ; qu'ensuite, c'est à juste titre que la cour d'appel a retenu qu'il appartenait à M. François X... et à Mme A..., qui contestaient l'existence de la cause de cet engagement, d'apporter la preuve de leurs allégations avant de constater que cette preuve n'était pas rapportée ; que le moyen, qui critique en sa quatrième branche des motifs surabondants, n'est fondé en aucun de ses griefs ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer aux consorts Z... la somme de 3 000 euros, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté François X... et Claudine A... de tous leurs chefs de prétention ;
AUX MOTIFS QUE « Le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit, tel le prêt litigieux de 3. 300. 000 francs accordé par Monsieur Primo Z..., est un contrat réel qui suppose la remise d'une chose. Dans ce contrat, la remise de la somme prêtée constitue à la fois une condition de formation du contrat, qui n'existe pas tant que la chose prêtée n'est pas remise à l'emprunteur, et la cause de l'obligation de l'emprunteur, puisque le propre des contrats réels est d'engendrer l'obligation de restituer ce qu'on a reçu. Dès lors que l'existence de la cause se confond ainsi avec celle du contrat lui-même, la demande en nullité pour absence de cause ne se distingue pas de celle en constatation de l'inexistence du contrat pour absence de remise, et les deux actions-doivent relever l'une et l'autre du même régime de prescription. L'exigence d'effectivité d'une-remise des fonds ne visant pas essentiellement la protection particulière des intérêts du demandeur à l'action, et constituant un élément objectif requis pour que le rapport d'obligations puisse se-créer, ce régime n'est pas celui de la nullité relative institué par l'article 1304 du code civil invoqué par les consorts Z.... Par infirmation du jugement entrepris, il y a donc lieu de rejeter leur moyen d'irrecevabilité de la demande tiré de ce que la prescription quinquennale serait acquise. S'agissant en second lieu de l'ordonnance d'admission de créance rendue le 10 septembre 1999 par le juge de la procédure collective de Christian et Aline X..., la question de l'incidence qui s'attache à une telle décision passée en force de chose jugée, dans les rapports entre le créancier et le codébiteur solidaire, relève du fond du litige et non pas du domaine de la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée au sens de l'article 122 du code de procédure civile. Sur le fond des demandes. L'acte notarié du 11 février 1993 intitulé " Obligation par Monsieur et Madame X.../ Y... et Monsieur François X... à Monsieur Primo Z... " énonce en liminaire que Christian, Aline et François X... agissent solidairement pour tous les droits et obligations résultant du présent acte et y sont dénommés " l'emprunteur " sans que cette dénomination puisse nuire à la solidarité ainsi stipulée (cf page 1), puis que son objet est constitué de conventions de prêt (page 2, § 2) ; il relate (p. 2) que Monsieur Z... avait consenti le 3 janvier 1991 à titre personnel à Christian X... un prêt d'1. 200. 000 francs sur lequel il reste dû 800. 000 francs ; il expose (p. 3) que Monsieur Z..., dans le cadre de la restructuration de la trésorerie de l'ensemble du Groupe AVS, accepte de consentir un nouveau prêt de 2. 500. 000 francs sous réserve d'obtenir garanties hypothécaires, cautions hypothécaires et délégation d'assurancevie, et ceci exposé énonce dans les termes suivants (p. 4) qu'" il est passé aux conventions de PRÊT, arrêtées directement entre les parties " : PRÊT M. Et Mme Christian X..., et M François X..., comparants de seconde part, reconnaissent, par les présentes, devoir légitimement à M Primo Z..., comparant d'une part, qui accepte, la somme de TROIS MILLIONS TROIS CENT MILLE FRANCS (3. 300. 000 Frs), pour prêt de pareille somme qu'il leur a fait, à concurrence de HUIT CENT MILLE FRANCS (800. 000 Frs), dès avant ce jour, et en dehors de la comptabilité du notaire soussigné, ainsi qu'il résulte du prêt énoncé en l'exposé qui précède-et DEUX MILLIONS CINQ CENT MILLE FRANCS (2. 500. 000 Frs), à l'instant même, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné " ; REMBOURSEMENT-INTÉRÊTS " L'emprunteur " s'oblige à rembourser la somme prêtée, soit 3. 300. 000 Francs, au " prêteur " dans un délai de trois ans à compter du 10 avril 1994 et mensuellement, soit jusqu'au 10 mars 1997, cette mensualité étant de 91 667, F. " L'emprunteur " s'oblige en outre à servir au " prêteur " jusqu'au remboursement intégral les intérêts au taux de 15 % l'an sur la totalité du capital soit 3. 300. 000 F … " L'emprunteur s'engage à reverser immédiatement la somme de Deux millions cinq cent mille francs à la SA " AVS Holding "... "... Il s'agit bien là d'une reconnaissance de dette de la part de François X.... Or l'article 1132 du code civil, en ce qu'il dispose que la convention est valable quoique la cause n'en soit pas exprimée, met la preuve du défaut de la cause à la charge de celui qui l'invoque. La cause du contrat de prêt étant, comme il vient d'être dit, constituée par la remise de la chose qui est aussi une condition de la formation du prêt consenti par un particulier, les consorts Z... sont fondés à soutenir que c'est aux demandeurs, puisqu'ils contestent l'existence de la cause de cette reconnaissance de dette et subsidiairement l'existence même du prêt, d'apporter la preuve de leurs allégations, et cette preuve-contrairement à ce que les demandeurs déclarent considérer-requiert la démonstration de l'absence de remise de la somme mentionnée dans la reconnaissance de dette, et non pas seulement l'absence de remise des fonds à François X... ou à un tiers pour son compte, monsieur X... ayant pu valablement s'engager en qualité de codébiteur solidaire au titre de l'emprunt de sommes perçues par l'un de ses codébiteurs solidaires. Cette preuve n'est pas rapportée par les demandeurs, et elle est au demeurant incompatible avec le caractère définitif de la chose jugée par le juge compétent de la procédure collective. Par ordonnance du 10 septembre 1999, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Christian et Aline X... a en effet admis à titre privilégié pour la somme d'1. 949. 046, 40 francs la créance que monsieur Z... avait expressément (cf pièce n° 4) déclarée au titre du prêt consenti par acte notarié du 11 février 1993 ; cette décision d'admission sans contestation a été notifiée au créancier, ainsi qu'il en est justifié (pièce n° 6), il n'est pas allégué qu'elle aurait fait l'ob jet d'une réclamation, et plus généralement son caractère définitif n'est pas contesté (cf notamment page 15 des conclusions des demandeurs), de sorte que la décision d'admission, devenue irrévocable, est opposable au codébiteur solidaire qu'est François X... tant en ce qui concerne l'existence que le montant de la créance, et donc nécessairement pour ce qui est de l'existence même du prêt considéré. Il convient en conséquence de débouter François X... et Claudine A... de tous leurs chefs de prétentions, et de mettre les entiers dépens d'appel à la charge de François X..., demandeur principal qui succombe en son action » ;
1°) ALORS, D'UNE PART, QUE la remise des fonds à l'emprunteur est une condition d'existence du prêt consenti par un prêteur nonprofessionnel de telle sorte qu'il revient à ce dernier, qui réclame l'exécution par l'emprunteur de son obligation de restitution, de rapporter la preuve de cette remise ; qu'en l'espèce la Cour constatait que Monsieur François X... contestait l'existence même du prêt de sorte que la Cour devait s'assurer que la preuve était rapportée de la remise des fonds ; qu'en s'abstenant de le faire la Cour a violé les articles 1315 et 1892 du Code civil ;
2°) ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'acte notarié du 11 février 1993, qui faisait foi jusqu'à inscription de faux, mentionnait en page 4, sous l'intitulé « PRET » : « M. et Mme Christian X..., et M. François X..., comparants de seconde part, reconnaissent, par les présentes, devoir légitimement à M. Primo Z..., comparant d'une part, qui accepte, la somme de TROIS MILLIONS TROIS CENT MILLE FRANCS (3. 300. 000 Frs), pour prêt de pareille somme qu'il leur a fait, à concurrence de :- HUIT CENT MILLE FRANCS (800. 000 Frs), dès avant ce jour et en dehors de la comptabilité du notaire soussigné, ainsi qu'il résulte du prêt énoncé en l'exposé qui précède ;- et DEUX MILLIONS CINQ CENT MILLE FRANCS (2. 500. 000 Frs), à l'instant même, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné » ; qu'il résulte des termes clairs et précis de cette stipulation que l'acte mentionnait l'existence d'un prêt personnellement consenti à M. François X..., lequel avait donc la qualité d'emprunteur ; que son obligation à remboursement était subordonnée à la condition que la preuve soit faite d'une remise effective des fonds entre ses mains ; que la Cour d'appel qui, pour dispenser les consorts Z... de rapporter la preuve de cette remise, énonce qu'il suffisait, pour assurer la validité du prêt, et obliger M. François X... à le rembourser, d'établir qu'une remise avait été faite à l'une quelconque des deux parties à l'acte, M. François X... ayant pu valablement s'engager en qualité de codébiteur solidaire au titre de l'emprunt de sommes versées à l'un d'eux, dénature les termes clairs et précis de l'acte notarié susvisé, en violation de l'article 1134 du Code Civil ;
3°) ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la Cour d'Appel qui, au prétexte que l'acte de prêt comportait l'engagement de l'emprunteur de rembourser les sommes prêtées par le prêteur, qualifie la convention en cause de « reconnaissance de dette » pour en déduire que la preuve de l'absence de remise des fonds incombait à l'emprunteur lui-même, et non au prêteur, viole les articles susvisés, ensemble les articles 1132, 1326 et 1905 et suivants du Code Civil ;
4°) ALORS, ENFIN, QUE l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'ordonnance du juge commissaire ayant admis pour un certain montant une créance est inopposable au codébiteur solidaire qui conteste l'existence même de la créance admise partiellement par le juge commissaire ; qu'en l'espèce, la Cour ne pouvait opposer les termes de l'ordonnance du 10 septembre 1999 à Monsieur François X... qui contestait l'existence même du prêt au titre duquel la créance litigieuse avait été déclarée et admise, sans violer les articles 480 du Code de procédure civile et 135 du Code civil.